Acta fabula
ISSN 2115-8037

2021
Octobre 2021 (volume 22, numéro 8)
titre article
Marie Baudry

Il y a (enfin) une histoire littéraire des femmes

There is (finally) a literary history of women
Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, 2 vol., Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2020, 1040 p., ISBN : 978-2-07-046570-5 (vol. 1) ; 978-2-07-288970-7 (vol 2).

1Femmes et littérature se présente comme une somme incomparable, celle d’une première histoire de la littérature française au prisme des femmes qui l’ont faite et la font encore. Travail considérable, comme en attestent les chiffres : deux volumes, le premier (Moyen‑Âge au xviiie siècle) de plus de mille pages et le second (xxexxie siècles) de presque six cent pages1. Chiffres encore : un index de plus de 125 pages pour les deux volumes, un appareil critique et des bibliographies qui sont d’une grande richesse en fin de chaque section, et d’une documentation d’autant plus précieuse que Martine Reid s’est entourée de collaboratrices éminentes pour chacun des siècles ou des domaines explorés dans cette œuvre colossale.

2Le caractère inédit d’un tel travail ne saurait être résumé en quelques pages. Ce ne sera donc pas à proprement parler un condensé que je proposerai ici, et qui paraît presque impossible, tant les thèmes abordés, les autrices et les œuvres évoquées sont nombreuses, mais plutôt une mise en avant des questions (et bien sûr des réponses) que ce travail pose. Si celui‑ci est novateur, c’est, outre qu’historiquement il aura fallu du temps pour que devienne possible l’idée qu’il y a une histoire littéraire des femmes (pour reprendre le titre du LHT n° 7 de Fabula2), il est méthodologiquement problématique. Quelle méthode choisir en effet ? Faut‑il d’ailleurs n’en choisir qu’une ? Qu’entend‑on faire dans Femmes et littérature ? Le sous‑titre : « Une histoire culturelle », entend dire qu’il s’agit d’une « histoire », non pas « littéraire », mais « culturelle ». Qu’en déduire ? Que les femmes ne sauraient avoir une histoire littéraire sans que soient d’abord rappelées les « difficultés considérables » (« Préface », M. Reid, t. 1, p. 11) que celles‑ci ont rencontrées tout au long de l’histoire chaque fois qu’elles ont voulu écrire ? Qu’en faire l’histoire, c’est d’abord faire l’histoire de leur place minorée dans l’histoire littéraire, laquelle ne saurait se comprendre sans faire un sort au « contexte, littéraire et historique, sociologique, philosophique et anthropologique » (ibid., p. 12) qui fut le leur ?

3Femmes et littérature, de somme qu’elle semble d’abord être, se présente modestement comme un préambule, invitant à repenser toute l’histoire littéraire et notre façon d’aborder les textes, « un jalon indispensable dans l’écriture d’une histoire qui ne fera pas [on serait tenté de dire « qui ne fera plus »] de la présence et de la production des femmes sa tache aveugle, qui ne la minorera pas non plus systématiquement, mais qui, y intégrant la différence telle qu’elle habite la littérature au fil des siècles […] en fera la matière vivante, multiple, hétéromorphe d’un seul et même récit. » (ibid., p. 17).

4Autrement dit, il n’est pas question de faire de Femmes et littérature une somme arrêtée dans le temps (qui serait complète, exhaustive, en un mot, achevée), mais au contraire une proposition, en mouvement, pour repenser l’histoire littéraire, ainsi que Martine Reid le conclut dans la préface qui introduit les deux volumes : « Il est temps que la critique et l’histoire littéraire, abandonnant ignorance et préjugés, acceptent ce radical changement d’optique et poussent à son terme cette révolution herméneutique. » (ibid., p. 18)

5Cette proposition ouverte l’est ainsi du point de vue de la méthode. Pour chacune des sept parties qui la constituent (par siècles pour les six premières : Moyen‑Âge, xvie, xviie , xviiie, xixe, xxe‑xxie siècles ; la septième étant consacrée aux « Francophonies »), chacune des contributrices a suivi son propre fil, une méthodologie et une terminologie singulières. On pourrait protester que l’ensemble risquerait de manquer d’unité conceptuelle. Voire s’étonner que ne soient pas posées explicitement et une bonne fois pour toutes (mais il n’y a pas de bonne fois pour toutes, et rien ne saurait être arrêté en la matière) les questions que pose le fait de vouloir faire la « synthèse » de « l’apport des femmes à la littérature depuis neuf siècles » (ibid., p. 11). Pourtant, chaque contributrice, que ce soit implicitement, par le plan qu’elle adopte, ou plus explicitement, va prétendre à un « discours de la méthode », singulier, qui montre qu’en la matière, il ne saurait y avoir une méthodologie unique, une réponse univoque.

