Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Entretiens
Fabula-LhT n° 10
L'Aventure poétique
Philippe Lejeune

Poéticien : l'être ou l'avoir été ?

Entretien avec Florian Pennanech

1Parmi vos premières publications, on relève une monographie thématique sur Les Contemplations de Victor Hugo, en 1968, ou une analyse freudienne et génétique de l’épisode de la madeleine chez Proust, en 1971. C’est en 1973 que vous publiez « Le pacte autobiographique » dans le n° 14 de Poétique. Ma première question sera donc : comment devient-on poéticien ?

2Effectivement, que font ce Hugo et ce Proust dans mon CV de poéticien ? La monographie est une très classique étude thématique (sur « L’ombre et la lumière »), la seconde étude un essai de psychanalyse sauvage (débusquant derrière la Petite Madeleine un réseau d’images sexuelles). Mais pourquoi faudrait-il que j’aie un CV de poéticien ? La poétique n’est, ou ne fut, qu’une de mes options. Dans votre question, l’article de 1973 sur le « pacte autobiographique » apparaît comme mon acte de naissance, rejetant ce qui précède (y compris mon vrai début, L’Autobiographie en France, 1971) dans une sorte de préhistoire. Et souvent, j’ai l’impression que c’est en même temps mon acte de décès : quoi que j’aie pu faire depuis, c’est peine perdue, je ne suis l’auteur que de ce texte-là. Disons-le tout de suite, devenir poéticien n’a été pour moi qu’un moyen parmi d’autres au service d’un projet tout différent : étudier l’autobiographie, projet à multiples facettes. C’est pour cela que j’ai pu être aussi par la suite « généticien » pour de bon puis, quittant le champ clos des études littéraires, me croire un peu historien, sociologue ou anthropologue, et même, en marge de l’Université, me faire militant en fondant en 1992 l’Association pour l’Autobiographie (APA). La question principale, pour mon récit de vocation, serait donc plutôt de discerner pourquoi ma passion pour l’autobiographie, qui couvait depuis l’adolescence, s’est déclarée seulement à partir de 1968, et quand j’ai compris que mon hobby pourrait supplanter mon… pensum. Tout fut, à l’origine, une question de « sur-moi ». J’adorais la littérature, Proust était mon dieu. Mais j’étais normalien, fils de normalien, la thèse était mon destin : celles de ce temps-là, énormes, duraient dix ans, quinze ans, traînant derrière elles, comme une casserole, une thèse secondaire. On vous octroyait un « beau sujet », dans mon cas ce fut « Procès et mystiques de la littérature au xxe siècle », si beau qu’on n’en voyait plus les frontières, puis on vous lâchait dans la nature et on fronçait les sourcils tous les deux ans en vous demandant « où ça en était ». Vous sombriez dans le désespoir, convaincu de votre nullité. Après quatre ans d’errance, j’ai changé mon fusil d’épaule, décidé de commencer par une thèse secondaire, en m’accrochant au moins à quelque chose de précis : « Histoire du mot littérature en français ». Me voilà alors, loin de toute mystique, en pleine lexicologie historique, ou sémantique structurale diachronique, comme on voudra. J’avais décidé de pratiquer dans la langue française une coupe tous les cinquante ans : 1685, 1735, etc. Il n’y a pas eu de « etc. ». Mais quand j’ai, en 1970, laissé tomber mes thèses, principale et secondaire, j’avais compris deux choses : d’une part qu’on ne saurait faire l’histoire d’un mot isolé et que la langue est un système en mouvement (le dernier chapitre du Pacte autobiographique, « Autobiographie et histoire littéraire », doit autant à cette aventure de sémantique diachronique qu’à la lecture de Tynianov) ; d’autre part qu’une fois titularisé maître-assistant, personne ne pouvait plus rien contre moi, et que j’étais libre de faire ce qui me plaisait. Mais qu’est-ce qui me plaisait ? Il est difficile, parmi vos désirs, d’identifier la ligne principale ; difficile aussi de prévoir laquelle de vos offres possibles correspondra à une demande de vos contemporains. Ceci dit, le choix de « vivre ma vie » en marge de la thèse remonte un peu plus haut : tout s’est mis à changer en octobre 1966, quand j’ai commencé à enseigner à l’université de Lyon. Très vite, j’ai eu envie de tromper ma thèse avec mes étudiants, c’est-à-dire de faire tout bonnement des recherches sur ce que j’enseignais. Dans ce temps-là les professeurs choisissaient le programme pour leurs assistants. J’ai eu de la chance : je suis tombé sur… les Confessions de Rousseau (toute la partie Rousseau du Pacte autobiographique vient de là), les Contemplations (gorgé de Hugo, je me suis essayé à la critique