Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Varia (hors dossier)
Fabula-LhT n° 29
Manuels et modes d'emploi : comment la littérature dispose à l'action
Éliane Beaufils

Expériences de pensée écofictionnelles sur les scènes contemporaines : Unlikely Creatures (drei) – us hearing voices (2018) de Billinger & Schulz et new skin (2018) de Hannah de Meyer

Ecofictional Thought Experiences on The Contemporary Stage: Unlikely Creatures (drei) – us hearing voices (2018) from Billinger & Schulz and new skin (2018) from Hannah de Meyer

1Aborder les impasses de l’Anthropocène et les dangers futurs suppose indéniablement de développer une pensée complexe, sondant les entrelacements des temporalités biologiques à long terme avec des dynamiques à la fois planétaires et microscopiques, individuelles et collectives, culturelles et économiques. La combinaison de ces perspectives constitue un véritable défi pour notre imagination. Voilà peut-être la raison pour laquelle les pièces de théâtre sont encore peu nombreuses à se saisir du sujet. De ce fait, les études écocritiques sur la climate-fiction ou l’écofiction depuis les années 2010 se concentrent sur des romans1.

2Plus fondamentalement, de nombreux artistes et chercheur·se·s2 estiment qu’il est nécessaire de développer de nouveaux modes de pensée afin de rendre justice à la complexité anthropocénique. Il faudrait combiner les facultés souvent distinguées que sont la cognition, l’imagination et la sensorialité. Selon Isabelle Stengers et Emilie Hache, il importerait de développer de nouvelles esthétiques ne présentant pas seulement de nouveaux objets, mais donnant à penser et affectant différemment (Hache, 2015, p. 22 et 24 ; Stengers, 2015, p. 190). Cette proposition un peu floue (quel artiste ne chercherait pas à penser autrement ?) est précisée par Donna Haraway dans son dernier ouvrage, qui met l’accent sur la nécessité de conjuguer les diverses significations de la « SF » : elle ambitionne d’allier la fabulation spéculative (Speculative Fabulation), les faits scientifiques (Science Facts), la science-fiction (Science Fiction), la science fantasy, le féminisme spéculatif (Speculative Feminism) et la sympoïèse ou « faire avec » à partir du modèle des jeux de ficelle (String Figures) (Haraway, [2016] 2020, p. 22). Bref, l’entreprise conjuguerait et déborderait les territoires de l’imagination et de l’information. Davantage que de proposer un voyage imaginaire, la fiction devrait semble-t-il tenter de déplacer l’imaginaire lui-même, comme s’il s’agissait de faire retrouver à l’imagination la puissance active dont l’investissaient les romantiques (Schlegel), à la façon d’une poésie universelle et progressive, c’est-à-dire fragmentaire, appelée à être continuellement complétée par des échos, contradictions et ajouts3.

3Gregers Andersen va encore plus loin. Il souligne :

[…] le changement climatique va changer la manière dont les humains sentent et comprennent leurs mondes. Cela signifie qu’il va influencer leurs relations affectives et cognitives au monde.
[
Climate Change will change how humans feel and understand their worlds. That is, it will influence their affective and cognitive relations to the world.] (Andersen, [2019] 2021, p. 3 ; ma trad., idem ensuite.)

4Il importe en conséquence à G. Andersen d’étudier comment la climate fiction « fait monde [how Cli-Fi worlds i.e. creates worlds] » (p. 20) : cette fiction pourrait inviter à une réception qui resterait de l’ordre de la spéculation et de l’imagination, mais qui reposerait aussi sur un appel performatif aux affects et s’inscrirait dès lors dans l’ordre de l’expérience.

5Dans le présent article, j’aimerais étudier deux spectacles qui semblent inviter à un tel « faire monde » expérimental : d’une part Unlikely Creatures (drei) – us hearing voices (2018), du duo Billinger & Schulz, dont j’examinerai les deuxième et troisième sous-parties (« Part ii » et « Part iii ») ; d’autre part new skin (2018) de Hannah de Meyer. Chacun de ces spectacles fraie en effet des voies très particulières qui permettent de combiner la fiction d’anticipation ou la spéculation anhistorique, avec une activité scénique très « scriptible » (Barthes, 1970)4. Deux pôles, fictionnels et performatifs, se dégagent : dissociés dans le premier spectacle où ils constituent des moments complémentaires et dialectiques, ils s’avèrent tout à fait entremêlés dans le second. Dans les deux cas se conjuguent les dimensions qu’Isabelle Stengers juge cardinales dans la science-fiction : l’attitude spéculative et une grande altérité, soutenue notamment par des personnages avec lesquels on ne saurait s’identifier (Stengers, 2020). En vertu de l’altérité à laquelle confrontent ces spectacles, une attention particulière doit être portée à la dimension phénoménologique des corps et voix sur la scène : les modes de leur apparition importent autant que les signes transmis. De ce fait, il convient de décrire d’abord précisément les activités scéniques dans leur ouverture même : certaines descriptions seront immanquablement subjectives ou approximatives, mais permettront ensuite d’étudier les signifiances et effets potentiels des scènes5.

