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Expériences mystiques : énonciations, représentations et réécritures (Cerilac, Paris Diderot)

Expériences mystiques : énonciations, représentations et réécritures (Cerilac, Paris Diderot)

Publié le par Marc Escola (Source : Fanny Arama)

                                               Séminaire doctoral "Expériences mystiques :       

                         énonciations, représentations et réécritures", Cerilac, Paris Diderot

                                      Présentation et appel à communication

 

CERILAC, Paris Diderot, Salle Pierre Albouy

 

    Dérivé du verbe grec muô qui signifie « fermer ses yeux ou ses lèvres », le nom mustèrion a pour signification fondamentale la notion de secret. Il s’est trouvé très tôt associé au domaine religieux pour désigner des rites athéniens sous le nom de « mystères » d’Eleusis, consistant en une cérémonie où l’initié peut « voir » ce qui est caché à la vue des autres et ce qu’il doit ensuite taire. A la clé de la mystique se trouve ainsi l’idée d’une incommunicabilité, au départ conventionnelle, mais bientôt structurelle. En effet, si aux époques hellénistique et romaine, le domaine d’application de ce terme s’élargit pour désigner une catégorie particulière de religions dont l’institution repose sur l’initiation et le secret – les religions à mystère –, ce n’est qu’à partir de l’époque médiévale que la « mystique » servira à désigner une expérience religieuse personnelle intense en présence du divin, mettant au défi les capacités du langage à exprimer cette expérience ou à la représenter.

    C’est sous ce second aspect que la « mystique » nous apparaît aujourd’hui. En effet, nous ne voulons pas aborder la mystique sous son aspect religieux ou communautaire, mais en ce qu’elle décrit une expérience individuelle et dans la seule perspective de son expression langagière et esthétique. Elle nous intéresse donc en ce qu’elle intervient dans une dynamique, d’une part, de création littéraire et artistique, d’autre part, de renouvellement et de réécriture au fil de l’histoire.

    Nous chercherons ainsi, lors de ce séminaire, à définir certains critères de reconnaissance de cette dynamique, afin de sonder la singularité du discours mystique et de son évolution. Son origine réside dans le paradoxe d’une expérience qui, en tension entre l’impossibilité de dire et la nécessité de parler, se situe au seuil du langage et de l’ineffable, du visible et de l’invisible, du transcrit et du vécu. Le parler mystique correspond de plus, au cours de l’histoire, à une intensification du discours religieux mettant l'homme aux prises avec des notions telles que "Absolu" ou "Infini". Ces notions sont problématiques et il convient de tenter d'en exprimer non seulement les prémisses, les conditions d'apparition, mais également les caractéristiques stylistiques de leur manifestation littéraire.

    Deux questions d’ordre méthodologique se posent : doit-on considérer l’expression mystique à travers une approche historique, en prenant en compte le contexte historico-social qui la fait émerger ? Peut-on envisager une définition du discours mystique en dehors des religions consacrées ?

    Concernant la possibilité d’une approche historique, nous savons que Michel de Certeau[1] a cherché à décrire une véritable topique visant à lire, identifier et contextualiser le genre littéraire de la fable mystique à travers l’histoire. Il limite son analyse aux XVIe et XVIIe siècles car selon lui, la littérature mystique, bien qu’elle ne commence pas au XVIe siècle, « ne se découpe un nom et une formalité propres que pendant ce siècle »[2]. Dans ce contexte, il sera intéressant de se demander sous quelle forme la mystique est présente en dehors de cette période décrite par M. de Certeau. Est-elle seulement une « figure transitoire entre univers médiéval et époque moderne »[3], comme le soupçonne Françoise Champion ? Jusqu’à quel point pouvons-nous partager, avec Carlo Ossola, un certain scepticisme quant à la « tentative de "mettre à jour" le lexique de la mystique, de l’adapter à notre temps »[4] ?

