Colloques en ligne

Martyn Cornick

Voies et impasses en littérature : Armand Petitjean à La NRF de Jean Paulhan

1Dans cet article, j’ai l’intention de poursuivre l’examen du rôle d’Armand Petitjean à La NRF de Jean Paulhan entamé lors du colloque sur la revue qui s’est tenu à l’abbaye d’Ardenne (IMEC) en décembre 2009. J’avais alors esquissé comment Paulhan, aux débuts de 1934, avait recruté Petitjean et Roger Caillois en vue de renouveler les capacités critiques de la revue. Pourquoi ce renouvellement ? Depuis le début des années 1930, la politique, l’idéologie, bref, la modernité, débordaient de plus en plus dans le domaine culturel pour en devenir indissociables. Pour répondre à cette évolution, il fallait inventer de nouveaux outils critiques : cette modernité idéologisée, polarisée, avec ses signes, ses rites et ses symboles, devait se soumettre d’urgence à l’analyse. Sinon, la France et la civilisation française risquaient de sombrer, et La NRF, de paraître dépassée. Paulhan fait appel aux talents de Caillois et Petitjean pour affiner cette prise de conscience à La NRF.

2À examiner de près la liste des contributions de Petitjean à La NRF, on voit bien que ce n’est qu’à partir de 1937 (trois ans après sa rencontre avec Paulhan) qu’elles deviennent nombreuses1. Dans un écrit autobiographique inédit, datant des années 1990, Petitjean affirme lui-même qu’il est difficile de parler de sa « vocation littéraire », parce que « de toute ma vie, je n’ai consacré aux lettres que trois ans2 ». En nous appuyant en partie sur les éclaircissements fournis par notre édition de la correspondance entre Paulhan et Petitjean3, et en partie sur d’autres documents inédits des archives Petitjean, nous allons tenter de répondre à ces questions de fond : comment se fait-il qu’un si jeune talent – Petitjean est né en juin 1913 et n’a donc que vingt ans lors de son entrée à La NRF – se recommande-t-il à la direction de ce qui est, à ce moment-là, l’une des institutions culturelles les plus prestigieuses en France ? Quel est l’apport littéraire et critique de la jeune recrue ?

3Tout d’abord, avant d’examiner de plus près des exemples de ses écrits critiques, rappelons très brièvement comment Petitjean fait son entrée à La NRF. En rébellion contre l’autorité paternelle, contre les enseignements et les enseignants de khâgne, il échoue en 1933 au concours de l’École normale, où entre son ami Roger Caillois. Auguste Bréal, ami commun de la famille Petitjean et de Philippe Berthelot, aurait rêvé de faire présenter Armand au Quai d’Orsay. Petitjean se laisse convaincre par Bréal qu’il serait bon de « faire usage de [m]es dons pour l’écriture4 ». Car Bréal est aussi ami d’André Gide, et s’arrange pour ouvrir les portes de La NRF. Ainsi, en janvier 1934, Bréal avertit Paulhan que son jeune protégé allait prendre rendez-vous. Vers le même moment, il semble que Bréal fasse parvenir à La NRF le texte d’un « Essai sur la situation de Joyce », terminé en 19335, que Paulhan trouve « extrêmement intelligent », sinon même « brillant6 ». Même si le comité de La NRF finira par le refuser, Paulhan laisse ouverte la possibilité d’une collaboration. Le 9 mars 1934, Petitjean se présente à la revue en compagnie de son ami « Caillois, Roger, (ancien) ami de Daumal, surréaliste (dissident), actuellement normalien7 ». On fait ainsi d’une pierre deux coups, car La NRF gagne deux nouveaux jeunes critiques. Et il n’est guère nécessaire d’attirer l’attention sur l’importance de ce moment historique : avec l’avantage de la rétrospection, on peut voir que les journées de février 1934 ont marqué l’ouverture d’une nouvelle ère politique pour la France.