Unlikely Creatures (drei) : une hétérotopie endeuillée

6Rien ne laisse supposer a priori que la performance Unlikely Creatures (drei) emprunte les chemins de l’écofiction. Elle s’inscrit dans la trilogie éponyme Unlikely Creatures qui s’interroge sur l’altérité des corps. Ces réflexions incorporées (dans le sens où elles prennent aussi la forme de gestes et de mouvements) sont critiques des habitus gestuels de groupe (i – who we are, 2016) ou de la standardisation des représentations de l’identité corporelle individuelle (ii – we dance for you, 2017). Le troisième spectacle (drei – us hearing voices, 2018) de la trilogie est lui-même composé de trois sous-parties, dont seules les deuxième et troisième m’intéressent ici.

7La première (« Part i ») immerge les spectateurs, assis sur une plateforme installée au milieu de l’espace scénique, dans un groupe d’humains parcourant l’espace du plateau et des gradins. Les performeurs vaquent à diverses activités plus ou moins reconnaissables : attente sur des chaises, transport de matériel, réinstallation de structures en bois, déplacement de portraits vaguement imprimés sur des toiles légères, rencontres physiques furtives, danse. La deuxième partie (« Part ii ») commence par l’évacuation de l’espace précédent. Le plateau et les gradins vides sont plongés dans l’obscurité, jusqu’à ce que des grondements, ou des vrombissements légers se fassent entendre. Diverses qualités sonores difficilement identifiables (machines ? sons électroniques ? bruits de vagues ?) s’ajoutent en surimpression les unes aux autres. À la faveur d’un flash apparaît une silhouette aux contours épais revêtue d’un chapeau d’apiculteur. D’autres éclairs stroboscopiques font apparaître des cosmonautes qui se déplacent avec une extrême lenteur. Les bruits d’éléments ou de grésillements s’amplifient et une voix masculine jaillit, monocorde, accordée au son métallique d’un micro.

img-1-small450.jpg

Unlikely Creatures (drei), © Marina Weigl. Un cosmonaute marchant de manière hésitante sur le plateau obscur.

8Le narrateur (la voix masculine) décrit les pas difficilement effectués. Il précise qu’à la différence de la lune ou de mars, la force de la gravité sur Halley – les cosmonautes se trouveraient donc sur la comète – ne permet pas de retenir complètement les éléments au sol, si bien que les flocons de neige noire qui en recouvrent la surface flottent et empêchent d’en reconnaître le relief. La composition sonore hétérogène s’intensifie à nouveau, tandis que les mouvements des performeurs demeurent difficiles à identifier dans le noir. Une voix féminine se fait entendre au bout de quatre minutes. Elle raconte que les personnages sont à la recherche d’eau : leur unité spatiale en a besoin pour produire des aliments. Les voyageur·se·s s’aventurent dans les profondeurs de la planète. Tout y serait d’hydrocarbure ; les parois des cavités s’effriteraient et les roches des profondeurs paraitraient instables : elles seraient plus jeunes que les « cités terrestres ». Quelques minutes passent encore. On ne voit et n’entend plus qu’une cosmonaute. Elle déclare être la seule survivante d’une destruction concertée. Elle espère que les signaux radio suffiront à atteindre d’autres unités spatiales avant qu’elle ne meure. Elle évoque une énorme vague et une sorte d’herbe aquatique immense, laquelle aurait broyé toutes les structures du vaisseau. Des minutes sonores passent encore dans le noir. Puis la lumière se fait.

9Cette partie de la narration répond aux paradigmes familiers de la science-fiction : des êtres humains ont conçu des unités spatiales, soit des formes de vie dépendantes de la technologie. En conséquence de quoi ces êtres ont également développé des compétences cosmonautiques et sont aptes à trouver de quoi survivre sur divers corps célestes. L’aspect technique de cette vie est souligné par un récit qui ressemble à un rapport militaire. Ici, les brouillages sonores contribuent à reculer les voix dans le lointain. Les formes de vie extraterrestres, telle l’herbe tueuse, sont informes et plutôt mortifères, et font par exemple penser aux planètes étudiées par l’expédition du film Interstellar (2014) de Christopher Nolan.

10Les humains en scène semblent à la recherche de nouvelles ressources pour survivre, sans pouvoir se fixer nulle part : ils sont dans un ailleurs perpétuel. La cosmonaute parlant à d’autres unités semble indiquer qu’il n’existe plus de centre dans cet univers. Il n’existe qu’une errance sans fin et sans autre finalité que la survie. Si le motif de l’exil de la Terre reproduit celui de l’humanité chassée du paradis, il ne semble guère y avoir de place pour des réflexions éthiques ou subjectives : aucun sujet ne déploie une action propre ni ne la réfléchit ; aucune perspective émotionnelle ni affective ne traverse la narration. L’agir semble parfaitement fonctionnalisé et cette impression est confortée par la suite. En effet, il sera fait état de la lenteur avec laquelle le corps et l’esprit s’éveillent après un long voyage. Les voix resteront monocordes.