thématique), L’Éducation sentimentale (je voulais écrire sur l’ironie de Flaubert). De 1966 à 1968, j’ai fait l’apprentissage de la liberté. Ceci dit, je restais très classique. Dans la « querelle » Barthes-Picard, je penchais Picard. Le « structuralisme » de l’année 1966-1967, qu’étudie aujourd’hui Antoine Compagnon, n’était pas ma tasse de thé. J’étais loin de tout cela, par ignorance plus que par indifférence. J’avais été nourri aux lettres classiques : de l’histoire, mais peu de sciences humaines ; de la philologie, mais pas de linguistique. Le comble, c’est que mon père, Michel Lejeune, était philologue et linguiste : il avait cette clarté analytique et ce goût de la recherche que j’ai appréciés chez Benveniste et chez Genette. Un souvenir : à quinze ans, je suis allé assister à une séance de son cours de linguistique générale à la Sorbonne. J’ai tout compris, c’était limpide. Il montrait, par des exemples amusants, que la différence entre deux sons physiques pouvait ou non être porteuse de distinction : en somme, l’articulation de la phonétique et de phonologie. Plus tard j’ai lu avec jubilation le livre de Jakobson, Six leçons sur le son et le sens (1976), en me souvenant de ce cours. Sans doute apprend-on mieux les choses quand on le fait de plein gré, et parce qu’on en a besoin. À partir de 1966, pour enseigner à mes étudiants, puis à partir de 1968, grâce à l’effervescence générale, j’ai commencé à combler ma culture en autodidacte – tous azimuts, ou presque. Côté thématique, je lisais Georges Poulet, Jean-Pierre Richard, d’où mon Victor Hugo « ombre et lumière ». Côté psychanalyse, malgré trois ans de divan, peut-être à cause de cela même, j’étais d’une ignorance totale. En 1963, sur le divan en question, j’avais eu cette illumination concernant la Petite Madeleine, confirmée par ce que je connaissais des avant-textes proustiens. C’est seulement en 1970 que j’ai décidé de… creuser la chose, et que je me suis jeté dans Freud, dont j’ai ensuite continué la lecture en pratiquant, après celle de Proust, l’explication de texte de L’Âge d’homme de Leiris. Côté linguistique ou poétique, lecture de Benveniste, de Weinrich (Le Temps) et surtout conversion au Barthes de S/Z : j’ai toujours adoré les gens qui ouvrent leur atelier intellectuel, au lieu de livrer ex abrupto résultats ou théories. De Freud, ce que je préfère, ce sont les livres explications de texte (Psychopathologie de la vie quotidienne, Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient). J’ai essayé Greimas, lu Propp, tous deux intéressants, peu utiles pour ce que je faisais. Je me suis laissé entraîner au séminaire de Lacan, le grand séminaire à la fac de droit. Le Todorov de l’Introduction à la littérature fantastique me ravissait par sa netteté pédagogique. Etc. : j’évoque en vrac mes lectures. Si finalement je suis entré dans le groupe de « Poétique », ce n’est qu’une conséquence secondaire, et imprévue, d’un autre choix, lui capital, celui qui m’a fait élire l’autobiographie comme objet d’étude. Comment se fait-il qu’il m’ait fallu attendre l’âge de trente-et-un ans pour faire un choix qui me paraît aujourd’hui évident ? À l’époque, justement, ça n’avait rien d’évident. L’autobiographie, c’était les bas morceaux de la littérature, genre mineur ou mauvaise habitude, traditionnellement méprisée. La première étincelle a jailli en moi en septembre 1966. Préparant mes cours sur Rousseau, j’ai constaté avec stupeur qu’il n’existait en français aucun livre d’aucune sorte sur l’autobiographie. Cette stupeur a germé peu à peu, et fait l’objet de conversations sans fin avec mon ami Jacques Lecarme : c’est dans ces années-là que nous sommes tous deux partis en croisade, lui dans le cadre du manuel collectif La Littérature en France depuis 1945 (Bordas, 1969), moi dans une autre aventure collective qui a fini dans le mur, puis en solitaire. Fin 1968, l’Encyclopédie thématique Weber m’offre de collaborer à son volume « Littérature » : roman, théâtre, essais, poésie, etc. Constatant qu’il n’y a pas de chapitre prévu sur l’autobiographie, je propose d’en écrire un, on accepte, et me voilà parti un an dans des lectures immenses pour rédiger quarante petites pages sur l’autobiographie de tous les temps et de tous les pays. Cette fois, je trompe ma thèse avec autre chose que mon enseignement (même si Rousseau n’y est pas pour rien). J’ai lu, en traduction, tout ce que j’ai pu dans un domaine où je ne connaissais rien. J’ai appris beaucoup, tracé une vue cavalière du paysage, si cavalière qu’aujourd’hui je ne regrette plus la mésaventure