Questions de société
Une analyse littéraire des discours satiriques contre la réforme Pécresse, par S. Duval

Une analyse littéraire des discours satiriques contre la réforme Pécresse, par S. Duval

Publié le par Alexandre Gefen

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[Voir sur Fabula la page "Rions un peu"]

Sophie Duval

Texte d'un cours alternatif surla satire,

Université de Bordeaux 3

Parades grotesques (Un militantisme comique, lasatire)

Monpropos d'aujourd'hui a deux buts. Le premier est de vous proposer un petitcommentaire de la situation actuelle, envisagée sous l'angle de la satire, enfaisant apparaître quelques-unes de ses singularités. La satire est en effet ence moment utilisée par les mobilisés, mais aussi, de façon plus inhabituelle,par certains membres du gouvernement, et j'essaierai de montrer les différenceset le rapport entre les deux. Mon second but est d'insister sur le fait quel'esprit satirique est depuis toujours une arme de combat et que l'engagement contestatairepeut prendre, et prend souvent, de façon spontanée, une forme comique et tout àfait réjouissante, et cela sans rien perdre du sérieux de son action ni de sesconvictions. Vladimir Jankélévitch disait de l'ironie, dont nous verrons lerôle dans la satire, qu'elle est une « circonvolution du sérieux »[1],c'est-à-dire une sorte de sérieux au second degré.

Lasatire est une forme littéraire que les écrivains ont mise au service de leurengagement. Mais la satire est aussi un type de discours que tout un chacunpeut s'approprier. On peut la définir par une base minimale : c'est une formequi unit un ton comique, un virulent esprit critique, une norme axiologique(c'est-à-dire un système de valeurs, qu'elles soient morales, politiques,religieuses, sociales ou autres) et une finalité pragmatique (c'est-à-direl'intention d'avoir un impact sur la réalité). C'est l'union du système devaleurs, autrement dit des convictions, et de la visée pragmatique qui fait dela satire un comique militant. En outre, en raison de sa portée critique, lasatire est aussi un discours offensif : elle vise toujours un objet, qu'elleconstitue en cible. Elle met donc en jeu trois actants : le satiriste, sacible et le destinataire, c'est-à-dire le public à persuader. Le principecentral de la stratégie satirique est la dégradation : la cible faitl'objet d'un traitement rhétorique qui doit la rabaisser, la déconsidérer dansl'esprit du destinataire. Et l'arme qui sert à dégrader la cible et à conquérirle destinataire, c'est le comique : le rire que suscite la satire a unedouble visée, déprécier la cible et nouer une relation de complicité supérieureentre le satiriste et son destinataire. La satire déploie donc une rhétoriquecomique pour critiquer une cible en la ridiculisant dans le but de persuader undestinataire et d'avoir un effet sur la réalité, par exemple le retrait deprojets de réforme. C'est pourquoi les mouvements de contestation recourentvolontiers à la rhétorique satirique, notamment dans les slogans. On a pu ainsilire sur des banderoles et des pancartes des manifestations récentes desslogans comme « Pécresse, fac off », « Le savoir coûte tropcher, essayez l'ignorance », « Michel de Montaigne, Princesse deClèves, même combat » ou « Lamastérisation rend sourd ». Comme vous en avez sûrement eu connaissance,il y a aussi en ce moment des textes satiriques qui fleurissent sur le net, Phédresse, une Sottie à neuf personnages, Ubure-roi, Tartuffe à l'université ou Le décret hypocrite, la soutenance dethèse de Valérie Pécresse et d'autres encore.Ces quelques exemples recourent à des techniques diverses, que je commenterai.

Mais avant, ils'agit de préciser, si besoin en est, que l'esprit satirique peut se faire levecteur de n'importe quelle idéologie – aujourd'hui, celle des contestatairescomme celle du pouvoir en place, qui y recourt pour tourner en dérision lamobilisation et en particulier les enseignants-chercheurs, afin de les décrédibiliserdans l'opinion publique. Du point de vue de l'énonciation, de la production dudiscours satirique, l'arme de la satire est la moquerie (la moquerie sedéfinissant comme un comique agressif), et du point de vue du résultat, de laréception du discours satirique, l'effet produit est celui du ridicule :le satiriste se moque de sa cible pour qu'elle apparaisse comme ridicule auxyeux de son destinataire. Mais la stratégie rhétorique de la moquerie et duridicule peut être plus ou moins subtile.

L'expressionsatirique la plus élémentaire est celle qui recourt au sarcasme. Le mot« sarcasme » vient du grec sarkazo- ceci n'est pas une paronomase -, qui signifie « ouvrir labouche pour montrer les dents » et par extension « déchirer par desrailleries ». Dans ce cas, la satire se contente de recourir à l'insulte,une insulte moqueuse directe, explicite. Un exemple, tiré d'une parole du Ministrede l'Education. Quand il est récemment venu à Bordeaux, comme la rue commençaità s'emplir, notamment d'enseignants-chercheurs et d'étudiants, Xavier Darcos auraitdéclaré « Le peuple braillard gavé de tout est encore dans la rue ». Cettephrase ouvertement dépréciative relève de la satire sarcastique. Elle vise àrabaisser la communauté universitaire en faisant d'elle une populace qui,contrairement à ce que l'on serait en droit d'attendre, s'avère incapable detenir des propos construits et réfléchis, et qui passe plus de temps à défendreses intérêts qu'à travailler. Les revendications et contestations sont réduitesà de simples vociférations et la manifestation à une parade grotesque, undéfilé de clowns que l'on ne saurait prendre au sérieux. Le propos s'appuie clairementsur le préjugé selon lequel les universitaires sont des privilégiés uniquementsoucieux de protéger leurs prérogatives, idée reçue qui touche d'ailleurs toutel'Education Nationale et les fonctionnaires en général. La manoeuvre consiste à chercherl'assentiment de l'audience en flattant le parti-pris anti-intellectualiste,qui est au centre du discours tenu par le gouvernement actuel, et, qui plusest, en utilisant un registre de langage bas et plus ou moins« jeune », censé être celui du public, dont on voit à l'occasion enquelle estime il est lui-même tenu : ce propos suppose que sesdestinataires, les citoyens français, s'expriment en une langue triviale, qu'ilfaut donc utiliser pour s'adresser à eux et qui reflète les idées primaires quisont les leurs. Tel est le ressort du populisme, tel est aussi le mépris qui engouverne l'idéologie et qui se découvre aujourd'hui par la nouvelle mode duparler débraillé des officiels, censé faire écho à celui de leurs administrés.