4Les premières lettres – par exemple, celles de mai et d’octobre 1934 – témoignent des efforts de Petitjean pour faire accepter ses écrits par La NRF. Si Paulhan continue de refuser, celui-ci avoue néanmoins qu’il connaît « peu d’œuvres aussi irritantes et aussi estimables que les vôtres », insistant sur sa « très vive estime pour tout ce que vous écrivez8 ». Petitjean réussit pourtant à se faire accepter ailleurs : son article « James Joyce et l’absorption du monde par le langage » est pris par Jean Ballard et paraît en octobre 1934 dans les Cahiers du Sud9. Petitjean circulait déjà dans le milieu du romancier irlandais, car tous deux sont associés à transition, revue moderniste dirigée par Eugene Jolas, milieu où Petitjean a fait connaissance également de Georges Pelorson et de Raymond Queneau10. Et, au début de 1935, Armand rencontre un autre personnage qui, au cours des deux années suivantes, va le tenir au courant de l’évolution du monde culturel et intellectuel lors de ses longues absences de Paris pendant son service militaire : il s’agit de Georgette Camille. Petitjean a gardé les lettres de Georgette Camille, correspondance qui, par sa richesse et ses renseignements sur cette période turbulente, mérite d’être publiée. Âgée de trente-cinq ans lors de leur rencontre, Camille représente à Paris les Cahiers du Sud. Elle a de nombreuses connaissances dans divers réseaux culturels : par exemple, elle connaît l’éminent critique Edmond Jaloux, elle est proche du groupe « Le Grand Jeu » (René Daumal et André Rolland de Renéville), ainsi que des surréalistes (André Breton et René Crevel, entre autres), et elle est active auprès de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR). Étant tombée amoureuse de Petitjean, ils partent ensemble en Irlande entre fin juillet et fin août 1935. La « Lettre de créance », introduction du premier ouvrage de Petitjean, Imagination et réalisation, sera datée « Dublin, août 1935 » ; l’ouvrage sera dédié à une mystérieuse « Femme perce-neige », qui n’est autre que Georgette Camille.

5À l’automne 1935, Petitjean part au service militaire. Il est incorporé en tant qu’élève-officier de réserve (ÉOR), à Morhange (Moselle), avant de rejoindre le 8e bataillon de chasseurs à pied, dont la garnison se trouve à Forbach, puis à Toul, à l’est de France11. Là, il se retrouvera avec des « jeunes sortis de tous les coins de la terre, de toutes les couches populaires de la France », pour avouer plus tard : « C’est avec eux que, pour la première fois dans mon adolescence, je me “sentis bien12”. » À ses camarades de caserne, il trouvait « un fonds d’expérience millénaire, de curiosité instinctive […] et de convivialité dans leurs rapports avec les autres (pourvu qu’ils ne fussent pas gradés !) ». Cette expérience formative restera absolument fondamentale chez Petitjean, surtout à l’égard de sa réflexion sur l’état de la jeunesse française. Nous y reviendrons.

6Le service militaire n’empêche pas le jeune homme de poursuivre son ambition de devenir écrivain. Pour ses camarades, il est « Armand le Scribouillard », aux côtés de « Lulu l’emballeur et Fernand le tôlier ». Sur les coins de table de caserne, il corrige les épreuves de son livre Imagination et réalisation, et se lance dans la rédaction d’autres écrits, traductions et essais compris. De l’aveu ultérieur de Petitjean, Imagination et réalisation est un « ours mal léché13 » : en effet, il s’agit d’un ouvrage bourré de citations tirées d’une immense diversité de sources. Ouvrage imparfait, certes, mais Bernard Groethuysen, le « Socrate des Éditions Gallimard » selon le mot de Petitjean, était en faveur de la publication. Jean Rostand, directeur de collection chez Gallimard et encore un ami des Petitjean, aurait contribué à le faire éditer chez Denoël, sur souscription. Cette approbation explique sans doute pourquoi, à partir de septembre 1935, Paulhan devient plus obligeant envers le jeune homme, commence à lui écrire ses « amitiés » à la fin de ses lettres, et accepte la « Lettre de créance » pour Mesures. Dans le même numéro de janvier 1936, paraît également la traduction de la « Lettre à Sullivan14 », de James Joyce, traduction revue par Joyce lui-même. Il semble que le jeune homme soit lancé comme écrivain.

