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Le donné et le construit: avec Carlo Ginzburg (séminaire Anachronies)

Le donné et le construit: avec Carlo Ginzburg (séminaire Anachronies)

Publié le par Frédérique Fleck

Séminaire « Anachronies : textes anciens et théories modernes »

 

Séminaire transversal DSA - LILA (ENS), en collaboration avec l’Atelier de théorie littéraire de Fabula

 

Lire les actes du séminaire dans l'Atelier de Fabula: Anachronies.

 

 

Séance inaugurale :
Le donné et le construit (1) : avec Carlo Ginzburg

 

Vendredi 12 octobre 2012, 14h30-17h, ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris, salle Dussane
 
 
Coordination : Bérenger Boulay.
Intervenants : Nicolas Bertrand, Bérenger Boulay, Carlo Ginzburg.
 

À la faveur de réflexions sur la démarche du commentateur de textes anciens, la première année du séminaire « Anachronies » a vu émerger différentes positions constructivistes, dans la lignée notamment des travaux de Michel Charles sur l’interaction entre le texte et le commentaire. Le commentaire ne se contente pas de décrire ou d’interpréter le texte, qui serait simplement donné (après avoir été établi et transmis), mais construit son objet.

Dans la perspective d’un constructivisme modéré, qui distingue le texte matériau, qui est reçu, et le texte objet, qui est construit par « sélections, combinaisons et mises en relief[1] », la tâche revient au commentateur plus soucieux de décrire que d’interpréter de rendre compte au mieux de la pluralité et de l’hétérogénéité du matériau et, ainsi, des conditions de possibilité objectives de la multiplicité des interprétations. Dans la perspective d’un constructivisme radical, par contre, on considère qu’il n’existe pas d’autre texte que celui que le commentaire fait surgir, au risque de susciter, en réaction, des mots d’ordre de retour au texte et à « cette vieillerie, “le réel”[2] ».

Au-delà du domaine des études littéraires, l’épistémologie constructiviste est couramment admise, mais les limites du constructivisme ou les dangers de l’hyperconstructivisme sont parfois soulignés[3], y compris par ceux qui récusent toute conception naïvement réaliste de la connaissance. Carlo Ginzburg, l’invité de cette séance inaugurale de la deuxième année du séminaire, souligne ainsi que le conflit entre différentes interprétations d’un même objet peut être ancré dans la nature complexe et conflictuelle de la réalité elle-même[4]. À partir de positions par ailleurs différentes de celles de certains des auteurs dont les textes ont inspiré le séminaire l’année dernière (Nicole Loraux et Georges Didi-Huberman, qui défendent l’anachronisme en Histoire, Jacques Rancière, qui disqualifie la notion), Carlo Ginzburg proposera une réflexion sur le rôle des hypothèses dans l’historiographie, dans le prolongement de trois articles récents :

Carlo Ginzburg, « Conversation avec Orion », Matériaux pour lhistoire de notre temps, 2006/2, n°82 (avril-juin 2006), p. 129-132 (HTML-PDF).

Carlo Ginzburg, « Provincializing the world : Europeans, Indians, Jews (1704) », Postcolonial Studies, vol. 14.2 (2011), p. 135-150.

Carlo Ginzburg, « Our Words, and Theirs : A Reflection on the Historian’s Craft, Today, in Historical Knowledge ». In Quest of Theory, Method and Evidence, ed. by S. Fellman and M. Rahikainen. Cambridge : Cambridge Scholars Publishing, 2012, p. 97-119.



[1] Michel Charles, « Trois hypothèses pour l’analyse, avec un exemple », Poétique, n° 164. Paris : Éditions du Seuil, novembre 2010, p. 389.

[2] « Mais ne reste-t-il pas indispensable de se raccrocher à cette vieillerie, “le réel”, “ce qui s’est authentiquement passé” comme disait Ranke au siècle dernier ? » : Pierre Vidal-Naquet dans une lettre à Luce Giard, à propos de L’Écriture de l’histoire de Michel de Certeau.

[3] Paul Boghossian, Fear of Knowledge : Against Relativism and Constructivism. Oxford : Oxford University Press, 2006. Traduit par O. Deroy : La Peur de savoir. Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance. Marseille : Agone, coll. « Bancs d’essai », 2009.

[4]  Carlo Ginzburg, « Distanza e prospettiva. Due metafore. », Occhiacci di legno. Nove riflessioni sulla distanza. Milano : Giangiacomo Feltrinelli Editore, coll. « Campi del sapere », 1998, p. 182. Traduit par P.-A. Fabre : « Distance et perspective. Deux métaphores », À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire. Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2001, p. 159.

 

illustration: la série des Cathédrales de Rouen de Claude Monet, 1892-1893

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Au programme du séminaire Théorie littéraire et littérature antique organisé parallèlement au séminaire Anachronies: 23 Octobre 2012, Lecture des Considérations intempestives