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Ecriture et terroir (Tunisie)

Ecriture et terroir (Tunisie)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Adel Habbassi)

Écriture et terroir

Colloque international organisé par le Laboratoire de recherches : Études Maghrébines, Francophones, Comparées et Médiation Culturelle

Au Palais des sciences de Monastir (Tunisie).

Monastir : 13-14 mai 2016.

Délai pour l'envoi des propositions: 24 avril 2016

 

 

 

Bien loin de procurer au poète la sécurité d'un ancrage ou la certitude d'un enracinement, le lieu semble aujourd'hui le confronter plutôt à un abîme de questions et le vouer à un perpétuel exil. Il ne lui permet guère d'affirmer une identité, mais d'interroger une altérité[1].

Si nous admettons que la culture, en tant que représentation complexe de nos actes de naissance, de vie et de mort, est le vivier de toute aventure scripturale, il est clair que l’idée-force de « terroir » fonde la cohésion du « scripteur » comme sujet d’une terre et d’un habitus dont la généalogie et le pays natal sont les formes vulgaires. C’est que l’image de l’enracinement implique l’existence, préalable, d’une terre (d’origine) où le langage pousse. Les littératures de terroir proposent, justement, des textes qui livrent les traces de cet enracinement : le langage de l’écrivain crée un univers dont les formes et les senteurs se confondent avec le cadre intime où le sujet a grandi. Ce vivier confère à l’œuvre écrite un goût de terroir ayant trait au(x) caractère(s) particulier(s) de cette profondeur ancestrale.

Il est évident que « toute parole poétique s’élève d’un lieu intérieur et incertain que nomment tant bien que mal des métaphores : source, fond, moi, vie… »[2]. Les spécialistes ne cessent d’explorer ce « lieu intérieur » et cette « source » du langage. Ils parlent alors de corpus, de langue maternelle, de terreau linguistique. Ce lien organique du langage au corps, à la terre, à l’habitus… le présente comme générateur de formes culturelles permettant à l’homme d’articuler ses premières syllabes, de communiquer sa joie et ses peurs, de dire son rapport aux autres, au monde ([in]visible), au cosmos. Si ces attaches organiques à la terre sont fondamentales pour l’homme, elles le sont encore plus pour l’écrivain et le poète. Notre rapport à la langue aurait été plus simple, si les hommes s’étaient toujours fixés dans leurs terres d’origine, sans avoir de contact avec d’autres types de parlers.

Or l’histoire de l’humanité et le développement des sociétés, dites civilisées, sont marquées des traces d’exils, de marches et de mouvements qui ont poussé tant d’hommes à traverser des mers et des contrées inconnues. La plupart des cultures se sont constituées à travers des périples chaotiques d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont sillonné les continents. La langue est la forme d’expression humaine la plus représentative de ces mouvements migratoires. La visite ou la conquête d’un territoire a toujours posé la problématique du (des) rapport(s) à établir avec la (les) langue(s) locale(s) : domination, marginalisation, exclusion, interaction(s), croisement(s), créolisation, etc. Les mémoires des peuples, les études menées par les chercheurs et l’état des lieux des langues du monde nous montrent l’extraordinaire imbrication des liens géoculturels et les filiations historiques qui ont façonné nos dialectes et nos innombrables idiomes. La révolution technologique, entamée vers la fin du XXème siècle, a accéléré ces imbrications socioculturelles. La mondialisation (culturelle), la démocratisation des voyages intercontinentaux et les hasards de nos géolocalisations ne cessent de relativiser les idées d’origine et d’exil : le mouvement est en passe de devenir une des modalités de notre être-au-monde.

Que certains critiques parlent de l’exil ou de l’enracinement d’un écrivain dans une (sa) langue n’est donc pas une simple image. Les poètes qui manient la langue avec une conscience aigue de ces enjeux s’y taillent des territoires dans lesquels ils (re)fondent leurs rapports au monde et aux hommes. Que cette langue soit celle des ancêtres ou d’acquisition seconde est important pour déterminer la nature de ces rapports. La richesse du langage poétique est alors proportionnelle au degré d’ouverture de ces territoires aux voix et aux traces recueillies sur les routes du monde. Les « contrées magnifiques » auxquelles pense Rimbaud sont, aussi, celles des langages qui naîtront au (des) contact(s) de ces régions du « monde ».

