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Article publié
le 06 juin 2011

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2011Juin-Juillet 2011 (volume 12, numéro 6)

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    Servane Michel

    Quand un lecteur de romans arthuriens se met à écrire un roman arthurien…

    Barbara Wahlen, L’Écriture à rebours. Le Roman de Méliadus du XIIIe au XVIIIe siècle, Genève : Droz, coll. « Publications romanes et françaises », 2010, 510 p., EAN 9782600014366.

    1Le vaste chantier que constituent les manuscrits du Roman de Méliadus, roman inédit du xiiie siècle, s’offre à d’innombrables approches. Celle qu’a choisie Barbara Wahlen concilie la rigueur philologique avec la souplesse d’une critique littéraire inspirée des théories de la réception. Le principal intérêt de son travail est de montrer comment l’histoire de ce roman, « roman d’un lecteur de romans arthuriens pour des lecteurs de romans arthuriens1 » est une histoire de la réception : continuation du Tristan en prose, il a lui‑même fait l’objet d’une continuation, de réécritures ou remaniements qui, du xiiie au xviiie siècle, constituent autant de « miroirs des préoccupations littéraires et idéologiques de leur temps2 ». Étudier la longue fortune de ce roman, des manuscrits aux imprimés, de la copie au résumé, permet d’apprécier les jugements contrastés que chaque époque a portés sur la structure, le ton et les valeurs du roman arthurien.

    2Ce regard diachronique guide la progression de l’ouvrage, mais n’empêche pas de tenir ensemble l’étude philologique des manuscrits, une approche structurelle des phénomènes de réécriture ou continuation et, par voie de conséquence, une analyse idéologique de l’esprit qui anime chacune de ces œuvres.

    3La richesse de ce travail vient en particulier de son apport décisif en matière philologique : B. Wahlen a eu accès à un manuscrit appartenant à une collection privée, et jusque là inaccessible aux chercheurs, lequel offre une partie de texte totalement inédite.

    Méthode et postulats critiques

    4À l’origine d’une telle approche se trouve l’importance des interventions métadiscursives du narrateur, du compilateur ou de l’éditeur des versions du Roman de Méliadus. Son prologue, en particulier3, commente l’œuvre de continuation que représente le Guiron4, et témoigne en cela d’une réflexion sur les attentes de ses lecteurs. L’œuvre de continuation — ce qu’est le Méliadus — joue en effet sur les « mondes possibles » ouverts par les romans existants. Le postulat de base de cette étude est donc que « le monde fictif déborde toujours le cadre strict de l’intrigue qui s’y déroule5 ». Dans sa première partie, sur les « pactes de lecture », B. Wahlen s’inspire des travaux de Thomas Pavel, à qui elle reprend les concepts de Magnum Opus et d’univers fictionnel6, ainsi que de la théorie des mondes possibles7. Le cas particulier du Roman de Méliadus illustre le fait que, « quand le lecteur se fait écrivain, ces mondes possibles deviennent récits8 ». Son étude permet donc de saisir la coopération entre scription et réception. La circulation de la matière arthurienne d’une œuvre à l’autre invite B. Wahlen à reprendre à Richard Saint‑Gelais le concept de transfictionnalité9, dérivé de la critique genettienne, pour tenter de définir les principes et la méthode d’une œuvre de continuation : elle « met l’accent sur le récit comme façon de reconstruire ou de déconstruire un monde, d’appréhender une fabrique romanesque qui est avant tout la relecture d’un univers préexistant10 ». Sont ainsi posées la question — structurelle, au‑delà des aléas de la tradition manuscrite — de l’inachèvement, celle de la différence entre suite et continuation, celle de la clôture improbable d’un univers fictionnel, celle de la prophétie — écrite « au futur antérieur » dans le Roman de Méliadus, qui raconte l’“avant” du monde arthurien décrit par les cycles en prose. B. Wahlen analyse également la technique des « clés mémorielles », qui constituent pour le lecteur des points d’ancrage dans le flot des personnages et événements de l’univers de fiction.

