Collectif
Nouvelle parution
P. Voisin (dir.), La Valeur de l'oeuvre littéraire, entre pôle artistique et pôle esthétique

P. Voisin (dir.), La Valeur de l'oeuvre littéraire, entre pôle artistique et pôle esthétique

Publié le par Vincent Ferré (Source : Classiques Garnier)

Référence bibliographique : La Valeur de l'oeuvre littéraire, entre pôle artistique et pôle esthétique, Classiques Garnier, collection "Rencontres", 2012. 578 p., , 49 €,

La question Qu'est-ce que la littérature ? ne saurait être première ; il faut d'abord résoudre celle des critères de l'évaluation. Mener une réflexion théorique entre pôle artistique et pôle esthétique ou questionner les genres ainsi que le lien entre littérature et politique semble aisé pour définir la valeur de l'oeuvre littéraire, mais une réponse globale reste un horizon fuyant. Dans sa quête pour trancher la tête intelligente de l'hydre, cet ouvrage continue de couper des têtes qui se régénèrent doublement !

 

TABLE DES MATIÈRES

 

Patrick VOISIN

Prolégomènes : la question de la Valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . …7

 

Première partie

RÉFLEXIONS GÉNÉRALES

 

Raphaël BARONI

La valeur de l’intrigue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . …… .23

Anaïs GOUDMAND

La valeur littéraire à l’épreuve du désenchantement.

Étude comparée des réflexions

de Pierre Bourdieu et de Jean-Marie Schaeffer . . . . . . . . . . . . . . .39

Mathilde LABBÉ

Valeur éthique et valeur esthétique en littérature . . . . . . . . . . . . ...55

Aymen HACEN

Praxis et valeur : approche réelle et positive . . . . . . . . ... . . . . . . . 75

Jean-Gérard LAPACHERIE

« Langue » et « littérature » : une dévalorisation commune ? . . .  91

Olivia VOISIN

(Dé)valoriser la littérature :

le texte pris dans le culte des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

Renaud PASQUIER

Roland Barthes et la valeur introuvable.

Pour un dernier tour de spirale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ...129

 

Deuxième partie

LA POÉSIE

 

Mathias SIEFFERT

« Le lesserez la, le povre Villon ? ».

La valeur de la marginalité dans Le Testament de Villon . . . . .. . 145

Pascale CHIRON

La valeur testamentaire de la poésie de Villon :

le texte en héritage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . … 167

Ouafae EL MANSOURI

Les valeurs de l’oeuvre tragique : évaluation, valorisation

et dévaluation d’un genre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . … 183

Marc DOUGUET

Comment accroître la valeur d’un texte de théâtre ? . . . . . .  . . . 199

Jocelyn ROYÉ

Phèdre ou le paradoxe du spectateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

Guillaume ROBICHEZ

Apollinaire, poète d’Alcools : dérision ou tremblement ? . . . . . . . 225

Thanh-Vân TON-THAT

Bruit et fureur poétiques du monde moderne.

Alcools ou l’art de la cacophonie nouvelle . . . . . . . . . . . . . . . .  . 233

Éric JACOBÉE

Influence du cubisme orphique et du cubisme instinctif

sur les structures d’Alcools de Guillaume Apollinaire . . . . . . . . . .251

Bernard COMBEAUD

L’énonciation poétique comme exclamation généralisée . . . . . .  271

 

Troisième partie

LE ROMAN

 

Stéphane POUYAUD

La valeur du roman, entre lectorat, critique et création . . . . . . . . 325

Cécile ALVAREZ

La valeur du Paysan parvenu : du réalisme à la gaillardise .. . . . 343

Marian BALASTRE

La valeur emblématique de la Recherche de l’Absolu

dans la Comédie Humaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  . . . 361

Laélia VÉRON

Lecteur et lecture dans La Recherche de l’Absolu de Balzac :

lire le texte à sa juste valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ... 377

Lara POPIC

Valeurs et textualité chez George Sand . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . 397

Aurélie ADLER

La fabrique de la valeur dans les narrations

françaises contemporaines.

Le cas de Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Annie Ernaux

et François Bon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . …. 417

 

Quatrième partie

LITTÉRATURE ET POLITIQUE

 

Lucie LAGARDÈRE

La valeur politique de la littérature chez S. T. Coleridge . . . . . . . 437

Sébastien BAUDOIN

Valeurs politiques et valeurs poétiques : les Méditations

et Nouvelles Méditations poétiques de Lamartine . . . . . . . . . . . . 453

Mohamed Djihad SOUSSI

Du détour comme nécessité.