Le détournement des clichés science-fictionnels

11Reculée dans une situation temporelle et géographique à tous points de vue lointaine, représentée sous forme de costumes grossiers et de sons inédits, la fiction frise le cliché. Elle l’évite néanmoins de manière performative : l’obscurité et les grésillements de sonorités entremêlées contraignent les spectateur·rice·s à aiguiser leur attention. Leurs regards se perdent dans l’obscurité. Leurs efforts de vision entrent en résonance avec les efforts physiques des cosmonautes, qui avancent dans une neige noire montant du sol. L’impossibilité de reconnaître les sons ôte jusqu’à la concrétisation d’images sonores. Elle ménage une distance réflexive. L’inhibition relative des sens confère néanmoins à la situation une forte puissance de suggestion : aux spectateur·se·s de se représenter la scène, pendant qu’ils sont immergés dans une atmosphère sombre et bruissante, où l’incertitude règne, attisant en quelque sorte l’impression d’être en recherche de quelque chose. En étrangéifiant corps, sons, images et esprits, la fiction propose d’« autres manières de sentir et de penser » telles qu’Andersen les appelle de ses vœux.

12Après le vaste épisode dans le noir, la scène et les spectateur·se·s sont cette fois plongés dans une lumière aveuglante (« Part iii »). Pendant qu’un performeur parle, les six autres quittent leurs positions : ils se mettent à bouger. Il semble qu’ils s’éveillent d’un long moment d’inertie, voire de paralysie. Rien ne confirme qu’il s’agit bien de l’équipage précédent, mais les costumes sont les mêmes. Les personnages sont interrogés par les êtres qui les ont sauvés – car il semble qu’ils le sont –, sans que ceux-ci ne se montrent à nous. Une voix off leur pose des questions relatives à leur identité et leur parcours, ainsi qu’à leur connaissance de la Terre. Une performeuse répond parfois sincèrement ; parfois elle dit mentir, mais la voix ne réagit pas différemment. Des rencontres avec des créatures non humaines sont évoquées. On ne sait pas s’il s’agit de projections du futur ou de souvenirs de la vie sur Terre. Durant « les 250 années de non-années [250 years of non years] » (citation du spectacle), la plupart des humains terrestres auraient été retrouvés morts. Les performeur·se·s, qui poursuivent la narration à tour de rôle, reçoivent des réponses : les puissances invisibles qui les ont recueillis ont restauré la Terre – « pour un nouvel usage [for a new use] », répond la voix à la question posée par une danseuse. Les humains restants, placés en lieu sûr, vont apprendre comment vivre dans la forêt, comment construire des abris et se procurer de la nourriture. Ils seront ensuite envoyés sur leur planète d’origine pour l’apprendre à d’autres. Ils n’auront pas seulement la chance de mourir sur Terre, mais une seconde chance d’y vivre. L’apprentissage est difficile. Peu à peu la mémoire se ressource et se remobilise. Après plusieurs mois, les changements s’opèrent dans les corps, qui retrouvent des émotions et des sensations sexuelles. Les personnages racontent qu’ils se mettent à lire des livres de la Terre et à danser.

13Cette troisième partie est davantage placée sous le signe du détournement des modes d’écriture science-fictionnels et elle peut à cet égard être considérée comme critique. Rappelons en passant que la forte illumination de la scène et de la salle était un procédé cher à Brecht, afin que les spectateur·rice·s se sentent moins happés par la fiction6. Certes, l’immersion performative de la deuxième partie se heurtait déjà à certains détails scéniques : les costumes étaient artisanaux, les corps se mouvaient très lentement, sans but apparent, et les voix surgissaient dans le noir et ne livraient que de brefs fragments. L’activité scénique ne feignait pas d’être mimétique. Néanmoins, les spationautes, compositions sonores et déplacements livraient des indices qui pouvaient servir d’embrayeurs à l’imagination d’activités spatiales fictionnelles. La portée critique de la deuxième partie se déploie à un autre niveau tout en capitalisant sur le précédent : ici, le récit va à l’encontre de certains éléments narratifs récurrents des écofictions. Des six schèmes recensés par G. Andersen, on en retrouve éventuellement quatre : ceux de l’effondrement social, de l’épreuve du jugement, des liens entre humains et non humains et de la Wilderness (Andersen, [2019] 2021)7. Mais le futur narré ici ne fait pas suite à l’effondrement de la civilisation telle que nous la connaissons ; il signe la fin de la civilisation de substitution mise en place après la destruction de la Terre (destruction à la source de cette humanité spatiale errante). Le jugement n’est pas celui de la sanction, mais celui de la seconde chance rédemptrice. Les rapports avec les non humains ne marquent pas un nouvel âge, mais ils sont prépondérants et sans entretenir d’utopie interspécifique : les humains sont confrontés aux agentivités des matières (la neige noire, la plante aquatique) sur les nouveaux astres tel que Halley, puis aux puissances acousmatiques (les voix). La Wilderness revient non sous la forme d’état naturel originel, mais sous la forme d’une Terre restaurée, qu’on découvrira complètement.

