Compte rendu dans Acta fabula : Des beaux-arts comme imitation de la nature aux XVIIe et XVIIIe siècles, par Christof Schöch.
Nathalie KREMER, Préliminaires à la théorie de l'esthétique du XVIIIe siècle
Kimé, collection "Esthétique", 2008, 166 p.
EAN : 9782841744503
19 €
Présentation de l'éditeur :
Cette introduction à la philosophie de l'art du XVIIIe siècle retrace les grandes lignes de pensée de la théorie esthétique telle qu'elle prend forme à la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle.
L'imitation, principe fondamental de l'art à l'époque classique, forme le point de départ de la réflexion. Dans l'ouvrage principal de la théorie esthétique du XVIIIe siècle, Les Beaux-arts réduits à un même principe de l'abbé Batteux (1746), l'imitation est présentée comme une relation entre deux pôles, les beaux-arts d'une part, la nature d'autre part.
Ces deux versants du processus imitatif forment les deux grands volets du présent ouvrage. Un chapitre central est consacré à la relation particulière entre les arts et la nature telle que l'impose la conception classique de l'imitation. Cette relation est pensée en termes de vraisemblance.
En montrant la façon dont la mimésis classique se pense et se repense au XVIIIe siècle, et en mettant en lumière, de part et d'autre de l'ouvrage " classique " de l'abbé Batteux, l'apport fondamental de l'abbé Du Bos en 1719 et de Diderot pour la seconde moitié du siècle, cet ouvrage permet aux non-spécialistes de l'époque classique de se repérer dans le vaste champ de réflexion sur l'art du XVIIIe siècle et de comprendre les mutations qui s'y font jour.
Nathalie Kremer est chargée de recherches du Fonds de la Recherche Scientifique - Flandre (FWO) à la KU Leuven.
Sa thèse de doctorat portait sur la notion de vraisemblance dans la poétique et l'esthétique à l'âge classique ('Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable'. La notion de vraisemblance au XVIIIe siècle - à paraître).
Membre du Centre de Recherche sur le Roman du XVIIIe siècle (R-18), elle est l'auteur d'un livre écrit en collaboration avec Jan Herman et Mladen Kozul sur le roman du XVIIIe siècle (Le Roman véritable. Stratégies préfacielles d'accréditation et de légitimation au XVIIIe siècle, SVEC, 2008).
Sommaire:
PRÉLIMINAIRES À LA THÉORIE ESTHÉTIQUE DU XVIIIe SIÈCLE
Introduction : l'imitation entre beaux-arts et belle nature
Chapitre 1. Du savoir-faire aux beaux-arts
1.1. Naissance des beaux-arts : l'artifice des passions
1.1.1. Nécessité, commodité et agrément
1.1.2. L'ennui, source des beaux-arts
1.1.3. Le caractère artificiel de l'imitation
1.2. Instruire ou plaire ? Finalité des beaux-arts
1.2.1. Classicisme et instruction
1.2.2. La valeur morale de l'instruction classique
1.2.3. De l'utile à l'agréable
1.3. Des règles au goût. Les moyens d'imitation des beaux-arts
1.3.1. La question des règles de l'art
1.3.2. Pour une poétique du goût
1.3.3. Imagination et génie poétique
1.3.4. De l'imagination à la vraisemblance
Chapitre 2. Du vraisemblable au vrai
2.1. La querelle du Cid
2.2. La querelle de la Princesse de Clèves
Chapitre 3. De la nature à la belle nature
3.1. La nature comme objet d'imitation
3.2. Entre l'observation et la sélection : l'imitation comme (re)production
3.3. Modèle idéal et nature choisie : la belle nature ou la vraisemblance
3.4. Du vrai au possible
3.5. La belle nature est-elle toujours belle ?
3.6. La belle nature de Diderot
Conclusion
* * *
Extrait de l'introduction :
"La nature commune fut le premier modèle de l'art. Le succès de l'imitation d'une nature moins commune fit sentir l'avantage du choix, et le choix le plus rigoureux conduisit à la nécessité d'embellir ou de rassembler dans un seul objet les beautés que la nature ne montrait éparses que dans un grand nombre.
Quel sens peut prendre à la fin du XVIIIe siècle un lieu commun aussi ressassé sous la plume d'un Diderot ? Que signifie encore le principe de l'imitation, fondement de tous les arts, à un moment où le champ esthétique présente une profonde reconfiguration qui implique le délitement progressif de ce concept fondateur hérité d'Aristote ? Dans cet ouvrage, il ne sera pas question de ce délitement même, dont l'étude réclamerait la prise en compte des interférences avec la théorie de l'art allemande de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Ce dont il sera question ici, en revanche, c'est la mise en place du concept de mimesis, sa transformation au XVIIIe siècle et l'apparition des conditions qui entraîneront sa disparition.
La critique de l'art que véhicule Diderot dans ses Salons forme la conjonction d'une observation concrète des oeuvres d'art et d'un savoir théorique qui fait l'objet d'une multitude de traités au XVIIIe siècle. Parmi ceux-ci, les Beaux-arts réduits à un même principe de l'abbé Batteux, qui paraissent en 1746, constitue l'un des efforts de synthèse les plus répercutant de l'esthétique au XVIIIe siècle.
Nous le prendrons comme point de départ de cette étude pour dégager les constantes ainsi que les failles naissantes dans la théorie des beaux-arts du XVIIIe siècle. Le traité de Batteux naît du besoin d'« écarter les nuages » qui empêchent de saisir clairement et distinctement l'essence des beaux-arts. Les « nuages » sont la multitude d'observations et de règles qui règnent confusément à son époque, et qui multiplient les considérations autour des beaux-arts au lieu de réduire leurs principes en « un corps régulier ». C'est en recourant à Aristote, que l'abbé « découvre » l'essence simple et fondamentale de la poésie et des arts en général. Si ceux-ci diffèrent quant aux moyens qu'ils emploient, ils partagent tous le principe commun de l'imitation. Les différentes formes d'art ne sont donc que « des branches qui tiennent à une même tige » : « il se trouva que la poésie était en tout une imitation, de même que la peinture », ainsi que la musique et l'art du geste […]."