qui m’est arrivée : l’Encyclopédie a changé de formule, m’a payé et laissé au bord du chemin. À quelque chose malheur est bon : j’avais de nouveau, pour le domaine français, constaté l’absence d’étude d’ensemble et d’inventaire, même si, du côté de la problématique générale, on pouvait déjà s’appuyer sur des articles lumineux de Georges Gusdorf et de Jean Starobinski. On était en 1970, j’étais titularisé, libre, j’ai suspendu sine die mes travaux de thèse, ouvrant une parenthèse qui ne s’est plus refermée. J’ai décidé d’écrire le livre que j’aurais souhaité lire pour rédiger mon article d’encyclopédie. Ce livre panorama, c’est L’Autobiographie en France. Est-ce un livre de poéticien ? Non. Apparemment, c’est un livre « naïf », qui joue au premier degré le jeu des « genres ». L’autobiographie existe, elle a une essence, qu’on peut dégager par une définition, qu’on va élaborer en cernant un corpus. J’ai beaucoup scandalisé en rejetant ce qui précédait Rousseau dans la pénombre d’une « préhistoire » : « Enfin vint Rousseau… ». Mais en même temps que je m’abandonnais à la mythologie des genres, j’analysais : pour classer, je devais distinguer ; j’entrais dans une logique qui un jour pourrait se retourner contre le classement lui-même, et l’englober. Je pense que le livre a plu par sa clarté, par sa tranquille audace à indiquer le nord et le sud. J’étais un explorateur débarqué dans l’île mystérieuse du moi et qui défrichait, balisait, traçait des avenues. Mon savoir théorique était mince, la poétique un horizon lointain. Mais j’avais déjà perçu l’importance décisive du « pacte » proposé au lecteur, alors même que je n’avais aucune idée de ce qu’était la pragmatique (je n’ai lu Austin et Searle que plus tard). J’ai proposé ce projet à la collection « U », chez Armand Colin, collection qui marchait par genres, comme mon encyclopédie, il a été accepté dans la collection dérivée « U2 », qui accueillait des livres plus minces consacrés aux genres mineurs. Jamais je n’aurais eu l’idée de présenter ce bout de chou à la collection « Poétique » naissante qui, à juste titre, ne l’aurait pas retenu. En 1971-1972, la thèse laissée à l’abandon, la voie ouverte par le « U2 », voilà que je rejoins Jacques Lecarme à l’Université Paris-Nord. Elle vient d’ouvrir ses portes, tout est à inventer, avec la liberté de l’après-68. Nous décidons de rendre obligatoire en 1re année de Lettres modernes un enseignement d’autobiographie. Fusion complète de mes recherches et de mon enseignement : c’est le bonheur. Je me mets à travailler sur Rousseau (la construction mythologique du Livre I des Confessions, les aveux), Gide (l’ambiguïté de Si le grain ne meurt), Sartre (l’ordre du récit dans Les Mots), Leiris (cela deviendra Lire Leiris, autobiographie et langage). Mais il faut commencer par définir l’objet du cours ! Je relis mon livre de l’année précédente, ma définition me frappe par son allure normative, mais surtout par ses insuffisances : j’ai oublié le rôle du nom propre ! Je n’ai pas pensé à situer l’autobiographie par rapport à la biographie ! Tout est à recommencer, cette fois librement. Ma définition ne me sert plus à construire un corpus, c’est déjà fait : elle devient elle-même objet d’analyse. Je relis Benveniste, et j’ai l’audace de voir que lui aussi, il a oublié le rôle du nom propre dans l’énonciation. Et puis, miracle, Genette vient de publier Figures III, j’adore « Discours du récit », sa méthode analytique, cette manière de distinguer, diviser, puis recroiser pour explorer toutes les combinaisons possibles, je transpose la méthode du récit au pacte, comme Genette lui-même le fera quelques années plus tard dans Seuils (1987), je construis des tableaux à double entrée, dont celui qui inspirera Serge Doubrovsky à la recherche du statut générique de ce qui deviendra Fils. Pour répondre à votre question, c’est donc en octobre et novembre 1972, en écrivant « Le pacte autobiographique » que je suis « devenu poéticien ». Il ne me restait plus qu’à me faire adouber. Jean-Pierre Richard, à qui j’avais demandé conseil sur mes productions (je ne le connaissais pas, mais il avait fait un accueil favorable à mon essai sur la Petite Madeleine) me conseilla d’adresser « Le pacte autobiographique » à Genette, ce que je fis en décembre 1972. À ma grande surprise, quelques jours plus tard, la douce, chantante voix de Tzvetan Todorov m’apprit au téléphone que ça leur avait plu, qu’ils le prenaient et qu’il fallait se dépêcher puisqu’ils comptaient le publier en tête de leur n  14 (avril 1973). Voilà comment c’est arrivé.