14L’idée de l’épopée est elle aussi subvertie. Plutôt que des protagonistes agissants, on observe des êtres qui accomplissent des tâches mécaniquement. Ils ne poursuivent guère d’action au sens dramatique, si l’agir ou le dran est le « fruit d’une volonté décisionnaire » (Guénoun, 2005, p. 81). Ils sont au contraire éduqués par les voix, voire manipulés. Les humains ne se rapportent guère à un milieu, ni à une culture. On trouve certes ce motif dans d’autres récits de science-fiction : chez Margaret Atwood par exemple, les Crackers sont des êtres posthumains sans culture, sans art et par là sans esprit de possession, ni de conflit (Atwood, 2003, p. 358-359). Le fait est que ces humains n’ont plus rien à voir avec des anthropoï tels que les connaît l’anthropocène : sujets volontaires, autocentrés, poursuivant un but et organisant une action déterminée. Ils sont de l’ordre de « choses » : des êtres indéterminés, qui ne se sont guère constitués dans des rapports intersubjectifs (Goebbels, 2012, p. 59-63) et qui n’éprouvent pas d’émotions identifiables. Ces êtres sont eux-mêmes soumis à des objets excessifs, c’est-à-dire à des objets qui ne peuvent être saisis par des sujets, ni a fortiori maîtrisés, car ils excèdent les catégories descriptives et intelligibles (Eiermann, 2009, p. 206) : les planètes sont toutes « excessives », les puissances invisibles aussi – et toutes se dérobent de ce fait aussi à la compréhension des spectateur·rice·s.

15Les personnages sont invités à réfléchir à leur absence d’identité et d’inscription culturelle, ainsi qu’aux significations que pourrait revêtir leur retour sur Terre. L’espace dédramatisé de la scène devient une situation en suspens, habitée par des êtres sans visage qui pourraient retrouver une subjectivité. Les spectateur·rice·s remarquent d’autant mieux l’étrangeté de ces êtres qu’ils sont installés sur le plateau et se trouvent très proches des performeur·se·s.

Une hétérotopie performative

16Petit à petit, les personnages se transforment en sujets proto-terrestres et émotionnels. Au fur et à mesure qu’on avance dans l’œuvre, les éléments science-fictionnels changent de nature : le spectacle s’appuie sur une performativité scénique dotée d’une puissance hétérotopique8.

17La troisième partie introduit en effet une grande tension entre les mouvements du plateau et le texte. Quand chaque performeur·se vient, tour à tour, parler au micro près de la plateforme du public et entame une narration, les voix sont incarnées, ce qui constitue une première rupture (précédemment, il n’y avait que des voix off). Les autres danseur·se·s se dégagent pendant ce temps de leur encombrant habit de cosmonaute avec une grande douceur. Les vêtements laissent apparaître la peau nue. La carapace qui armait les corps contre les conditions les plus néfastes à la survie contraste avec la vulnérabilité et la palpitation des chairs. Les performeur·se·s semblent retrouver des gestes propres, à la fois hésitants et fluides. Ces chairs présentes et très proches des spectateurs opposent leur présent – celui où elles vivent – à l’abstraction de la fiction. Mais elles ne provoquent pas uniquement ce hiatus : on peut aussi éprouver une proximité avec les corps de créatures humaines exilées de la Terre depuis des siècles et qui auraient subsisté semblables aux nôtres.

18Le jeu corporel continue malgré tout de nourrir des effets d’étrangeté. Les corps conservent tout d’abord une dimension monadologique, se mouvant en toute autonomie sans se rencontrer les uns et les autres. Les performeur·se·s se recouvrent aléatoirement de peinture. Ces peintures, grises ou colorées, fragmentent les images corporelles : celles-ci perdent leur symétrie. Plus encore, les corps ne donnent plus l’impression d’être organiques. Les performeur·se·s continuent ainsi à paraître vulnérables et étrangers, ou du moins singuliers. La proximité des corps, en tant qu’elle est mise en tension avec la fiction et avec l’altérité des gestes et de la peinture, nourrit une étrangeté contradictoire. Elle porte à réfléchir sur l’importance de notre rapport au corps dans l’appréhension de l’humanité, mais aussi sur l’historicité et l’impermanence de ce rapport.

img-2-small450.jpg

Unlikely Creatures (drei), © Marina Weigl. Redécouverte du corps et essais de couleurs.