7Quant au lancement de ce premier livre, Petitjean sera doublement appuyé. D’abord, selon des lettres inédites, c’est Jean Wahl qui en fait passer les bonnes feuilles à Gaston Bachelard. L’importance de Bachelard pour la nouvelle génération d’écrivains philosophes, tels Petitjean et Caillois, relève de sa critique de la philosophie établie et de la négligence de celle-ci envers les découvertes de la physique, critique développée surtout dans Le Nouvel Esprit scientifique, datant de 1934. Wahl rapporte à Petitjean que Bachelard, « à qui j’ai prêté les épreuves, a lu, avec une certaine réserve d’abord, votre livre, l’a trouvé très riche, plein de choses, et a émis l’idée que c’est peut-être l’œuvre d’un Rimbaud de la philosophie15 ». Cet esprit de libre démonstration dont témoigne Imagination et réalisation est précisément ce qui était susceptible d’intéresser Bachelard. Dans une lettre à Petitjean envoyée au moment du retour de celui-ci à la vie civile, en octobre 1936, Bachelard le félicite : « Vos pages suggèrent tant d’échos », et s’avoue tellement « frappé de la densité et de l’originalité de [cette] pensée » qu’il aurait « vite oublié les quelques critiques sur la forme ». Après tout, confie-t-il, « n’est-il pas nécessaire de débrider l’expression pour donner à la pensée sa véritable spontanéité16 » ?

8En second lieu, Petitjean bénéficie directement de l’appui de Paulhan. En mars 1936, celui-ci caractérise Imagination et réalisation comme un « curieux pamphlet où l’on joue des “découvertes métaphysiques” […] à la façon dont les surréalistes jouent des mots et des choses17 ». En sus donc de l’approbation de Groethuysen et de Bachelard, Petitjean profite de cette extraordinaire promotion dans La NRF, signée du directeur en son propre nom. Pour un aussi jeune écrivain n’ayant pas encore publié de livre, le moins que l’on puisse dire est que cette publicité représente une remarquable expression de confiance.

9Le livre Imagination et réalisation paraît enfin dans les derniers jours de décembre 1936, et Petitjean prend soin de faire parvenir à Bachelard un bel exemplaire. Celui-ci en fera le compte rendu pour La NRF : « Qu’une culture immense étonnante soit mobilisée par un esprit jeune, c’était peut-être la condition sine qua non d’une métaphysique de l’Imagination. […] C’est très précisément un bel exemple de méditation fourmillante18. » Malgré ses défauts, le bilan critique du livre est plutôt positif car, précisément à cause de cette « méditation fourmillante », il porte une valeur de provocation, reflétée par l’accueil de Jean Ballard, Simonne Ratel, Benjamin Fondane, Louis Gillet, même d’Alexandre Kojève enfin, bien que mitigé19. Quoi qu’il en soit, Imagination et réalisation ne sera pas désavoué par son auteur :

La thèse centrale d’Imagination et réalisation était que l’imagination nous projette le monde à l’état de nature, d’absolu ; mais que les différentes techniques de la volonté, mobilisant une somme toujours croissante de forces naturelles, d’instincts animaux, de passions et de raisons humaines, nous permettent de posséder de façon toujours plus complète en le réalisant, en le reconstruisant, ce monde dont nous n’avions de naissance que l’image20.

10Bref, dans son titre même, Imagination et réalisation, dont on devrait retenir la dialectique et non l’opposition de ces deux termes, Petitjean résume son approche critique : Imagination avec Réalisation, idées soumises à l’épreuve de l’action, penser et faire.