En lisant ce que Michel Collot dit du « lieu » nous réalisons que la parole du poète et les mots de l’écrivain sont constamment travaillés par un va-et-vient entre enracinement et transhumance. L’écriture du monde a souvent montré que la voix d’un terroir se décline aux musiques et aux rythmes des terres que l’écrivain traverse pour se retrouver dans les horizons de l’autre. « Gros du monde, le poète parle », affirme Césaire[3]. La "parole voyageuse" capt(ur)e les paysages, transfigure les reliefs, exalte les couleurs, sublime les parfums. En se mêlant à ceux des autres, le terroir du sujet parlant s’ouvre et se transforme en un espace où les imaginaires, les langues et les traditions conjuguent des géographies et des lieux divers du monde. Au sein de sa « poétique de la Relation », Édouard Glissant constate que « le monde se créolise, c'est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante […] se changent en s'échangeant à travers les heurts irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d'espoir »[4]. Comment écrire son terroir dans un monde aussi traversé des semences de ce « divers » ? Le lieu d’où s’élève la parole s’avère, à la fois, abîme et creuset du « je » et des figures de sa cohésion, identitaire et culturelle.

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Loin d’être une rencontre sur l’écriture du terroir, ce colloque propose de réfléchir sur les interactions et les problématiques qui naissent au seuil du texte et des territoires qui en constituent la (les) trame(s). Le terroir des ancêtres ne pouvant plus être conçu comme un espace fermé (à l’autre), les imaginaires et les horizons qui s’ouvrent aux marges du terroir ancestral étendent l’écrit comme lieu d’utopie(s) et de conjonctions des images et des cultures du monde.

Cette réflexion sur les métamorphoses scripturales du (des) terroir(s) s sera approfondie à partir d’axes dont les contours ne sont aucunement restrictifs :

1-) Le terroir : entre référence et métaphore

2-) Du corpus comme prolongement du terroir

3-) Les produits de terroir : saveurs littéraires et/ou marqueurs culturels du texte

4-) Langues, dialectes et idiomes : parlers et parlures du (des) terroir(s) 

5-) La terre : motif de résistance politique et culturelle. 

  

Les propositions de communication, ne dépassant pas une trentaine de lignes, seront reçues à l’adresse suivante : maghrebinefrancomparees@yahoo.fr

24 avril : dernier délai pour recevoir les propositions de communication.

26 avril : communication des propositions retenues par le Comité scientifique.

29 avril : programme prévisionnel du Colloque.

02 mai : programme officiel du Colloque.

Les participants aux travaux du colloque visiteront la Foire des produits de terroir et déjeuneront à Lamta, le dimanche 15 mai 2016.

Parmi les articles qui sortiront des travaux de cette rencontre de Monastir, le comité scientifique sélectionnera ceux qui figureront dans le volume des Actes du colloque international Écriture et terroir (Tunis, MC Editions, décembre 2016).

 

Comité scientifique :

Habib Ben Salha (Université de Manouba, Tunisie)

Hamdi Hemaidi (Université de Manouba, Tunisie)

Sadok Gassouma (Université de Manouba, Tunisie)

Patrick Voisin (Université de Pau, France)

Julia Scergo (Université de Montréal, Canada)

 

Comité d’organisation :  

Bessem Aloui (Université de Tunis El Manar, Tunisie)

Wafa Bsaiîs-Ourari (Université de Carthage, Tunisie)

Adel Habbassi (Université de Tunis El Manar, Tunisie)

Sana Dahmani (Université Tunis El Manar, Tunisie)

Hanène Harrazi-Ksontini (Université de Carthage, Tunisie)

Issam Maachoui (Université de Carthage, Tunisie)

Donia Maaroub (Université de Carthage, Tunisie)

Fayçal Ltifi (Université de Carthage, Tunisie)

              

 

 

 

 

[1] -) Michel Collot : préface à Christine Dupouy La question du lieu en poésie : du surréalisme jusqu'à nos jours, Amsterdam - New York, Editions Rodopi B. V.,  2006, p. 8.

[2]- Zumthor, Paul. Introduction à la poésie orale, Paris, Éditions du Seuil, 1983, p. 159.

[3] -) « Poésie et connaissance » : communication au Congrès de Philosophie de Port-au-Prince (Haïti), in Tropiques N°12 / 1945, Editions Jean-Michel Place, Paris 1978, p. 112.

[4] -) Introduction à une poétique du Divers, Paris, Gallimard, 1995, p. 44.