19L’effet d’étrangéification est par ailleurs nourri par les voix et le langage : on ne rencontre pas de sujets dans ce spectacle – et on ne voit pas des sujets se rencontrer les uns les autres. Il n’y a guère de dialogue (hormis avec la voix off, au moment des questions au début de la troisième partie), encore moins de double énonciation (une intra-diégétique, l’autre extra-diégétique). En l’absence d’adresse déterminée, les voix restent suspendues et l’énonciation se rapproche d’une adoratio :

[…] nous savons, dès lors que nous parlons, que le langage s’adresse et nous adresse à ce dehors de la communication et de la signification homogène. Que le langage en première et dernière instance s’adresse et nous adresse à cet hétérogène, à ce dehors. Il n’est là que pour ça, il ne fait que ça : il adresse, […] le strict revers de toute nomination possible. […] C’est là ce qu’on nomme adoration : parole adressée à ce que cette parole sait sans accès. (Nancy, 2010, p. 10-11)

20Pour Helga Finter, il y a adoratio au théâtre quand on s’adresse à « un au-delà du discours théâtral », quand on ne s’adresse pas seulement à un public ou à un partenaire de jeu, mais encore à « celui ou ce qui rend le langage et la parole possibles, et les légitime » (Finter, [2012] 2014, p. 567 ; ma trad.). Le langage devient en ce cas poétique. Cette caractéristique rejoint d’autres traits poétiques de l’énonciation dans la pièce, en premier lieu la fragmentation, qui laisse résonner chaque phrase et convie les spectateur·rice·s à participer à la respiration du texte. Les performeurs creusent les espaces entre les mots et les phrases, creusent la recherche de sens. Leur élocution est par ailleurs atone, profondément monocorde.

21L’énonciation « adorative » et espacée appelle en vérité les spectateur·rice·s à s’investir dans les résonances des paroles. Cette résonance associative, spéculative et sensible est susceptible d’être d’autant plus prenante que le public se trouve dans l’incapacité de se soustraire au présent de la scène et à son manque d’intelligibilité, très performatif – les spectateur·rice·s sont triplement transportés dans un ailleurs, à la fois vocal, spéculatif et charnel. Dans le même temps, le détour par les horizons lointains de la science-fiction permet de redécouvrir intensément le présent d’un corps humain, sa voix, et invite à réfléchir à ce qui fait notre humanité. Ce détour permet de redécouvrir une altérité humaine, tout en lançant la balle aux spectateur·rice·s, sous la forme d’une question implicite : laisseront-ils les humains dériver vers une humanité cosmonautique ou les attacheront-ils au sol ? Suivant la célèbre injonction de Bruno Latour (2017), il importe que nous atterrissions, que nous redevenions terrestres en prenant conscience de nos liens et en les développant à l’intérieur de la biosphère. La fiction propose une sorte d’atterrissage de la seconde chance, en appelant de la sorte à réfléchir aux formes que pourrait prendre un retour au terrestre aujourd’hui, qui ne soit pas post-apocalyptique.

Du deuil à l’enthousiasme : new skin

22La nature de l’étrangeté est très différente dans le spectacle new skin (2018) : si elle repose aussi sur des corps et voix non représentationnels qui nourrissent une profonde altérité, celle-ci est extrêmement attirante, quasi-subjuguante, et transporte dans un « faire monde » plus utopique qu’hétérotopique.

L’emportement des sens et du corps

23Le spectacle commence par un appel acousmatique, affable et joyeux, lancé aux spectateurs : « comment allez-vous aujourd’hui ? comment vous sentez-vous ? » La voix cite ensuite avec une ferveur déférente les artistes et penseur·se·s qui l’ont inspirée et avec lesquels elle dit « chanter » : Achille Mbembe, Donna Haraway, Anna Tsing, Maggie Nelson, Ursula K. Le Guin, Ursula Biemann, Vinciane Despret… Ces autrices et cet auteur pensent tous nos relations abîmées au sein d’un monde en passe d’être dévasté et proposent des manières de réinventer nos rapports à l’avenir. La performance commence ainsi comme un chant avec eux, avec nous spectateur·rice·s, et pourtant la voix déclare peu après ne vouloir partir de rien.

24De fait, après cette entrée en matière ostensiblement écologique, relationnelle par son dialogisme, le plateau reste dépeuplé et obscur. La voix précise qu’on se trouve « dans l’univers du rien » (je cite le spectacle), où n’existe aucun temps, aucune matière, aucune attente. « On pourrait rester des heures ici, des siècles ». Est-ce une expérience mentale de l’espace ou une écofiction ? Puis un corps se fait entendre : une femme aux gestes secoués, rythmés, apparaît côté cour, comme un être parcouru de frissonnements saccadés, encanardé et qui pourtant, en vertu d’un mouvement continu, apparaît aussi fluide. Elle s’arrête d’un coup. Elle parle et se situe au commencement du monde, de la matière, qui n’existe pas, dont elle n’aperçoit « qu’une miette de lumière ». Elle raconte que la miette grossit, se nourrit d’eau, de vent, de vagues. L’être secoué dit atterrir dans la matière et le vent, s’engouffre dans la vision des vagues – jusqu’à ce qu’une vision se forme. Cette fois, il semble bien qu’il y ait atterrissage dans un corps, qu’un esprit se forme et informe le voir.

img-3-small450.jpg

new skin de Hannah de Meyer, © Dries Segers. L’être semble « atterrir » dans son corps et s’orienter de façon balbutiante.

