Acta fabula
ISSN 2115-8037

2008
Avril 2008 (volume 9, numéro 4)
Marc Douguet

Ce que la peinture fait au cinéma

Jacques Aumont, L’Oeil interminable, 1989, rééd. 2007, La Différence, 345 p. (dont un cahier central de 32 illustrations)

1Paru en 1989, L’Œil interminable est aujourd’hui réédité, revu et augmenté. C'est donc sur une préface intitulée « Vingt ans après » que s’ouvre maintenant le livre : occasion pour J. Aumont d’expliquer les changements qu’il a apportés, occasion de réaffirmer sa thèse tout en la nuançant :

« L’image de cinéma n’a pas, au figurable, le même rapport que l’image de peinture, et cela ne se voit jamais aussi crûment que dans un cas délibérément ignoré par ce livre, parce qu’il était jugé trop superficiel, trop purement visible : la citation. Ma position, délibérément excessive, était que l’image de film n’est jamais si éloignée du geste pictural qu’en ces occasions où elle cite des tableaux. Or la citation, en cinéma, est, je le vois bien aujourd’hui, un geste non pas superficiel ni nécessairement vulgaire, mais qui peut toucher à un essentiel et presque à une essence du cinéma. [ ... ] Moins aveugle, j’aurais pensé à décrire, et à louer, par exemple la manière dont Tarkovski utilise les siennes : la Madonna del Parto dans Nostalghia ; Léonard dans Le Sacrifice, Van Eyck, dans Stalker. Moins obtus, j’aurais imaginé qu’on pouvait, à partir d’une citation, travailler efficacement et productivement la figuration filmique. » (p. 16)

 

2Ce conditionnel permet de cerner le rapport que J. Aumont entretient avec son propre livre : il s’agit, plutôt que de le réécrire ou de le modifier, d’adopter, dans des espaces liminaires (le dernier chapitre, intitulé « P.S., P.S., P.S. », les notes de bas de page), une attitude critique à son égard. D’autre part, ces lignes délimitent la problématique de l’ouvrage, problématique dont on sortira fréquemment dans la richesse foisonnante du développement, qui achoppe bien souvent sur une différence radicale entre peinture et cinéma, et propose aussi bien une réflexion autonome sur le cinéma en lui-même qu’une étude des principes communs à toute image. Le point de départ de cette réflexion pourrait se lire dans la comparaison séduisante que J. Aumont propose :

« Parmi les innombrables analogies, presque toutes dix-neuvième, offertes à propos du cinéma — la caverne de Platon, l’Ève future, le chemin de fer, le cadrage du paysagiste et du photographe — il y en a une qui manque toujours, c'est le Nautilus de Verne : mobilis in mobile. Justement, le cinéma, c'est le mouvement dans le mobile, et même dans le fluide et le labile, ce qui n’en finit pas de bouger. » (p. 10)

3J. Aumont commence par réfléchir sur le mot de Godard (dans la bouche du personnage de J.-P. Léaud dans La Chinoise) selon lequel Lumière était « le dernier peintre impressionniste ». En quel sens, une fois qu’on a évacué les vagues similitudes ente La Partie d’écarté et Les Joueurs de cartes, de Cézanne, ou entre Le Goûter de bébé et Le Déjeuner sur l’herbe ? Pour y répondre, J. Aumont considère dans un premier temps la place des « effets de réalité » dans la production de Lumière : effets quantitatifs tout d’abord (grâce au nombre des figurants, « on s’y ravit de découvrir à la dixième vision un geste, une mimique qui avaient jusque-là échappé : à chaque instant il s’y passe quelque chose, et autant qu’on veut, ou presque » p. 33) comparables à des valeurs picturales contemporaines telles que le fini du détail, la précision, le léché qu’appréciait le public dans l’art pompier. « Ce débordement de réalité de la vue Lumière échappe d’emblée à une part de son héritage — le jouet, le zootrope ou le fantascope, le joujou baudelairien —, et passe d’emblée du côté de l’art, fût-ce encore d’un art mineur » (p. 34).