Des discours de la méthode

Terminologie & traduction

6Comment nommer les femmes qui écrivent ? Femmes et littérature a choisi, sans le dire – ce qui laisse tout loisir à la lectrice/au lecteur de se poser la question de la nomination – de laisser chaque contributrice en décider, même s’il semble, à la fin du parcours, que le terme le plus fréquemment utilisé est celui d’« auteure »3. Jacqueline Cerquiligni‑Toulet, dès la section consacrée au Moyen Âge, revient toutefois sur la large palette des vocables possibles : on rencontrera des raretés comme trobairis (féminin de troubadour, p. 42) ou « poeteresse et grant clergesse » comme le traducteur de Boccace nomme Sapho (p. 43) ; des singularités, comme celles de Pierre Borel au xviie siècle qui désigne Marie de France sous le nom de « trouverre, c’est‑à‑dire Poëtrice » et Christine de Pizan sous celui d’escrivante (p. 43‑44). Cette richesse terminologique ne se retrouve pas également sous la plume des différentes contributrices. Delphine Naudier dans le chapitre consacré aux années 1970 et Christelle Reggiani dans le chapitre « Depuis 1980 » semblent privilégier celui d’écrivaine (t. 2, p. 378 ou 431 par ex.) sans que ce soit à l’exclusion du terme d’auteure, très fréquemment utilisé par Alison Rice dans « Francophonies ». Celui‑ci est d’ailleurs presque systématiquement employé par M. Reid (pour le xixe siècle), mais également par Joan DeJean (xviie siècle) et Chrsitie McDonald (xviiie siècle). Pour ces deux dernières contributrices, comme pour Alison Rice, toutes trois américaines, le choix terminologique est toutefois sujet à caution : quel terme anglais recouvre auteure ? « Woman writer » peut‑il être traduit sans mal en « femme auteur », dont Christine Planté avait montré dans La Petite sœur de Balzac le caractère problématique ? Il aurait pu être utile de savoir, pour comprendre jusqu’à quel point une terminologie doit l’emporter, ou peut rester flottante, comme c’est le cas dans la traduction du texte d’Alison Rice où l’on trouve aussi bien « femmes auteurs », « écrivaines » ou « auteures », ou chez Eliane Viennot (« Fin de la Renaissance ») qui utilise – il me semble que c’est la seule – plus généralement le terme d’autrice, sans que cet usage soit exclusif (on trouvera aussi écrivaine)4. Cette question de la traduction m’amène par ailleurs à formuler un des quelques rares reproches que j’aurais à adresser à ce travail : le nom des traducteurs, peut‑être même traductrices, n’est pas mentionné… Cet oubli est dommageable à plusieurs titres : il témoigne d’un effacement tenace des « petites mains », d’une minoration de l’importance que joue le rôle des traductrices.teurs dans le passage et la transmission des idées, alors même que Femmes et littérature prend justement soin d’aller chercher outre‑atlantique de grandes spécialistes de certains siècles de la littérature française, mais surtout théoriciennes de la construction genrée de l’histoire littéraire française5. Qui plus est, à plusieurs reprises, Femmes et littérature revient sur le rôle de traductrices d’exception et de grand talent, que l’on pense à Marie de France, soucieuse de son rayonnement en Angleterre (t. 1, p. 81) et de traduire certaines fables antiques ou anglaises (t. 1, p. 89), au rayonnement des contes de Mme d’Aulnoy (1651‑1705), traduits en Angleterre (p. 629), à l’importance considérable d’Anne Le Fèvre Dacier (1645‑1720) qui propose des traductions commentées d’Anacréon, de Sapho, et surtout de L’Iliade, qui feront date (t. 1, p. 641‑647). Au xviiie siècle, le travail des traductrices fait même l’objet d’un chapitre à part, « Traduire pour se faire entendre », qui met en avant l’extraordinaire travail de traduction mené par exemple par Émilie du Châtelet ou Geneviève d’Arconville (t. 1, p. 788‑806). L’oubli n’en paraît alors que plus regrettable.

La reconduction d’une Histoire ?

7Penser les spécificités de la production littéraire des femmes dans un « ample panorama » (comme le dit la 4e de couverture) de leur « présence en littérature », aurait pu amener à modifier, peut‑être la partition chronologique de l’histoire littéraire française.

8Celle‑ci reprend pourtant la division traditionnelle, qui est autant celle des « spécialités » littéraires (chaque enseignant‑chercheur étant spécialiste souvent d’un siècle, voire d’un genre, ou d’un auteur, dans le siècle) que celle de l’Histoire des historiens.