25Le rythme syncopé de l’être théâtral nouvellement né semble nourrir celui d’une pensée vivante et vibratoire. Mais la description poursuivie par la performeuse reste profondément elliptique. L’artiste-narratrice serait située dans un environnement naturel indéterminé, auquel elle accède par tous les pores. Dans ce lieu se trouverait une salle, la salle blanche d’un musée avec une fresque sur laquelle s’affronteraient deux hommes : le combat les aurait amenés dans un marécage où ils seraient appelés à succomber ensemble. Suit la description de la seconde pièce muséale, où un film montrerait un vieillard planté aux pieds verdoyants d’une montagne et qui montrerait tout ce qui l’entoure. Bien que la narration reste hermétique, elle paraît métaphorique, renvoyant à un point de vue potentiellement futur ou extra-terrestre : l’être secoué pourrait venir de l’avenir pour contempler les restes livrés par l’humanité, des visions possibles des sagas humaines. Il se situerait peut-être à l’aube d’une humanité nouvelle.

26Dans la suite du spectacle, les gestes secoués de l’artiste-narratrice semblent faire écho à ses paroles. Elle performe une relation au vent, à la terre, en livrant un récit d’événements vécus on ne sait quand, mais qui semble la traverser de toutes parts. Elle dit creuser de ses doigts, de toutes ses fibres, les strates de la terre, dont elle retire des rochers, des os, des rochers comme des os, plein de tous nos ancêtres, fossiles ou non du vivant, témoins de l’histoire de la terre et de la nôtre. Son corps traversé d’élans, de soubresauts et de fluides semble effectivement habité par la présence des éléments et des oiseaux, de ses souvenirs vibrants. Elle paraît les offrir aux spectateur·rice·s sur un plateau de parole mouvante. Dans son texte, son corps est entrelacé à la matière du sol dans lequel elle se terre, se repose ; le vent et le ciel parlent à son esprit et les cavernes animales l’accueillent avec évidence. Elle semble extraire de cette plongée terreuse des paroles comme des fragments vivants, sensibles, témoins immédiats d’une conscience au travail.

27Le corps-esprit qui s’éveille s’appuie sans discontinuer sur une danse expressive et énigmatique à la fois, si bien que le corps épris de conscience semble faire écho à une parole éprise de tactilité et embrassant la matière. Dans une chorégraphie nourrie de brefs et continus jaillissements gestuels, le corps-esprit semble être en résonance à sa propre genèse. Cet être théâtral se dit enfin doté d’un « cœur brûlant » ; cœur qui se révèlerait dans la matière « de nos ancêtres » : il dit se nourrir de l’affection de son grand-père, de sa grand-mère, dont les conseils et les caresses traversent les années et l’habitent. Ce cœur résonnerait enfin de la sollicitude d’un amant et, dans un soubresaut final, se révèle un condensé liquide énergétique qui anime l’artiste. Le corps-esprit-parole est donc à la fois danseuse, cœur, poète. Il semble projection et introjection de ce que l’artiste sent, voit, et pourrait être.

img-4-small450.jpg

new skin de Hannah de Meyer, © Dries Segers. L’être agité de convulsions qui font écho aux saillies et rebonds de la langue.

28Cette œuvre est extrêmement ambiguë en tant qu’écofiction : expérience de pensée a-située et néanmoins en résonance vibratoire avec une subjectivité ô combien inventive et incarnée. La fiction se déploie de fait comme une immense palpitation dans l’espace de la scène qui ne se départage plus, pour les spectateur·rice·s, en un espace matériel et une scène mentale. Elle accomplit utopiquement une relation de tous les pores au vivant et non vivant, aux voix qui ont traversé la performeuse, aux gens qui l’ont marquée. Elle semble constituée d’éveils salutaires, conjoignant passé, présent et vision du futur. Elle rappelle l’illumination tel que la conçoit le philosophe Walter Benjamin9 et rejoint d’ailleurs la présentation étonnamment gestuelle que le chercheur Frank Frommer en fait, ici à propos de « l’illumination profane » :

