Essai
Nouvelle parution
N. Kremer, Vraisemblance et représentation au XVIIIe siècle

N. Kremer, Vraisemblance et représentation au XVIIIe siècle

Publié le par Amandine Mussou (Source : Editions Honoré Champion)

Compte rendu publié dans Acta fabula : "Invisibles évidences. À propos des discours classiques sur la vraisemblance des représentations" par Anne Duprat.

 

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Nathalie Kremer, Vraisemblance et représentation au XVIIIe siècle

Paris : Honoré Champion, coll. "Les Dix-huitièmes siècles", 2011.

  • EAN : 9782745321886
  • 352 pages
  • Prix : 80 EUR

Introduction en ligne dans l'Atelier de Fabula : Vraisemblance et représentation au XVIIIe siècle, par Nathalie Kremer

Présentation de l'éditeur :

À l'âge classique, l'œuvre d'art est pensée en termes d'imitation de la nature. Plus l'œuvre est vraisemblable, plus l'imitation est considérée comme réussie. À travers l'étude des grands textes de la poétique et de l'esthétique classiques (Rapin, Du Bos, Batteux, Voltaire, Diderot, Marmontel), ce livre retrace la façon dont l'idéal de la mimèsis se redéfinit au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Conçue par les Classiques comme modèle idéal, exemplaire et général, la vraisemblance tend, sous l'impulsion des écrits de Du Bos et Diderot essentiellement, à favoriser une approche sensible de l'oeuvre qui place l'impression du spectateur au cœur du jugement esthétique. L'effet de l'oeuvre sur le spectateur tient moins à la régularité du sujet qu'à la façon dont l'œuvre le représente, à la manière qui est la sienne. Aussi l'œuvre vraisemblable du siècle des Lumières vise-t-elle moins à procurer une illusion totale de vérité, qu'à mettre en valeur la dimension artificielle du signe artistique - par quoi le XVIIIe siècle inaugure l'ère de l'esthétique moderne, où l'œuvre ne cherche plus à dissimuler ses contours mais à révéler la main de l'artiste créateur.

Nathalie Kremer est Maître de conférence à l'Université Paris III - Sorbonne Nouvelle. Elle est l'auteur de Préliminaires à la théorie esthétique du XVIIIe siècle (Paris, Kimé, 2008, compte rendu dans Acta fabula) et, avec Jan Herman et Mladen Kozul, Le Roman véritable. Stratégies préfacielles au XVIIIe siècle (Oxford, Voltaire Foundation, 2008).

Table des matières

I Préambule. Évidences

1 L'inéluctable vraisemblance

2 Le contexte esthétique de la vraisemblance au XVIIIe siécle

3 Vraisemblances : état de la question

4 Dimensions de la vraisemblance

 

II Introduction. Les vraisemblances du classicisme

1 Vraisemblance poétique

1.1 La 'matiére' de la poésie

1.1.1. Vraisemblance et imagination

1.1.2 La règle de l'unité d'action

1.1.3 Vraisemblance et vérité

1.2 La 'manière' de la poèsie

1.2.1 Intrigue et dénouement

1.2.2 Vraisemblance et merveilleux

2 Vraisemblance rhétorique

2.1 Vraisemblance et croyable

2.2 Vraisemblance et bienséances

2.3 La règle de l'unité de temps et de lieu

3 Vraisemblance ontologique

4 Conclusion

 

III Première partie. Ontologie de la vraisemblance : un écart constitutif

1 Définitions de la vraisemblance dans les dictionnaires contemporains

2 Mécanismes de vraisemblabilisation : évidence et réflexion

2.1 L'évidence de la vraisemblance

2.2 La vraisemblance de réflexion

3 Vraisemblance et probabilité

3.1 Du possible au probable

3.2 Vraisemblance et probabilité dans le discours scientifique

4 Conclusion

 

IV Deuxième partie. Vraisemblance poétique : une règularisation mimétique

1 L'invraisemblance de la reconnaissance dans Œdipe (1719) et Mahomet (1742)

1.1 La critique de l'Œdipe par Voltaire en 1719

1.2 La critique de Mahomet dans l'Année littéraire en 1780

2 Les catégories de la vraisemblance ontologique : bon sens et rÉflexion

2.1 la vraisemblance du sensus communis

2.2 la vraisemblance de réflexion

3 La critique poétique des invraisemblances dans Œdipe et Mahomet

3.1 Le déroulement de l'intrigue et l'unité d'intérêt

3.2 Hasard et nécessité

3.3 L'invraisemblable ridicule de l'artifice

4. Voltaire versus Fréron : de la vraisemblance poétique À la vraisemblance rhétorique

5 Conclusion : enjeux de la critique de Voltaire

 

V Troisiéme partie. Vraisemblance rhétorique : de l'œuvre au spectateur

1 L'esthétique visuelle de l'imitation classique

1.1 Le modèle platonicien de l'imitation classique

1.2 Imitation et ressemblance : la visibilité sensible de l'art

1.3 Roger de Piles ou le plaisir de tromper les yeux

1.3.1 Roger de Piles et la critique d'art au XVIIIe siècle

1.3.2 Les trois vrais de Roger de Piles

1.4 Lessing, ou le désir du signe transparent

2 Classicisme et illusion

2.1 L'illusion totale du classicisme

2.2 Le paradoxe apparent de l'imitation

3 L'illusion bimodale après 1750

3.1 La poésie de l'image : de l'illusion picturale à l'expression poétique

3.2 L'abbé Du Bos : le plaisir de l'émotion

3.3 La vraisemblance entre convention et vérité

3.4 Diderot et l'illusoire du signe naturel

3.5. Cochin et l'expression du faire

3.6. Vraisemblance et illusion

4 Conclusion

VI Conclusion générale. L'invisible vraisemblable

VII Index

VIII Bibliographie

1 Ouvrages antérieurs À 1800

2 Ouvrages postérieurs À 1800

Début de l'introduction:

Chaque époque possède sa part d'irreprésentable. Au XVIIIe siècle, toute forme de représentation passe par le crible de la vraisemblance. Elle est ce principe de la mimèsis qui établit les évidences et les possibles du discours. Pour imperceptible qu'elle soit, la vraisemblance n'en est pas moins omniprésente. En tant que reflet des normes implicites et des valeurs générales d'une culture, elle apparaît à chaque tournant de pensée, à chaque recoin de page. Elle concerne les règles de la poésie dramatique explicites aussi bien que les considérations générales en matière de peinture ou de sculpture. La vraisemblance est ce principe qui règle le code générique d'une œuvre ainsi que les normes poétiques qui en déterminent l'horizon d'attente. Elle est, pour ainsi dire, inéluctable : omniprésente et invisible à la fois. Sa reconstruction nous permet d'accéder aux conceptions épistémique et esthétique de l'époque qui sous-tendent toute forme de représentation.

Poser la question de la vraisemblance revient donc à poser celle du représentable fondamental d'une époque : de ce qu'elle considère comme admissible. Qu'est-ce qu'une œuvre d'art peut représenter en restant dans les limites du licite ?