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Faire la cité. Création et gouvernance des imaginaires urbains

Faire la cité. Création et gouvernance des imaginaires urbains

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Ophélie Queffurus)

La ville en général, et chaque ville en particulier, sollicite un imaginaire peuplé de légendes, d’images, de représentations. Ces imaginaires ne sont pas aléatoires, mais leur construction est difficile à cerner, car le concept d’imaginaire est polysémique, tantôt lié à la subjectivité de tout un chacun, tantôt traduisant une représentation du monde partagée par une association d’images qui font sens. C’est l’imaginaire social qui rend possible l’institution de l’individu comme individu social, apte à la vie en société, par la participation à des significations collectives (Cornélius Castoriadis). L’imaginaire peut ainsi se comprendre comme un ensemble d’images fondatrices qui permettent la compréhension, voire la médiation du sujet avec le monde environnant. Le partage, avec d’autres, des mêmes images structurantes connecte le sujet au social et l’inscrit dans une intertextualité, dans une interaction aussi, qui constitue et maintient le groupe (Michel Maffesoli). S’il est difficile de circonscrire les imaginaires, c’est alors la production des images et représentations qui s’inscrit désormais jusque dans les agendas institutionnel et politique afin d’influer sur une adhésion, voire une identification avec le groupe, avec le parti, avec la Cité. Longtemps abandonnée aux entrepreneurs culturels, l’image des villes a aujourd’hui ses spécialistes et fait l’objet de politiques spécifiques, ce qu’il est convenu d’appeler le marketing territorial (l’influence de Richard Florida dans le management des villes moyennes aux Etats-Unis est ici exemplaire). Si l’on constate depuis les années quatre-vingt-dix un « virage culturel » (Frederic Jameson) dans le discours sur la société jusque dans son fonctionnement économique, il serait important de clarifier les différentes strates de la construction de ces imaginaires urbains dans une lecture critique des pratiques culturelles, aussi bien que politiques et économiques afin de comprendre comment ces représentations influent sur, voire produisent une identification avec le lieu, renforçant ainsi le lien social.

 

S’il est sans doute naïf de souscrire à une vision démocratique ou égalitaire de droit à faire la Cité, il est tout aussi réducteur de réserver celle-ci à une production maîtrisée par quelques communicants et décideurs. Ne faudrait-il pas plutôt entendre ici le politique dans le sens que Jacques Rancière a voulu donner à ce lieu de rencontre entre gouvernance et formes d’émancipation ? Car, la Cité, faisceaux de relations sociales, comme le souligne André Sauvage, se fonde sur des actes et symboles capables de conforter, voire de susciter des imaginaires qui instaurent de l’identité. Jean-Jacques Rousseau soulignait déjà : « Le vrai sens de ce mot s’est presque entièrement effacé chez les modernes ; la plupart prennent une ville pour une Cité et un bourgeois pour un citoyen. Ils ne savent pas que les maisons font la ville mais que les citoyens font la Cité. »[1] Ainsi, l’attention sera portée, dans ce colloque, sur la construction (Patrick Bouchain) : des lieux et des occasions d’échange, des rapports et des savoirs, des images à defaut des imaginaires, insaisissables. Car, construire pour lui, c’est construire ensemble, c’est aussi comprendre le processus complexe qui va de l’idée au passage à l’acte, en architecture, politique, urbanisme, art. Il est à cet égard intéressant d’observer la production artistique et culturelle qui, depuis plusieurs décennies procède à une ouverture de la pratique sur des processus, permettant une plus grande accessibilité à la création jusque dans des formes d’un « nouvel art public ». Si les artistes inventent d’un côté de nouveaux usages pour les oeuvres, ils travaillent également à un redécoupage des récits historiques et idéologiques, en insérant les éléments qui les composent dans des scénarios alternatifs. Il s’agit dans ces projets de formes plus ou moins interactives capables de stimuler l’émergence de nouveaux imaginaires, en proposant des espaces de négociation entre le réel et la fiction, entre récit et commentaire. Reste à analyser si et comment la création peut produire un imaginaire qui ne serait pas immédiatement instrumentalisé par l’économique (Luc Boltanski et Eve Chiapello), et si et comment les imaginaires urbains contribuent à faire la Cité, à constituer un espace public. Car la Cité implique aussi les faisceaux de relations sociales et de services, les aspects d’identités, constituant cet ensemble de liens sociaux, de responsabilités croisées qui oeuvrent à un vivre ensemble plus ou moins réussi.

 

L’objectif du présent projet est de proposer une analyse pluridisciplinaire à l’échelle internationale de la création et de la gouvernance de l’imaginaire urbain afin de préciser les attendus et perspectives de la CIté. Ce colloque souhaite d’instaurer un regard croisé entre les recherches en sciences humaines et sociales sur la Cité et la création artistique. Comment les acteurs artistiques articulent-ils la Cité, comment travaillent-ils les notions de la représentation, de la participation, de la créativité ? Comment peut-on articuler création et gouvernance de l’imaginaire ? Peut-on gouverner l’imaginaire ? Si l’art, la création et l’image ne pose qu’un cadre, comment peuvent-ils oeuvrer en tant que passeurs ? Nous encourageons les contributions émanant des champs disciplinaires des Sciences humaines et sociales et des Arts, dans une perspective transdisciplinaire capable de répondre aux problématiques évoquées.

Mots clefs: 

- La Cité, l'espace public

-Participation, public authorship

-Création des imaginaires, représentation et identité

-Gestion et autogestion, politics of place

-Dire la ville, faire la cité

Colloque labelisé MSH, équipe d’accueil Arts : pratiques et poétiques (EA 3208), programme de recherche Pratiques artistiques, société et urbanité. Interactions, limites et interférences, sous la responsabilité de Denis Briand et Marion Hohlfeldt, université Rennes 2.

Responsable scientifique : Marion Hohlfeldt

Commité scientifique : Catherine Guy (urbaniste, Rennes 2), Dominique Jézéquellou (architecte, ENSAB Rennes), Christian Le Bart (politiste, Rennes 1), Malcolm Miles (science culturelles, University of Plymouth), André Sauvage (science humaines et sociale, Rennes 2), Olga Schmedling (historienne de l’art, IFIKK, University of Oslo)

 

Nous vous invitons à faire parvenir un résumé ne dépassant pas les 2000 signes pour le 12 février 2012 au plus tard avec votre nom, fonction, et contact à Marion Hohlfeldt (marion.hohlfeldt@univ-rennes2.fr) ou Ophélie Queffurus (ophelie.queffurus@hotmail.fr)

Ce colloque sera organisé les 26 et 27 avril 2012, à l'Université Rennes II en partenariat avec l'Ecole d'architecture de Bretagne et la Maison des Sciences de l'Homme de Bretagne (label MSH)

[1] Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, I, vi, note*, in Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 5 vol., 1959-1995, vol. III, p. 361.