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@nalyses vol. 5, n°3: Les Entours de l'oeuvre. La littérature française contemporaine par elle-même

@nalyses vol. 5, n°3: Les Entours de l'oeuvre. La littérature française contemporaine par elle-même

Publié le par Amandine Mussou (Source : Jean-François Hamel)

Mathilde Barraband et Jean-François Hamel (dir.), « Les Entours de l'oeuvre. La littérature française contemporaine par elle-même », @nalyses (Université d'Ottawa), vol. 5, n°3 (automne 2010).

ISSN : 17159261

Sommaire en ligne :
http://www.revue-analyses.org/index.php?id=1726

Extrait du texte de présentation : 

« L'histoire de la littérature ne consiste pas seulement dans l'histoire des formes, mais aussi dans l'histoire des idées formulées et agissantes », écrivait Albert Thibaudet dans son Histoire de la littérature française. Le critique attitré de la Nouvelle Revue Française justifiait cet énoncé de méthode en soulignant l'influence de la pensée de Madame de Staël et du groupe de Coppet sur les écrivains des premières décennies du xixe siècle. Plus récemment, Laurent Jenny prolongeait cette réflexion en rappelant, en ouverture d'un essai consacré à la figuration de la pensée dans les mouvements d'avant-garde, que « ce que nous appelons “littérature” ne se conçoit guère sans un corps d'idées, qui pour partie la constitue et pour partie l'interprète et lui donne sens ». Il va sans dire que ni Thibaudet ni Jenny ne rejetaient l'étude des particularités formelles des textes littéraires, pas plus qu'ils n'excluaient de l'histoire de la littérature les déterminations économiques et sociales qui circonscrivent à chaque époque l'espace des possibles. Ils entendaient plus modestement, plus banalement peut-être, rappeler que l'histoire de la littérature est aussi l'histoire de l'idée de littérature.

Loin de demeurer identique à elle-même, l'idée de littérature est l'objet de discussions passionnées, de débats houleux et, parfois, de polémiques violentes. N'ayant ni la rigueur du concept philosophique ni l'univocité de la proposition théorique, elle se manifeste à travers des images récurrentes et des réseaux métaphoriques; elle se déplace au gré des appropriations, variant non seulement d'une époque à l'autre, mais dans un même présent. Si l'idée de littérature s'exprime dans les oeuvres, elle s'explicite souvent davantage dans leurs parerga et leurs entours, c'est-à-dire dans les lieux, parfois marginaux, toujours réflexifs, qui sont destinés à accueillir le commentaire des auteurs sur leur pratique et leur condition. À cet égard, le vaste ensemble de documents que Gérard Genette regroupait sous les catégories du péritexte et de l'épitexte constitue tout à la fois la fabrique et l'archive de l'idée de littérature. Les entretiens, les préfaces, les notes, les conférences, les hommages, les essais critiques, les journaux intimes et la correspondance disent en effet, souvent mieux que les oeuvres elles-mêmes, en quoi celles-ci relèvent d'une certaine idée de la littérature et de son devenir.

L'espace littéraire français contemporain semble multiplier sans fin les lieux propres à mettre en oeuvre cette réflexivité : les éditeurs, les médias électroniques, les institutions culturelles et les universités sollicitent constamment le retour des écrivains sur leur pratique ou celles de leurs pairs. Le succès des collections dédiées aux essais ou aux entretiens d'écrivains, le développement des études universitaires sur les écritures contemporaines, ou encore l'essor des blogs d'écrivains et des sites consacrés à la littérature actuelle ont considérablement élargi l'espace dévolu à la production du commentaire sur la littérature. Force est de constater que les écrivains français contemporains, qu'on disait peu enclins à adopter une posture de penseurs et d'historiens de la littérature, sont en fait nombreux à consacrer des travaux à leurs pairs, à expliciter la genèse de leurs projets d'écriture, à tenter de se situer dans le paysage littéraire et à débattre de l'idée de littérature. Tout se passe comme si la réception de la littérature dans l'espace public exigeait désormais, au même titre que l'art contemporain, le soutien de discours d'accompagnement qui en explicitent les raisons, la valeur et le sens.

L'enjeu principal de ce dossier est de rendre compte des pratiques métalittéraires contemporaines, d'une part en identifiant les lieux où elles trouvent à se développer, d'autre part en tâchant de définir leurs visées et leurs fonctions. Efforts ou refus de définition de ce qu'est la littérature aujourd'hui, ces textes sont travaillés par la représentation, dans le double sens où l'écrivain s'y livre à une tentative de figuration de sa pratique et à la mise en scène de sa propre figure. Le dossier s'attache ainsi à faire apparaître les idées de littérature et les images de l'écrivain qui émanent de cette prolifération de textes « seconds ». Qu'en est-il aujourd'hui des injonctions modernes et avant-gardistes des décennies précédentes? Que sont devenus les thèmes de la littérature comme instrument de connaissance, d'émancipation, de transgression, de transmission? Comment les entours de l'oeuvre contribuent-ils à la construction de l'identité des écrivains dans la filiation ou le rejet de grandes figures du passé (écrivain engagé, intellectuel, clerc, lettré, voyant…)? Il s'agit d'interroger les événements, les idéologèmes qui servent aujourd'hui de socles identitaires, de marqueurs de reconnaissance, d'embrayeurs pour l'imaginaire. En somme, la question est celle-ci : si, de la plume des écrivains français d'aujourd'hui, il ne subsistait que les textes qui entourent le texte, les discours qui redoublent le discours, les parerga qui encadrent les oeuvres, quel visage la littérature des trois dernières décennies donnerait-elle d'elle-même? 

Sommaire :

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