9Jacqueline Cerquiligni‑Toulet est donc en charge, comme elle l’était pour La Littérature française déjà citée, de la section consacrée au Moyen Âge (qui en reprend grosso modo les mêmes bornes – 1150 à 1450). Elle en dégage toutefois la spécificité. Alors que dans La Littérature française, elle commençait par mettre en question la pertinence de la notion même de « littérature médiévale »6, dans Femmes et littérature, c’est autre chose qui se joue ; cette fois, l’idée même que les femmes aient pu écrire est sujette à caution :

Pourquoi une femme aurait‑elle eu le désir d’écrire au Moyen Âge ? […] Aurait‑elle ce désir, comment pourrait‑elle le réaliser, elle dont l’entourage masculin ne voit pas la nécessité de lui apprendre à lire […] encore moins à écrire ? […] Des femmes pourtant, peu nombreuses, certes, ont laissé leur nom dans le champ littéraire. (p. 23)

10Ce déplacement de la question dit beaucoup : alors que pour une histoire littéraire française générale le questionnement porte sur la définition de l’objet littérature, l’histoire littéraire des femmes est bien d’abord cette « histoire culturelle » de l’accès matériel des femmes à la littérature, c’est‑à‑dire à l’écriture et à la lecture. Alors même qu’on pourrait penser que la reconduction des datations est une donnée non interrogée, elle permet en fait de penser la différence des histoires. Eliane Viennot consacre le 2e volet de Femmes et littérature à la « Fin de la Renaissance » et non à la Renaissance toute entière (qu’elle fait commencer « avec Pétrarque, au milieu du xive siècle », p. 219) pour une raison majeure : c’est que la fin du xve siècle représente selon elle un point de départ dans la tentative pour les femmes d’accéder « au statut d’auteur » au point même qu’on pourrait la qualifier d’« époque fondatrice pour l’écriture au féminin » (p. 221). Après le Moyen Âge où dominaient des figures d’exception, le xvie siècle apparaît comme celui de l’entrée massive des femmes en littérature. On pourrait alors croire que l’histoire littéraire des femmes sera désormais progressive, si l’on en croit le titre que Joan DeJean donne à sa section consacrée au xviie siècle : « Un grand siècle pour les femmes auteurs » et qu’elle confirme un peu plus loin :

C’est que le Grand siècle est véritablement exceptionnel du point de vue de la création littéraire féminine, particulièrement inventive et talentueuse. L’intensité des innovations auxquelles elles contribuent, ainsi que la qualité de leur production connaissent peu d’équivalents dans l’histoire de la littérature. (p. 487)

11Le progrès s’arrête un temps là : si Christie McDonald reprend l’idée d’un xviiie siècle (1715‑1793) où « littérature et philosophie » vont participer à l’élan révolutionnaire, la place des femmes y est toutefois moindre « si on la compare à l’effervescence enregistrée auparavant (au xviie siècle) et surtout ensuite » (t. 1, p. 719). Ce frein dans l’histoire littéraire des femmes permet toutefois à Christie McDonald d’insister sur la spécificité de ce siècle, dans lequel les femmes ont participé à l’élaboration de pratiques pluridisciplinaires et émancipatrices. La rupture révolutionnaire et la promesse (non tenue) d’égalité fondent la compréhension du « long xixe siècle » (1793 à 1914) que M. Reid définit essentiellement comme « placé sous le signe de la différence des sexes », d’une différence tout à la fois conflictuelle et agissante (t. 2, p. 11). C’est en ce qui concerne le xxe siècle que l’assignation à des bornes historiques canoniques est la plus interrogée : Florence de Chalonge montre comment deux logiques différentes y président (l’une qui ressortit à « l’histoire hexagonale et occidentale » et l’autre « à l’histoire littéraire française », t. 2, p. 263), permettant du coup de définir deux grands temps dans l’histoire littéraire des femmes : l’entre‑deux‑guerres, qui serait le temps d’une « littérature en sourdine », sur le modèle du Forgotten Generation de Jennifer E. Milligan (t. 2, p. 264) et l’autre moitié du xxe siècle, « celui où les femmes de lettres s’inscrivent progressivement dans les institutions de la vie littéraire ». Le chapitre mené par Delphine Naudier sur « La cause littéraire des femmes dans les années 1970 » fait état d’une autre rupture, ou tout du moins d’une parenthèse, d’un aparté qui fait histoire : ici, plus que jamais, l’histoire littéraire des femmes se confond avec l’histoire du féminisme et de cette période cruciale. Jamais on ne trouverait, dans une histoire littéraire « classique », une telle périodisation : le dernier chapitre de La Littérature française de Jean‑Yves Tadié, consacré à « L’épuisement de la littérature et son éternel recommencement », reste assez flou quant au cadre chronologique, les « années 1970 » constituant les dernières années d’« expérimentations extrêmes » avant l’« ambition diminuée » qui s’en suivra (t. 1, p. 784‑785). Bref, rien qui fasse des années 1970 un point de rupture, sinon le début d’un déclin. L’histoire littéraire du xxe siècle se révèle ainsi la plus problématique : certes, les femmes sont enfin présentes à égalité avec les hommes sur la scène littéraire à la fin du siècle, mais c’est, paradoxalement, ainsi que le rappelle Christelle Reggiani, au moment où il convient « d’interroger la place de la littérature elle‑même, aujourd’hui devenue le divertissement culturel d’une assez mince élite » (t. 2, p. 430). Au point, aussi que la littérature, enfin démocratisée, également partagée par les sexes, n’est plus, pour aujourd’hui, le « miroir de la vie » (t. 2, p. 431) par excellence des questionnements proprement « féminins ». L’histoire littéraire des femmes se donne à travers Femmes et littérature comme une histoire, alinéaire, fragmentée, irrégulière, mais néanmoins progressive, de l’intégration des femmes à la grande histoire littéraire. Et dans le même moment, cette histoire peut se lire comme une histoire à contretemps ou même du contretemps7 : à quoi bon être enfin reconnues, traitées sur un pied d’égalité quand « la lecture littéraire, y compris lorsqu’il s’agit de littérature de grande diffusion, constitue aujourd’hui une pratique sociale menacée » (t. 2, p. 431) ? À quoi bon, pourrait‑on aussi se demander, redonner les noms et des « quelques figures phares » mais aussi de « nombreuses femmes auteurs aujourd’hui oubliées » (t. 1, p. 722), alors même que, pour une partie, la pensée de la littérature a tenté de s’affranchir du nom d’auteur, de la catégorie « Auteur », depuis Barthes et Foucault ?