4Effets qualitatifs ensuite : ce sont les fumées, les buées, les vapeurs, les reflets, que J. Aumont réunit par trois traits communs, et qui nous rapproche bien, cette fois, de l’impressionnisme : l’impalpable, l’irreprésentable et le fugitif. Or, ici, c'est à l’aune du travail pictural, de l’immense effort qu’il lui fallait pour produire de tels effets, et de son échec fréquent dans cette tentative, que s’est mesurée la réussite du cinéma dans le rendu des phénomènes atmosphériques.

5Le second aspect pris en compte par J. Aumont est celui du cadrage : chez Lumière, champ et hors champ sont perméables (avec, par exemple, une locomotive ou des figurants qui ne cessent de transgresser la limite qui les sépare), et cette porosité est due à la faible charge fictionnelle des films : les vues Lumière « soulignent la co-présence du filmeur et du filmé dans un monde référentiel affirmé comme réel, elles mettent l’un et l’autre dans le même bain. » (p. 44)

6J. Aumont étudie ensuite la vogue des panoramas au XIXème siècle en Europe et au États-Unis comme un intermédiaire possible entre peinture et cinéma. Il s’agit tout d’abord de distinguer le panorama (dont le principe est toujours une peinture immense, représentant une vue de ville, de paysage, une scène de bataille, etc.) à l’européenne (une image circulaire contemplée depuis une petite plate-forme centrale) du panorama à l’américaine (et notamment le « moving panorama » : la toile défile devant le spectateur, mimant, par exemple, la descente du Mississipi, parfois cadrée par un décor qui évoque un wagon de chemin de fer). La conclusion s’impose : « Fabriqué comme de la peinture, le panorama est destiné à être vu comme du cinéma. C'est donc paradoxalement le rapport du panorama à la peinture, sa contemporaine, qui pose problème » (p. 65). J. Aumont y voit l’exacerbation de deux caractéristiques du tableau tel qu’il est conçu au XIXème siècle : le goût du grand ; la mise en vedette et l’emphatisation du regard (on songe à K. D. Friedrich).

7Cette étude du panorama appelle un examen plus approfondi de la notion de dispositif, et une comparaison du dispositif pictural et du dispositif cinématographique :

« Il est remarquable que, depuis presque six cents ans qu’elle se présente sous forme de tableaux accrochés à des murs, la peinture ait été vue dans des conditions matérielles beaucoup plus constantes que le cinéma […] Un tableau s’est toujours regardé avec une certaine liberté de la posture, à distance moyenne, sous une lumière, ni trop forte, ni trop faible. » (p. 68)

8Peinture et cinéma possèdent une caractéristique commune : il s’agit de faire voir des images planes. Mais le dispositif cinématographique se distingue par la lumière : « Il y a des musées plutôt sombres et des salles de cinémas pas tellement obscures […] mais la situation normale permet toujours de distinguer sans ambiguïté la lumière projetée qu’est le film et la surface couverte de pigments qu’est le tableau. » (p. 70)

9Le tableau s’inscrit dans le temps de deux manières. Il représente le temps par l’« instant le plus favorable », théorisé par Lessing (dans son Laocoon, 1766). Mais le temps du tableau est aussi celui qu’on prend pour le regarder : il s’agit cette fois d’un « temps oculaire, c'est-à-dire celui de l’exploration par l’œil de la surface de l’image. Chacun sait qu’une image se regarde au moyen d’une série de mouvements, rapides et de faible amplitude, du globe oculaire. L’œil, donc, balaie l’image, mais irrégulièrement, selon un trajet brisé et sans symétries. » (p. 96) Mais ce temps oculaire est aussi bien celui de la première vision rapide, fugitive, ne percevant que les couleurs saturées, les lumière vives, les contrastes frappants, que celui d’une vision prolongée, qui perd toute immédiateté, devient orientée, et où le spectateur commence à rapprocher l’image d’un texte ou d’un intertexte culturel. « À ce stade où interviennent les symbolismes de toutes sortes, le temps du spectateur peut donc finalement être dit avoir quelque rapport avec le temps dans le tableau. »