La réflexion sur la jeunesse et l’ouverture à la modernité

11Comme nous l’avons déjà vu, « Armand le Scribouillard » ne cesse d’écrire au cours des moments libres du service militaire. Entre mars et octobre 1936, c’est-à-dire entre la réoccupation de la Rhénanie et le retour à la vie civile, en passant par la campagne électorale du Front populaire, Petitjean entame une nouvelle phase d’écriture. On peut même employer le vocabulaire sartrien à ce propos, car Petitjean représente le cas par excellence de l’écrivain « en situation ». À lire la correspondance avec Paulhan, et d’autant plus, selon certaines lettres de Georgette Camille, on voit à quell point l’événement – à savoir la réoccupation de la Rhénanie au début de mars 1936 – pousse ces jeunes militaires du 8e chasseurs sur le devant de la scène de l’Histoire, car au cours de ces mois, l’activité et les déplacements militaires s’accélèrent21.

12Ainsi, en juin 1936, Petitjean écrit à Paulhan qu’il est en train de composer un essai au titre provisoire : « État des forces disponibles de la jeunesse française22 ». Dès lors, l’apport critique de Petitjean sera d’explorer non seulement le rôle de l’écrivain contemporain, mais aussi celui de la jeunesse, si négligé en France jusque-là. Par la suite, il assumera lui-même une sorte de rôle de Cassandre, celui de l’écrivain engagé à sonner l’alarme au sein d’une société qui demeure insuffisamment consciente de ses défauts, voire de son impréparation devant son sort.

13Même sans l’avoir lu, Paulhan répond que cet article « conviendrait très bien à La NRF23 ». Il paraît en effet au sommaire de La NRF – bien qu’un peu tardivement, en janvier 1937 –, sous le titre « Disponibilité de la jeunesse française actuelle ». L’article paraît au même moment qu’Imagination et réalisation, et Gaston Bachelard, à la réception de ce numéro de La NRF, avoue à Petitjean n’y avoir lu que cet article, et fait part de son avis : « La psychanalyse ne me semble pas entièrement périmée24. » Je crois que cette image de « psychanalyse » est entièrement appropriée, le but de Petitjean étant sans doute de révéler les Français à eux-mêmes, car, s’ils manquent de le faire, ils vont droit vers la catastrophe. Le discours adopté y est également approprié : après tout, Petitjean se rend compte qu’il n’y a pas un moment à perdre et se veut donc l’ennemi de l’impréparation, voire se montre iconoclaste. Petitjean va droit à son but, démontrant combien il avait pris conscience de l’importance de la conjoncture historique : « Entendue de façon politique, la disponibilité envahit la vie moderne de la France. » « Disponibilité » s’entend ici « en un sens nouveau, abstrait », qui n’aurait plus rien à voir avec « la vacance gidienne, cette nonchalance nerveuse et pleine de réceptivité, assez proche encore du spleen baudelairien25 ». Ainsi Petitjean se démarque-t-il d’une ligne bien établie à La NRF : la « disponibilité » ne ressemble plus à un prétendu état d’âme au sens gidien, voire barrésien : elle relève pleinement de la modernité de 1936, elle est politique. Ainsi, on peut voir aisément comment cet article aurait pu être pris en tant que « manifeste ».

14Le message de ce cri du cœur est que l’on ne saurait plus ignorer la jeunesse française. « Les disponibles […] supposent les “révolutionnaires” qui, écrit-il, plus conscients qu’eux-mêmes, agissent dans leur sens. Bref, ce sont les hommes de bonne volonté, de plasticité à l’histoire. » L’avertissement est simple : il ne faut plus rien gaspiller des ressources humaines françaises :

De là l’intérêt d’une enquête sur la disponibilité d’un pays comme la France qui, saturé de contraintes pendant la guerre, est fort en retard d’histoire, d’événements consentis ou suscités depuis et où, par ailleurs, les traditions révolutionnaires sont à ce point vivaces. Particulièrement il importe de la rapporter à l’élément disponible par excellence : la jeunesse26.

15Mais l’on se retrouve à un moment où la jeunesse française est « isolée », mûre pour l’exploitation, et « affectée d’une extraordinaire incapacité de s’exprimer » :

Aucun des jeunes que font parler les journaux, les congrès, sans compter les romans, ne saurait dire qu’il parle au nom de la Jeunesse : il faut, à la représenter, plus de maturité qu’à qui que ce soit d’autre27.