12Il n’y a pas de réponse simple à cette question, peut‑être même ne doit‑il pas y en avoir : le contretemps est la marque même de l’histoire des femmes, on ne saurait donc reprocher à ce travail d’en être le témoignage.

13D’autant plus qu’il met implicitement en avant une autre spécificité historique, à savoir le fait qu’il est impossible de distinguer l’histoire littéraire des femmes de la fabrication de cette histoire, que l’on pourrait globalement représenter sous la forme d’une exclusion. Les femmes dans la littérature, c’est à la fois l’histoire culturelle d’une inclusion (il y en a eu : la preuve en est donnée par l’épaisseur impressionnante de ces deux volumes), et d’une exclusion : elles ont été invisibilisées, occultées, ce qui fait l’objet aussi d’une certaine « histoire culturelle » française. Cette mécanique de l’occultation ne fait pourtant pas le cœur du propos de Femmes et littérature et apparaît plutôt dans le rappel de certaines polémiques dans lesquelles on a pu contester que telle ou telle œuvre ait été écrite par une femme (de Clotilde de Surville au Moyen Âge, jusqu’à « l’affaire » Elissa Rhaïs au xxe siècle8). Quant à l’existence de Louise Labé et de son œuvre, elle ne fait l’objet d’aucune mise en doute, au contraire de ce que La littérature française avait pu notamment bâtir9. L’accent est donc moins mis sur la construction massivement masculinocentrée de l’histoire littéraire10 que sur les difficultés d’accès à la littérature – en leur temps – pour les femmes, les controverses, les critiques, toutes les conditions matérielles qui vont venir entraver, ou au contraire faciliter, l’inclusion des femmes dans la sphère écrite, qui vont faire l’un des cœurs battants de cette « histoire culturelle »11.

Réhabiliter les noms ou la menace de la liste

14À vouloir rétablir la « vérité » de l’histoire des pratiques textuelles, littéraires à une époque donnée, on prend aussi le risque de vouloir redonner tous les noms12. Si l’on ne peut que saluer l’immense travail de documentation bibliographique de Femmes et littérature, si l’on peut la lire comme la première encyclopédie des écrivaines françaises et francophones, il n’en est pas moins vrai que la lecture linéaire en pâtit parfois : il faudrait sans doute consulter telle ou telle page, telle ou telle autrice, plutôt que de tout lire de façon continue. Plusieurs choses sont en jeu ici : d’abord la question du nombre, qui reprend certaines questions posées par la « lecture de loin » que Franco Moretti oppose à la lecture de près, en faisant le choix de la masse plutôt que des exceptions pour rendre compte d’une histoire littéraire globale13. En ce cas, on peut se demander pourquoi n’exhumer que des noms féminins et non pas aussi tous les noms d’auteurs masculins qui ont sombré dans l’oubli. La liste de grands noms pose ensuite une autre question, c’est celle de l’anthologie : à tout moment, une histoire littéraire, et plus encore une histoire littéraire des femmes risque de devenir le « catalogue » des grands noms, comme le rappelle Christie McDonald quand elle s’interroge sur quelles femmes retenir, en mettant son travail en lien avec la Collection des meilleurs ouvrages français composés par des femmes (1786‑1788) de Louise de Keralio. Ce risque anthologique est parfois encouru par Femmes et littérature – peut‑être d’autant plus que cet ouvrage prend place à un moment où une certaine visibilisation et institutionnalisation du féminisme passe par l’édition de recueil de femmes exemplaires14.

