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Fabriquer la nature

Fabriquer la nature

Publié le par Marc Escola

Une machine organisant l'intégralité des savoirs, une île entièrement contrôlée par les techniques humaines, une théorie expliquant tout ce qui semble incompréhensible : les inventions des premiers modernes sont des tentatives de totalisation, des dispositifs matériels ou spéculatifs pour tenter de saisir ce qui nous échappe – les puissances de la nature, la multiplicité des êtres. Dans Théâtres du monde. Fabriques de la nature en Occident (La Découverte), Frédérique Aït-Touati montre que mettre le monde au creux de sa main, dans sa pensée ou sur une scène, sont des manières de ramener l'immense à notre mesure. Confrontés à un monde qui n'a plus ni bornes ni centre, les philosophes, artistes et savants du XVIIe siècle inventent des petits théâtres pour échapper au vertige. Dans des lieux imaginaires ou réels, ils fabriquent la " nature " – cette singulière conception d'une scène séparée de la scène humaine, peuplée de forces incontrôlables qu'il faut apprivoiser, imiter, voire maîtriser pour pouvoir ensuite les mettre au service des puissants. C'est là que s'invente en partie l'étrange cosmologie des modernes. En observant l'intrication étroite entre les scènes esthétiques, scientifiques et politiques au tournant du XVIe et du XVIIe siècle, cette enquête envisage la rupture de la modernité occidentale et son épuisement à partir de quelques-uns de ses lieux et artefacts. La Terre reste insaisissable sans les outils, organon, images, scènes et récits que nous ne cessons de fabriquer. On peut aujourd'hui tenter de les réinterpréter, non comme les responsables de nos dérives anthropocéniques, mais comme des petits mondes clos pour tenter d'habiter le chaos du monde. Fabula vous invite à lire sur Fabula le Prologue de l'ouvrage… et son Introduction…

Les mêmes éditions La Découverte rééditent, Les Contes de la Lune, l'un des premiers titres de Frédérique Aït-Touati, à la croisée des études littéraires et de l'histoire des sciences et qui a marqué un tournant en 2011 dans la discussion contemporaine sur les pouvoirs de la fiction.