Le Chef de l'Etat avait lui-même lancé latonalité, autorisant ainsi tous les écarts de langage, dans son désormaiscélèbre discours du 22 janvier sur la recherche. « Plus de chercheursstatutaires, moins de publications et pardon, je ne veux pas être désagréable,à budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% en moins qu'unchercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l'on ne veut pasvoir cela, je vous remercie d'être venu, il y a de la lumière, c'estchauffé… ». Certes, il est arrivé aux hommes d'Etat, comme par exemple auGénéral de Gaulle, de faire de bons mots, des mots d'esprit – mais il s'agitdans ce cas d'un comique distingué. Certes aussi, un homme politique peut selaisser aller à un discours quelque peu relâché – mais c'est alors dans unesituation d'énonciation informelle. Certes, enfin, le discours satirique peutse mettre au service des dominants autant que des dominés. Mais il est assezoriginal que le Chef de l'Etat recoure aux plus grosses ficelles satiriquesdans un discours officiel, scrupuleusement transcrit sur le site de l'Elysée,avec toutes ses curiosités syntaxiques, pour agonir une partie de la nation. Dansla citation précédente, c'est évidemment « je vous remercie d'être venu,il y a de la lumière, c'est chauffé » qui constitue l'énoncé satirique, etces trois propositions ont enflammé l'indignation des chercheurs et ontpuissamment contribué à leur mouvement, en une efficacité satirique malmaîtrisée par notre Président, qui s'est ainsi révélé être un puissant artisande la mobilisation. J'ai commencé en disant que le discours satirique a pourparticularité de mêler le comique et la critique. Ce sont deux éléments quel'on peut analyser grâce à la notion d'éthos.

L'éthos, notion venue de larhétorique, est un des éléments de la stratégie persuasive de l'orateur engénéral. Selon la définition de Roland Barthes, « éthè sont les attributs de l'orateur […] : ce sont les traitsque l'orateur doit montrer àl'auditoire […] pour faire bonne impression : ce sont ses airs »[2].L'éthos du locuteur est prévu enfonction de l'effet qu'il doit produire sur le destinataire, si bien qu'il estindissociable des phénomènes de réception, ce que la rhétorique antique nommaitpathos : « Pathè, ce sont les affects de celui qui écoute (et non plusde l'orateur), tels du moins qu'il les imagine »[3].

Le discours satirique peut être analysé en éthè, dans la mesure où il s'agit enprincipe d'un discours concerté, destiné à produire un certain effet,persuasif, sur le destinataire. Tout d'abord, il présente l'éthos de la moralité et du bon sens, quivont de pair avec son système de valeurs. Tout satiriste prétend prendre laparole pour faire triompher le droit et la juste opinion, tout satiristeaffiche sa vertu et sa lucidité. Nicolas Sarkozy se veut ainsi l'énonciateurd'un discours de vérité (il dit qu'il dit la réalité de la recherche française)et de bon sens (il dit qu'il dit ce que l'on ne veut pas voir, mais qu'onverrait si on réfléchissait un peu). Le deuxième éthos de la satire est cet énergique esprit critique qui semanifeste par le rabaissement de la cible. En d'autres termes, le deuxième éthos de la satire est le mépris. Enfin, la satire comporte undernier éthos, le comique. C'est luiqui, en s'alliant au mépris, engendre une cuisante moquerie. Nicolas Sarkozycomme Xavier Darcos, et comme les satiristes en général, s'en prennent à unecible qui peut être considérée comme prestigieuse – dans notre cas leschercheurs – et qu'ils s'emploient, selon le principe de la satire, àdéprécier. Les chercheurs ont en effet une double image, ambivalente, dansl'opinion : ce sont des fainéants payés à ne rien faire / ce sont lesgrands esprits moteurs du progrès scientifique, ou, en sciences humaines, lesgarants de la culture. Il suffit donc de les viser en tant que cible haute aumoyen de leurs vices supposés pour les rabaisser. La stratégie satiriquegouvernementale consiste à répartir les deux éléments de l'image des chercheursen apparence et en vérité : l'image haute des chercheurs est un leurrequ'ils accréditent, la vérité est que ce sont des parasites nullards.

On peut maintenant comprendre pourquoi le discours du Chef de l'Etat a profondémentheurté la communauté des chercheurs, pourquoi il a suscité une pétition quidemande des excuses à Nicolas Sarkozy, pourquoi des universitaires ont brandidevant Valérie Pécresse venue inaugurer la nouvelle université de Strasbourgdes feuilles disant « Halteau mépris ». Wendelin Werner, professeur de mathématiques, Médaille Fields2006 et membre de l'Académie des sciences, a répondu à ce discours par une lettre ouverte,où il dit ceci : « Je passerai sur le ton familier et la syntaxeapproximative qui sont de nature anecdotique et ont été suffisamment commentéspar ailleurs ». Et il ajoute : « Votre discours contient descontrevérités flagrantes, des généralisations abusives, des simplificationsoutrancières, des effets de rhétorique douteux ». On peut aussi lire la déclarationde chercheurs du CNRS qui « protestent vigoureusement contre lastigmatisation des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche,la désinformation organisée par le pouvoir dans les médias, et le méprisinvraisemblable qui a été affiché publiquement par le président de laRépublique ». Ces commentaires mettent le doigt sur certaines desmanoeuvres rhétoriques de la satire – dégradation par simplification,grossissement, déformation – et surtout sur son éthos caractéristique, le mépris, devenu le leitmotiv des réactionsdes chercheurs. Pourquoi ce « mépris » a-t-il déchaîné une telletempête de protestations outrées, un tel pathosqui, contrairement aux sages prescriptions de la rhétorique, n'était peut-êtrepas imaginé par l'orateur ? Il est certes toujours blessant de fairel'objet d'une injure, surtout si elle est publique, encore plus si elleprovient d'une autorité supérieure, plus encore si elle est émise par unofficiel, et d'autant plus s'il montre par le relâchement de son discours quesa fonction est si supérieure et son pouvoir si absolu que tout, même les inconvenances,lui est permis par rapport à ses infimes subordonnés. On sait l'indignationqu'a provoquée l'invective « Casse-toi, pov'con ». Mais l'offensesatirique est plus humiliante, plus cinglante, plus meurtissante encore quel'insulte brute, parce qu'elle inflige un outrage dont la puissance de méprisest décuplée par le ridicule. Le ridicule est supposé pouvoir tuer, et il estvrai qu'une honte publique infligée par une injure satirique peut parfoisacculer au suicide. Mais, en dehors de ces cas tragiques exceptionnels, leridicule a toujours la maléfique faculté de tuer symboliquement. Administrer unaffront satirique à quelqu'un, c'est donc user du pouvoir symbolique dedestruction dont est accréditée la formulation satirique, et la réaction de lacommunauté des chercheurs, derrière la colère soulevée par une humiliationpublique, marque ainsi une position de défense devant une agression de leurêtre même. L'expression satirique n'est pas la seule dont dispose le mépris,mais elle a pour spécialité, grâce à l'efficacité de son système d'éthè, de le rendre le plus blessant etle plus violent possible, parce qu'elle lui confère le pouvoir symboliquementassassin du ridicule. Nicolas Sarkozy était nécessairement conscient de cequ'il faisait et disait, mais il semble avoir mésestimé les conséquences dudangereux éthos qu'il a adopté et quia provoqué de la part de ses cibles d'innombrables et virulentes réactions dontl'enjeu n'est rien moins que la survie, symbolique mais aussi effective. Car ildécoule de tout cela que le maniement de l'avanie satirique par quelquesmembres du gouvernement manifeste, aussi clairement mais bien plusostensiblement que le contenu des réformes projetées, la volonté d'une mise àmort de l'Université, qui, elle, ne se déroulerait nullement sur le plansymbolique et dont le discours du Président de la République livre le refletgrossi, impudent – et déplacé.