15Ce risque prend par ailleurs plusieurs formes : on lit des noms nouveaux, des titres inconnus, des dates qui leur sont associées, sans que l’on soit toujours en mesure de comprendre l’intérêt ou la place qu’ont ces écrivaines de nous inconnues dans le chapitre où elles apparaissent, et plus largement dans l’histoire littéraire. Cette impression de ne plus voir la singularité des œuvres à travers la liste est toutefois compensée par une autre impression, tout à fait bienfaisante : la liste fait nombre, comme les séries de prénoms féminins qui couvrent à intervalles réguliers certaines pages des Guerrillères de Monique Wittig ; les listes de noms d’autrices ont ainsi un caractère performatif : elles ont été, elles sont légion, elles ont fait et elles font l’histoire littéraire, elles ne sont plus des exceptions que dans les manuels et histoires littéraires traditionnelles.

16Ces effets de liste s’atténuent aux deux extrémités de ce travail : c’est dans la section consacrée au Moyen Âge et dans celle consacrée à la littérature « depuis 1980 », qu’on pourra lire les plus larges extraits de ces textes de femmes, dans leur langue devenue presque étrangère (mais retraduite par Jacqueline Cerquiligni‑Toulet), ou dans leur contemporanéité. Lire ces autrices, même fragmentairement, c’est évidemment faire entendre leur voix, leur variété, et par la même occasion contrer cet effet de lissage de toute évaluation esthétique que la liste produit.

17Les listes des noms, la profusion de ces noms inconnus, de ces titres jamais entendus conduit à se demander si l’on pourrait encore les lire, si c’est « intéressant ». Car le nom ne vaut pas réhabilitation, et l’on peut imaginer que nombre des textes écrits par ces autrices oubliées sont aujourd’hui doublement « illisibles », illisibles parce que « hors d’usage »15, car nous n’avons pas les clés contextuelles et esthétiques nous permettant de les lire, illisibles aussi parce qu’on pourra toujours les soupçonner d’être des textes « mineurs » de la littérature française, puisqu’il est si compliqué, dès lors qu’on écrit une histoire littéraire à côté de l’histoire des canonisés, de fonder de nouvelles hiérarchies esthétiques. A ce titre l’un des points importants soulevés par Femmes et littérature, c’est justement le fait de montrer comment certaines femmes s’insèrent dans les « canons » masculins (mais sont alors discréditées en matière d’originalité), comment d’autres au contraire vont travailler les marges (cela ira s’affirmant à la fin du xixe siècle et tout au long du xxe siècle, qu’il s’agisse des écrivaines « françaises » ou « francophones ») et les questions « féministes ».

18La liste prend également le risque de l’impossible exhaustivité : chacun·e selon « ses propres préférences » comme le rappelle Christelle Reggiani (t. 2, p. 433), pourra pointer les « manques », et s’étonner de ne pas voir apparaître certains noms : pourquoi pas Amélie Nothomb (une seule mention, comme rajoutée, dans une note p. 430) ou Yasmina Réza pour les xxe-xxie siècles ? De tels manques invitent à penser la place des femmes dans la littérature « populaire », où elles sont plus largement représentées dans les sections consacrées au xixsiècle ou à la première partie du xxe siècle. De même on pourrait se demander pourquoi certains noms n’apparaissent pas, si le choix de la littérature devait occulter certaines penseuses ? Chaque fois c’est une restriction ou une définition de la « littérature » qui est en jeu. Chacun·e aura des noms qu’il/elle ne retrouvera pas dans le riche index. Par contre, il sera toujours possible de rattacher ce nom absent à telle ou telle partie de l’ouvrage où il s’insèrera sans mal. C’est bien l’indice que Femmes et littérature nous a fait penser, plutôt que la seule trace d’un manquement ou d’un oubli.

19S’il est une liste par excellence, c’est bien l’index. On en trouve un, très complet, à la fin de chaque volume. On pourrait là aussi questionner le choix qui a été fait quant aux entrées. Certes, il faut toujours faire des choix, mais celui – bien sûr féministe – de « classer [les femmes] à leur propre nom, c’est‑à‑dire à leur nom de naissance et non pas au nom de leur époux » (t. 1, p. 945) n’est pas fait pour faciliter la consultation de l’index (il faudra ainsi aller à Pioche de la Vergne pour trouver Madame de La Fayette ou à Dupin pour trouver George Sand). Cela était peut‑être d’autant moins nécessaire qu’à un patriarcat (celui du nom de l’époux) on en préfère un autre (le nom du père), dont on ne sait trop ce qui les différencie. Le choix volontaire d’une écrivaine de prendre un pseudonyme est quant à lui oblitéré par la réassignation à sa lignée paternelle. C’était peut‑être d’autant moins utile que ce nom de naissance n’est jamais celui qui apparaît dans le corps du texte. Là encore, ce n’est qu’un petit détail qui n’enlève rien à l’ampleur du travail mené, mais c’est une mise en évidence de ce qu’il est impossible pour une histoire littéraire des femmes de n’être pas problématique, questionnable et questionnée. Autrement dit, et c’est là une des grandes joies à lire ce travail : c’est sans cesse sans certitude, sans idée toute faite et sans dogmatisme que s’assemblent les contributions et que s’interprètent les textes.

