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Entre espace littéraire national et espace littéraire international : le cas des littératures d’Amérique latine du « boom » à nos jours

Entre espace littéraire national et espace littéraire international : le cas des littératures d’Amérique latine du « boom » à nos jours

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Etemad Emilie)

Présentation

L’intérêt porté pendant la dernière décennie à l’existence d’un modèle de production et de circulation mondiale de la littérature a mis à l’épreuve la définition et la délimitation même de la notion de champ littéraire. Les études de Pascale Casanova, Anna Boschetti, Michel Le Bris et Jean Rouaud consacrées au sujet témoignent de cet élargissement des frontières géographiques de l’univers littéraire, tout en portant un nouveau regard sur les pratiques de production et de consécration littéraires. Nouveau défi pour les approches sociologiques, historiques et comparatistes de la littérature, la notion d’un « espace littéraire mondial » a ouvert toute une série de problématiques, notamment en ce qui concerne la conformation des espaces littéraires nationaux, leurs échanges et leurs luttes « pour et par le capital culturel » (Casanova 2008 : 46). Mais, si Pascale Casanova revient à de nombreuses reprises sur le cas latino-américain, on peut constater qu’une grande partie des études se penche surtout sur les espaces nationaux européens et francophones. 

Il nous semble donc judicieux d’aborder le cas des littératures latino-américaines au sein de ce processus d’unification de l’univers littéraire mondial. Bien que la littérature latino-américaine n’accède à la reconnaissance et au marché littéraire mondiaux que dans la deuxième moitié du XXe siècle, la conformation des institutions littéraires nationales date de la fin du XIXe siècle, période qui voit la consolidation les nouveaux États Nations et l’apparition d’un « marché de biens symboliques »[1].

Cette première journée d’étude vise donc à présenter, à travers des études de cas et  différentes synthèses de l’évolution d’un champ littéraire national particulier, un panorama le plus global possible. Ce point sur l’état des espaces littéraires nationaux et des « conditions sociales de la circulation internationale » (Bourdieu ; 2002) partira des années 1950 et s’étendra à nos jours. Nous privilégions les approches sociologiques, d’analyse du discours, historiques et comparatistes du fait littéraire.

 

Pour structurer l’analyse, nous envisagerons quatre axes thématiques :

 

1.      « Trajectoires ». Par ce terme, nous entendons interroger la mobilité spatiale de l’écrivain et la corrélation entre cette mobilité internationale et le cadre institutionnel littéraire national. On pourrait ainsi schématiser trois types de relation :

 

- Une structure institutionnelle inexistante ou trop fragile pour assurer le processus de circulation et de consécration littéraires entraîne un déplacement vers « un univers plus doté en ressources littéraires »[2].

- Une structure institutionnelle forte existe, mais elle est dépendante de référents littéraires extérieurs. Le déplacement vers « un pays plus doté littérairement » (Casanova 2008 : 29) n’est alors pas obligatoire, mais il peut favoriser l’accumulation d’un capital littéraire. Un autre enjeu consiste à se déplacer pour revendiquer, au sein même de l’espace d’origine, un champ littéraire national plus autonome.

- Présence d’une structure institutionnelle, mais dépendante à l’égard du pouvoir politique ou économique. Le déplacement de l’écrivain vers un pays doté d’un espace littéraire plus autonome prend, dans les cas d’oppositions les plus fortes, le visage de l’exil.

 

2.     Scénarios auctoriaux et image d’auteur : Se positionner sur la scène littéraire nationale et mondiale implique aussi de s’exhiber, se montrer, s’offrir en spectacle. De là l’importance d’adopter une « posture », une « identité auctoriale » reconnaissable par le public et par ses pairs[3]. Dans cet axe, nous proposons d’analyser, à travers ses manifestations formelles et médiatiques, les différentes représentations de l’écrivain latino-américain. On distinguera entre les images construites par l’auteur lui-même (scénarios auctoriaux) et les images produites par les discours extérieurs[4].

 

3.     Pratiques d’écriture et choix esthétiques. Les auteurs latino-américains héritent un patrimoine littéraire national et international et c’est du rapport à ce double héritage que témoignent formellement leurs textes. Cet héritage adopte la forme d’un « espace de possibles » formels et idéologiques qui déterminera leurs différentes prises de position. Il s’agira donc dans cet axe d’analyser les choix génériques, thématiques et stylistiques que chaque écrivain opère pour se positionner dans la scène littéraire nationale et internationale.