Car il faut ajouter que le mépris du gouvernement s'affiche aussi - cequi est une possibilité et non une loi de la satire - par le niveau delangue, qui n'est peut-être pas aussi anecdotique qu'on le dit parfois, et lapreuve en est que la trivialité linguistique officielle révulse une partie desFrançais – indignation devant la malséance, blessure du sens de la langue,honte d'avoir un président au parler dépenaillé, voire honte pour lui de lapart des âmes les plus sensibles, et sentiment de quelque chose comme unpréjudice intime. En effet, le niveau de langue, contrairement au contenu, neconcerne pas seulement la cible, mais aussi le destinataire– c'est-à-dire, dans le cas d'un discours du Président de la République,le peuple français. C'est donc aussi tout le public, c'est-à-dire tout lemonde, qui est rabaissé par le recours à un niveau de langue censé s'adapter àses destinataires. Et, en dernier lieu, c'est le locuteur lui-même, en tant queresponsable de son énonciation, qui se rabaisse. Et c'est là aussi un élémentprofondément choquant pour une démocratie qui est attachée à la dignitéoratoire, et à la dignité tout court, de ses représentants. Quant auxchercheurs en particulier, on peut comprendre qu'ils aient été en outre blessésde se voir présentés comme des cancres inférieurs à lui par quelqu'un qui leurdonne des leçons tout en affichant sa trivialité.

La satire est naturellement aussi, de façon bien plus traditionnelle etbien plus ancrée dans les moeurs, l'arme de la contestation des pouvoirs. Il estdonc parfaitement attendu que les acteurs de la mobilisation l'utilisent euxaussi, comme cela se fait dans tous les mouvements face à tous lesgouvernements. Mais il se passe en plus aujourd'hui quelque chosed'inédit : la satire des contestataires est la réponse à la satiredébraillée, sommaire et inconvenante des membres du gouvernement, et il setrouve qu'elle est de surcroît issue d'une communauté d'esprits cultivés.

Si la satire recourt parfois au sarcasme, forme de raillerie directe etexplicite, elle peut aussi emprunter une autre voie, une voie indirecte, plusélaborée et plus subtile, celle de l'ironie. C'est le propre de la satirelittéraire, par exemple celle de Voltaire ou de Montesquieu. L'ironie faitpartie des figures de style de la rhétorique. Il s'agit, comme la métaphore, lasynecdoque ou la métonymie, d'un trope[4].Dans le cas de l'ironie, le sens littéral masque un sens implicite critique. Pourcomprendre un énoncé ironique, il faut donc se livrer à un travaild'interprétation, qui consiste à déchiffrer une signification cachée etmoqueuse sous un sens apparent qui sert à véhiculer clandestinement cetteposition subversive. La forme la plus simple de l'ironie est l'antiphrase. Uneantiphrase consiste à déclarer un sens et à impliciter le sens exactementcontraire, par exemple « Quel grand homme ! » L'ironie est unefigure de style, et à ce titre elle occupe un point limité de l'énoncé, ce enquoi elle est parfaitement adaptée au genre discursif du slogan, mais c'estaussi un type d'énonciation, et à ce titre elle peut se prolonger et occuper latotalité d'un texte. L'énonciation ironique est en effet une énonciation double,une énonciation à deux degrés, par laquelle l'énonciateur fait semblant de direune chose (signifié 1) pour en dire une autre (signifié 2). Et cette doubleénonciation a pour finalité de produire une moquerie, une moquerie cryptée.C'est le décalage entre le sens explicite et le sens implicite qui produit eneffet le comique, qui n'est donc perceptible que dans le cas d'un déchiffrementréussi du sens caché. En outre, le sens implicite de l'ironie est toujours plusou moins critique. Comme dans le cas de la satire, l'union du comique et de lacritique produit la moquerie. On comprend donc pourquoi la satire recourt sisouvent à l'ironie : c'est parce qu'elle ont deux éthè en commun. Mais, premièrement, l'ironie n'a pas nécessairementune visée militante. On peut faire de l'ironie sur la pluie et le beau temps ens'écriant, sous une averse, « Quel temps splendide ! » ou, sousun magnifique soleil, « Heureusement que j'ai pris unparapluie ! », de façon tout à fait gratuite. Et, deuxièmement, commeon le voit sur ces exemples courants, l'ironie, si elle est critique, n'est pasnécessairement méprisante. Quand elle se met au service de la satire, elle doitdonc durcir la critique en mépris et adopter une visée pragmatique, en mêmequ'un système éthique. Le critique américain Northrop Frye a dit que « lasatire est une ironie militante »[5].Au sens apparent de l'ironie satirique correspondent alors l'opinion et lavaleur attaquées, tandis que le sens implicite véhicule l'opinion et la valeurcontraires. Si un ironiste s'exclame « Quel grand homme ! », sondiscours reflète l'idée que sa cible se fait d'elle-même, tandis qu'il fait comprendrequ'il s'agit pour lui d'un sombre crétin. Le slogan « Le savoir coûte tropcher, essayez l'ignorance » est un énoncé ironique type. L'énonciateurfait semblant d'adopter l'opinion de sa cible pour la critiquer et ladiscréditer, et fait comprendre qu'il soutient l'opinion inverse.

L'ironie satirique constitue l'armetraditionnelle des minorités, des insurgés et des dominés parce que la posturedes majorités, des potentats et des dominants correspond nécessairement à laposition haute de qui détient le pouvoir et s'arroge le prestige. La satireayant pour vocation de rabaisser ce qui est élevé, un homme politique, surtoutsitué aux plus hauts niveaux de l'Etat, devient automatiquement une ciblesatirique. Une des techniques les plus simples de la dégradation satirique estde ramener la cible à ce que Bakhtine nomme le bas matériel : lephysiologique, le scatologique, le sexuel. Il s'agit là d'une tradition populairequi est celle du carnaval et que l'on retrouve aujourd'hui avec certainsslogans des manifestants : c'est le cas de « Pécresse, fac off »et de « La mastérisation rend sourd ». La rhétorique satirique, quicherche à donner à l'expression dévalorisante l'efficacité d'une formulationincise, emploie dans ces deux cas la figure de style qu'est la paronomase. Laparonomase consiste à utiliser un mot dont le signifiant est proche d'un autremot pour faire surgir ce second terme dans l'esprit du destinataire. On voitque l'élémentaire recours à la topique sexuelle se double d'une élaborationformelle qui confère à ces deux slogans une vigueur ironique, puisqu'ilsdonnent chacun deux sens à déchiffrer, un sens explicite objectif (lesuniversités sont fermées, le Ministre de l'Education refuse de retirer leprojet de loi sur la mastérisation) et un sens implicite, moqueur et obscène(paronomase jouant avec une insulte anglaise bien connue dans le premier cas,insinuation d'un plaisir solitaire pris à fabriquer des réformes tout seul dansson coin dans le second).

J'en reviens à la théorisation de l'ironie. L'ironie a été nommée etconceptualisée par les Grecs. Aristote, dans L'Ethique à Nicomaque, l'analyse en termes scénographiques, commela mise en scène de deux rôles qui forment un duo. Eironeia veut dire « interrogation », et celui qui maniel'ironie s'appelle l'eiron. L'eiron est celui qui interroge enfeignant l'ignorance, en dissimulant ses connaissances, son opinion et samalice. L'eiron apparaît d'abord surla scène du théâtre comique chez Aristophane. Aristote l'oppose au personnagede l'alazon, type du balourd vantard.L'eiron se moque de l'alazon, sa cible, en le questionnant, defaçon à le pousser à se ridiculiser par ses sottises et ses forfanteries. L'eiron, le rusé dissimulé, et l'alazon, l'abruti présomptueux, sont lesdeux rôles types et complémentaires de l'ironie.