3Comme vous venez de le suggérer, après être « devenu » poéticien, vous avez progressivement cessé de l’être. L’histoire de vos rapports avec la revue et la collection « Poétique » est marquée par une prise de distance au fil des années. Pourrait-on dire que c’est l'objet même auquel vous êtes resté fidèle, l’autobiographie, qui vous a conduit à vous éloigner d'une méthode qui, peut-être, n'était pas a priori la plus propice ? On peut naïvement penser que tout projet autobiographique ne peut être saisi que dans sa particularité, son individualité, alors même que la poétique est une recherche de la généralité ?

4Oui, il y a eu une prise de distance, une quinzaine d’années plus tard. Mais il y avait d’abord eu une immersion, une appartenance, un formidable soutien. « Poétique », à la fois la revue et la collection, étaient quelque chose de bien plus large qu’une discipline inspirée d’Aristote, et qui se serait appelée « la poétique ». Genette et Todorov en avaient fait un lieu d’accueil, un cénacle ouvert aux recherches nouvelles. On y respirait bien. Jusqu’alors, j’étais un électron libre, un déviant timide, qui cherchait sa place dans le paysage universitaire de l’époque, clivé depuis 1968 entre l’ancienne Sorbonne et la Nouvelle Critique. Vous me posez des questions d’ordre intellectuel, en parlant « méthode », j’y viendrai ensuite, mais après vous avoir fait une réponse sociologique, en parlant « place ». Je n’étais nulle part, et Genette et Todorov m’ont adopté : je leur en garde, jusqu’à aujourd’hui, une immense reconnaissance. Vous êtes d’une autre génération, vous ne pouvez imaginer l’atmosphère de guerre civile qui régnait alors dans l’université française. En janvier 1975, présentant devant la Société d’histoire littéraire de la France un exposé de méthode qui est devenu le dernier chapitre du Pacte autobiographique, je me suis fait invectiver violemment par Georges Gusdorf ; l’université Paris-IV Sorbonne, dont je dépendais pour mes recherches, a refusé de considérer que mes quatre premiers livres (dont le Pacte autobiographique) pouvaient donner lieu à un doctorat sur travaux : c’était trop léger. Dans ce contexte, il était réconfortant d’être adopté par « Poétique ». Car ils m’ont vraiment adopté, cela a été une sorte d’escalade, en quatre étapes. En 1973, publication du « Pacte » dans la revue. En 1974, offre de publier dans la collection un livre, pour lequel on me donnait carte blanche. En 1975, proposition (acceptée) de faire partie du conseil de rédaction de la revue. En 1978, proposition (écartée) de co-diriger la revue à leur place avec Michel Charles. Autour de moi, on trouvait que j’avais tort : une offre pareille ne se refuse pas. Et pourtant si. Par réalisme (je ne m’en sentais pas capable) et par prospective : cela aurait figé mon identité, m’aurait empêché de dériver à ma guise. Genette et Todorov en ont été fort surpris mais, beaux joueurs, ont continué à m’accueillir dans leur collection (Je est un autre,1980, Moi aussi, 1986) avec des livres qui s’écartaient de plus en plus du canon littéraire et de l’impersonnalité scientifique. Mon article sur le « Pacte » était, je crois, une vraie contribution à une poétique de l’énonciation : mais il m’a ouvert par miracle un espace de publication plus large. Quand je regarde la liste des articles que j’ai donnés à la revue entre 1974 et 1982, je vois la diversité des angles d’attaque et des objets traités : « Bref sur Biffures » (1974, analyse des stratégies d’écriture de Leiris), « Le peigne cassé » (1976, de la vraie poétique appliquée à Rousseau), « Les carafes de la Vivonne » (1977, de la génétique sur une phrase de Proust), « Enseignements » (1977 aussi, un numéro spécial composé avec Jean Verrier sur la poétique dans l’enseignement secondaire ou supérieur), « Ça s’est fait comme ça » (1978, une analyse de quatre-vingt-dix secondes du film Sartre par lui-même), « La côte verte et le Tartaret » (1979, de la génétique de nouveau, cette fois Zola). En 1980, j’ai proposé pour le numéro d’hommage à Barthes un pastiche, refusé pour irrespect (cela ne convenait pas à un hommage funèbre). En 1982, retour à l’orthodoxie avec « Le pacte autobiographique (bis) », début d’une série de mises au point théoriques dont la dernière est encore parue dans Poétique en… 2007 (« Le journal comme