[…] ce moment de concentration extrême (pensons à ces athlètes scrutant l’infini, mimant leur course d’élan, imaginant le geste parfait juste avant l’explosion du mouvement) où l’attention se fixe sur un objet invisible ; et simultanément, cet effrayant saisissement qui étreint le sujet, en un éclair de survie, et qui le retrouve tendu, raidi, comme un ressort, les sens aux aguets, comme prêt à l’attaque, qui le propulse vers l’action avec un rien de vertige rétrospectif. (Frommer, 2004, p. 187-188)

29De même que dans le spectacle précédent, la réception est suspendue à la voix et au corps, mais il est ici plus difficile d’en saisir l’altérité, non attribuable à des personnages. Cette difficulté est donc due à l’ouverture de la fable et à la dimension contradictoire de cet être à la fois proche et lointain. Elle est enfin due au fait qu’on n’est pas confronté à la voix déshumanisée d’une humanité vouée pieds et poings liés à la technologie, à l’errance (en tous sens) et à l’anesthésie. Outre qu’on n’entend aucune spéculation sur la sortie de l’humanité et son retour, l’étrangéification n’est pas portée par un corps longuement statique, mais due au contraire à une voix chevillée au corps et à la subjectivité, à un corps-esprit débordant qui résonne profondément avec les associations sensibles et langagières de tout humain venu se perdre au théâtre. Ce corps-esprit naît d’une « affect-abilité » incessante, c’est-à-dire, selon la proposition de Christine Daigle (2018), d’une vulnérabilité positive, d’une capacité à être affecté et à agir avec l’affect (et non uniquement avec la raison). Comme le rappelle Daigle, c’est de cette capacité dont dépend l’émergence de nouvelles relations avec l’humain et le non humain. Reposant sur l’altérité d’une corporalité nouée à celle de la langue et de la théâtralité, l’étrangéisation est ainsi touchante et « attirante » (Bouko, 2010, p. 80-86) et non plus « inquiétante » ou critique.

Sympoïétique

30Le texte de new skin et sa diction sur scène sont extrêmement travaillés et rythmés. Tel qu’on le reçoit dans le public, il est de part en part energeia au sens de Humboldt, qui nomme la langue ainsi parce que celle-ci serait « motrice, vectrice de l’énergie somatique du sujet parlant, jusque dans notre petit théâtre mental » (Benoît, 2016, p. 9). Cette énergie se développe en dehors de quelque emphase pathétique et de hautes figures métaphoriques : elle convoie une sorte de continu signe-sens-conscience, tel que les déclinent et les appellent de leurs vœux, chacun à leur manière, par exemple, Léopold Sédar Senghor et Henri Meschonnic (voir Singare, 2012, p. 180-181). Comme bien d’autres, Meschonnic met l’accent sur le fait qu’une parole poétique n’use pas des mots comme d’instruments permettant de se saisir de pensées et d’en user. Le poème n’opère guère la distinction langage-objet, signifiant-signifié. C’est une voix qui met en jeu à la fois le rapport au corps, au langage et au sujet. Ce continu transcende et rattache le dire à l’expérience, au souvenir et au faire. à la différence d’un langage informationnel ou philosophique, « le poème ne parle pas de », mais engage « l’invention d’un rapport à soi, aux autres, et au monde » (Meschonnic, 2001, p. 44)10. Un tel engagement ne requiert pas forcément une syntaxe surprenante. Le texte de new Skin s’appuie sur des images (creuser la terre, s’y terrer) qui, sans être forcément métaphoriques, subvertissent les schèmes d’action et, par là, ouvrent des possibles. Ces images invitent en outre les spectateur·rice·s à s’engouffrer dans la brèche de manière sensible et terrienne, pourrait-on dire, et à imaginer une expérience.

31L’adresse ambigüe du texte les y convie aussi. « Vous êtes fatigué. Vous rampez au fond d’un trou, vous vous y blottissez, et vous dormez dans la terre ». Le pronom « vous » est relayé ensuite par un « on », le récit évitant ainsi de recourir à la première personne. Ces pronoms constituent une expression impersonnelle du personnage fictionnel, contribuant ainsi à la dimension non située ou a-située de celui-ci. Ils ne se rapportent toutefois pas uniquement à l’être indéterminé, potentiellement singulier et pluriel, représenté par l’artiste, ni seulement au genre humain en général. « Vous » renvoie aussi à un dédoublement de la pensée d’avec elle-même, pensée immergée dans le terrien, vectrice d’une expérience hautement sensible et pourtant en regard d’elle-même comme dans un théâtre mental (c’est a fortiori le cas pour tout le théâtre). Parce que ce théâtre mental interpelle les spectateur·rice·s, le public participe des « vous » possibles et donc de la possibilité d’une autre pensée-sensibilité.