Comme je viens de le dire, il est tout naturelque la mobilisation actuelle recoure à la satire pour s'en prendre augouvernement, parce qu'il en va toujours ainsi, le pouvoir aimantant lesflèches de la satire. Mais nous sommes aujourd'hui dans un cas plusparticulier, et cela pour deux raisons.

La première singularité de la situation satirique actuelle, c'est que lasatire a d'abord été maniée par le Chef de l'Etat pour commencer pardisqualifier les chercheurs et l'Université. La satire des mobilisés a donc laparticularité d'être une riposte. En d'autres termes, elle a été provoquée parle gouvernement lui-même, dont on voit donc que, en dépit des multiplescritiques qu'il s'attire et dans le déprimant contexte de crise actuel, il a lagrande vertu risifique de favoriser cette forme comique et parfois mêmedrolatique qu'est l'esprit satirique. Certes, on retrouve là un mécanisme plusgénéral du fonctionnement de la satire, le fait qu'un satiriste deviennelui-même, par une satire au second degré, la cible d'un nouveau satiriste. Parexemple, dans Le Misanthrope, Alcesteest un satiriste : il satirise l'hypocrisie, la courtisanerie, la vanité.Mais Alceste est lui-même la cible de la satire de Molière, qui se moque de luien le mettant en contradiction avec lui-même, parce qu'il est amoureux d'une coquetteadepte des opinions inverses aux siennes. Alceste est donc un satiristesatirisé. Et c'est aussi ce qui arrive à Nicolas Sarkozy et à Xavier Darcos. Lesatiriste, comme on l'a vu, prétend détenir la vérité, la vertu, la lucidité, lebon droit, etc. : la posture satirique suppose la supériorité du satiristesur le satirisé. Par conséquent, le satiriste est toujours peu ou prou enclin àla fatuité et à l'outrecuidance, et donc il constitue lui-même une cible idéalepour un satiriste, qui a toute facilité pour lui faire endosser le rôle de l'alazon. C'est pourquoi la victime d'unsatiriste peut lui emprunter ses propres armes pour les retourner contre lui. LePrésident de la République et son ministre, en adoptant la posture satirique, ontdonc appelé la riposte consistant à satiriser un satiriste ainsi constitué en alazon. La phrase de Xavier Darcos,« Le peuple braillard gavé de tout est encore dans la rue », aimmédiatement inspiré le slogan « Ministres nullards, peuplebraillard ». C'est ce que l'on appellefamilièrement un retour de manivelle. S'il s'agit là d'un mécanisme habituel dela satire, ce qui est remarquable, c'est que le pouvoir politique, d'ordinairepeu enclin à l'énonciation satirique, y recoure et suscite ainsi lui-même lesflèches satiriques de ses opposants. Toute attaque appelle riposte, et laparade des mobilisés n'a eu qu'à retourner le grotesque à l'envoyeur.

La seconde et plus frappante particularité de notre situation satirique,c'est le comportement « alazonique » de qui devrait en principemanifester sérieux, dignité, distinction et maîtrise de soi. Puisqu'on peuttoujours, pour se défendre, transformer un satiriste en alazon, la réponse satirique des mobilisés au mépris satirique dugouvernement s'est mise à utiliser les rôles types de l'ironie. Mais cela s'estfait avec une déconcertante facilité, ou à vrai dire, cela s'est fait enquelque sorte tout seul. En effet, l'eirontravaille normalement à rabaisser l'alazonpour le faire apparaître comme un rustre prétentieux, en forçant le traitjusqu'à la caricature. Mais voici l'eironétrangement désoeuvré quand sa cible affiche d'elle-même l'anti-intellectualismede la tradition populiste et poujadiste[6]et fait parade d'une trivialité et d'une inculture revendiquées etostensiblement constituées en valeurs supérieures. S'il est inédit etprobablement affligeant à l'intérieur de notre culture que les hommes d'Etats'abaissent à la satire sarcastique pour abaisser les autres, il est tout aussiinédit, mais bien plus drôle, qu'ils soient entrés d'eux-mêmes dans le carnavalsatirique, en offrant à leurs opposants un spectacle grotesque[7]prêt à l'emploi.

Le fait que les cibles se comportent d'elles-mêmesen alazons favorise aussiextraordinairement une autre des techniques de l'ironie satirique. Comme nousl'avons vu, l'énonciateur ironique se dédouble : au premier degré, il selivre à l'énonciation d'un sens littéral sérieux et au second degré, il énonceun sens implicite narquois. Cette énonciation dédoublée de l'ironie peutépouser celle de la citation. Quand on cite quelqu'un, c'est-à-dire quand onreproduit exactement son discours, il y a aussi double énonciation :l'énonciation originelle de la personne qui a d'abord tenu le propos etl'énonciation de celle qui le répète. La citation en elle-même n'est nullementironique mais elle peut le devenir si l'on fait comprendre que l'on répète unénoncé avec lequel on n'est pas d'accord. Une des techniques énonciatives del'ironie consiste ainsi à citer un adversaire pour tourner son discours endérision. C'est ce que l'on appelle l'ironie-mention. Il suffit de reprendretextuellement ce qu'a dit quelqu'un - de mentionner son propos - enle situant dans un contexte critique pour le rendre ridicule et pour endétourner le sens. C'est ainsi que le slogan « Ministres nullards, peuplebraillard » cite Xavier Darcos (« peuple braillard ») pourretourner contre lui sa propre expression et proclamer la légitimité et ladignité de la réaction contestataire. On a pu aussi lire sur des pancartes lepropos qu'aurait tenu Nicolas Sarkozy à ses ministres selon le Canard enchaîné[8],cité tel quel, sans commentaire ni modification. « Je ne veux plus voir les enseignants, leschercheurs et les étudiants dans la rue ! Fini le projet de décret. Finiaussi la suppression des IUFM. Vous me réglez ça. Vous vous couchez. Je m'en fous de ce que racontent les cons duministère ! […]. De toute façon,ce n'étaient que des projets de merde. » Le journal Marianne reproduit cette citation (supposée)sur son site en la faisant suivre de cette phrase : « Le poète enherbe caché derrière cette tirade n'est autre que Nicolas Sarkozy. » Maisce commentaire persifleur n'est même pas nécessaire. Sur les pancartes desmanifestants, seuls figuraient le texte et le nom du locuteur (toujourssupposé). C'est là un exemple parfait d'ironie-mention : le propos cité,enchâssé dans une autre situation d'énonciation (celui d'une manifestationd'opposants), se charge automatiquement d'un sens moqueur. Mais il faut bienavouer qu'il n'y a absolument rien à retoucher ni à adjoindre lorsque lelocuteur se charge lui-même de la dégradation qui devrait, en principe, être lepropre de la déformation satirique, sorte de prodige dans l'univers sans mercide la satire, un peu comme si la cible offrait à ses détracteurs la plusradicale caricature d'elle-même dont jamais satiriste n'aurait osé rêver.

