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Point de vue et point d’écoute au cinéma : approches techniques

Point de vue et point d’écoute au cinéma : approches techniques

Publié le par Emilien Sermier (Source : antony Fiant)

Appel à communications :

Point de vue et point d’écoute au cinéma : approches techniques

Colloque international organisé par l’équipe d’accueil (EA 3208) Arts : pratiques et poétiques de l’Université Rennes 2, les 8, 9 et 10 octobre 2015

Coordonné par Antony Fiant, Roxane Hamery et Jean-Baptiste Massuet

 

Depuis quelques années sont apparus sur les écrans de cinéma des films tournés à l’aide de dispositifs pour le moins étonnants, permettant de numériser la performance d’un acteur par le biais de capteurs photosensibles afin d’obtenir une prestation intégralement « enregistrée » sous tous les angles, en trois dimensions. Si cette approche est à ce point étonnante, c’est qu’en séparant la direction d’acteurs de la partie strictement technique de la mise en scène, ces procédés de motion et de performance capture permettent de concevoir, au moins un temps, un objet virtuel intégralement dénué de point de vue[1], au sein duquel le réalisateur est libre de choisir, dans un second temps, ses angles de prise de vues, ses éclairages, ses focales ou encore ses mouvements de caméra parmi l’infinité des possibles. À partir d’une performance d’acteurs, une infinité de points de vue s’offre ainsi au metteur en scène, laquelle ne dépend plus d’aucun point d’ancrage matériel (caméras, micros, sources d’éclairage, etc.), et s’accorde ainsi à ses moindres désirs.

Un tel procédé, loin d’annihiler la notion de point de vue, tend plutôt à l’éclairer sous un jour nouveau, ou tout du moins d’une manière singulière. Si le point de vue recouvre plusieurs significations, trois principales pour suivre Jacques Aumont et Michel Marie[2] – « l’emplacement réel et imaginaire depuis lequel une représentation est produite » ; « le filtrage de l’information et son assignation aux diverses instances de la narration – auteur, narrateur, personnages » ; « l’opinion, le sentiment à propos d’un objet, d’un phénomène ou d’un événement » – il s’avère sans doute possible, au cinéma, d’aborder ces différentes acceptions par le biais de considérations techniques. Parmi les multiples approches permettant d’analyser la manière dont un énoncé est produit (les théories de l’énonciation en donnent plusieurs exemples) la technique peut, dans ce cadre spécifique, se voir octroyer une place de choix. Souvent invoquée en analyse filmique, la notion de point de vue permet en effet de cerner le discours d’un film, quel que soit le sens que l’on donne au terme – narratologique, idéologique, textuel, esthétique, etc. – et donc de penser et de caractériser la mise en scène d’une séquence ou parfois plus globalement le style d’un cinéaste ou d’une « école » particulière. Ce sont alors la plupart du temps des « moyens expressifs » qui sont invoqués, qu’il s’agisse du cadrage, des mouvements de caméra, de la focale, de l’échelle de plan, des éléments de la bande-son[3], du montage, etc., termes privilégiés dans le cadre de l’exercice de l’analyse de film, et qui désignent en réalité assez explicitement des données techniques à partir desquelles, entre autres, le réalisateur détermine un point de vue et un point d’écoute.

Curieusement, les liens entre ces moyens expressifs au service du point de vue/point d’écoute, et les techniques, appareils ou dispositifs choisis par les techniciens en collaboration avec les cinéastes n’ont que rarement été pensés dans le cadre de la recherche en cinéma. Pourtant, d’un film à l’autre, les procédés auxquels fait appel le metteur en scène – aussi génériquement désignés soient-ils – ne reposent pas forcément sur les mêmes types de machines, les mêmes types de caméras, les mêmes types de micros, etc. Et, partant, leur appréhension peut s’en trouver modifiée, non seulement en termes esthétiques – que le choix de tel ou tel dispositif soit inscrit dans le projet de mise en scène[4], ou qu’il entre en jeu incidemment dans le cadre d’une interprétation de l’analyste – mais également en termes de fabrication des œuvres, car certains choix techniques ayant une incidence sur le point de vue/point d’écoute sont le fait de techniciens et non des cinéastes.

