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Contrat doctoral : les contes et la littérature de jeunesse publiés en Nouvelle-Calédonie

Contrat doctoral : les contes et la littérature de jeunesse publiés en Nouvelle-Calédonie

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Dominique JOUVE)

ceci est un appel à candidatures pour un contrat doctoral à l'université de la Nouvelle-Calédonie. Après sélection des candidats, quelques entretiens par Skype seront organisés pour établir un classement; le contrat doctoral nesra publié officiellement qu'en août si ce projet est retenu par l'école doctorale de l'UNC. Le contrat pourrait commencer au 1er octobre ou au 1er novembre 2012.

Les contes et la littérature de jeunesse publiés en Nouvelle-Calédonie

Problématique générale

Dans une récente bibliographie commentée de la littérature calédonienne[1],  Anna Bihan ne signale les oeuvres de littérature pour la jeunesse qu’en marge des romans, recueils de poèmes etc.  des auteurs « principaux » qui sont tous d’abord des auteurs pour adultes. Les autres créations et initiatives ne sont pas complètement ignorées mais rentrent dans une catégorie « littérature orale » qui prête à questionnements, le livre appartenant à une autre sphère que le conte oral. De plus l’absence du champ de la littérature jeunesse renvoie à l’absence de reconnaissance d’un secteur qui contribue pourtant à la production littéraire et laisse à penser que  la célèbre exclamation d’un collègue de Tolkien à Oxford lors d’une lecture de son oeuvre par l’auteur du Seigneur des Anneaux : « oh, fuck, not another elf ! » n’est  pas complètement dépassée de nos jours Comme l’a rappelé Irène Fernandez[2] en s’appuyant sur de nombreux critiques, « les oeuvres d’imagination, et cela est vrai des romans comme des contes, véhiculent nécessairement des représentations de notre rapport au monde ; ce fait ne préjuge en rien de leur valeur littéraire ». C’est par l’intermédiaire de l’invention que sont abordés des question et problèmes difficiles (le rapport au monde, le sens du destin et de l’initiative individuelle, le rapport à la mort en particulier) parfois masqués par les problématiques réalistes des romans les plus reconnus de l’institution littéraire depuis le XIXe siècle, et qui privilégient les questions sociales. On notera de plus que l’art du récit bien construit, avec un début et une fin, si possible heureuse, si contesté par la littérature élitiste du XXe siècle, s’est réfugié dans les genres qu’on prétend mineurs comme les romans policiers, les oeuvres de science fiction et de « fantasy », les contes modernes : mineures par leur reconnaissance peut-être, mais plébiscitées par les lecteurs et fournissant de très grands succès de librairie.

Objectifs de la thèse :

En Nouvelle-Calédonie, la littérature pour la jeunesse s’est considérablement développée depuis plus de vingt ans et il serait temps d’en faire l’histoire, de constituer des corpus, de poser les bases de son analyse, au moment où justement les oeuvres pour la jeunesse entrent dans les instructions officielles de l’école, tant maternelle que primaire, et au-delà, pour les collèges. Il est très utile qu’une critique savante puisse éclairer les choix des pédagogues, des parents, des bibliothécaires et de la puissance publique.

 

Méthodologie :

On commencera par les contes,  en tant que forme matricielle de tout récit, en  faisant la recension de ce qui a été publié depuis 1988 à peu près : le choix des dates et de la délimitation du corpus fera l’objet d’une réflexion théorique et méthodologique, car dans un archipel dont la partie océanienne de la population est de culture orale, il serait faux de considérer que le conte tel qu’il apparaît dans les publications  « naît »  après l’élan politique, social et culturel impulsé par les Accords de Matignon.

Une grande attention à la structure des contes fournira un ensemble d’indication sur les typologies narratives des contes. La plupart des contes publiés en français sont des contes « modernes » à divers titres, soit par l’invention du récit, soit par la transposition que la forme livre fait subir à l’oralité ; leurs textes ont des résonances idéologiques et culturelles qu’il faudra préciser. Sans constituer une littérature à thèse, les oeuvres de jeunesse s’inscrivent dans des courants de pensée, dans un ensemble de valeurs morales ou sociales qu’il conviendra d’expliciter.

 De plus, les contes sont un genre littéraire universel et multiforme, mais ils ont en commun d’être nés dans l’oralité et d’être souvent destinés à être lus à haute voix par un adulte à un enfant. Pour « mimer » cette situation, certains contes sont accompagnés de CD ; qu’apportent les voix choisies ? Que peut-on sentir ou pressentir lors d’une oralisation par un moyen technique très différent de l’art de raconter pratiqué depuis des millénaires ?

 L’ensemble des contes proposés par le Centre Tjibaou en albums bilingues se prête à une discussion approfondie sur les rapports entre texte et illustration et sur le rôle du CD d’accompagnement, ainsi que sur le rôle du glossaire proposé en fin d‘album pour l’approche du et/ou des sens des contes proposés.

On reviendra sur les contes  issus de la tradition orale pour étudier les  modifications de leur fonction, de leur performance et par conséquent des sens qu’on peut décrypter. Quelle forme d’oralité, ou de pseudo oralité, ou d’oralité seconde est-elle produite par les CD lorsqu’ils sont utilisés ? On devra également s’interroger sur la question de l’auteur[3] et sur les tensions autour de l’autochtonie ou non du signataire du récit.

Cette analyse des contenus de la littérature jeunesse abordée à partir des contes et éventuellement des récits courts devra être effectuée en comparaison avec les productions éditoriales de la Polynésie française et de Wallis et Futuna. Quelques éléments de différenciation pourront être recherchés du côté des productions éditoriales de la Nouvelle-Zélande.

Cette présentation  pour candidatures (à envoyer par courriel à dominique.jouve@univ-nc.nc avec lettre de motivation, CV et relevé des notes de master, éventuellement recommandation du directeur/ de la directrice de master 2) est faite sous réserve de l’acceptation de ce projet pour un contrat doctoral. L’allocation est d’environ 1600 euros par mois pour 3 ans. Ce travail de doctorat s’effectuera à l’université de la Nouvelle-Calédonie, au sein de l’école doctorale du Pacifique. Un comité de thèse sera organisé en concertation avec le/la lauréat/e du contrat doctoral.


[1]La Nouvelle-Calédonie, ses littératures et ses livres, bibliographie sélective et commentée par Anne Bihan, 17emse rencontres francophones, 2012, Verson (14). Espace Senghor.

[2] Irène Fernandez, Défense et illustration de la féerie, du Seigneur des anneaux à Harry Potter : une littérature en quête de sens, édition Philippe Rey, 2012.

[3] Une première approche est fournie par l’article de Dominique Jouve dans L’auteur pour la jeunesse de l’édition à l’école, dirigé par Jean-François Masson et François Quet, éditions ENS de lyon/Ellug, 2011,