antifiction »). Comment n’aurais-je pas été à l’aise dans un espace de publication aussi libéral ? Et cette liberté d’accueil était plus grande encore pour les volumes publiés : on peut voir Je est un autre (1980) comme une poétique de la co-énonciation, mais c’est en même temps une sociologie de l’édition contemporaine et des médias ; et Moi aussi a ajouté à cela une pente glissante vers l’autobiographie directe. « Poétique » a été pour moi très élastique, et ne m’a pas empêché d’évoluer. Vous me demandez si je me suis éloigné de la poétique parce que l’autobiographie ne saurait être saisie que dans sa particularité. Pas du tout. Il n’y a de science que du général, et j’espère être resté sérieux ! Mais il y a d’autres généralités que celles qu’analyse la poétique, et d’autres modes d’expression autobiographique que l’écriture littéraire à laquelle elle se cantonne le plus souvent. Après Le Pacte autobiographique, j’ai eu très peur de continuer toute ma vie à moudre la même chose. Aujourd’hui, par exemple, mon étude sur « Le Peigne cassé » me paraît une impasse, un rabâchage auquel j’ai échappé. Une autre chose à éviter m’a toujours paru être de devenir « spécialiste » d’un auteur. C’est une sorte de mariage – il en est de délicieux – mais sans réciprocité : l’auteur, lui, ne vous a pas choisi. Dans ce domaine, mieux vaut sans doute avoir des passions successives, qui jamais ne s’installent. J’ai eu mes années Leiris (1971-1975), mes années Perec (1986-1991), mes années Sarraute, Claude Mauriac… Ceci n’est pas un éloge de l’inconstance, mais de l’élargissement : il faut évoluer en ajoutant, sans se renier (sauf à corriger les erreurs qu’on a pu faire, évidemment). J’ai l’impression que ma trajectoire se situe à mi-chemin des modèles que m’offrent aujourd’hui les deux fondateurs de « Poétique » : Genette avec l’accomplissement en ligne droite d’un projet tenu jusqu’au bout, couronné par une somme théorique, Todorov avec le renversement spectaculaire, mais toujours aussi rationaliste, du formalisme au moralisme. L’axe, inchangé, de mon évolution, c’est mon intérêt passionné pour l’expression autobiographique ; le changement, c’est une série d’élargissements qui ont, jusqu’en 1986, été compatibles avec le libéralisme de « Poétique », mais ont dû ensuite trouver d’autres milieux d’accueil pour se réaliser. L’histoire n’est pas le point fort de la poétique. L’interrogation historique commence par la recherche documentaire, c’est-à-dire la mise en question du « canon littéraire » auquel la poétique adhère presque toujours. Depuis 1978, je suis passé par des crises de recherche documentaire qui ne pouvaient se développer qu’en dehors de la poétique : de 1978 à 1986, un début d’inventaire des autobiographies ordinaires publiées au xixe siècle, avec l’idée de contribuer à une histoire sociale des discours ; de 1991 à 1993, une recherche sur les journaux de jeunes filles, publiés ou inédits, du xixe siècle (qui a abouti à un livre publié au Seuil, mais en dehors de la collection « Poétique », Le Moi des demoiselles, 1993) ; et, depuis une dizaine d’années maintenant, des recherches sur les origines du journal personnel au xviiie siècle, qui aboutiront peut-être à un livre, mais sont déjà en ligne sur mon site Autopacte : mon idée est que ces recherches pourraient faire bouger (légèrement) le paysage littéraire. Ces plongées dans l’histoire impliquent de privilégier l’attention portée aux écritures ordinaires : ce sont des recherches sur des pratiques qui supposent un regard anthropologique, plutôt que poéticien. On peut s’intéresser aux pratiques passées, mais aussi aux pratiques présentes : histoire orale, utilisation des récits de vie en formation permanente, pratique psychanalytique. On peut étudier la production sociale des autobiographies à travers l’édition et les médias et leur réception. On peut s’interroger sur les mutations de l’identité dans notre société postmoderne. On peut étudier la manière dont l’expression autobiographique s’est emparée de nouveaux médias (en particulier du cinéma et de la bande dessinée). On peut… Si on s’intéresse à l’expression autobiographique, il n’y a aucune raison de se limiter à la poétique : c’est un phénomène transdisciplinaire – qui traverse de biais pratiquement toutes les sciences humaines. On parle même aujourd’hui