Les derniers romans de José Saramago

entre vertige esthétique et lucidité politique . . . . . . . . . . . . . . …. 463

Marion MAS

Épique et travestissement burlesque dans Les Soleils

des Indépendances : valeurs politiques de la bâtardise . . . . . . . 477

Ferroudja ALLOUACHE

Les Soleils des Indépendances : une oeuvre polyphonique……..493

Habib SALHA

La littérature maghrébine d’impression française . . . . . . . . . . . . 511

 

 

Index des noms d’auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . 529

Index des noms d’oeuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . 541

Résumés et abstracts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 553

 

PROLÉGOMÈNES :

LA QUESTION DE LA VALEUR

 

 

Qu’est-ce qui fait la valeur d’une oeuvre littéraire ? Est-ce l’homme biologique et son « être-au-monde », avec sa potentielle charge psychanalytique et/ou sociologique, qui fournit à l’auteur et à l’oeuvre un ancrage dans le réel, l’incontournable kit historique de « l’homme et l’oeuvre » ? Est-ce l’écrivain ou plutôt l’auteur – cet être intermédiaire, entre chair et papier, un pied dans le monde l’autre dans l’encre – et son relais textuel, le narrateur ou la voix lyrique ? Est-ce le texte et rien que le texte, « le texte tout seul », sa littérarité, sa position dans l’aventure génétique, ses structures et son grain, que l’approche soit stylistique, sémiotique, formaliste, poétique, esthétique, rhétorique ou pragmatique – toutes ces clés possibles de l’analyse littéraire ? Est-ce « le lecteur enfin retrouvé », le nouveau personnage littéraire, entre le narrataire construit par le texte et le lecteur réel en passant par les fameux lecteurs virtuels, le lecteur implicite de W. Iser, le lecteur abstrait de J. Lintvelt et le lecteur modèle de U. Eco, au prix – s’il le faut et si tant est que cela soit possible – de la « mort de l’auteur » dite par R. Barthes, avec toute l’esthétique de la réception dans son sillage – limites de l’interprétation comprises ?

Quand Élizabeth Ravoux-Rallo envisage les différentes « méthodes de critique littéraire[1] », elle ne fait pas autre chose, sans que cela ne soit son objectif éditorial, que de poser les différents discours qui peuvent contribuer à l’élaboration d’une définition de la valeur de l’oeuvre littéraire.  Et la démarche serait la même avec tout autre ouvrage recensant les « approches » ou les « discours » que peut nourrir la littérature pour celui qui l’aborde de manière critique – c’est-à-dire pour qui se propose de la juger selon tel ou tel système de valeurs qui influenceront indéniablement elles-mêmes la valeur que l’on trouvera à telle ou telle oeuvre littéraire, ou pour qui prétend connaître et expliquer de la manière la plus objective qui soit le texte d’une oeuvre littéraire –, les fameuses voies critiques dites externe et interne.

Avec Anne Maurel[2] on aborde l’oeuvre littéraire successivement du côté de l’auteur avec la critique historique et les herméneutiques psychanalytique, sociologique et thématique, du côté du texte avec les critiques structurale et textuelle et du côté du lecteur avec l’esthétique de la réception, la textanalyse et la pragmatique. De toute évidence, l’on n’accordera pas la même valeur à une oeuvre littéraire selon le côté que l’on choisira pour l’évaluer – à moins de paramétrer une évaluation qui, telle la lecture plurielle de R. Barthes, refusera toute vérité entièrement objective ou subjective pour se faire travail à l’appel de tous les signes et langages qui traversent le texte de l’oeuvre littéraire ; la valeur serait alors dans la « profondeur moirée des phrases[3] ».

 

Dans ces conditions comment peut-on s’entendre dire : « Je ne comprends pas ce que vous entendez par “valeur” de l’oeuvre littéraire » ! L’on ne peut en effet parler de terrae incognitae dans le domaine, même si la littérature critique est loin d’avoir fait le tour de cette notion problématique. « La littérature ne “va pas de soi[4]” » puisque la question a été maintes fois posée, en particulier par Charles Du Bos et par Sartre : « Qu’est-ce que la littérature ? » Certes ! Qu’est-ce qui est « littéraire » et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Quelle est la valeur du premier par rapport au second et peut-on s’entendre sur la nature et sur le degré de cette valeur ? Se pencher sur la valeur de l’oeuvre littéraire – assurément –  n’est point chose aisée et la réponse est loin d’être évidente. Mais, au moins, ne doit-on pas être surpris par la question puis la considérer comme superfétatoire, secondaire voire incongrue. Il est même souhaitable qu’elle dérange !