Questions spécifiques, questions thématiques ?

20On voudrait terminer par énoncer quelques pistes, parmi celles, nombreuses, que permet la lecture de Femmes et littérature.

21Florence de Chalonges, à l’orée de sa section consacrée au roman du xxe siècle proposait d’articuler sa contribution selon « une organisation poético‑thématique » (II, p. 265). C’est qu’en effet on retrouve régulièrement certains thèmes et certaines questions récurrentes, qui semblent, s’affirmer ou s’atténuer, en traversant les grands temps de l’histoire littéraire des femmes.

22La question qui connaît le plus de continuité est évidemment la question « des femmes » : dès Christine de Pizan et sa Cité des dames, celle‑ci connaît une formulation exemplaire (puisqu’elle pose les fondations d’une « mixité non choisie » pourrait‑on dire) et qui n’aura de cesse d’être reformulée jusque dans les termes du féminisme aujourd’hui. C’est ce que l’on perçoit nettement, à travers toutes les contributions, et donc tous les siècles : c’est d’abord autour de figures de proue que s’organise la défense des femmes (Christine de Pizan, Marguerite de Navarre, Madeleine de Scudéry, Françoise de Graffigny). Ces noms‑là résonnent longtemps et donnent à entendre des « lignées » de femmes16, des généalogies sur lesquelles les écrivaines peuvent s’adosser pour légitimer leur travail de création. L’une des figures récurrentes est évidemment celle de Sapho, régulièrement évoquée et adaptée selon les époques : depuis que Christine de Pizan lui aura été comparée (p. 43), l’invocation à Sapho permet tout à la fois de conforter l’idée d’un lien puissant entre femme, écriture et amour, et de le faire dévier vers la question du savoir (t. 1, p. 127). Madeleine de Scudéry se réappropriera cette figure (t. 1, p. 525‑527), dont l’œuvre est retraduite par Anne Le Fèvre d’Arcier en cette même fin du xviie siècle (t. 1, p. 642, 791). Marguerite de Navarre s’appuie sur la notoriété de Christine de Pizan (t. 1, p. 361), tandis que les autrices du xvie siècle s’inscrivent sous le haut‑patronage de Marguerite de Navarre et celles du xviie siècle sous celui de Madeleine de Scudéry (t. 1, p. 556), celles du xixe siècle se réclameront de George Sand (t. 2, p. 179), et l’influence de Colette au xxe siècle ne sera pas à négliger (t. 2, p. 279). On voit alors apparaître, au fil des siècles et des volumes, des figures exemplaires, certes, mais qui, lues au prisme des lignées qu’elles font naître, ne sont plus isolées, et exceptionnelles, puisqu’elles prennent place au sein d’une histoire de transmissions féminines où elles jouent un rôle d’influence, de protection et d’incitation.

23À partir du xixe siècle, la question féministe devient explicite et prend forme, au moins depuis les Saint‑Simoniennes (cf. t. 2, p. 149 et 169) et de façon continue, jusqu’au grand moment militant des années 1970 (t. 2, p. 297 sq.). Cette histoire n’est en rien linéaire, elle connaît des périodes fastes (les années 1848, les premières années de la IIIe République), autant que des périodes sombres, comme pendant les années 1930 (t 2, p. 230). Si elle perdure au‑delà des années 1970 dans les œuvres contemporaines (King Kong Theory de Virginie Despentes en 2006 constituant une sorte de « classique », t. 2, p. 436) et chez certaines autrices francophones (t. 2, p. 500 sq.), on notera toutefois qu’elle ne débouche plus, comme dans les années 1970, sur la question de « l’écriture femme » (Béatrice Didier, ainsi que le texte phare d’Hélène Cixous, « Le Rire de méduse », et bien d’autres sont explorés dans le passionnant chapitre consacré à « la cause littéraire des femmes dans les années 1970 »). Cela n’empêche en rien de recourir à des figures mythiques, qui sont repensées tout le long des siècles, comme des modèles pertinents. La figure de l’Amazone est ainsi réinvestie depuis le xviie siècle ; Joan DeJean lui consacre des pages magnifiques et étonnantes (cf. son chapitre II « Amazones, Femmes fortes et Frondeuses », t. 1, p. 501 sq.) ; Anne‑Marie Du Bocage en fait le centre de sa tragédie Les Amazones en 1749 (t. 1, p. 759, 824), avant qu’on ne la retrouve sous la plume de la même Christie McDonald pour évoquer de Gouges, « Amazone des temps modernes » (t. 1, p. 893) ; dévaluée au début du xixe siècle, comme « synonyme » de « bas‑bleus » (t. 2, p. 23), on la retrouve comme l’une des origines tacites des Guérillères de Monique Wittig (t. 2, p. 409). C’est avec un autre mythe que se termine (presque) Femmes et littérature, celui de la création féminine et de son empêchement : la Sirène. Elle était là au tout début, dans la partie consacrée au Moyen Âge et à Christine de Pizan (t. 1, p. 174) et nous le retrouvons – aux côtés de la sorcière – dans les dernières pages consacrées à la littérature contemporaine, quand Christelle Reggiani conclut avec le récit de Marie N’Diaye, La Naufragée.

