Actualité
Appels à contributions
Politique et Moyen Âge aujourd'hui

Politique et Moyen Âge aujourd'hui

Publié le par Sébastien Douchet (Source : Sébastien Douchet)

« Politique et Moyen Âge aujourd’hui »

 

Appel à contribution

Perspectives médiévales n°39

 

« On est revenu au Moyen Âge[1] » ; « ces actes sont médiévaux, moyenâgeux, barbares » : douloureusement réactivées par les attentats récents, ces formules ont été largement utilisées par les médias ces derniers mois. Or, elles posent problème à maints égards, car tout en désignant le « Moyen Âge » comme « barbare » et « archaïque », elles associent des événements difficilement pensables et rejetés dans la sphère de l’altérité à une période qui appartient pourtant à une histoire et à un patrimoine hérités. De ce point de vue, le Moyen Âge semble servir d’écran pour dire un impensé qui est celui de la violence de notre propre société. À l’inverse, « revenir au Moyen Âge », entre séries et jeux de rôles, c’est parfois jouer ou rejouer celui-ci, le plus souvent pour l’encenser, dans une démarche où la nostalgie prend le pas sur la connaissance.

Le Moyen Âge : modèle ou repoussoir ? Au plan idéologique, ce sont parfois les mêmes discours qui utilisent le Moyen Âge comme référence pour désigner une altérité honnie, et qui par ailleurs l’invoquent pour justifier une identité (les « racines chrétiennes de l’Europe ») ou une unité culturelle (l’Occident chrétien), face à une Europe qui serait fragmentée, et dangereusement multi-culturelle.  Au plan économique, le Moyen Âge sert parfois aussi de paradigme à une pensée de l’autarcie, sur la base d’un modèle pré-industriel adossé sans précaution à l’omniprésence de l’ordre et du pouvoir. Le Moyen Âge apparaît donc comme le porte-étendard d’une protestation qui s’élève contre la crise actuelle du politique et du modèle européen.

Telle est l’ambiguïté de la manipulation des mots « Moyen Âge », « médiéval », « moyenâgeux » dans les discours actuels, manipulation qui est peut-être aussi instrumentalisation du passé. C’est une définition de la politique mais aussi du politique qui est en jeu, dans la détermination de cette notion par le passé médiéval et dans son articulation au présent.

Quelle peut être la position de la recherche, du monde académique mais aussi plus largement des intellectuels et des artistes vis-à-vis de ces représentations du Moyen Âge, de sa pensée politique et de son fonctionnement ? À partir d’un travail épistémologique sur les notions les plus fréquemment rattachées ou opposées au Moyen Age, et qui permettent sa mise en accusation ou son idéalisation,  ce numéro de Perspectives médiévales invite à s’interroger sur les usages politiques actuels du Moyen Âge. Le Moyen Âge peut-il être aujourd’hui autre chose qu’un fantasme, un prétexte pour justifier toutes sortes de discours, en dehors de toute connaissance réelle et profonde de cette période ? Peut-il encore servir de référence positive pour penser le présent ? La définition de l’homme mise au point et cultivée par les pensées et pratiques du Moyen Âge est-elle d’un quelconque secours pour éclairer un monde qui se réfère et se compare sans cesse à lui, au prix de nombreux malentendus, intentionnels ou non ?

Nous proposons ici quelques pistes de réflexion, non limitatives :

  • Face à l’image d’une période repliée sur elle-même et théocentrique, existe-t-il ou non un universalisme hérité du Moyen Âge, et qui se prolongerait jusqu’à nous, parallèlement à l’universalisme hérité de la Révolution française ? L’idée d’un progrès perpétuel hérité des Lumières, largement contestée et battue en brèche, peut-elle être refondée ou réélaborée à partir d’une pensée qui a été largement bannie par ces mêmes Lumières ?
  • Le Moyen Âge est-il porteur d’un humanisme ? Si oui, quel rôle a joué l’historiographie postérieure (renaissante, classique, romantique, moderne) pour occulter cet humanisme médiéval ?
  • Le Moyen Âge a-t-il été barbare – rejetant dans la violence, hors de sa langue et de son monde, ses ennemis ? Peut-il servir d’exemple ou d’épouvantail à ce qui aujourd’hui est parfois annoncé comme le début d’un naufrage de la civilisation ?
  • Comment s’expliquent les mises en fiction actuelles du Moyen Âge et la nostalgie sous-jacente qui les accompagnent ? Et la recherche elle-même, médiéviste ou médiévaliste, par effet de retour, ne contribue-t-elle pas à la création d’un Moyen Âge édulcoré et fantasmé, voire du renouveau d’un folklore médiéval ?

C’est donc à une réflexion sur les usages politiques contemporains du Moyen Âge et de leurs impensés qu’invite le prochain numéro de Perspectives médiévales.

Chercheurs, intellectuels, artistes et autres acteurs que la présence du Moyen Âge dans la société actuelle intéresse sont donc conviés à contribuer au numéro de 2018 de notre revue.

Les propositions d’article (avant-projet d’une page avec bibliographie) sont à adresser conjointement à Sébastien Douchet (sebastien.douchet@univ-amu.fr) et à Véronique Dominguez (veronique.dominguez@u-picardie.fr) avant le 31 décembre 2016.

 

Le calendrier est le suivant :

  • Jusqu’au 31 décembre 2016 : remise du projet.
  • 15 février 2016 : avis du comité scientifique de la revue.
  • 1er juillet 2017 : remise de l’article qui sera soumis au comité scientifique pour correction.
  • 1er décembre 2017 : remise de la version définitive de l’article.
  • 15 janvier 2018 : publication du numéro en ligne (peme.revues.org).

 

[1] Par exemple : « La Grèce est revenue au Moyen Age ! », article de Dominique Alberti, du 16 février 2012 dans Libération (http://www.liberation.fr/futurs/2012/02/16/la-grece-est-revenue-au-moyen-age_796547) ou bien « L’Europe d’aujourd’hui est revenue au Moyen Âge », article du 16 janvier 2016 paru dans sputniknws.com (https://fr.sputniknews.com/international/201601161020991076-europe-retour-moyen-age).