    Le Roman de Méliadus dans le paysage arthurien : héritage et glissements idéologiques

    5Écrit après les grands romans arthuriens — Lancelot en prose, Mort Artu, Tristan en prose —, le Roman de Méliadus entend combler les trous laissés béants par ses prédécesseurs — mais sur un mode particulier, car il conte l’histoire des « pères ». Or, loin de remonter aux origines pour expliquer les romans déjà existants, le Roman de Méliadus propose une nouvelle histoire de la chevalerie, dégagée de la téléologie imposée jusque là par le Graal et la mort d’Arthur. Faire, notamment, de Charlemagne l’héritier d’Arthur, au détour d’un épisode proleptique, renverse la perspective : l’échec du roi de Logres, alors, « n’est plus une clôture indépassable11 ».

    6C’est ainsi que le Méliadus explore une troisième voie : il n’encense la chevalerie ni pour ses valeurs courtoises — l’amour, « force négative, aliénante12 », est banni des titres de gloire des meilleurs chevaliers — ni pour le service de Dieu13, mais pour elle‑même. Armes et amours sont dorénavant dissociées : « la prouesse est en quelque sorte consubstantielle au chevalier : elle est sa raison d’être et la fin ultime de son action.14 » En cela le Roman de Méliadus, et plus encore sa Continuation, traduisent la faillite des valeurs courtoises et une démythification de la chevalerie. Cependant il « ne s’agit pas de mettre en scène la décadence ou la crise de la chevalerie, mais d’en réorienter l’idéal15 ». C’est la « bonté de chevalerie » qui devient la valeur absolue, la matière des récits constitutifs du roman.

    Récits, réécritures, reconstruction des aventures

    7Moins entrelacement d’aventures que récits en série d’aventure — à la manière des recueils de nouvelles, auxquelles il a été comparé — le Méliadus se veut avant tout récréatif, à l’usage des lecteurs « ardant et desirant d’escouter li miens dis16 ». En mettant au jour cette revendication du prologue et son actualisation au cours du récit, B. Wahlen travaille à définir quelle pouvait être l’attente des premiers lecteurs de romans arthuriens. Elle met l’accent sur le jeu qui s’établit entre les textes dans la mémoire du lecteur, sur le plaisir de la reconnaissance. Ce faisant, elle cerne la spécificité de ce texte, qui s’apparente au recueil de nouvelles, sans pourtant en être.

    8L’étude de la postérité du Méliadus prolonge cette réflexion. Elle met au jour d’une part la « difficile ligature17 » : la Continuation du Roman de Méliadus, présente dans le seul manuscrit Ferrell 518, enrichit l’étude des procédés et enjeux idéologiques de la réécriture. Elle témoigne d’une plus grande affinité avec la vision eschatologique de l’histoire transmise par des romans comme La Mort le roi Artu ou les romans du cyle Post‑Vulgate, se veut une réorientation de l’esprit du Méliadus, plus fidèle au Lancelot en prose notamment.

    9Avec les imprimés du xvie siècle, le travail sur la matière arthurienne et sur l’univers de fiction qu’elle représente s’enrichit d’un nouvel acteur, l’imprimeur, dont la parole prend sa place dans la chaîne de transmission du conte. À constater les réordonnancements de structure opérés par l’imprimeur, le chercheur en apprend sur le statut, les conditions de la lecture au xvie siècle, sur le goût des lecteurs en ce temps d’essoufflement des romans arthuriens. Les changements d’esthétiques ainsi mis en lumière témoignent d’une « lecture actualisante19 » de la part de l’imprimeur. Cette attitude prévaut également chez les éditeurs de la Bibliothèque universelle des Romans du xviiie siècle20. En relevant les principes qui guident le travail de ces compilateurs — ordonner, éviter toute redite et ne rien laisser perdre — B. Wahlen souligne la contradiction qu’implique une telle entreprise, puisque la tentation de l’exhaustivité ne peut que conduire à des redites. Or, les interventions métadiscursives des imprimeurs manifestent qu’ils sont conscients de ces difficultés. Il en ressort que le souci premier des éditeurs de romans arthuriens aux xvie‑xviiie siècles était celui de la « thésaurisation ». Dans le même temps, toute réécriture, compilation ou continuation s’avère être un processus de resémantisation, qui s’adapte aux goûts particuliers des lecteurs de chaque époque.

