Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Seuils d'indifférence
Fabula-LhT n° 27
Ecopoétique pour des temps extrêmes
Jean-Christophe Cavallin et Alain Romestaing

Présentation : « Seuils d’indifférence »

Introduction: "Thresholds of indifference"

1Dans Nudités (Rivages, 2009), Giorgio Agamben regrette le clivage que la « culture des temps modernes » a institué entre théorie critique et création littéraire. Il dit l’urgence de rechercher « un point de rencontre, un seuil d’indifférence où retrouver leur unité perdue ». Parce que le problème central de l’écopoétique est celui du conflit productif entre un texte et son contexte, elle peut apparaître comme le chemin le plus sûr vers ce « seuil d’indifférence » entre l’écriture comme acte souverain et l’inscription critique de cet acte souverain dans la sphère de la théorie et/ou de l’action politique. L’hésitation sans issue entre les deux noms d’éco(poétique) et d’éco(critique) dit quelque chose d’essentiel sur la double entrave inhérente à la discipline qu’ils désignent.

2Le dossier « Seuils d’indifférence » se compose de quatre entretiens et dialogues avec des auteur·es et artistes qui doublent leur pratique d’écriture d’une activité de chercheur·e, de critique ou d’activiste. La discussion porte sur la manière dont ils vivent ce rapport de la littérature avec ses seuils (jeu de l’é-crire et de l’in-scrire). Comme dans le livre de Jacques Rancière sur Les Bords de la fiction (Seuil, 2017), l’écriture y pense — ou arpente — quatre de ses bords : le bord par où elle s’ouvre ou se ferme à l’action (entretien avec Jean-Baptiste del Amo) ; le bord par où elle dialogue avec l’oralité (entretien avec Antoinette Rychner) ; le bord par où elle touche ou résiste à la théorie (dialogue de Jean-Claude Pinson et de Pierre Vinclair, sous la conduite de Guillaume Artous-Bouvet) ; le bord où ses protocoles se renient ou se renouvellent en formes de vie in situ (récit d’expérience du collectif -h-). Ces limina du littéraire sont les bords de quatre plaies qu’il faut penser ou panser, afin qu’affects, concepts et signes y circulent de nouveau entre les textes comme systèmes et leur quatre environnements théorique (écrire/penser), politique (écrire/agir), discursif (écrire/parler) et pragmatique (écrire/vivre).
1. Fiction & action. Entretien avec Jean-Baptiste Del Amo (autour de Règne animal, Gallimard, 2016) et de l’essai engagé : L214, une voix pour les animaux, Artaud, 2017). Entretien : Alain Romestaing.
2. Écriture & oralité. Entretien avec Antoinette Rychner (autour d’Après le monde, Buchet/Chastel, 2020). Entretien : Jean-Christophe Cavallin.
3. Poème & théorème. Dialogue entre Jean-Claude Pinson (autour de Pastoral. De la poésie comme écologie, Champ Vallon, 2020) et de Pierre Vinclair (autour du recueil La Sauvagerie, Corti, 2020, et de l’essai Agir non agir, Corti, 2020). Dialogue conduit par Guillaume Artous-Bouvet, chercheur et poète.
4. Récits, rites & territoire. « Un reste de lueur », texte du collectif -h-, autour d’une expérience en cours sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : « Depuis janvier 2019 nous travaillons autour de la question du rituel et des enjeux qui lui sont liés dans la construction d’un territoire et d’une communauté. En travaillant avec les habitants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en collaboration avec John Jordan, Isabelle Fremeaux, qui constituent le Labofii, Laboratoire d’imagination insurrectionnelle, et Alessandro Pignocchi, nous explorons l'utilisation de la forme rituelle dans le but d’élaborer des récits tisseurs de liens entre un territoire et les vivants qui l’habitent. » (-h-).