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Double(s) sens / doble(s) sentido(s) Espagne-Amérique Latine / América Latina-España

Double(s) sens / doble(s) sentido(s) Espagne-Amérique Latine / América Latina-España

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Catherine Pélage)

DOUBLE(S) SENS / DOBLE(S) SENTIDO(S):

ESPAGNE - AMÉRIQUE LATINE / AMÉRICA LATINA- ESPAÑ

DOUZIÈME COLLOQUE ALMOREAL

 

 

L’Association d’hispanistes ALMOREAL, créée en 1988, regroupe des chercheurs des universités d’Angers, Le Mans et Orléans. Elle contribue à interroger tous les deux ans les Relations entre l’Espagne et l’Amérique Latine en organisant un colloque sur l’un de ces trois sites universitaires.

En 2014, l’Université d’Orléans accueillera les chercheurs de l’Association pour reprendre le cours de la réflexion sur les échanges culturels et les regards croisés entre Mondes hispaniques et hispano-américains. Cette manifestation réunira des chercheurs des trois universités d’Angers, Le Mans et Orléans ainsi que des chercheurs venus d’autres horizons universitaires.

Dans cette perspective, lors de la dernière Assemblée Générale, il a été décidé que le douzième colloque porterait sur « Double(s) sens / Doble(s) sentido(s) ».

C’est un voyage au cœur des transferts culturels que l’on a choisi de signifier dans le sillage même de la réciprocité de l’échange entre Mondes hispaniques et hispano-américains. Nous nous intéresserons à lire l’ambiguïté, l’équivoque, les chemins croisés, les rêves, les transports, les rencontres, les exils, les migrations pour recueillir la texture réflexive de ces doubles sens.

Sur un plan strictement linguistique, le double sens implique la superposition de deux sens au sein d’un même énoncé. Gracián proposait la définition suivante : « La Primorosa equivocación es como una palabra de dos cortes, y un exprimir a dos luces. Consiste su artificio en encerrar debaxo de una misma dicción dos significaciones »1. Mais la superposition des sens peut également se faire au niveau paradigmatique, et entremêler codes littéraires et linguistiques. Ainsi, le double sens peut caractériser un énoncé bref, une répartie ingénieuse, mais il peut également sous-tendre une œuvre dans son ensemble. Il arrive également que le double sens naisse de la confrontation des codes littéraires et linguistiques dans un même énoncé, comme on peut le trouver dans la poésie érotique ou dans l’entremés du siècle d’or, qui dialoguent avec d’autres genres littéraires tout en faisant la part belle à la bisémie.

Ces procédés de dialogisme et de polyphonie impliquent que le lecteur ou le récepteur soit lui-même doté d’une compétence suffisante pour retrouver le sens implicite. Sur le plan littéraire, comment interpréter la réécriture parodique ? Faut-il y voir la dérision du code sous-jacent, ou la célébration de ce même code, jugé assez digne d’intérêt pour que l’on en prenne le contre-pied? C’est donc aussi la question de la réception de ces doubles sens qui sera posée : pour que le double sens existe, il faut que le récepteur ait une compétence suffisante pour le déceler. Il nous faudra tenir le plus grand compte des aspects culturels qui sous-tendent tout questionnement sur le double sens. Le double sens vise parfois à déjouer la censure. Plusieurs œuvres de Diamela Eltit, publiées sous la dictature d’Augusto Pinochet, jouent sur les doubles sens d’un certain nombre de mots-clés qui donnent simultanément au texte une dimension individuelle, apparemment inoffensive, et une dimension collective corrosive. Si une œuvre bâtie sur le double sens s’adresse à un public averti, capable de lire entre les lignes, n’est-elle pas, par nature, une œuvre en péril, restreinte à une réception limitée dans le temps et l’espace ? Se pose alors le problème de la transmission de son sens et celui des particularités de sa traduction.

Cependant, les enjeux du double sens se bornent-ils à une perspective qui tenterait de hiérarchiser les sens ? Ne peut-on pas concevoir un double sens fondé sur la réciprocité? Les doubles sens impliquent par définition des phénomènes qui ne se produisent pas à « sens unique » et qui, par là-même, rendent complexes les notions de point de départ et de point d’arrivée. Ces phénomènes, caractérisés par des déplacements et des échanges, sont liés à la circulation des hommes, des idées et des œuvres.

Les voyages dans les deux sens entre l’Espagne et l’Amérique latine n’ont pas cessé depuis la découverte et la violence de la conquête jusqu’à nos jours. Par exemple, les flux migratoires de retour qui se sont produits au terme des dictatures sud-américaines des années 80 ont soulevé des questions politiques, sociales, culturelles et influé sur les productions artistiques. Quels ont été les enjeux et la portée de ces déplacements ? Quelles sont les empreintes laissées dans les savoirs, les productions et les représentations par ces allers-retours entre l’Espagne et l’Amérique Latine ?

L’étude du double sens semble mener actuellement à une prise en compte de la complexité des œuvres et de leur réception dans un contexte marqué par la mondialisation. Citons l’œuvre de Junot Díaz La Brève et Merveilleuse Vie d’Oscar Wao, fondée sur les déplacements des personnages entre la République Dominicaine et les États-Unis tandis que les notes en bas de page jouent sur la pluralité des récepteurs, connaisseurs ou non de l’histoire dominicaine. Ne peut-on finalement considérer les doubles sens comme Écritures du dépassement des frontières, des normes ou du politiquement correct ? Le double sens n’apparaît-il pas alors comme une transgression toujours autre ou étrangement Autre ? Le double sens célébrerait donc la parole en acte sous la dictée du poète René Char : « Développez votre étrangeté légitime ». Citation qui sous la plume du poète Luis Antonio de Villena fait œuvre d’Hérésies privées/Herejías privadas.2

De fait, évoquant les dépassements multiples, les doubles sens permettront non seulement de remémorer les mirages de la superposition des sens mais d’explorer de nouvelles routes de cultures hispaniques et hispano-américaines plurielles, où chemin faisant, la texture du double sens se réinvente.

Voici quelques pistes de réflexion pour le douzième colloque ALMOREAL qui est ouvert aux champs disciplinaires suivants : littérature, linguistique, image, théâtre, cinéma, civilisation, didactique ainsi qu’aux aires géographiques espagnole et latino-américaine.

Modalités

Le colloque aura lieu les 20 et 21 mars 2014 à l’Université d’Orléans. Si vous souhaitez proposer une communication en français ou en espagnol, nous vous invitons à nous faire parvenir avant le 15 octobre votre proposition (10 lignes) aux trois adresses suivantes :

Catherine Pélage : catherine.pelage@univ-orleans.fr

Samuel Fasquel : samuelfasquel@hotmail.com

Brigitte Natanson : brigitte.natanson@univ-orleans.fr

 

Un comité de sélection vous fera savoir avant le 30 novembre si votre communication a été retenue. Vous recevrez alors tous les détails concernant l’organisation matérielle du colloque. Les articles seront soumis à un comité de lecture et à un comité scientifique international ; ils seront publiés sous forme d’ouvrage collectif.

 

Catherine Pélage (Présidente, Université d’Orléans)

Anne Gimbert (Vice Présidente, Université du Maine)

Raúl Caplán (Vice Président, Université d’Angers)

Samuel Fasquel (Secrétaire, Université d’Orléans)

Brigitte Natanson (Trésorière, Université d’Orléans)


 

1 Gracián, Arte de ingenio, Tratado de la Agudeza, éd. E. Blanco, Madrid, Cátedra, 1998, p. 277.

2 Luis Antonio de Villena, Las herejías privadas, Tusquets, 2001.