En bref, pour satiriser qui un président« alazonique », il n'y a rien à faire, c'est lui qui – commed'habitude - fait tout. On voit que l'histoire de la satire vient deconnaître un tournant aigu et son fonctionnement un perfectionnement inattendu,paradoxal et décisif : l'élimination du satiriste lui-même, économiquementremplacé, selon le souci actuel de suppression des postes, par l'alazon en personne[9].Bakhtine lui-même ne l'avait pas prévu : dans la nouvelle paradegrotesque, c'est le souverain qui s'intronise roi de carnaval.

Lasatire ironique anti-gouvernementale découle donc directement de la satireassénée par les membres du gouvernement. Et ce mécanisme trouve une applicationinattendue dans le domaine de la littérature, comme le montre l'actuel succèsde ce best-seller qu'est devenu La Princessede Clèves.

On retrouve dans les propos présidentiels visantle roman de Madame de Lafayette les mêmes ingrédients que d'habitude – sarcasme,dégradation de la cible, des destinataires et du locuteur lui-même, dévaluationde la culture et des intellectuels, position de supériorité revendiquée parl'énonciateur – aptes à faire illico du satiriste un alazon.Mais dans ce cas, Nicolas Sarkozy s'en est pris à une oeuvre phare de lalittérature française et il a, une fois de plus, favorisé une des manoeuvres deprédilection de la satire, d'une satire pratiquée depuis fort longtemps par lesécrivains, les intellectuels et les lettrés.

Lapremière réplique du monde universitaire, et évidemment des littéraires enparticulier, a été de brandir le roman de Madame de Lafayette comme l'étendardde la révolte. Le Canard enchaîné,expert en matière de satire, ne s'est pas trompé sur le sens de cette réaction.Voici ce qu'il écrit de Nicolas Sarkozy : « Son coup de gueule datede 2006, mais il est devenu le symbole du mépris envers la culture prêté àSarko. Résultat : le ministère de l'Education a recensé ces dernièressemaines pas moins de 230 lectures effectuées dans les lycées, les universitéset les lieux publics du chef-d'oeuvre de Madame de Lafayette ! Une façonperverse, bien évidemment, de se payer la fiole du chef de l'Etat. Elle serait drôlementétonnée, Madame la comtesse, d'apprendre que son livre a contribué à saperl'autorité d'un lointain successeur de Louis XIV »[10].La « façon perverse de se payer la fiole » du locuteur est en fait lamanoeuvre de retournement de l'ironie satirique, qui consiste à satiriser lesatiriste sur la base même de ses positions. Mais la nouveauté, c'est que lalittérature est devenue une arme de combat et que dans la période actuelle oùl'on s'interroge avec perplexité sur son rôle et sur son intérêt, NicolasSarkozy vient de lui rendre une actualité et une puissance parfaitementinespérées.

S'ilsuffit maintenant de brandir ironiquement un exemplaire du roman de Madame deLafayette dans une manifestation pour affirmer un engagement politique, lesuniversitaires et les étudiants de Lettres ont aussi répliqué en retrouvant cettetrès ancienne pratique satirique qui est depuis l'Antiquité l'apanage desérudits. L'idée de mettre la littérature au service de la satire remonte eneffet aux philosophes grecs cyniques. Les Cyniques pratiquaient la parodie endétournant des vers connus et Ménippe de Gadara (IIIe siècle avant JC) estresté célèbre pour avoir inséré dans sa prose des vers parodiques, inaugurantla tradition de la satire parodique littéraire.

La parodie consiste à réécrire un texte précis,en le détournant par le comique. Dans la terminologie de Genette, la parodieest la transformation d'un hypotexte par un hypertexte. L'hypotexte est letexte de départ, par exemple le texte de Phèdre, et l'hypertexte est satransformation comique, par exemple le texte de Phédresse. La parodien'est pas en elle-même satirique. Elle prend en effet pour objet l'hypotexte,qu'elle rend comique en le transformant et en le détournant. La satire quant àelle vise des cibles dans la réalité. Autrement dit, la parodie estintertextuelle, alors que la satire est extratextuelle, puisque le textesatirique possède une visée extérieure à lui-même – une classe sociale, unindividu, un système politique, etc. Mais la parodie peut devenir satiriquelorsqu'elle sert à atteindre, par-delà le texte parodié, une cibleextratextuelle : Phédresse ne s'attaque pas à la tragédie deRacine, mais l'utilise pour viser Valérie Pécresse. Il s'agit donc d'une satireparodique.

Pour qu'il y ait parodie, il fautque l'on puisse identifier l'hypotexte sous l'hypertexte. La forme minimale de la parodie consiste à reprendretextuellement une citation en la détournant, en lui donnant une nouvelleapplication. L'ironie-mention est donc une forme de parodie. Dans le cas de laparodie par ironie-mention, la satire parodique s'en prend au locuteur cité. Leslogan « Ministres nullards, peuple braillard » cite Xavier Darcospour l'attaquer en le parodiant. C'est le même principe qui conduit desmanifestants à arborer une pancarte où figurent ces seuls mots :« “Casse-toi, pov'con” »[11].

Mais la satire parodique peut aussi investir un texte, parexemple une citation célèbre, pour se moquer non de son auteur mais du nouveauréférent auquel elle est appliquée. Un manifestant, le lendemain de la visitede Xavier Darcos à Bordeaux, arborait une pancarte portant la célèbre premièrephrase d'une Catilinaire deCicéron : Quousque tandem abuterepatientia nostra. Il y a ici parodie par simple substitution de contexte :la citation ne s'applique plus à Catilina, mais à Xavier Darcos, dont lacaricature était représentée sur la pancarte. Et la parodie ne vise évidemmentpas Cicéron, qui ne sert que de véhicule à la satire, mais le Ministre de l'Education.Elle se moque de lui en sous-entendant son obstruction : Xavier Darcos,comme jadis Catilina, abuse de notre patience, en campant sur ses positions.Mais il faut ajouter que la citation détournée, en homologuant Xavier Darcos àCatalina, suppose que notre ministre voudrait lui aussi renverser laRépublique. Et enfin, il faut aussi tenir compte du fait que Xavier Darcos estagrégé de Lettres Classiques, qu'il a été professeur de Lettres Classiques etqu'il a soutenu une thèse de doctorat sur Ovide. C'est donc aussi, par le biaisde la citation latine, en tant que latiniste qu'il est ici satirisé : lacitation de Cicéron suggère qu'il trahit les valeurs culturelles attachées auxétudes classiques et qu'il oublie que c'est grâce à son statut de docteur en LettresClassiques qu'il a pu, de façon toute pragmatique, accélérer son cursus honorum.

