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Transcription, adaptation et traduction des pièces entre domaines français et étrangers sous la Révolution et l’Empire   

Transcription, adaptation et traduction des pièces entre domaines français et étrangers sous la Révolution et l’Empire

Publié le par Marion Moreau (Source : Françoise Le Borgne)

Transcription, adaptation et traduction des pièces entre domaines français et étrangers sous la Révolution et l’Empire

ANR Therepsicore

Journée d’étude organisée par le CELIS et le CHEC

Clermont-Ferrand, 13 novembre 2012

La remise en cause de l’héritage classique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle passe en France par l’appropriation des corpus dramatiques étrangers italien (accusations de plagiat formulées à l’encontre du Fils naturel de Diderot en 1757), anglais (Shakespeare traduit de l’anglois par Letourneur en 1776) puis allemand (Lessing, Schlegel, Klopstock, Gebler, Goethe, Schiller sont traduits, adaptés et parfois joués dans les années 1770-1780), qui ouvrent aux dramaturges français des perspectives esthétiques et génériques nouvelles. Ce mouvement, déjà intense dans les dernières années de l’Ancien Régime, s’accentue sous la Révolution à la faveur de la déréglementation des répertoires et de la diversification de l’offre dramatique. Transcriptions, adaptations et traductions de pièces étrangères viennent enrichir l’affiche des théâtres parisiens et provinciaux, sur lesquels elles contribuent à faire souffler un vent de liberté : Schiller, l’un des dix-huit étrangers auquel la Législative décernera le titre de citoyen français, rencontre ainsi un vif succès en 1792 grâce à l’imitation que Lamartelière propose de son drame de 1781 sous le titre Robert chef de Brigands[1]. Cet enthousiasme survit à Thermidor comme en attestent alors, par exemple, le triomphe de Misanthropie et repentir de Kotzebue, fin décembre 1798 au théâtre de l’Odéon, la popularité de la Paméla traduite par François de Neufchâteau et interdite en 1793[2], et surtout les initiatives de création de salles consacrées au répertoire étranger sous le Consulat et l’Empire : en 1801, Alexandre-Louis Bertrand Robineau, dit de Beaunoir, ancien bibliothécaire du roi qui venait de passer dix ans à l’étranger en qualité de directeur de troupe, fonde à son retour d’émigration l’éphémère théâtre des étrangers. Il est sans doute le conseiller de Boursault, qui, devenu propriétaire du théâtre Molière après de nombreuses tournées en France mais aussi en Belgique et jusqu’à Palerme, obtient lors de la restructuration du 25 avril 1806 que sa salle, rebaptisée théâtre des Variétés étrangères, se spécialise dans la représentation de pièces traduites ou adaptées[3]. Condamné par le décret de Saint-Cloud du 13 août 1807, le théâtre des Variétés étrangères aura mis à l’affiche, durant sa brève existence, trente-huit pièces (dix-neuf allemandes, dix anglaises, deux italiennes et deux espagnoles) et en aura publié vingt-huit. Sa fermeture est révélatrice de la volonté impériale d’épuration des répertoires mais aussi des réticences d’une critique de plus en plus conservatrice, qui, contrairement au public, considère le patrimoine dramatique français comme indépassable et n’admet pas que les audaces des dramaturges étrangers puissent être érigées en modèles.

L’objet de cette première journée d’étude organisée dans le cadre du programme ANR Therepsicore[4] est de permettre une meilleure appréhension de la nature et de la formation du répertoire dramatique d’origine étrangère joué sous la Révolution et l’Empire non seulement en France mais aussi dans les territoires annexés et dans les territoires frontaliers où la présence d’émigrés ou de troupes françaises favorise inversement l’appropriation du répertoire français. Deux types d’approches complémentaires pourraient être développées :

1°. Les problèmes de la traduction. Qui sont les traducteurs engagés dans l’entreprise de diffusion des corpus dramatiques étrangers ? Quels sont les filtres qui viennent médiatiser l’accès à ces répertoires tant dans les transcriptions et les adaptations que dans les traductions ? Il pourra être intéressant d’analyser les présupposés esthétiques, idéologiques et politiques qui déterminent la censure des pièces livrées aux acteurs puis au public, y compris dans des éditions bilingues qui revendiquent des coupes et des modifications dans des originaux présentés, dans leur état premier, comme proprement irreprésentables. En quoi ces présupposés ont-il évolué entre 1789 et 1815, témoignant des variations du contexte politique mais aussi de l’évolution de l’horizon d’attente des publics ? Quelle a été la réception de ces pièces d’origine étrangère notamment en province ?

2°. Les réseaux et les « passeurs ». Comme le montre bien l’exemple du théâtre des Variétés étrangères, la promotion du théâtre étranger suppose l’implication de traducteurs, de dramaturges, de directeurs de troupes, de libraires-imprimeurs dont les motivations peuvent être diverses (volonté de promotion de répertoires alternatifs, valorisation d’une expérience d’émigration, opportunisme politique ou économique...). Quels ont été ces relais en province, dans les territoires annexés et frontaliers ? Quels soutiens ont-ils rencontré localement, notamment dans la presse ?

Les propositions de communication (2000 signes environ) sont à adresser avant le 15 avril 2012 à Françoise Le Borgne (flb75@yahoo.fr) et à Philippe Bourdin (phbourdin@laposte.net).

[1] Cf Pierre Frantz, « Le Crime devant le tribunal du théâtre : Les Brigands de Schiller et leur fortune sur la scène française », Littératures classiques, n° 67, Paris, Honoré Champion, 2009, pp. 219-230 et Philippe Bourdin, « Le Brigand caché derrière les tréteaux de la Révolution. Traductions et trahisons d’auteurs », Annales historiques de la Révolution française, Paris, Armand Colin, avril-juin 2011, n°364, pp. 51-84.

[2] Neufchâteau François de, Paméla ou La Vertu récompensée, éd. Martial Poirson, Oxford, SVEC, 2007.

[3] Renée Lelièvre, Le Théâtre des Variétés étrangères (1806-1807), Revue de la Société d’histoire du théâtre, Paris, Michel Brient éditeur, 1960, t.III, pp. 193-309.

[4] Therepsicore : Théâtre de la Révolution et de l’Empire en province : salles, itinérances, construction des carrières, répertoires. Programme ANR associant le CHEC et le CELIS (Université Blaise Pascal – Clermont 2) ainsi que le CELLF 17e-18e siècles (Paris 4).