10J. Aumont explore deux pratiques picturales mettant en jeu le rapport du temps et de l’image : la série et le collage. La série (dont les Vues de Monte Calvo, de P. de Valanciennes ou les Cathédrales de Monet présentent l’état le plus élémentaire) peut tendre à la succession et à la narration ; néanmoins, cette approche est limitée : « les aventures de la lumière sur la cathédrale sont palpitantes, mais pas pour un narratologue. » (p. 105) J. Aumont privilégie donc, dans la série, l’« effet de différence » : « D’une vue de Monte Calvo à l’autre, on imaginera les nuages qui avancent, au point que cette avancée pourra se reverser dans chacune des images individuelles : on y aura presque la sensation d’un mouvement. » (p. 106) Dans le collage (cubiste, futuriste par exemple, défini seulement comme l’« inclusion de plusieurs représentations dans la même image », et dont le Nu descendant un escalier de Duchamp constitue un bon exemple), les instants multipliés sont cette fois rapportés à l’intérieur d’une seule image. La discontinuité, le saut d’un plan à un autre produit un effet intermédiaire : « Le montage, le changement de plan, le changement brusque en général au cinéma a été l’une des plus grandes violences jamais faites à la perception naturelle. Rien dans notre environnement ne modifie jamais toutes ses caractéristiques aussi totalement et aussi brutalement que l’image filmique, et rien dans les spectacles préexistants au cinéma n’avait préparé à une telle brusquerie. » (p. 114)

11Pourquoi le Van Gogh d’Alain Resnais, alors qu’il n’avait rien d’original (topos de l’artiste fou illustré de tableau du peintre), provoqua-t-il (1948) un petit scandale à sa sortie ? C'est que, selon J. Aumont, le film effectue une triple opération : diégétisation (chaque tableau étant traité comme un monde fictionnel, comme une scène ; on ne voit pas le tableau en entier) ; narration (les tableaux sont mis en relation les uns avec les autres - par exemple, dans un premier plan, un travelling avant resserre le cadre sur la fenêtre de la façade d’un hôtel représentée dans un des tableaux ; dans le plan suivant, un travelling arrière, partant d’une fenêtre vue de l’intérieur, dévoile la Chambre de l’artiste à Arles) ; psychologisation « rapportant fictivement à la conscience du peintre une partie (importante) du contenu des tableaux » (champ contrechamp entre des autoportraits du peintre et les paysages peints). Bref, une opération générale de « cinématisation » consistant à évacuer tout ce qui est peinture pour le transformer en récit, en film.

12Bazin voit dans le cadre le lieu fondamentale de cette opération (« Peinture et cinéma » in Qu'est-ce que le cinéma ? Édition du Cerf, 1975) : Resnais a « ouvert » les tableaux, les a dotés d’un hors champ, construisant un cadre « centrifuge ». Prenant cette remarque comme point de départ, J. Aumont distingue trois fonctions du cadre pictural : le cadre-objet, « encadrement matériel, physique du tableau, l’objet qu’on appelle cadre et qui fait qu’il y a des encadreurs » (p. 123) et qui constitue une mise en valeur du tableau ; le cadre limite : limite visuelle de l’image qui en règle les dimensions et les proportions, en régit la composition, à l’intérieur de laquelle le centre géométrique joue par exemple son rôle ; le cadre-fenêtre qui constitue les limites du champ que nous donne à voir le tableau. Et de même que la peinture peut jouer avec le bord inférieur (celui sur lequel, en vertu de la gravité, tout repose) en y ouvrant par exemple la fosse où doit être placé le corps du Christ (créant ainsi une impression de vertige), le cinéma, avec Hitchcock, peut faire s’affaler vers le bas, sous le bord inférieur, les personnages mourants.

13Considéré dans une perspective anthropocentriste, le cadre implique d’autre part un choix entre centrage et décentrage. Or, le décentrage a pour effet de souligner la présence d’un cadre, tandis que le centrage tend à le faire oublier. Au cinéma, remarque J. Aumont, les bords sont toujours plus perméables, le hors champ plus accessible qu’en peinture.