32La force de l’appel tient in fine au fait que la parole est également sympoïétique11. Cette dimension sympoïétique est soutenue par les recours au « nous » et au « tu », qui englobent les spectateur·rice·s, ainsi que par des images de natalité et de mort : « quand nous naissons, nous savons exactement quel était notre rapport » ; « si je meurs, tu meurs ». À travers le motif d’une nouvelle genèse de l’humanité, genèse fondée sur le modèle de relations vécues, amplifiées, démultipliées, incorporées, le spectacle semble apporter une réponse à la réflexion de Félix Guattari :

[…] mon problème, c’est de repartir de la position de l’être-au-monde à l’état naissant. Mais l’état naissant, ce n’est pas quelque chose que l’on trouve tout fait devant soi. C’est quelque chose qu’on construit et qu’on travaille (Guattari et Uno, 1999, p. 19).

33Cette construction de l’état naissant est en outre associé par Guattari à la chaosmose, au « mouvement chaosmique, qui consiste à faire un aller-retour permanent entre le chaos et la complexité » (idem). Or, à l’inverse de la perspective guattarienne et deleuzienne, l’artiste n’extrait pas quelque chose du chaos : elle crée d’abord une sorte de tabula rasa, un après sans nom et sans date, quasiment vide de civilisation humaine. Elle y place ensuite les éléments, lumière, pierres, vents, puis les tableaux. Mais dès le début, ce vide est plein d’un chaos de sensations délicates et de relations possibles. Et dans cet espace esseulé, mental et théâtral, le texte et les mouvements émergent comme parole « vive », comme parole « naissante » – naissance associée à la vibration linguistique et littérale, elle-même caractéristique du rythme poétique selon Franco Berardi : « rythme poétique, vibration linguistique, oscillation et quête [qui révèlent] l’infinitude du processus de la signifiance [poetical rhythm, linguistic vibration, oscillation and quest [which reveal] the infinitude of process of meaning-making] » (Berardi, 2018, p. 22, ma trad.). Les vibrations sont susceptibles de toucher les spectateur·rice·s, en outre invités à participer à la respiration du texte. Voilà qui contribue encore à la force de ce corps-esprit épris des entrelacements avec la matière et avec le cœur, avec les voix des non-vivant·e·s et des vivant·e·s.

34Au-delà d’une fiction, il se pourrait donc que ce spectacle fasse partager une certaine manière d’être au monde qui, si elle n’appartient pas au passé ni n’est tout à fait matérialisée et présente, représente une potentialité : une manière d’être poétique, générative de gestes et d’imaginaires. La puissance de cette fiction théâtrale est d’accroître la capacité à imaginer des manières d’être vivables. Cette capacité, Berardi (2017) la nomme « futurabilité » : elle ouvre le futur et répond à un ardent besoin. La poésie est ainsi doublement « action »12, non seulement parce que la parole poétique représente une expérience sensible, parce qu’elle est ici une écofiction performée, mais encore parce qu’elle agit sur et avec les spectateur·rice·s. Elle représente une pensée du monde différente et immédiatement corrélée à des attitudes et sensations.

Conclusion

35Les deux spectacles mobilisent des éléments science-fictionnels qui permettent d’expérimenter des modes de présence à soi et aux autres et de poser la question de l’humain – ou plus précisément celle de l’humanité que nous voulons développer. Aucune indication temporelle n’est donnée, qui s’avère secondaire par rapport à la tentative d’une expérimentation à la fois spéculative et incorporée. La science-fiction théâtrale, dans ces deux spectacles comme dans certains autres13, instaure un espace-temps proche-lointain, mais c’est peut-être surtout par la performativité du langage et des corps qu’elle permet de développer un penser-sentir autrement.

36Les vecteurs de l’altérité diffèrent d’un spectacle à l’autre. La première performance analysée entrave tout pathos et toute empathie avec les personnages. Elle promeut l’expérience de l’étrangeté critique. L’altérité de l’être-au-monde et l’ailleurs s’appuient sur un éloignement fictionnel radical du temps présent et des coordonnées sociopolitiques contemporaines. Dans le même temps, en vertu de l’ouverture de la fable et de l’absence de personnages vraiment subjectivés, les voix et les corps scéniques sont extrêmement présentifiés. Ils ancrent malgré tout la narration dans le présent de la scène, et promeuvent une participation tant corporelle que sympoïétique des spectateur·rice·s. Tandis que le premier spectacle favorise une écoute spéculative, mais hachée et froide, en écho à l’adoratio, le second emporte les spectateur·rice·s dans une vaste effusion textuelle vibrante et débordante, s’éprenant du vivant et des éléments, effusion en outre liée à l’emportement du corps. new skin semble bien plutôt appeler au développement immédiat des capacités sensibles, imaginatives et affectives réalisées et manifestées par l’artiste.

37Dans les deux cas, l’écofiction « fait monde », d’autant plus qu’elle fait participer les spectateur·rice·s à l’épreuve de la subjectivité en jeu et de la réflexion sur l’humain. Elle attise (dans le premier cas en creux, dans le second de manière quasi charnelle) le désir d’autres registres de présence et de relation, qui ne devraient pas être cantonnés au futur.