Le détournement de l'hypotexte peut enfin passer par unetransformation de son signifiant, par une modification du texte, toujours à lacondition que l'hypotexte reste reconnaissable. Il peut parfois suffire demodifier une lettre. Gérard Genette donne l'exemple, par lui inventé, d'uneparodie de la première phrase d'A larecherche du temps perdu : « Longtemps je me suis douché de bonneheure »[12]. Lamodification peut affecter des segments plus vastes du signifiant, le rapportavec l'hypotexte étant alors conservé par quelques éléments qui en permettentl'identification et le constituent comme support[13].La parodie Phédresse reprend de façonprécise le célèbre dialogue où Phèdre fait comprendre à Oenone qu'elle aimeHyppolite, en conservant sa structure en répliques ainsi que certains vers etsegments de vers, et fabrique les noms des personnages et le titre en croisantceux de Phèdre et de son contextegrec avec ceux des cibles : « Phédresse, fille de Minos et deManiphaé ; Hydarcos, ministre du temple de Sarkos ». A l'hybridationdes noms propres se joint un jeu de mots sur les deux sens, politique etreligieux, du terme « ministre », qui articule parfaitement lecontexte de la Grèce ancienne et celui de la République française. La parodieréécrit la scène 3 de l'acte I de Phèdre :comme Phèdre avoue à Oenone son amour pour Hyppolite, Phédresse avoue àHydarcos qu'elle aimerait un médiateur.

Voici quelquesexemples de la transformation parodique à laquelle recourt Jean-PhilippeGrosperrin, l'auteur de Phédresse :

Phèdre :

N'allons point plus avant. Demeurons, chère Oenone.

Je ne me soutiens plus, ma force m'abandonne.

Phédresse :

N'allons point plus avant, demeurons, Hydarcos.

Je ne me soutiens plus : je sens qu'il y a un os.

Dieux ! que ne suis-je assise à l'ombre des forêts !

Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussière,

Suivre de l'oeil un char fuyant dans la carrière ?

Dieux ! que ne suis-je assise à l'ombre des décrets !

Quand pourrai-je au travers de mon nouveau mastère

Suivre de l'oeil un prof fuyant de la carrière ?

On voit que la parodie passe parla substitution aux référents originels de référents en prise sur l'actualité,ce qui provoque une hybridation où l'on peut à la fois reconnaître l'hypotexte,dégradé et modernisé par les anachronismes, et lire un nouveau sens. Ce sontévidemment les vers les plus célèbres qui se prêtent le mieux au détournementparodico-satirique :

Phèdre

Ariane, ma soeur ! de quel amour blessée,

Vous mourûtes aux bords où fûtes laissée !

Phèdresse

Rachidane, ma soeur ! Par quel destin moulue

Vous quittâtes les ors dont vous fûtes exclue !

Il va de soique la parodie pratique un jeu sur l'hypotexte, mais il est clair, également,que l'hypotexte n'est pas la cible de l'attaque mais son vecteur. Lorsquel'hypotexte est un texte prestigieux et vénérable, écrit dans le style noble dela tragédie, les éléments triviaux et contemporains et les expressionsfamilières introduits par la parodie provoquent une dégradation du contenucomme du style. La satire exploite alors la présence simultanée dans la parodiedes deux niveaux - niveau élevé de l'hypotexte, niveau bas del'hypertexte -, et les fait jouer l'un contre l'autre : le niveau del'hypotexte sert de norme axiologique à laquelle se mesure la dégradation deséléments de l'hypertexte. Autrement dit, si Valérie Pécresse est ridiculisée,c'est parce qu'elle est posée comme une version dérisoire et bouffonne dePhèdre : la confrontation entre Phèdre et Valérie Pécresse a pour effet derabaisser la seconde, et non le texte ni le personnage de Racine.

Sila satire parodique est une des ressources habituelles du militantisme comique,une fois encore dans ce cas l'attitude gouvernementale a favorisé etdémultiplié ce qui n'est d'habitude qu'une arme satirique parmi d'autres. NicolasSarkozy, en affichant son mépris pour la culture littéraire en pilonnant La Princesse de Clèves, a constitué lalittérature en valeur de résistance, adoptée par la satire comme normeaxiologique. Et comme les universitaires littéraires se sentent encore plusmenacés et outragés que les autres, ils ont évidemment répliqué par la parodielittéraire, qui met à l'honneur, comme arme de combat, l'objet de leur travail,le texte littéraire – enrôlant, après Madame de Lafayette, quelques-uns desécrivains les plus prestigieux : « Marre, marre, Marcel Proust !la recherche n'est pas du temps perdu ! » Donc, nouveau retour demanivelle, nouvelle parade, nouvel acquis, la littérature, y compris et surtoutla plus éloignée du monde actuel, est promue valeur politique suprême. Il y aainsi eu des lectures publiques, place de la Victoire à Bordeaux, du monologuede Hamlet « être ou ne pas être », en anglais et dans différentestraductions françaises. Ce qui passe alors par la voix de Shakespeare, c'est laquestion de l'être de l'Université, de l'enseignement, de la littérature et dela culture. Si, selon le Canard enchaîné,Madame de Lafayette « serait drôlement étonnée d'apprendre que son livre acontribué à saper l'autorité d'un lointain successeur de Louis XIV », onvoit maintenant que cela n'a en réalité rien d'étonnant et on comprendpourquoi, le 29 janvier dernier, une banderole jouait d'un double sensidentifiant un autre grand écrivain et l'université de sciences humaines quiporte son nom : « Madame de Lafayette, Michel de Montaigne, mêmecombat ».

Leroman de Madame de Lafayette a d'ailleurs lui-même fourni matière à une satireparodique, Mme de Pecqueresse et M.de Sarquise, quiréécrit le début du roman. Cette parodie semble suspecte d'emprunter en mêmetemps à la satire moliéresque, en jouant sur les noms propres. « M. deSarquise » croise « Sarkozy » et « M. de Guise »,personnage de La Princesse de Clèves,mais la particule, vu la personnalité de notre président à Rolex, Ray Ban etweek-end à 50 000 euros, fait aussi de Sarquise une sorte de bourgeoisgentilhomme, avide d'exhiber les signes de sa prospérité symbolique etmatérielle. Et surtout, Pecresse s'orthographie ici « Pecqueresse ».Il se trouve que Valérie Pécresse porte un patronyme qui, dans le mondesatirique où tous les coups, y compris les plus bas, sont permis, peutfacilement prêter le flanc à la péjoration railleuse. Dans Les Précieuses ridicules, La Grange appelle en effet Cathos etMagdelon « deux pecques provinciales ». « Pecque » est un termed'injure, qui désigne une femme sotte et impertinente qui fait l'entendue, enlangage familier. En outre, le suffixe « esse » peut comporter unevaleur péjorative, en raison de la misogynie véhiculée par la langue :marqueur du féminin (« diablesse », « bougresse »,« gonzesse »), il en est venu à désigner par plaisanterie unefonction considérée comme inadaptée en raison de l'incompétence fémininesupposée (« chefesse », « ministresse »). Le patronyme« Pécresse » est donc tout désigné pour être traité comme ladérivation péjorative d'un substantif lui-même infamant, par une raillerie quicumule satire personnelle et satire misogyne, deux facilités dont les écrivainseux-mêmes ne se sont pas privés, comme l'a fait Molière. Et cet emprunt à lasatire moliéresque m'amène aux parodies dont l'hypotexte est lui-mêmesatirique.

