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Cerveaux poétiques / Poetic brains / Poetische Hirne. Approche comparée des rencontres entre littérature et théories du psychisme (Fribourg)

Cerveaux poétiques / Poetic brains / Poetische Hirne. Approche comparée des rencontres entre littérature et théories du psychisme (Fribourg)

Publié le par Marc Escola (Source : ASLGC/SGAVL)

Colloque annuel de l'Association suisse de littérature générale et comparée (ASLGC)

21-22 novembre 2024, Université de Fribourg (CH)

Deadline 15/052024

En 1924, le manifeste du surréalisme proposait la définition suivante pour décrire l’objectif du mouvement : « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. ». Cette volonté de saisir la pensée en train de se produire, hors de toute censure par la raison, afin d’en donner une traduction immédiate dans les mots, s’inscrivait dans un Zeitgeist surdéterminé par les recherches en psychologie (l’invention de la psychologie expérimentale par Wilhelm Wundt quelques décennies auparavant, les théories de Pierre Janet) et en psychiatrie (les travaux d’Emile Kraepelin en Allemagne et d’Eugen Bleuler en Suisse), ainsi que par la naissance de la psychanalyse. L’activité de l’esprit, tant dans son exercice philosophique et créateur (Bergson, Valéry, et plus tôt Hippolyte Taine), que dans ses formes pathologiques, fascine les écrivain·es – et bien au-delà du seul surréalisme – qui espèrent découvrir des régions encore inexplorées du psychisme, capter des réserves inentamées de l’imagination. En 1923, Italo Svevo consacre un roman entier à la psyché troublée de son héros dans La coscienza di Zeno. De son côté, le ‘stream of consciousness’ théorisé dès 1890 par le philosophe et psychologue américain William James, offre aux romanciers du modernisme (Proust, Woolf, Joyce, Faulkner…) de nouvelles voies d’expression pour l’intériorité de leurs personnages.

Si le manifeste, dont nous fêtons le centenaire, marque un moment de fécondité particulière entre la littérature, l’art et les théories scientifiques cherchant à saisir le fonctionnement de l’esprit, les premières décennies du XXe siècle ne sont qu’un exemple des périodes de dialogue entre création et représentations issues de la médecine et des sciences « psy ». Le colloque annuel de l’ASLGC/SGAVL souhaite se pencher sur ces rencontres entre littérature et science autour d’un objet commun, le psychisme (dont définition et délimitation sont d’emblée problématiques, ce que la diversité des appellations en fonction des courants et des époques laisse entrevoir : « esprit », « psyché », « cerveau », « appareil psychique », « mental », « cognition »…). Il sera l’occasion de réfléchir aux transferts épistémiques entre les disciplines intéressées par les processus psychiques et la littérature : avec quels objectifs ces champs se rencontrent-ils ? Quelles idées, quelles modélisations, quelles métaphores scientifiques de la pensée et du cerveau irriguent les productions littéraires au fil des siècles ? De la res cogitans cartésienne à la théorie neuronale (établie et défendue par Santiago Ramon y Cajal) en passant par la phrénologie de Gall qui suscita de nombreuses réactions chez les auteur·rices, de Goethe à Balzac, Dickens et Ch. Brontë, comment les théories du psychisme et de la conscience trouvent-elles une voie d’expression dans le champ de la création, de quelle puissance poétique sont-elles le véhicule ? À l’heure où les sciences cognitives, les neurosciences et l’intelligence artificielle façonnent les représentations de notre « appareil de pensée » et de ses processus, on voudrait sonder les zones d’échanges que cristallisent discours littéraire et scientifique, création fictionnelle et spéculation théorique, dans une approche doublement comparée : entre les langues et les contextes culturels d'une part, et les traditions savantes d'autre part. Si le cerveau est « un livre qui se lit lui-même » (Diderot), la langue dans laquelle il s’écrit détermine-t-elle la réception qui en est faite ? Au-delà d’une plasticité des discours et des représentations, il s’agira aussi de prêter attention à l’émergence de nouvelles formes, littéraires et de pensée, à mesure qu’a évolué la compréhension des mécanismes qui nous permettent de réfléchir – et de créer.

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Les propositions de contribution (200-300 mots ; notice bio-bibliographique) peuvent être envoyées en français, allemand, anglais ou italien à :

sophie.jaussi@unifr.ch jusqu’au 15 mai 2024.