16Ce qu’accorde Paulhan, à travers cet essai de Petitjean, à la jeunesse française, est précisément une voix, en pleine reconnaissance de son potentiel. Et puisque sa génération est la première « depuis la Guerre à prendre et à avoir le temps de se former en tant que génération28 », Petitjean s’engagera à développer ses idées touchant la « disponibilité » et le « mobilisable29 », pour les transformer en une volonté de préparer la jeunesse à la modernité et, le cas échéant, à la guerre menaçante. Le décalage entre la rédaction de cet essai, daté de « l’Hôpital militaire de Haguenau, juillet 1936 », et sa parution en janvier 1937, ne fait que renforcer la justesse des propos de Petitjean. Avec la complicité de Paulhan, il va rapidement devenir un porte-parole de sa génération : Claude Roy, Étiemble, Pierre Schaeffer, Georges Soulès (Raymond Abellio en littérature) vont, entre autres, en témoigner. Même Jean-Paul Sartre avouera plus tard, en novembre 1939, que dans une certaine mesure Paulhan présente le jeune homme comme « le héros de La NRF30 ». Sa clairvoyance à l’égard des signes avant-coureurs d’une nouvelle guerre rappelle une pareille sensibilité retrouvée chez Charles Péguy à la veille de 1914, et en effet, la figure de Péguy et le « mythe » péguyste vont devenir une inspiration primordiale pour Petitjean31.

17Comme les lettres le montrent, ce texte, « Disponibilité », n’est pas le seul mis en chantier au cours de l’été mouvementé de 1936, car Petitjean commence à traiter d’autres thèmes : par exemple, il finit « Civil et militaire » le 23 juin (à paraître dans Europe en février 193732), et se lance dans « Situation de l’écrivain » (qui paraîtra enfin dans Esprit en septembre 193733). Déjà, en octobre 1936, Paulhan pouvait dire : « De tous ces articles, un livre sera bientôt prêt34 ». Il paraîtrait donc que Paulhan et Petitjean réfléchissaient déjà à la composition d’un livre d’essais critiques, dont le titre sera longuement discuté, qui finira par s’appeler Le Moderne et son prochain, et qui voit le jour après de nombreux délais en mai 1938, dans la collection « Les Essais », chez Gallimard. Nous reviendrons sur le contenu et la réception de ce livre un peu plus loin.

18Après avoir fini son service militaire en octobre 1936, de retour à Paris, Armand Petitjean cherche une situation et tente de poursuivre son ambition d’écriture. Une occasion se présente au début du nouvel an 1937, année charnière entre l’optimisme des débuts du Front populaire et les dangers de l’année 1938. Cette année, 1937, verra Petitjean partout : d’abord, il s’installe à La NRF. Paulhan envisage la création d’une nouvelle rubrique, « Le Bulletin », et Petitjean est chargé de fournir des notules, de composer et d’organiser la rubrique, jusqu’à s’occuper de la correction des épreuves et de l’envoi des « bons à tirer » : dès ce moment, le pseudonyme « Jean Guérin » cache tout autant le nom de Petitjean que celui de Paulhan. Dans son premier « Air du mois », rubrique censée laisser ventiler La NRF de l’atmosphère de l’actualité, Petitjean fait un reportage sur la grande réunion publique du 1er février à la Mutualité, sur le thème « Les écrivains défendent la paix », qui est, selon Pascal Ory, « l’occasion de saluer pour la première fois Malraux, retour du front, l’écrivain qui venait de mener son engagement jusqu’à ses conséquences ultimes35 ». Un court billet montre comment Paulhan, en dépit de son habituelle insistance sur le caractère « littéraire » et apolitique de la revue, est pleinement conscient de l’importance politique de cette intervention à cause des attaques de la droite contre Malraux36. Petitjean est ému de l’intervention de Malraux et reste profondément marqué par lui, en tant que figure de proue des intellectuels engagés, à ce moment où précis, pensée et action sont devenues indissociables37.