Lasatire existe évidemment aussi comme catégorie littéraire. L'une de ses formesthéâtrales, pratiquée à la fin du Moyen Age et au XVIe siècle, est la sottie.La sottie est une pièce de théâtre qui met en scène un monde gouverné par laFolie. Les personnages sont des Sots, dont les comédiens portent le costumevert et jaune, couleurs de la Folie, auquel ils adjoignent un bonnet d'âne. Cespersonnages incarnent des types, reflétés par leur nom (Sot Ignorant, SotCorrompu, Sot Ecclésiastique), ou des allégories (Le Monde, Abus, Plusieurs).Dans La Sottise à huit personnages,André de La Vigne met en scène le Prince des Sots qui veut remplacer le vieux Mondepar un nouveau (1507). La pièce de Jarry, UbuRoi, s'inscrit dans cette tradition satirique. Si les textes littérairesnon satiriques se prêtent d'une certaine façon, que nous avons vue, à la satireparodique, évidemment, les textes déjà satiriques sont éminemment exploitables,mais d'une autre façon : la parodie met alors à son service la satire dutexte premier, dont elle redirige les traits vers une nouvelle cible. C'est, sil'on veut, une satire puissance deux. On trouve ainsi aussi en ce moment uneparodie de sottie, intitulée Sottie à neufpersonnages.

Sij'ai mentionné Ubu, c'est parce qu'encircule aussi une parodie, Ubu re-roi.La satire dramatique s'est perpétuée dans la comédie classique, par exempleavec Le Tartuffe de Molière, dont ilexiste aussi une parodie pécressisée, Tartuffe à l'Université, ou le décret hypocrite. Ces parodies utilisent lemême principe que celles de textes non comiques : elle dotent l'hypertexted'un référent actuel, qui devient la cible de la satire. Mais, ce faisant,elles obéissent au principe même de l'hypotexte, qui est celui del'universalité. La Sottie est en effet un genre allégorique, destiné às'adapter à toutes circonstances, parce qu'il donne une vision du monde universelle,Tartuffe est le modèle de l'hypocrisie et Ubu celui du souverain crétin,tyrannique, vulgaire et odieux. Nous touchons là à une autre descaractéristiques de la satire, qui manifeste sa vision du monde à la fois noireet comique en postulant l'universalité et la pérennité des travers qu'elledénonce, si bien qu'elle met en scène des actants qui sont toujours plus oumoins des types et qu'elle bâtit des intrigues qui sont toujours plus ou moinsdes broderies sur un unique scénario, la lutte contre les abus, les vices etles folies. La satire, autrement dit, recourt à des topoï, des stéréotypes, et c'est pour cela qu'une oeuvre satiriquereste souvent disponible pour une réactualisation, et cela d'autant plus quandelle se coule dans un genre littéraire parabolique – sottie, fable,maximes, etc. – prévu pour trouver de perpétuellesapplications.

Dansun de ses cours hors les murs et dans le tram, un de mes collègues anglicistesa proposé à ses étudiants de traduire en anglais un texte de Victor Hugo, un extraitde Napoléon le Petit. Il s'agit d'unpamphlet qui vise Louis Napoléon Bonaparte, devenu empereur en tant queNapoléon III. Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, a été éluPrésident de la république en 1848 avec 74% des voix au suffrage universelmasculin. Il a aussi été le dernier empereur des Français, grâce à son coupd'Etat du 2 décembre 1851. Il a épousé une comtesse espagnole, Eugénie deMontijo. En 1852, il avait fait expulser Hugo, qui s'était opposé au coupd'Etat et qui répondit l'année même par Napoléonle Petit. Ce texte vient d'être réédité par Actes Sud et des extraits enfleurissent actuellement sur le net, où il est en train de connaître, en unesévère concurrence pour La princesse deClèves, un immense succès. Voici l'extrait traduit par le professeurd'anglais, ses étudiants et quelques passagers de la ligne B :

Quepeut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien. Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme degénie eût changé la face de la France, de l'Europe peut-être. Seulement voilà,il a pris la France et n'en sait rien faire. Dieu sait pourtant que lePrésident se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après lesprojets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner lechange sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas !Cette roue tourne à vide.

L'homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé uneprincesse étrangère est un carriériste avantageux.

Il aimela gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille,toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque,la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse.Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit et qu'ensuite on mesure lesuccès et qu'on le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pasquelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule auxpieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue ! Tristespectacle que celui du galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre échappé.

Mon collègue anglicisten'a pas écrit une parodie de Napoléon lePetit, comme il y a des parodies de sottie, d'Ubu et de Tartuffe. Maisil est certain que la traduction anglaise élaborée avec les étudiants n'est pasexactement, même si c'est une traduction exacte et rigoureuse, l'équivalent enanglais du texte de départ : il s'agit aussi d'une sorte d'hypertexte dontl'extrait de Victor Hugo est devenu l'hypotexte, puisqu'il est passé par laréférenciation à la personne d'un autre homme d'Etat, substituée à celle deNapoléon le Petit. C'est évidemment la contextualisation de l'acte detraduction – un cours dans le tramway pendant un mouvement de grève –qui a doté le texte d'un soubassement référentiel actualisé. Le détournementparodique a donc aussi affecté l'acte de traduction et la pratiqueprofessorale, qui sont devenus des actions militantes satiriques. Et si l'on nepeut s'empêcher d'admirer l'étonnante coïncidence entre le référent hugolien etla situation actuelle, il faut se souvenir que la satire met toujours en avantles mêmes travers et les mêmes ridicules et que c'est précisément cela qui luidonne une force de frappe atemporelle.

Dans le même esprit a eulieu une lecture marathon de Gargantua,place Saint-Michel à Paris. Voici l'annonce qui en était faite sur le site deLibération : « Un mois exactement après la lecture deLa Princesse de Clèves devant lePanthéon […], une nouvelle lecture partagée d'un classique, d'un grand textehumaniste et politique, pour dire que le mouvement universitaire se poursuitface au mépris affiché du gouvernement non seulement envers la communautéuniversitaire, mais encore envers l'ensemble des personnels de l'EducationNationale. Parce que rire est bon pour la rate et l'humeur en général, ce quiaide à la réflexion ; parce que Gargantua raconte comment une éducationhumaniste vient à bout d'un roi colérique et trépignant, Picrochole, et parcequ'enfin cette foi dans un savoir ample et généreux a grand besoin d'êtrerappelée aujourd'hui. ». Si la lecture de Gargantua peut rappeler celles de La Princesse de Clèves, son principe est un peu différent,puisqu'il s'agit ici d'utiliser le texte de Rabelais à la façon d'une citationparodique : la lettre reste identique mais s'applique à un référent actuelet la satire rabelaisienne est redirigée vers une autre cible à travers lepersonnage de Picrochole.

Enfin,il me reste à traiter un dernier cas de satire parodique. La parodie de sottien'est pas exactement la réécriture d'un texte précis existant : c'est ungenre littéraire qu'elle reprend. Il ne s'agit de parodie qu'au sens large, entant que parodie de genre. Mais il circule sur le net un type de parodie encoreplus large, puisqu'elle n'imite même plus un genre littéraire, mais un genresocial, un rite académique, la soutenance de thèse. Si on parle alors deparodie de soutenance de thèse, ce n'est plus au sens technique et littérairedu mot « parodie », mais plutôt dans son acception courante. Ce texteva nous permettre de mettre en relief un autre des procédés de dégradationcomique de la satire, la caricature. La caricature, qui peut être verbale ougraphique, utilise deux figures de style. Tout d'abord, elle procède parsynecdoque : elle représente une personne par un ou quelques-uns de sestraits ou de ses attributs, qui valent pour la personne entière. En cela, lacaricature, et donc la satire, est simplificatrice : elle stylise.Ensuite, la caricature recourt à l'hyperbole : elle grossit démesurémentces quelques éléments, pour les rendre laids et risibles. La satire de la soutenance deValérie Pécresse est écrite comme une pièce de théâtre. Voici la didascaliequi prescrit les costumes et accessoires des personnages, en usant de latechnique de la caricature :

NicolasSarkozy, avec une grosse montre, des ray ban et un téléphone portable

XavierDarcos, costume cravate

FrançoiseParisot, pantalon + veste longue + grand foulard chamarré

CarlaBruni, en jeans et petit top (à manches, pas de rhume !) + i.pod dans lesoreilles (casque visible autour de la tête) et tél. portable

ValériePécresse, en tailleur ou pantalon ou jupe, chemisier blanc.