    notes

    1 p. 29 et passim.
    2 p. 376.
    3 Édité par Roger Lathuillière (Guiron le Courtois. Étude de la tradition manuscrite et analyse critique, Genève : Droz, 1966), d’après le ms. de Paris, BnF, fr. 338, p. 175-178, il est commun au Roman de Méliadus et au Guiron le Courtois.
    4 Le principal manuscrit (BNF fr 350) contient aussi bien le Roman de Méliadus que le Guiron le Courtois. Sur la relation qu’entretiennent ces deux textes, voir Sophie Albert, « Ensemble ou par pièces ». Guiron le Courtois (XIIIe-XVe siècles), la cohérence en question, Paris : Champion 2010 et le compte rendu qu’en propose Claudio Lagomarsini dans Acta fabula : « Romans, manuscrits, structures cycliques. Repenser “Guiron le courtois” ».
    5 p. 23.
    6 Th. Pavel, Univers de la fiction, Paris : Seuil, 1988.
    7 Voir L. Dolezel, Heterocosmica. Fiction and Possible Worlds, Baltimore : John Hopkins University Press, 1998 et les études réunies par Françoise Lavocat, La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris : CNRS Éd., 2010.
    8 p. 23.
    9 cf Richard Saint-Gelais, « La Fiction hors-cadre », in Les Lieux de l’imaginaire, F. Chassais  et B. Gervais (éd.), Montréal : Liber, 2002, p. 176.
    10 p. 28. La thèse, solide, donne parfois lieu à des formulations excessives, comme lorsque, commentant l’introduction du personnage de Merlin, l’auteur souligne que « ce qui importe, c’est le geste de mise en relation, bien plus que les éléments reliés » (p. 118) — alors que le sens de cette référence au prophète, comme l’auteur le souligne dans ce même paragraphe, est profondément perverti.
    11 p. 86.
    12 p. 93.
    13 Ces deux significations concurrentes de la vocation chevaleresque apparaissent clairement dans la comparaison entre les versions longue et courte du Tristan en prose.
    14 p. 93.
    15 p. 215. Un problème demeure, à l’issue de la démonstration, mais sans trouver de résolution définitive : c’est celui de la concurrence entre un discours moral — voire moralisateur — dans la continuité avec le ton des autres romans arthuriens, et cette revendication de gratuité dans l’exploit chevaleresque, dont la valeur n’est rattachée à aucun système idéologique. Une résolution partielle y est donnée à propos d’Arthur (p. 169‑174), mais non pour l’esprit d’ensemble du roman.
    16 Prologue par Roger Lathuillière (op. cit., p. 178).
    17 C’est le titre du premier chapitre de la troisième partie, consacrée à la Continuation du manuscrit Ferrell 5.
    18 Il s’agit d’une version longue du Roman de Méliadus; le manuscrit appartient à James E. et Elizabeth J. Ferrell, et est mis à la disposition des chercheurs à la Parker Library du Corpus Christi College de Cambridge (désigné comme « ms Ferrell 5 »).
    19 p. 327.
    20 Bibliothèque Universelle des Romans, Genève : Slatkine Reprints, 1969 (= Paris, 1775-1789), 28 vol.

    plan

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    Servane Michel

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    Courriel : michelservane@gmail.com

    pour citer cet article

    Servane Michel, « Quand un lecteur de romans arthuriens se met à écrire un roman arthurien… », Acta fabula, vol. 12, n° 6, Notes de lecture, Juin-Juillet 2011, URL : http://iphone.fabula.org/acta/document6387.php, page consultée le 27 février 2021.

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