19Dès le printemps 1937, donc, avec le concours de Paulhan, Petitjean occupe de plus en plus de place à La NRF38. Tout ce dynamisme à La NRF s’accompagne d’une activité frénétique ailleurs : dès février, par exemple, Petitjean fréquente tour à tour Gaston Bergery, du mouvement frontiste39, Auguste Detœuf et Denis de Rougemont, lors de débats entourant la création des Nouveaux Cahiers (où il publie trois nouveaux textes sur la jeunesse40), le groupe « Travail et Nation », où il fera la connaissance d’autres intellectuels tels que Paul Marion ; par Brice Parain, employé à La NRF, devenu son ami, il a ses entrées dans la mouvance d’Esprit ; il correspond avec des figures de la droite académique, tel Louis Gillet, et de la Jeune Droite, tel Thierry Maulnier… Le nouveau venu commence à se faire remarquer partout. Et, à partir d’octobre 1937, il commence une collaboration régulière à Vendredi, hebdomadaire du Front populaire, où il assume la responsabilité de la rubrique critique « La Bataille des livres ». Il y recensera près d’une centaine de livres dans plus de cinquante articles.

Le Moderne et son prochain

20Revenons maintenant à notre considération du livre de Petitjean, LeModerne et son prochain. Dans l’Avertissement, on peut lire que les études réunies témoignent de son « besoin d’écrire » pendant son service militaire. « Où, écrit-il, méditerait-on mieux sur l’actualité qu’à l’ombre d’une caserne41 ? » Il a l’intention de « rendre une image suffisante et suffisamment diverse de l’idée que je me fais de l’écrivain ». Il y traite successivement du rôle de l’écrivain et la façon dont il le conçoit ; du sens de « moderne » (c’est-à-dire de l’écrivain moderne) et de « son prochain » (c’est-à-dire son lecteur) ; de la tentation de réagir contre son temps et d’imiter, par exemple, les romantiques allemands ; du libéralisme face à l’extrémisme. Il ausculte également les composantes de la société moderne : l’économie, l’armée, la jeunesse, laquelle est faite « non point pour se dépenser à fonds perdus, mais pour mûrir ». Faisant écho aux préoccupations de Paulhan dans Les Fleurs de Tarbes, que Petitjean aurait lu mensuellement pendant l’été 1936, l’écrivain prend conscience du langage lui-même : « les rapports entre la conception et son expression traversent une crise sans précédent ». Là, il rendra un hommage élogieux à Jean Giraudoux, qui se serait tiré « avec le plus d’aisance » de la « bagarre de l’après-guerre ».

21On ne peut pas parler de tout ici ; soulignons alors ce qui paraît être les thèmes les plus importants du premier chapitre de ce livre un peu négligé, « Voies et impasses en littérature ». Ce texte, achevé en septembre 1937 (selon un double conservé dans les archives), vraisemblablement lors d’un séjour d’une dizaine de jours chez Mme Mayrisch, à Colpach, au Luxembourg, est le plus long et le plus ambitieux du livre. Malgré quelques réserves, Paulhan avait accepté de le publier dans La NRF, car mention en est faite dans les cahiers publicitaires de tête de la revue ; en tout cas, à partir d’octobre 1937, le directeur de La NRF fait à son sujet des commentaires42. Mais il semblerait que le projet de publication ait été dépassé par l’événement : l’article ne paraît que dans le livre, lorsque celui-ci sort en mai 1938.

22On a l’impression, à lire « Voies et impasses », de voir Petitjean construire une sorte de projet de sociologie de la littérature. « La littérature, écrit-il, dans la mesure où elle signifie échanges, commerce, mesures et même politique ou diplomatie entre un auteur et un public, passe par une crise remarquable, morale plutôt que matérielle […], dont se plaint dans le privé chaque auteur, chaque lecteur, en public chaque éditeur, et dont il vaut la peine de rechercher la raison43. » Il passe à l’analyse plusieurs facteurs : d’abord, l’auteur et ses rapports avec le lecteur, où la nouvelle donne serait « l’impréparation [des] masses qui sont en train d’accéder à la civilisation ». Ici, Petitjean fait référence, me semble-t-il, à l’actualité littéraire telle que celle-ci se conçoit, se représente, au moment où il écrit, phénomène étudié par Pascal Ory dans une section de son livre intitulée « Une conception socialisée de la littérature44 ». Il s’agit de la politique culturelle du Front populaire et de l’expression de celle-ci à travers l’Exposition universelle du Trocadéro : « à vouloir exploiter la littérature à des fins politiques, il arrive aussi que la politique serve la littérature : elle est peut-être le premier moyen d’éducation des masses45 ».