C’est tout l’objet de ce colloque, s’inscrivant au sein du programme de recherche TECHNÈS (du grec technè, qui désignait ensemble le faire technique et la production artistique) visant à repenser le cinéma et ses techniques dans son histoire et à l’heure du numérique, que de proposer cette approche liant la technique à la question du point de vue/point d’écoute au cinéma. L’approche sera plurielle, la réflexion concernant à la fois la question des formats, du son, des caméras, de la couleur, du montage, de la 3D relief, des objectifs, etc., c’est-à-dire de tout ce qui a trait à la dimension technique de la création cinématographique, en abordant ses divers dispositifs sous des angles esthétique, historique, théorique ou encore sociologique. Pourront ainsi être abordées des questions liées à l’analyse (adoption du point de vue d’un personnage particulier, discours porté par un narrateur ou par le cinéaste, retranscription ou réinvention géographique d’un espace donné, appréhension sonore d’un environnement spécifique, relations et rapports de force entre personnages, adaptation d’un médium artistique singulier à la forme cinématographique, etc.), à l’histoire et à l’historiographie des techniques (transformations de certains dispositifs selon les époques, réception théorique ou critique de telle ou telle innovation technologique et de ses apports à la question du point de vue/point d’écoute, etc.), mais également à la sociologie des métiers du cinéma (question de la collaboration ou encore des relations entre techniciens et cinéastes dans le cadre de certains procédés de mise en scène, apparition de nouveaux métiers liés à une approche technique originale pensée en termes de point de vue/point d’écoute, etc.)

Nous nous proposons d’établir, dans le cadre de ce colloque, une réflexion sur ces problèmes à partir de divers angles d’approche dont nous proposons ici quelques exemples (sans pour autant que la liste soit exhaustive) :

 

  • Analyse d’un film ou d’une séquence en particulier reposant sur de forts partis-pris techniques liés à la question du point de vue et/ou du point d’écoute.
  • Réflexion transversale sur l’œuvre d’un cinéaste en interrogeant la récurrence de certains procédés techniques au sein du travail d’élaboration du point de vue et/ou du point d’écoute.
  • Analyse transversale d’une technique singulière et de la manière dont elle a pu être mise au service du point de vue/point d’écoute par des cinéastes d’origine ou d’époques différentes.
  • Analyse de la réception de certains films, en se fondant sur l’impact de la technique et sur l’effet recherché sur le point de vue du spectateur.
  • Commentaire historiographique sur des textes ou des ouvrages témoignant de la manière dont le point de vue et/ou point d’écoute a pu être pensé à telle ou telle époque en s’appuyant sur des considérations techniques.
  • Approche de la notion de point de vue/point d’écoute sous l’angle de l’histoire des techniques.
  • Interrogations historiques et/ou esthétiques d’un genre ou d’un courant à travers les questions techniques liées à l’élaboration du point de vue et/ou du point d’écoute.
  • Réflexion sur la collaboration entre cinéastes et techniciens, ainsi que sur la manière dont certains aspects de la mise en scène ont pu être pensés sous un angle technique avant d’être pensés sous un angle esthétique.
  • Etude de l’implication des techniciens dans l’élaboration du point de vue ou d’écoute – qui peut aller dans certains cas jusqu’à l’autonomie – en considérant diverses pratiques sociales, culturelles et purement techniques.

 

Les communications, d’une durée de 30 minutes, pourront porter sur toutes formes de cinéma (commercial, éducatif, scientifique, documentaire, d’animation, amateur, expérimental...), argentique ou numérique, à partir du moment où les considérations de point de vue et/ou de point d’écoute se trouvent fondées sur une réflexion d’ordre technique.

Les propositions de communication d’environ 300-400 mots accompagnées d’un titre provisoire, d’une bio-bibliographie de 5-6 lignes sont à nous faire parvenir avant le 6 avril 2015 aux adresses suivantes : antony.fiant@univ-rennes2.fr ; roxane.hamery@univ-rennes2.fr ; jbmassuet@wanadoo.fr. Le comité scientifique procédera à une évaluation de ces propositions en double aveugle et informera les auteurs des décisions le 4 mai 2015.

 

Comité scientifique

Antony Fiant (Université Rennes 2)

Roxane Hamery (Université Rennes 2)

Jean-Baptiste Massuet (Université Rennes 2)

Benoît Turquety (Université de Lausanne)

Barbara Turquier (école de la Femis)

Vincent Amiel (Université de Caen)

Richard Bégin (Université de Montréal)

Olivier Asselin (Université de Montréal)

 

[1] Au moins en termes « d’ocularisation » pour reprendre le terme de François Jost (Cf L’Œil-caméra. Entre film et roman, Lyon, PUL, 1987), puisque la direction d’acteurs permet évidemment de développer un « point de vue » singulier pour le metteur en scène.

[2] Jacques Aumont et Michel Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, Paris, Armand Colin, 2008, pp. 193-194.

[3] Renvoyant pour leur part, non plus au principe « d’ocularisation » précédemment décrit, mais plutôt à celui « d’auricularisation » également décrit par François Jost (op. cit.).

[4] Pour ne donner qu’un exemple, nous pourrions évoquer la volonté de Godard d’avoir accès dans les années 1970 à une caméra légère et compacte (la 8-35 qui deviendra en réalité l’Aaton 35 conçue par Beauviala) qui lui aurait permis d’adopter, plus qu’une nouvelle manière de filmer, une nouvelle relation esthétique au monde.