d’égo-géographie ! Quitter la poétique, ce n’est pas quitter la science, mais changer de discipline. Naturellement, on ne s’improvise pas psychologue, psychanalyste, sociologue, etc. Et l’objet n’est pas vraiment « le même » : l’angle d’attaque, le regard porté, sont différents d’une discipline à l’autre. Le dialogue est parfois difficile, les malentendus fréquents, mais on en sort enrichi. J’ai souvent eu conscience d’emprunter aux disciplines voisines leur côté empirique (enquêtes, documentation) plutôt que leur visée théorique. Cette effervescence pluridisciplinaire, tolérée par « Poétique », était au contraire revendiquée hautement par un nouveau groupe auquel je me suis joint vers 1980, le Centre de « sémiotique textuelle » de l’université Paris-X Nanterre, fondé par Claude Abastado. Je me souviens avoir d’abord hésité : le mot « sémiotique » me faisait peur. Mais j’ai vite vu que ce n’était qu’un mot, couvrant une sympathique ouverture : c’est là que j’ai fait mon apprentissage interdisciplinaire. Après la mort de Claude Abastado, j’ai été amené à animer le groupe « Récits de vie » qui, entre 1982 et 1999, a organisé une dizaine de colloques. J’y ai trouvé ce qui peut-être manquait un peu à « Poétique » : la convivialité. Genette et Todorov avaient chacun leur séminaire, avec leurs disciples. Mais le comité de rédaction de la revue, à ma connaissance, ne s’est jamais réuni. Tout se passait d’abord par téléphone entre les deux fondateurs. Et ensuite, tout s’est passé, fort sympathiquement, par la poste et le téléphone avec Michel Charles. Mais « Poétique » ne travaillait pas en mangeant. Tout sémiotique qu’il fût, le groupe « Récits de vie » faisait, lui, de joyeuses réunions-repas. Après 1985, j’ai appartenu aussi à d’autres groupes, l’équipe « Sartre » de l’ITEM, le séminaire Georges Perec, et je me suis lancé dans l’aventure génétique. Rien là qui fût incompatible avec « Poétique », certes, au contraire : en 1998, d’ailleurs, la collection « Poétique » a accueilli sans hésiter un gros volume de mes différents travaux de généticien. Néanmoins, une certaine distance s’est creusée. A-t-elle été de mon fait ? En de telles occasions, les responsabilités sont souvent partagées. Mais il est bien vrai que c’est moi qui ai changé. Moi aussi (1986) marque une sorte de conclusion « en éventail » de toutes les modalités possibles de ma collaboration à « Poétique », et un tournant de ma vie « théorique ». Après, je suis parti dans une direction différente. J’ai changé d’objet d’étude, de méthode, et même de politique. Je me suis réconcilié avec la forme (et la pratique) du journal, qu’aujourd’hui j’ai fini par préférer à l’autobiographie. En 1987, je me suis donc lancé dans des enquêtes par questionnaire et mis à l’écoute des diaristes. Me voilà reporter, confident… simple journaliste. Et cela a abouti à un livre (« Cher cahier… ») dont j’étais absent : un recueil de témoignages bruts, non triés, sans analyse, et qui ne comportait même pas mon propre témoignage (plus de « moi aussi » !). Apparemment, j’avais renoncé à la théorie et à l’écriture, pour m’effacer devant les autres. Bien sûr, je n’ai pas proposé ce livre à la collection « Poétique », mais directement au Seuil. Non seulement il a été refusé, mais j’ai été convoqué par François Wahl, qui dirigeait au Seuil les sciences humaines, pour une solennelle mise en garde : j’étais sur la mauvaise pente, il était temps de me ressaisir, dernier avertissement ! J’étais le cancre qui se fait tirer les oreilles par le proviseur. Je venais de quitter la grand-route et l’aventure commençait.

5Et cela fait une vingtaine d’années que vous empruntez les chemins de traverse en vous intéressant au journal. De façon peut-être significative, l’un des rares articles que vous publiez dans Poétique, en 1997, sonne comme un « adieu » à l’étude de ce genre, comme si vous fermiez une parenthèse et rentriez à la maison (je n’ose dire : dans le rang). En réalité il n’en est rien, et aujourd'hui vous êtes en train de préparer un ouvrage sur le sujet, qui pour l’heure se présente comme une enquête historique et une collection de monographies marquées, ainsi que vous l’écrivez dans l’introduction qu’on trouve en ligne, par un « souci de ne pas généraliser ». Dans quelle mesure pensez-vous être aujourd’hui poéticien ? 