24On imagine bien que la question de l’amour (et dans sa formulation contemporaine, celle de la sexualité et de l’homosexualité féminine depuis la deuxième moitié du xixe siècle) traverse tous les siècles, et pose régulièrement la question de thématiques spécifiques à l’écriture des femmes, voire même, du coup, de genres littéraires (le roman, la lettre) qui seraient plus particulièrement « féminins ». Question transversale, certes, mais qui, à la lecture de Femmes et littérature se trouve minorée : si l’amour est un thème régulier des écrits de femmes, c’est avant tout que « l’amour dans un roman permet aux romanciers des deux sexes d’interroger les rapports de classe et l’ordre social » (p. 854). Bref, l’amour est multiforme (pour suivre ses transformations et subversions au travers des siècles : p. 73‑74, 80, 112, 127, 146, 166, 298, 399 avec Louise Labé qui renverse les rôles, déjà, 416, 501, 536, 644, 841, 852, t. II, p. 190 ; 290, 292, 335…) et sa présence thématique est moins l’indice d’une association plus spécifique aux femmes qu’une stratégie de certaines autrices pour continuer de penser la place des deux sexes dans la société.

25Y aurait‑il des « genres » plus spécifiquement « féminins » ? Le roman occupe ainsi une place de choix dans Femmes et littérature, et on a parfois l’impression que les contributrices avaient en tête Une Chambre à soi au début duquel Virginia Woolf se voit sommée de parler des « Femmes et du roman », comme si ces deux termes devaient se trouver « naturellement » associés. Dans sa plus que vivifiante section consacrée au xviie siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », Joan DeJean exclut, de facto la poésie et le théâtre, sans même explicitement le mentionner. On pourrait le lui reprocher. Mais on ne peut aussi que constater que cette mise à l’écart de deux genres (dont le deuxième, le théâtre, est « rattrapé » par l’addendum qu’Edwige Keller‑Rahbé consacre aux « Dramaturges » du xviie siècle) permet au lecteur/à la lectrice d’en ressortir assuré de l’extraordinaire apport des femmes du xviisiècle à l’histoire littéraire : celui d’avoir créé et porté au plus haut degré les trois genres majeurs de la prose de ce siècle (si donc l’on oblitère la tragédie ainsi que le discours) : le roman, la lettre et le conte de fées. Cette propension à confondre littérature et roman, que le xviisiècle manifeste implicitement, devient explicite dans la section consacrée aux xxe et xixe siècles : celle‑ci – fort hétéroclite (puisqu’elle fait l’objet de trois chapitres : « Le roman des romancières. 1914‑1980 », « La Cause littéraire des femmes dans les années 1970 » et enfin un chapitre intitulé « Depuis 1980 ») – est précédée d’une mise en garde de M. Reid qui dit cette limitation du terme de « littérature » au seul « roman », sans la justifier autrement que par le caractère « foisonnant » de l’histoire littéraire et culturelle de cette période (t. 2, p. 263). Femmes et littérature n’en revient pas moins régulièrement sur la non naturalité de ce lien entre femmes et romans, comme le fait par exemple Eliane Viennot quand elle montre le peu de place qu’occupe le roman au xvie siècle (t. 1, p. 354), ou M. Reid quand elle dénonce cette idée reçue pour le xixe siècle (t. 2, p. 154). Car cette mise en relation des femmes et d’un genre littéraire ne concerne pas le seul roman mais également les genres de l’épistolaire (t. 2, p. 103 sq.), de la poésie (« Plus que tout autre genre littéraire, la poésie du xixe siècle fait l’objet d’un discours fortement ‘‘genré’’ » écrit encore M. Reid, p. 127) et qui va devenir explicite au xxe siècle, quand Cixous et Wittig mettent en « question le genre des genres littéraires » (t. 2, p. 398 et 412). Plus inattendu : le fait – masqué dans les histoires littéraires traditionnelles – que l’on doive à des femmes des « genres » nouveaux, comme les Mémoires de Marguerite de Valois le sont (t. 1, p. 361), les « recueils de conversations » (t. 1, p. 549), les correspondances (t. 1, p. 596‑597) ou le conte de fées (t. 1, p. 609). Au terme d’une lecture si riche, et malgré la spécialisation sur le roman que la section consacrée au xxe siècle met en avant, il devient palpable que les femmes ne se spécialisent dans aucun genre, mais les pratiquent, respectueusement ou en les subvertissant, tous, sans restriction (cf. t. I, p. 433). C’est sans doute ici que le xviie siècle tel que le présente Joan DeJean s’avère le plus foisonnant et le plus impressionnant (et le plus différent de l’image qu’en donne notre culture littéraire traditionnelle) : celui d’un siècle où les femmes tiennent le haut du pavé, politiquement et esthétiquement, où elles innovent dans le domaine littéraire comme jamais auparavant.