    En ce qui concerne la définition même du discours mystique, Lydie Parisse[5] a récemment réuni différentes études qui dessinent les caractères de l’énonciation mystique à travers les arts et les littératures, de la fin du XIXe siècle à nos jours, dans et en dehors des credo traditionnels. Un procédé semblable pourrait aussi être appliqué aux seules créations figuratives, sculpturales et performatives comme le témoigne par exemple l’exposition Traces du Sacré (Pompidou 2008), dirigée par Alfred Pacquement, Jean de Loisy et Angela Lampe, qui ont proposé un parcours autour de la question du sacré dans les arts du XXe siècle, transversal à tout discours religieux.

    Nous voudrions continuer à tracer ce sillon, dans une perspective chronologique plus large en suivant les inspirations de L. Parisse, A. Pacquement, J. de Loisy et A. Lampe. Nous chercherons donc à repérer certains caractères récurrents du parler mystique et à les mettre en perspective dans des contextes historiques différents. Nous chercherons également à comprendre comment l’énonciation mystique se renouvelle à travers la relecture et la traduction de textes antérieurs et alimente ainsi un processus de création littéraire et artistique.

    Tout en cherchant à interroger la pertinence d’une telle définition sur le long terme, ce séminaire de doctorants constituera peut-être une première étape vers une réflexion plus large sur l’énonciation mystique.

     D'ici-là, le séminaire se réunira à l'Université Paris Diderot en salle Pierre Albouy une fois tous les deux mois, le vendredi de 16h à 18h à partir du mois d'octobre 2016. La première séance consistera en une présentation du séminaire par les organisateurs (Riccardo Raimondo, Florian Audureau et Fanny Arama, CERILAC) et se déroulera le 14 octobre 2016.

Chaque séance sera conçue comme un lieu de discussions autour :

- de l'intervention d'un doctorant (travaux en cours),

- de l'intervention d'un écrivain, artiste, plasticien, autour de la question de la représentation de l'énonciation mystique dans son oeuvre,

- éventuellement, si temps il y a, de travaux parus (analyses critiques bibliographiques).

 

Les communications pourront s’inscrire dans un spectre très large et multidisciplinaire avec la seule contrainte d’explorer la création littéraire et/ou artistique. Plusieurs axes proposés :

 

-       Rhétorique du parler mystique

-       Traduction du discours mystique

-       Réception des œuvres mystiques

-       Représentations de l’expérience mystique dans les arts

-       Réécritures et modifications du discours mystique de l’Antiquité à nos jours

-       Traces cachées de la mystique dans la création littéraire et artistique

-       La fable mystique : un nouveau genre ?

-       Discours mystique et discours prophétique

-       Ethos mystique et posture d’écrivain

 

Les propositions de communication (maximum 300 mots) sont à envoyer au plus tard le mardi 15 novembre 2016, accompagnées de vos coordonnées et d’une courte bio-bibliographie, aux trois adresses suivantes :

 

- florian.audureau@orange.fr

 

- raimondo.riccardo@yahoo.it

 

- aramafanny@yahoo.fr

 

 

Organisation :
Riccardo Raimondo, Florian Audureau et Fanny Arama - pour l’ED 131,  "Langue, littérature, image : civilisation et sciences humaines" (CERILAC, Université Paris Diderot).

 

[1] Michel de Certeau, La fable mystique, I (XVIe-XVIIe), Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1982 ; La fable mystique, II (XVIe-XVIIe), éd. de Luce Giard, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2013.

[2] Michel de Certeau, La fable mystique, I (XVIe-XVIIe), opus cit., p. 47.

[3] Françoise Champion, « La "Fable mystique" et la modernité », dans Archives des sciences sociales des religions, 1984, n°58/2, p. 195-196.

[4] Carlo Ossola, « Un vocabulaire mystique pour le XXIe siècle », Le Discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe siècle à nos jours, ét. réunies par Lydie Parisse, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 23.

[5] Le Discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe siècle à nos jours, ét. réunies par Lydie Parisse, Paris, Classiques Garnier, 2012.