6Oui, des chemins de traverse… La publication de « Cher cahier » en 1990 ne m’aurait-elle pas jeté dans la démagogie, l’obscurantisme ? On a pu me croire perdu pour la littérature et pour la science… – Vous pensez bien que tel n’est pas mon avis. Mais il faut distinguer : il y a traverse et traverse. D’un côté, j’espère avoir continué à faire un travail scientifiquement sérieux, selon deux lignes directrices auxquelles la poétique ne doit rien trouver à redire : l’étude des formes et fonctions de l’écriture diaristique, et de son histoire (Le Moi des demoiselles, 1993 ; « Cher écran… », 2000 ; Un journal à soi, avec Catherine Bogaert, 2003, et maintenant, en projet, Aux origines du journal personnel, France, 1750-1815, work in progress en ligne sur Internet) ; et d’autre part les études génétiques (deux livres publiés justement dans la collection « Poétique » : Les Brouillons de soi, 1998, et Autogenèses, à paraître en 2013). La poétique reste un de mes axes fondamentaux. Mais d’un autre côté, je me suis lancé dans une aventure extra-universitaire qui suscite parfois la sympathie, parfois l’incompréhension : créer une association loi de 1901 qui accueille, lise et conserve tous les textes autobiographiques (récits, journaux, lettres) inédits qu’on veut bien lui confier. En amont du travail scientifique lui-même, le but est d’agir sur la réalité, de donner le statut social et scientifique qu’elle mérite à une pratique immense, passionnante et jusqu’ici plutôt négligée. Abritée à la Grenette, médiathèque de la petite ville d’Ambérieu-en-Bugey, l’Association pour l’Autobiographie (APA) a recueilli près de 3000 dépôts depuis dix-neuf ans qu’elle existe. Elle les lit et décrit sans les publier, donc sans avoir à choisir. Elle essaie de les faire vivre tous, et les ouvre en particulier à la curiosité des chercheurs. La Grenette, c’est un peu l’Arc de Triomphe de l’autobiographe inconnu, ou l’IMEC du pauvre, si je puis dire. C’est un espace de convivialité et de non-compétition : j’ai écarté dès le départ l’idée d’attirer les textes en proposant un concours annuel d’autobiographie (formule adoptée en Italie par l’Archivio Diaristico Nazionale, créé en 1984). Aucune sélection, aucune hiérarchisation. On lit, commente, indexe et conserve tout. Cela m’a amené à méditer sur le pouvoir. L’édition, l’université, la littérature et la science sont fatalement fondées sur la compétition : que le meilleur gagne ! Être le meilleur donne du pouvoir, mais le pouvoir est d’abord à ceux qui décident qui est le meilleur. Sans doute est-il chimérique de penser créer un espace de démocratie, de tolérance, de réciprocité, d’écoute, et l’aventure militante de l’APA (qui compte environ sept cents adhérents, dont une centaine très actifs) ne doit pas échapper aux effluves du pouvoir. Disons que le vent y souffle moins fort. – Mais la littérature, dans tout cela, monsieur !? – Je pourrais m’abriter derrière les belles formules de Jean Dubuffet : « L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle ». Mais je préfère dire que l’art n’est pas notre problème majeur, que je ne sais pas où la littérature s’arrête, et qu’en tout cas la frontière ne passe pas entre le publié et l’inédit ; que la distinction entre littérature constitutive et littérature conditionnelle est elle-même un fait historique ; qu’il y a de la bonne et de la mauvaise littérature, et que la non-littérature, ne cherchant pas à être bonne, échappe au risque d’être mauvaise. Mais surtout, les récits, journaux, lettres dont l’écriture et la lecture soutiennent notre vie sont susceptibles d’étude dans l’optique de multiples disciplines. La Grenette reçoit régulièrement la visite de chercheurs : ce sont rarement des sociologues, le plus souvent des historiens qui, très légitimement, considèrent ces textes comme des « sources », en particulier pour l’histoire des mentalités : mais on attend toujours l’arrivée de bataillons de poéticiens, ou plus largement de littéraires ou de linguistes. Certes, il est plus porteur pour un jeune doctorant de s’attaquer, après des centaines d’autres, à Proust ou à Joyce que de s’absorber dans l’étude en série de textes obscurs. Que peut-on étudier à partir du fonds APA ? Je verrais volontiers des études historiques sur les techniques de narration. Comment ne pas rêver à une belle thèse sur « L’histoire du présent de narration dans le corpus du fonds APA » ? Ou « L’histoire du discours rapporté » ? Ou « Les stratégies de fictionnalisation » ? Ou « Le paratexte » ? Ou « Le texte et l’image » ? Ou tout simplement « L’ordre du récit » ? Le fonds de l’APA, qui n’a pas été filtré ni régularisé par l’édition, présente à la fois la norme et les écarts les plus imprévisibles. Bien sûr, il faudrait venir travailler à la Grenette. Le lieu est agréable. On peut envisager des numérisations « image ». Pourquoi pas des numérisations « texte », intégrées à Frantext ? – Mais, me direz-vous, si c’est si attirant, vous qui êtes poéticien, pourquoi ne le faites-vous pas vous-même, en donnant l’exemple ? – J’y ai pensé : l’APA possède une vingtaine de récits d’évasion de prisonniers de guerre (1939-1945), j’ai envisagé de faire une poétique de ce genre. Mais je n’ai qu’une vie. À l’APA, dont je suis actuellement président, mais aussi membre d’un groupe de lecture, et secrétaire de rédaction de la revue La Faute à Rousseau, je