26À travers les siècles, on peut également suivre le fil de la présence ou de l’absence des femmes dans les cercles littéraires, dans la sociabilité lettrée. Un chapitre de M. Reid le dit assez, il s’intitule « Dedans et dehors » (ch. III, t. 2, p. 65 sq.). Hormis pour le Moyen Âge où ce prisme est sans doute anachronique, il devient pertinent dès le xvie siècle : la vitalité littéraire instillée par les cours des reines et princesses (p. 283‑284 et les « salons », p. 312), va se développer dans les salons des xviie et xviiie siècles (p. 532 et 756 par ex.). Les contributrices en charge du xxe siècle vont même régulièrement revenir sur la « mixité » des groupes comme Tel Quel et le Nouveau Roman (cf. t. 2, p. 296 et 379), avant que soient pensés la non‑mixité et le désir de sécession chez les écrivaines groupées autour de la revue Sorcières par exemple (t. 2, p. 396). À cette question, on pourrait joindre celle aussi du « devenir autrice » et des stratégies (parfois « louvoyantes » selon Christie McDonald pour le xviiie siècle) qu’elles doivent mettre en place pour justifier et légitimer leur entrée en écriture, les noms qu’elles prennent pour publier (tout particulièrement au xviie siècle) et qui traversent les siècles.

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27Difficile de conclure sur une telle somme, de propositions, de questions, de noms, d’œuvres, de siècles. On n’en finit jamais vraiment la lecture. Au terme d’une première traversée, on est convaincu, si l’on a pratiqué une lecture suivie, que l’enjeu n’est pas celui d’une distinction entre œuvres d’autrices et d’auteurs, comme l’affirme à plusieurs reprises Christelle Reggiani : « il peut d’abord sembler que le genre […] ne fasse rien à l’affaire : au nom de quel principe assigner à des territoires littéraires véritablement distincts, mutadis mutandis, La Place ou Les Années d’Annie Ernaux et Un roman russe d’Emmanuel Carrère, le Cri du Sablier de Chloé Delaume et Formation ou Arrière‑fond de Pierre Guyotat » (t. 2, p. 432, et également p. 445 et 452). Petit à petit, avec le xxe et le xxie siècles s’estompe l’idée de deux histoires difficiles à faire coïncider : c’est désormais la même histoire de la littérature (et en partie celle d’une pratique devenue minoritaire et distinctive) qui s’écrit, par et pour toutes et tous. On se demande alors comment il faudrait faire pour articuler une histoire littéraire la plus « complète » possible : serait‑ce par l’addition de l’histoire littéraire canonique (et masculine) et cette histoire littéraire des femmes ?

28Mais c’est aussi avec la dernière section, consacrée à la Francophonie, que ce sentiment se renforce, et se déplace. Renforcé, parce que la section rédigée par Alison Rice ne pouvait manquer de revenir longuement sur la notion même de « francophonie » et tous les problèmes qu’elle pose, indépendamment de la question des femmes (même si celle‑ci est largement abordée, p. 478 sq.). Autant la partie consacrée à la littérature contemporaine entend « déconstruire » pour partie la distinction entre deux histoires littéraires distinctes pour les fondre en une seule, autant cette dernière section s’attache à rendre caduque la distinction entre littérature française et littérature francophone, et en appelle à ce que « toute littérature de langue française [soit] comprise dans le cadre, élargi et inclusif, de la littérature francophone » (t. 2, p. 519).

29Cet appel n’est pas sans ressembler au rêve que l’on fait après avoir refermé Femmes et littérature, celui d’une histoire littéraire mondiale des femmes. Et encore ce rêve‑ci ne serait‑il que le premier, avant de rêver à un renouvellement de l’idée même d’une histoire littéraire qui inclurait toutes les littératures, toutes les voix.