« Quand Degas tranche au bord du tableau, le visage d’un personnage on n’a pas de peine à compléter imaginairement. N’empêche que, sur ce morceau manquant de visage, nulle certitude, même rétrospective, ne nous sera jamais donnée. » (p. 148)

14Le chapitre suivant, où J. Aumont explore la notion de représentation, n’est pas sans lien avec cette remarque : la représentation cinématographique repose sur un réalité qui a existé, tandis que la représentation picturale est plus éloignée de son modèle, mais c'est dans un premier temps avec le théâtre que s’opère le rapprochement. Voulant comprendre « ce que représente la représentation théâtrale », il y distingue deux opérations : « d’abord, la transformation d’un texte en un ensemble d’objets et d’événements matériels. » (p. 203) puis une seconde opération qui « rend ces objets et ces événement visibles, qui en fait des vues pour des spectateurs, en fonction d’un certain lieu, plus généralement d’un certain dispositif. » (p. 204) Or ces deux opérations sont également présentes au cinéma :

« Avant de s’organiser en vues, en cadres, en images, le film exige que s’organise une véritable représentation (au sens numéro 1), qu’on lui offre sur ce plateau des actions, des performances. Que le lieu de ces actions soit le studio ou le plein air importe peu : c'est d’elles que le film donnera la représentation (au sens numéro 2). Qu’il le désire ou non, le film reproduit ce qui s’est passé au tournage (Éric Rohmer : « Tout film est un documentaire »). » (p. 206)

15Présentes également dans la peinture, qui rejoint le cinéma au terme de ce détour théâtral : même si, pour nous, prisonnier de la formule de Maurice Denis, elle reste une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées, et avant une certaine date en tout cas, le tableau est aussi et d’abord « dépiction, incarnation, mise en scène d’un texte, et ensuite, ensuite seulement, sa monstration » (p. 207).

16Pour revenir à la formule de Maurice Denis, J. Aumont remarque justement qu’aucune définition aussi formaliste n’a pu être proposée pour le cinéma : formes et couleurs ne suffisent pas. Ce qui amène la question : quel est le matériau du cinéma ? pour y répondre, il faut « retourner à ce qui, dans la photographie, est le premier opérateur formel, et, potentiellement, plastique, à la lumière. » (p. 226). On peut distinguer trois fonctions de la lumière dans la représentation cinématographique et picturale : une fonction symbolique (lumière et transcendance - par exemple, le rayon lumineux qui tombe du ciel dans les Annonciations) ; « une fonction dramatique liée à l’organisation de l’espace » (p. 228) indiquant la profondeur, l’étagement des figures, etc. ; une fonction atmosphérique (la maîtrise du Lorrain dans la représentation de la diffusion de la lumière solaire). Et J. Aumont retrouve cette fonction dans des traités sur l’art de l’éclairage cinématographique des années 20, où l’on trouve par exemple des expressions telles qu’« éclairage à la Rembrandt ».

17Il reste que la lumière n’est un matériau que pour le cinéma : en peinture, c'est toujours la couleur qui est première. Il faut donc poser directement la question : « Comment penser, au cinéma, la couleur comme matériau ? ». Il y a ici une différence fondamentale dans l’utilisation picturale et l’utilisation cinématographique de la couleur : la peinture traite la couleur par surfaces colorées juxtaposées, tandis que le cinéma la traite par couches superposées recouvrant chacune toute la surface (trois couches pour les trois couleurs, avec une note en bas de page, dans la nouvelle édition, pour nuancer ce propos à l’heure du numérique et de la pixellisation). Cette différence a des conséquences :

« Obtenir un effet aussi élémentaire que la juxtaposition dans l’image d’un jaune et d’un bleu, pour, suivant le conseil de Léonard, les renforcer mutuellement, est au cinéma un tour de force technique, impliquant une maîtrise assez improbable de la position de ces couleurs dans la scène. » (p. 246)

