Colloques en ligne

Nathalie Vincent-Arnaud et Frédéric Sounac

Figures du musicien : corps, gestes, instruments en texte (Avant-Propos)

1Les articles réunis ici sont issus des quatre journées d’étude qui, en juin 2012 et juin 2013, ont rassemblé une trentaine de chercheurs à l’Université de Toulouse-Le Mirail (devenue depuis Toulouse-Jean Jaurès) autour du thème « Figures du musicien : corps, gestes, instruments en texte ». Ces journées d’étude ont constitué le prolongement et le point d’orgue d’un séminaire consacré à ce même thème dans le cadre du programme de recherche « Musique et Littérature : dialogues intersémiotiques » de l’IRPALL (Institut de Recherche Pluridisciplinaire en Arts, Lettres et Langues) avec le soutien des équipes de recherche CAS (Cultures Anglo-Saxonnes, EA 801) et LLA-CRÉATIS (EA 4152).

2Selon un principe à présent bien établi dans ce programme, notre volonté était grande de faire dialoguer les disciplines et les approches et c’est ainsi que, de la littérature comparée à la musicologie, de l’histoire de l’art aux études anglophones, germaniques ou hispaniques en passant par les sciences de la communication, les horizons se sont multipliés, venant mettre en lumière, pour les uns et les autres, de nouveaux chemins à explorer. Le présent volume vient donc tout naturellement rendre compte de cette mosaïque de regards et de perspectives qui ont donné lieu à des échanges aussi féconds que passionnés.

3La première partie de notre titre, « Figures du musicien », se lit comme une invitation à embrasser un vaste champ intersémiotique au sein duquel voisinent verbal et non-verbal, arts visuels, discours musical, autant de domaines d’expression qui portent un témoignage aussi vivant qu’énigmatique et infini des dess(e)ins d’une écriture, d’une composition, et de leurs multiples résonances. Les phénomènes d’ekphrasis trouvent largement place dans ce champ, tout comme les éléments de structure et de texture qui façonnent une œuvre en en faisant le lieu d’inscription de cette altérité musicale ou littéraire à laquelle, via une stratégie ou un inconscient créateurs particuliers, elle ne peut échapper. De même, parmi les « figures » qui hantent ce volume émergent les silhouettes et les réminiscences d’œuvres musicales ou de musiciens, morceaux épars ou visions unifiées, véritablement re-composées dans la matière d’un texte.

4Le triptyque dégagé par le sous-titre de notre thème, « corps, gestes, instruments en texte », ouvre également la voie à la diversité, la structuration du volume faisant apparaître, au-delà de cette tripartition, les ponts jetés entre les trois notions et les manières dont elles s’incarnent dans une œuvre donnée. Si le corps peut désigner au premier chef celui du compositeur, de l’instrumentiste, du chanteur ou de l’écrivain, la relation entre corps du texte et corps en texte (tel qu’il y est figuré) ne pouvait être passée sous silence. De même, geste scriptural comme geste musical occupent, alternativement ou simultanément, le devant de la scène, le geste dansé ou théâtral intervenant également comme formes de réponse à une narrativité musicale ou littéraire. Enfin, au chapitre des instruments, c’est avant tout le pouvoir évocateur d’un instrument de musique donné qui a été retenu, sa charge allégorique, le rôle qu’il joue dans l’imaginaire d’un auteur, d’un personnage de fiction, d’un interprète, voire de toute une société, ainsi que les multiples représentations qui en sont offertes par les arts (littérature mais aussi peinture ou cinéma). La question de la voix, point de jonction entre les problématiques de l’instrument et du corps, de la musique et de l’écriture, n’est pas en reste, fournissant l’un des aspects majeurs de l’ensemble.

5Nous espérons que la découverte de ces articles apportera au lecteur autant de plaisir qu’il nous en a été donné d’en ressentir au cours de ces moments d’échange et de partage dont ils sont le reflet. Ensemble, ces travaux constituent autant d’illustrations originales, éloquentes et sensibles de ce qui peut être appréhendé dans son pouvoir d’expressivité mais non définitivement arrimé, et déclencheur, à ce titre, de voyages exploratoires renouvelés :

Avec quels mots dire la musique ? Telle est la question toujours posée. La musique affole ou fait taire la parole. Résonner plus loin que tout raisonnement est sa « raison d’être » : faire entendre autre chose et tout autrement que ce que la parole donne à comprendre.

6Chacune des contributions ici réunies s’emploie à faire résonner à sa façon ce mot de Jean-Michel Maulpoix dans La Musique inconnue (Corti, 2013).