Les questions fusent… Qui détient le levier de la valeur ? L’auteur ou le lecteur ? Tel genre a-t-il plus de valeur que tel autre ? Est-ce la même démarche que d’évaluer un auteur, un texte, un ouvrage, une oeuvre, l’Oeuvre ou le « Livre » au sens mallarméen ? La double question du texte et des limites de l’oeuvre est primordiale pour établir la valeur, autour de la « théorie du texte » de Roland Barthes[5] et de la « théorie de l’oeuvre » rejetée par Michel Foucault[6]. Le texte littéraire doit-il se différencier du texte scientifique pour avoir de la valeur ? Et l’écriture avoir un primat incontestable sur le savoir et le contenu qui le représente ? La valeur d’une oeuvre littéraire – d’un « bon » roman par exemple ! – tient-elle à la chaîne de ses référents situationnels ou à ce qu’ils deviennent transformés en référents textuels, à son contenu notionnel ou à l’imaginaire dont elle est porteuse ? Est-elle une affaire d’énoncé ou d’énonciation ? La présence d’une dimension métalinguistique ou d’une portée métalittéraire serait-elle la clé de la consécration ? Et que dire de l’édition, de l’institution littéraire (commercialisation et distribution) et de la critique littéraire, qui peuvent faire et défaire la valeur d’une oeuvre – remise en cause de l’idée de son autonomie voire de son rêve d’autonomisation ou d’autotélie, comme l’ont bien développé Jacques Dubois[7], Bernard Mouralis[8], Dominique Maingueneau[9] ou encore Pierre Assouline à propos de l’aventure Gallimard[10] ? Enfin, à quel moment la valeur apparaît-elle entre communication langagière et communication littéraire, entre langue et littérature ? Est-elle déjà dans le code linguistique ? Naît-elle par exemple à travers un code iconique lorsque l’oeuvre est illustrée ? Est-elle due à la langue, au style ou à l’écriture tels que les définit R. Barthes[11] ? Lorsque Bernard Mouralis écrit que « le statut d’une oeuvre n’a pas de validité en lui-même » et qu’il est « le produit d’une convention », il pose la question de la valeur des oeuvres, rejetant l’idée d’une approche essentialiste. La valeur n’est-elle pas constamment tributaire de toutes les perturbations – qu’elles soient d’ordre technique ou culturel – qui peuvent se glisser dans la communication littéraire au niveau des six facteurs constituant tout « procès linguistique » ou « acte de communication verbale » selon Roman Jakobson[12] ?

 

(à suivre)

 

Patrick VOISIN

Lycée Louis Barthou - Pau


 

[1] É. Ravoux Rallo, Méthodes de critique littéraire, Paris, Armand Colin, coll. U, 1993.

[2] A. Maurel, La Critique, Paris, Hachette, coll. « Contours littéraires », 1994.

[3] R. Barthes, « Écrire la lecture », Le Bruissement de la langue, Paris, Seuil, Points-Essais, 1984.

[4] E. Fraisse et B. Mouralis, Questions générales de littérature, Paris, Seuil, Points-Essais, 2001, p.11.

[5] R. Barthes, « Texte (théorie du) », 1973, Encyclopædia Universalis, Paris, Encyclopædia Universalis, 1968-1975.

[6] M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », Bulletin de la société française de philosophie, 63ème année, juillet-septembre, 1969.

[7] J. Dubois, L’Institution de la littérature. Introduction à une sociologie, Bruxelles, Nathan-Labor, 1978.

[8] B. Mouralis, Les Contre-littératures, Paris, PUF, 1975.

[9] D. Maingueneau, Le Contexte de l’oeuvre littéraire, énonciation, écrivain, société, Paris, Dunod, 1993 ; Le Discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, 2004.

[10] P. Assouline, Gaston Gallimard. Un demi-siècle d’édition française, Paris, Balland, 1984 ; nouvelle édition, Paris, Seuil, Points, 1985.

[11] R. Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1953.

[12] R. Jakobson, Essais de linguistique générale, « Linguistique et théorie de la communication », Paris, Minuit, 1963.