23En second lieu, « on accuse volontiers l’époque46 ». La crise s’expliquerait aussi par le fait qu’un « siècle excessivement brutal et visuel comme le nôtre, […] où le monde [est] en mutations plus qu’en évolutions […] ne se prête guère aux procès subtils et lents de l’écriture ». Car les « premiers loisirs ne sont pas pour le livre, mais pour le cinéma47 ». Petitjean se montre ici très sensible à la rapide évolution de ce qu’on appellerait de nos jours les moyens de production des industries culturelles. Grâce encore à Jean Wahl48, il avait déjà pris conscience du texte-repère du critique allemand Walter Benjamin, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée », paru chez Alcan en 1936, dans le 5e volume de la Zeitschrift für Sozialforschung49. En effet, plus loin dans le même chapitre, Petitjean se réfère explicitement à « la querelle engagée par M. Georges Duhamel contre la concurrence faite au livre du xxe siècle par le cinéma, la radio et bientôt la télévision50 ». Dans sa Défense des lettres, parue en 1937 pour coïncider avec l’Exposition universelle, Duhamel, reprenant les mêmes arguments que ceux exposés dans ses Scènes de la vie future (1930), se plaint des défauts de ces nouveaux moyens de production culturels51.

24Troisièmement, Petitjean rend compte également des débats entourant le réalisme socialiste, théorie littéraire très en vue à ce moment-là chez des écrivains « compagnons de route », voire communisants, tels que Malraux, Nizan, et surtout Aragon : son livre Pour un réalisme socialiste avait paru en octobre 193552. Pour Petitjean, il n’y a pas d’esthétique « plus stérile et surtout plus ruineuse […] que celle du “roman prolétarien” » ; « la même erreur se retrouve […] jusque dans les vérités salutaires du “réalisme socialiste53” ». Et, s’agissant d’Aragon, Petitjean loue Les Beaux Quartiers, « l’un des deux ou trois livres durables de l’année », mais ajoute avec quelque ironie : « Reste à savoir s’ils le sont grâce aux intentions professées de l’auteur, ou en dépit d’elles » ; bref, Petitjean voit mal comment « la doctrine de “l’ingénieur de l’âme” » aurait pu mener à une telle réussite54.

25Finalement, pleinement conscient du débat sur le « rôle social de l’écrivain55 », et anticipant sa conviction (déjà établie à partir d’Imagination et réalisation) que « faire et écrire, c’est tout un56 », Petitjean parle de la notion d’« intermédiaire » :

Or l’écrivain actuel comprend si mal ce rôle d’intermédiaire, qui est l’une de ses fonctions essentielles ; il voit si peu le juste milieu entre le professeur et le vulgarisateur, entre l’appareil critique et l’édition populaire, qu’il n’est pas loin de s’effarer lorsqu’une entreprise parfaitement louable comme le Musée de la Littérature s’efforce de publier les conditions du travail littéraire, de manifester cet immense levier qui va du monde au cerveau, et du cerveau à la main qui tient la plume57.