donne la priorité au travail d’accueil, de lecture et d’archivage des textes. Et mon intérêt de chercheur pour l’étude en série des écritures ordinaires a actuellement un autre champ d’application, je vais y revenir. Mais je rêve que se développe dans le champ de l’autobiographie et du journal le même genre de concertation et d’émulation que dans le champ des correspondances. Les spécialistes des lettres ont une belle revue annuelle, Épistolaire. Le parent pauvre des écritures de soi, c’est le journal. Il faudrait fonder une revue, qui s’appellerait Diariste, avec des études, certes, mais aussi des entretiens, des extraits, des comptes rendus et une bibliographie. Cela aussi, c’est pour une autre vie. Dans votre question, vous avez eu raison de souligner une chose bizarre : en 1997, j’ai écrit pour Poétique un article « autobibliographique », récapitulant mes publications sur le journal depuis une dizaine d’années et, à la fin, je fermais boutique et je passais la main, comme si j’avais eu un flirt passager avec le journal et que l’affaire était terminée. On a du mal à ajuster son récit de vie à sa vie. L’exposition Un journal à soi que j’ai réalisée avec Catherine Bogaert et l’APA à la Bibliothèque de Lyon en 1997, présentée dans cet article comme un point d’arrivée, a été en fait un nouveau point de départ. J’ai pris conscience de ses insuffisances sur deux périodes : le passé lointain et l’extrême contemporain. Je me suis lancé dans une nouvelle enquête sur l’écriture sur ordinateur et sur les cyberjournaux (les blogs n’existaient pas encore), qui a abouti à « Cher écran… » (2000). Mais surtout j’ai réalisé à quel point j’étais ignorant des origines de la pratique du journal. D’où une première enquête, dont on trouve les résultats au début du livre illustré Un journal à soi (Textuel, 2003) réalisé avec Catherine Bogaert. D’où surtout le travail dans lequel je me suis engagé depuis dix ans, en partant d’une idée simple : est-il possible d’écrire l’histoire d’une pratique d’écriture privée en se fondant uniquement sur les textes qui ont été publiés ? La réponse est non, et pourtant c’est ainsi qu’ont procédé toutes les études qui traitent de ce sujet, à commencer par le livre de Pierre Pachet, Les Baromètres de l’âme. Naissance du journal intime. L’intime y est réduit à ce qui a été mis sur la place publique, en général parce que l’auteur était par ailleurs écrivain. Comment faire autrement ? C’est simple (même si c’est très long) : en partant à la recherche de textes inédits dans les archives. C’est à quoi je m’emploie depuis une dizaine d’années. Peut-être en ai-je encore pour dix ans, si je vis jusque-là. Les manuscrits, c’est magique. Quelle émotion d’ouvrir un texte intime du xviiie siècle que personne n’a ouvert avant vous. Il m’arrive également de reprendre des manuscrits repérés par des historiens comme source d’information, mais négligés par eux comme pratique d’écriture. Quel travail, mais aussi quelle émotion, que de redonner vie au texte en le transcrivant, en élucidant son contexte. C’est un peu de l’archéologie, sauf qu’on ne dégage pas un objet inerte, mais une personne encore vivante, toute palpitante. Comment transmettre ensuite cette expérience de lecture ? J’ai choisi de composer de brèves monographies, des sortes de croquis : chaque chapitre devrait se lire comme une petite nouvelle. Il y aura néanmoins des chapitres synthétiques, sur le journal spirituel, le journal d’éducation, les écrits cryptés, par exemple. Vous avez été surpris par mon parti pris de « ne pas généraliser ». C’est par scrupule scientifique. Toutes les anglaises ne sont pas rousses. Le paradoxe, c’est que plus j’avance dans cette recherche, plus je vois mes ignorances. Je suis tombé plusieurs fois sur des choses que j’avais cru impossibles : donc, prudence ! Je ne suis pas pressé de finir ce livre, qui sera sans doute difficile à publier sous forme papier : pas seulement à cause de sa longueur, mais parce qu’il demandera à être illustré de nombreux fac-similés couleur. Un journal, c’est ce qu’on appelle en art une « œuvre unique », il faut le voir : une transcription perd la moitié de l’information, et tout le charme. Ce qui me permet d’attendre patiemment cette improbable publication, c’est que je me publie moi-même au fur et à mesure sur mon site (www.autopacte.org). J’ai déjà mis en ligne une trentaine de chapitres, environ trois cents pages, avec l’introduction et la bibliographie. « Sou à sou, je fais mon petit magot », était-il écrit autour d’une vieille assiette illustrée d’une tirelire en forme de cochon, que j’avais quand j’étais petit. Grâce à Internet, le cochon est devenu transparent, je vois peu à peu l’œuvre future prendre forme et s’arrondir. Mais je m’égare, et je vois que je n’ai pas vraiment répondu à votre question… Suis-je resté poéticien ? Oui, selon moi, de cœur et de méthode. Mais est-ce à moi d’en juger ? C’est un long compagnonnage, même si j’ai pris quelque distance. En tout cas, dans le dernier article que j’aie publié dans Poétique (« Le journal comme “antifiction” », février 2007), j’ai tenu à donner une expression théorique à mon glissement de l’autobiographie vers le journal. Et je me réjouis que mon prochain livre, Autogenèses, tome 2 des Brouillons de soi, doive paraître, trente-huit ans plus tard, dans la collection qui a lancé Le Pacte autobiographique.