18Dans un chapitre intitulé « Forme et déformation », J. Aumont examine l’idée selon laquelle l’expressionnisme, le cinéma plastique par excellence, celui des peintres et des graveurs, de l’écran passé au noir, celui de l’excès en tout « serait le lieu privilégié d’une rencontre parfaite, et presque d’une fusion entre la peinture - à son état le plus pictural - et le cinéma. » (p. 254) Chapitre où J. Aumont mène notamment une réflexion approfondie sur les conditions de possibilité de la définition d’un courant ou d’une école esthétique. Il distingue deux types de définition de l’expressionnisme. Le premier réside dans « la recherche d’un paradigme stylistique qui définisse l’expressionnisme comme une période, une école, un ensemble de normes formelles et permette d’y rattacher, à coup sûr, tel film, ou telle partie de film. » (p. 258) Or, si on pose qu’un trait stylistique donné est caractéristique de l’expressionnisme (« baptiser expressionnistes tous les films où le décor est imposant et modelé par la lumière » par exemple), on risque de devoir inclure dans le courants des films qui intuitivement n’en sont pas (« C'est comme ça que Les Nibelungen ou Tartuffe deviennent du cinéma expressionniste. ») ; si l’on part d’un film donné, au contraire, qu’on considère comme expressionniste, on sera amené à définir comme caractéristiques de l’expressionnisme certains de ses traits stylistiques qui ont peut-être une autre origine.

19L’autre type est une définition intrinsèque « hors de toute considération de lieu et de temps ». « Il y a à chaque fois d’excellentes raisons pour traiter d’expressionniste tel cinéaste ou tel film. » (p. 260) Cette définition répond à « l’intuition, si l’on veut, que l’expressionnisme est quelque chose de bien trop important pour le laisser aux expressionnistes» (et J. Aumont de montrer que, dans ces conditions, une interprétation expressionniste d’Hitchcock est tout à fait possible).

20L’expressionnisme intéresse J. Aumont en ce qu’il pose le problème de la forme (rejoignant ses réflexions sur la lumière et la couleur) : « La forme devient expressive dès qu’elle dépasse ce qui est strictement nécessaire à la représentation réaliste, elle-même conventionnellement définie. » Et (si l’on se souvient des conclusions de J. Aumont sur la lumière et la couleur) cette hypertrophie de la forme est aussi « ce qui éloigne le plus la peinture du cinéma (erreur de l’expressionnisme : avoir cru qu’on pouvait, au cinéma, hypertrophier une forme ou un matériau picturaux) » (p. 275).

21Le dernier chapitre clôt l’ouvrage sur une série de remarques et d’apostilles écrits à la lumière de la production cinématographique depuis 1989. À titre d’exemple, J. Aumont, revient sur le problème de la citation cinématographique — non plus citation de tableaux, mais citation de films dans le film — à travers un remake particulier, celui de Psycho par Gus von Sant (1998). Délibérément conceptuel, mettant à nu le procédé du remake, le film est absolument respectueux du film d’Hitchcock (même montage, mêmes plans, mêmes dialogues).

22« Or, précisément parce qu’il se tient si près du texte hitchcockien que celui-ci reste incessamment présent en sous-main, van Sant peut donner une interprétation de ce texte, lui ajoutant des commentaires très explicites (la masturbation de Norman), des détails énigmatiques, des différences calculées. Ou bien, on peut dire qu’il dépeint le film tuteur, qu’il superpose à l’image originelle son décalque, mais articulé, doté d’un pouvoir descriptif. » (p. 331)

23Les mêmes images changent de signification, convoquant un intertexte filmique qu’ignorait, et pour cause, le film source :

« Les lunettes noires du policier qui interpelle Marion parce qu’elle dore dans sa voiture rappellent aussi bien celles du dernier plan des Body Snatchers (1993) de Ferrara que l’image de Castor Troy dans les lunettes du chirurgien de Face/off (1996) de John Woo. À la différence du remake ordinaire, qui veut adapter un scénario à un public plus jeune, Psycho (1998) ne refait nullement un scénario, mais une œuvre, et s’adresse sciemment à un spectateur qui a vu Psycho (1960). »

24 Gus van Sant, auteur de Psycho ?