Acta fabula
ISSN 2115-8037

DOSSIER CRITIQUE n°76

2024Mai 2024 (volume 25, numéro 5)
titre du numéro

Barrès aujourd'hui

Dans les mois qui suivirent la mort de Maurice Barrès, de nombreux hommages parurent dans la presse et les revues. L’auteur, pour qui furent organisées des funérailles nationales, n’eut pourtant pas l’honneur d’un numéro spécial de La Nouvelle Revue française, contrairement à Marcel Proust ou à Joseph Conrad, le premier décédé un an plus tôt et le second quelques mois plus tard. C’est que malgré l’influence exercée sur les écrivains de l’entre-deux-guerres, le « professeur d’énergie » fut, dès avant son décès, remis en cause pour son nationalisme exacerbé et pour son indéniable antisémitisme. En témoigne le procès fictif organisé par les dadaïstes, au cours duquel André Breton condamna Barrès à vingt ans de travaux forcés, et qui fut surtout marqué par un vif échange entre le prétendu juge et Pierre Drieu la Rochelle.

Fascinant ou repoussant, clivant, Maurice Barrès a connu une fortune paradoxale. Sans jamais bénéficier d’institutionnalisation, de canonisation ou de réhabilitation, il n’a pas non plus été oublié : son ombre plane sur la littérature du premier xxe siècle, de sorte que son nom a traversé l’histoire littéraire. Aujourd’hui, qu’en reste-t-il ? Le centenaire de sa mort a été commémoré par plusieurs publications qui réévaluent ou envisagent sous un jour inédit l’œuvre barrésien. Faut-il ou peut-on encore lire Barrès ? Ou plutôt : comment le faire ? Les articles réunis dans ce dossier tentent de répondre à cette question : Jean-Michel Wittmann dresse l’état actuel des études barrésiennes à partir du collectif dirigé par Antoine Compagnon, À l’ombre de Maurice Barrès ; Julie Moucheron s’intéresse quant à elle au voyageur que fut Barrès, à travers l’étude de Jessica Desclaux, Barrès en mouvement, qui propose une nouvelle approche de l’écrivain ; finalement, s’appuyant sur les biographies publiées par Emmanuel Godo et par Estelle Anglade-Trubert, Anthony Glaise et Alexandre de Vitry rejouent le débat qui court depuis la mort de Barrès. Le premier renouvelle le geste de ceux qui voient d’abord l’écrivain en l’homme, et font primer son art sur ses combats idéologiques ; le second se refuse à mettre sous le boisseau l’antisémitisme de Barrès et propose de le lire précisément en raison de ce qui le condamne.