 

4.     Instances de consécration et de diffusion. La consécration, en tant qu’« effet d’un processus institutionnel autorisé, centré sur la réception d’un auteur et de son oeuvre et consistant en une qualification différentielle »[5], passe inévitablement par des instances qui « sanctionnent la valeur d’un écrivain et de son oeuvre ». Mais, dans le contexte d’une globalisation de la production et la circulation littéraires, comment peut-on aborder ce processus de consécration ? Comment ces instances deviennent-elles opérantes aux niveaux national et international ? Comment peut-on expliquer la conformation d’une institution littéraire nationale dans le processus de globalisation et d’uniformisation des pratiques de diffusion et de consécration littéraires ? Comment peut-on envisager les rapports de forces entre les pays dotés d’une institution littéraire fragile et les plus dotés littérairement ?  À travers l’étude des modes opératoires des instances de consécration nationales et internationales, cet axe s’interroge sur les stratégies de promotion et de consécration des écrivains latino-américains, tout en abordant les relations entretenues entre l’espace littéraire national et l’espace littéraire international. 

Comité scientifique  :

Jean-Pierre Bertrand

Emmanuel Bouju

Björn-Olav Doz

Pascal Durand

Fernando Moreno

Nestor Ponce

François Provenzano

Kristine Vanden Berghe

Format des interventions :

30 minutes d’exposé portant au choix sur un cas d’étude (parcours d’un auteur ou d’une instance précise) ou sur la synthèse de l’évolution d’un champ littéraire national particulier.

Publication :

Les actes de la journée serviront de support pour une publication dans la revue COnTEXTES.

 

Vos projets d’intervention (deux pages maximum) sont à envoyer aux adresses mail suivantes : emilie.etemad@gmail.com et dosjuano@gmail.com pour le 30  janvier au plus tard. La journée d’étude se tiendra à l’Université Rennes 2 le 6 juin 2012.

 

Comité organisateur

Juan Zapata

Université de Liège

Emilie Etemad-Kasaeyan

Université Rennes 2, CELLAM, groupe phi.

 

Repères bibliographiques

BOSCHETTI Anna : L’espace culturel transnational. Nouveau Monde Édition, coll. « Culture/Media », 2010

BOURDIEU Pierre, Les Règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Seuil, 1992

BOURDIEU Pierre, « Le marché de biens symboliques ». Paris : L’Année sociologique, 22, 49-126.

BOURDIEU Pierre, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées » , Actes de la recherche en sciences sociales, 2002/5 no 145, p. 3-8.

CASANOVA Pascale, La République mondiale des lettres, Paris, Éditions du Seuil, [1999], coll. Points, 2008.

DIAZ Jose-Luis, L’écrivain Imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, Honoré Cahmpion, 1007.

DUBOIS Jacques, L'institution de la littérature. Nathan/Labor, 1978

LE BRIS Michel et ROUAUD Jean, Pour une littérature-monde, Paris, Éditions Gallimard, 2007

PRADEAU Christophe et SAMOYAULT Thiphaine (dir.) : Où est la littérature mondiale ?, Presses Universitaires de Vincennes, coll. « Essais et Savoirs », 2005

SAPIRO Gisèle, La responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe -XXème siècle), Paris, Éditions du Seuil, 2011

SAPIRO Gisèle (dir.) : L’espace intellectuel en Europe. De la formation des États-nations à la mondialisation, XIX - XXIe siècle, paris, la découvert, 2009.

YURKIEVICH, Saúl : Littérature latino-américaine : traces et trajets, Folio Essais, Gallimard, 1988.

YURKIEVICH, Saúl (directeur) : Identidad cultural de Iberoamérica en su literatura, Madrid, Alhambra, 1986.

YURKIEVICH, Saúl : A través de la trama : sobre vanguardias literarias y otras concomitancias, Fankfurt Madrid : Vervuert : Iberoamericana, 2007.

Liens internet :

http://www.espacesse.org/fr/

http://contextes.revues.org/

http://aad.revues.org//662)

http://www.crimic.paris-sorbonne.fr/-SAL-.html

 

[1] Suite à l’adoption du modèle économique et administratif européen.

[2] Pour reprendre les termes de Pascale Casanova, il est alors question de « refuser l’héritage parce qu’il est trop pauvre ou trop fragile » (Casanova 2008 : 65)

[3] Voir : José-Luis Diaz, L’écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, Honoré Champion, 2007.

[4] Voir l’article de Ruth Amossy, « La double nature de l’image d’auteur » (http://aad.revues.org//662)

[5] Voir : Björn-Olav Dozo et François Provenzano , « Comment les écrivains sont consacrés en Belgique », COnTEXTES [En ligne] , n°7 | mai 2010 , mis en ligne le 03 juin 2010, consulté le 27 octobre 2011. URL : http://contextes.revues.org/index4637.html