AlbertEinstein, pantalon velours côtelé et pull jacquard.

Il y auraitd'autres éléments de la stratégie satirique à analyser dans ce document, maisje vous laisse les répertorier pour terminer, en guise de conclusion, par unretour aux sources de la satire.

Lemot « satire » vient du latin satura,lui-même issu de l'adjectif satur,« plein » : une saturalanx était une coupe remplie de fruits divers, et donc aussi un pot-pourri,un mélange. Le terme satura a étéutilisé par les Latins pour désigner un genre littéraire en vers, formepoétique qui a notamment été pratiquée par Horace et Juvénal. Comme son noml'indique, le principe de ce genre poétique est le mélange. Du point de vue dela forme, même si elle recourt toujours à l'hexamètre, il s'agit d'un mixte dedialogues, anecdotes, saynètes, portraits, maximes, sermons, etc. De même, ence qui concerne son contenu, la saturaest marquée par la polyvalence : elle prend pour cibles tous les traverspossibles, individuels ou collectifs, pour s'en moquer. Ce genre littérairepoétique a été repris en France, notamment par Mathurin Régnier (1573-1613) etpar Nicolas Boileau (1636-1711), qui porta à sa perfection sa forme françaiseclassique. Mais ce ne sont pas les Latins qui ont inventé la satire, quiexistait déjà, mais sans porter ce nom et sans correspondre à un genrelittéraire.

Ilfaut en effet distinguer la satire en tant que genre littéraire en vers etl'esprit satirique, un esprit de comique critique qui peut se glisser danstoutes sortes d'énoncés. Et l'esprit satirique a existé de tous temps et danstoutes les civilisations. On le trouve dès les époques archaïques et on supposequ'il était originellement lié à des rites religieux païens. Dans les périodesprimitives, les mots étaient en effet supposés posséder un pouvoirmagique : dire une chose, c'était la faire advenir. Et un tel pouvoirmagique était attribué aux insultes railleuses, à ces moqueries que l'on a plustard qualifiées de satiriques. En brocardant son ennemi, on pouvait lesoumettre, et même le tuer. Lancer une imprécation satirique, forme railleusede malédiction, c'était comme décocher une flèche empoisonnée. Et pour conférerà l'énoncé une efficacité assassine supplémentaire, on lui a donné une formeparticulière, une forme codée, exactement comme pour les formules magiques,variable selon les cultures. En Grèce, par exemple, la satire a pris une formeversifiée, la forme du vers iambique, dont l'invention est attribuée àArchiloque, poète soldat (VIIIe ou du VIIe siècle avant JC). Archiloque estnotamment le héros d'une légende qui illustre le pouvoir suprême détenu par lesatiriste primitif. Il devait se marier à Néoboulè, fille de Lycambès. Mais,après les fiançailles, Lycambès a rompu sa promesse et refusé de prendreArchiloque pour gendre. Archiloque a alors chanté des vers satiriques contre lepère et la fille, qui ont dû se pendre. C'est de la croyance archaïque dans lepouvoir performatif des mots, dont l'énonciation accomplirait l'acte énoncé,que vient l'idée que le ridicule tue. Certes, aujourd'hui, on ne considère plusque lancer une moquerie satirique revient à décocher une flèche capable de tuerinstantanément sa cible, mais ces croyances sont restées dans les violentesmétaphores de la satire (décocher un trait satirique, brandir le fouet de lasatire), et le ridicule continue à tuer symboliquement, en pulvérisantl'honneur et la dignité de l'individu.

C'est pourquoile militantisme satirique n'est pas une arme à sous-estimer, surtout qu'elle aun autre avantage : la satire, parce qu'elle est indissociable de lacréativité comique, a aussi partie liée avec la fantaisie, qu'elle est la seuleà pouvoir marier avec une conviction éthique, comme le montrent les satires lesplus farfelues de Rabelais, de Voltaire ou de Swift – et quelques extravagantestrouvailles des universitaires, comme le « Classement deSandales ». Si les insultes qu'essuie l'Université ne relèvent que dela satire la plus grossière, la plus vulgaire et la plus hargneuse, la satireest aussi cette forme qui peut harmoniser érudition, inventivité comique,fantaisie et militantisme. Northrop Frye la définit en ces termes :« La satire exige au moins un soupçon de fantaisie, un contenu que lelecteur doit trouver grotesque, et la reconnaissance, au moins implicite, d'unenorme morale, soutien essentiel d'une attitude militante en face de lavie »[14].

Sophie Duval


[1] L'ironie, Paris, Flammarion« Champs », 1964, p. 58.

[2] « L'ancienne rhétorique :aide-mémoire », in L'aventuresémiologique, Paris, Seuil, « Points Essais », 1985, p.146.

[3] Ibid.

[4]Un trope est une figure de signification, qui attribue deux sens à un même motou à un même énoncé.

[5] Anatomie de la critique, Paris, NRFGallimard, 1969, p. 272.

[6]Voir Roland Barthes, « Poujade et les intellectuels », in Mythologies, Paris, Seuil,« Points », 1957, p. 182-190.

[7]Pour quelques éléments sur la catégorie du « spectacle grotesque » etsur le sens dans lequel est ici employé le terme de « grotesque »,voir ce texte deprésentation.

[8]4 mars 2009.

[9] On pourrait même penser que l'ironie-mention devientelle aussi superflue. Voir http://www.mediapart.fr/club/edition/pol-en-stock/article/180309/sarkozy-version-michel-audiard-et-tonton-flingueur et http://www.wikio.fr/video/662111.

[10]4 mars 2009.

[11]Explication des guillemets. L'ironie-mention peut se dispenser de lasignalisation typographique des guillemets, mais celle-ci s'avère indispensabledans le cas de cette dangereuse citation depuis qu'un chômeur a été poursuivipour offense au Chef de l'Etat, parce qu'il avait brandi sur le passage deNicolas Sarkozy une affichette portant la désormais fameuse phrase. Lesguillemets citationnels, qui auraient explicitement dédouané le locuteur detoute responsabilité énonciative, ont donc été adoptés par les manifestantsavertis. Quant à la réaction du tribunal, elle n'a rien d'original : lessatiristes ont souvent été sanctionnés par le bras de la justice – ce quiprouve à quel point le ridicule satirique peut être redouté des puissants,surtout quand il se joint à l'insolence de l'ironie-mention.

[12] Palimpsestes, Paris, Seuil,« Poétique », 1982, p. 53.

[13] Par exempleavec la variante « Casse-toi, riche con ».

[14] Op. cit., p. 272.