26Et Petitjean d’insister : « Il est d’autant plus urgent que les écrivains apprennent, si j’ose dire, à moderniser leurs rapports avec le public58 ». « Le Musée de la Littérature », conçu par Julien Cain, est appuyé entre autres par Paul Valéry, l’un des gourous de La NRF les plus en vue59. La littérature aura un bel avenir, conclut-il : « Il suffira que les écrivains continuent, réapprennent, ou apprennent à vivre en hommes, et à écrire en écrivains60. »

27Nous avons déjà dit que la parution de « Voies et impasses » dans La NRF est dépassée par l’événement : si Paulhan avait l’intention de l’insérer dans le numéro d’avril 193861, il lui a substitué une autre chronique, « Dictature de la France », écrite en réflexe immédiat à l’Anschluss de mars 1938. Dans l’introduction de la correspondance, nous avons essayé de montrer comment cette décision marque un retournement patriotique pour la revue. Ne revenons pas sur cela ici ; retenons seulement que, dans la vie intellectuelle d’Armand Petitjean, elle marque une étape majeure puisque, à partir de ce moment fatidique, pour lui, « faire et écrire, ce sera tout un » ; il poursuit sans relâche la formation d’un « groupe franc » d’écrivains « mobilisables » et projette de lancer de Nouveaux Cahiers de la Quinzaine. Si Paulhan sera contrarié par l’inclusion de cette chronique dans Le Moderne et son prochain, c’est que pour lui, « il me semble que “Dictature de la France” (ou plutôt la place que vous lui avez faite dans votre livre) a tout embrouillé : vous ne pouvez à la fois, du même esprit, résoudre (ou simplement poser) difficilement des questions faciles, facilement des questions difficiles62 ».

28Il est temps de conclure. Nous avons l’intention, dans une étude plus développée, d’analyser les autres chapitres du Moderne et son prochain. Ici, nous n’avons pu qu’effleurer certains éléments fondamentaux de l’œuvre critique de Petitjean, et cela, sur une assez courte période de sa collaboration à La NRF. Faisons le point provisoirement sur trois éléments.

29D’abord, la correspondance montre combien Paulhan estimait sa nouvelle recrue. Guide indéfectible pour le jeune homme, il le lance comme écrivain. Quant au Moderne et son prochain, Marcel Arland l’accueille, en soulignant que ce livre, à côté de celui de Jean Grenier, L’Âge des orthodoxies, paru dans la même collection, « mêle d’émouvante façon la passion à l’intelligence », faisant ainsi « dépasser cet âge [des orthodoxies] » à sa propre contribution. Et de souligner plus loin l’apport de ce livre d’un jeune critique, récemment recruté par une NRF où la présence de Jean-Paul Sartre63 ne s’est pas encore fait beaucoup sentir :

L’un des caractères les plus frappants de ce livre, celui qui me semble le plus précieux, c’est que, livre d’un jeune écrivain qui sait attaquer et ne s’en fait point faute, non seulement il reste sans haine (je ne dis point sans colère, ni sans indignation, ni même, une ou deux fois, sans injustice), mais il témoigne constamment d’un besoin de sympathie agissante. C’est cette générosité, sans bavure, sans épanchements sentimentaux, qui donne à ce livre son accent net et chaleureux64.

30En second lieu, le ton et la perspective critiques de La NRF sont rénovés, renforcés par la présence de Petitjean (à côté de Caillois, également), qui, appuyé par Paulhan, s’y exprime avec un nouvel accent pour appréhender la modernité, pour reconnaître que celle-ci n’est pas nécessairement à condamner, et penser, sous un angle nouveau, « l’air du temps ».

31Et finalement, on a vu comment Petitjean a conçu le rôle de l’écrivain « en situation », d’abord à la caserne, ensuite dans les pages de La NRF et de son livre. Il faudra revenir dans une nouvelle étude sur la question de la réception de « Dictature de la France », avec son remarquable durcissement de ton, surtout au vu de ce jugement idéologisé d’un critique du mensuel Esprit, qui écrit : « Sans doute avons-nous là le premier texte d’un véritable fascisme français65. »

32Martyn Cornick

33Université de Birmingham

Annexe 1 : Bibliographie des écrits d’Armand Petitjean entre 1935 et juin 1940

Livres

34Imagination et réalisation, Paris, Denoël et Steele, 1936 [achevé d’imprimer le 22 décembre 1936].

35Le Moderne et son prochain, Paris, Gallimard, coll. « Les Essais » (IV), 1938 [parution mai 1938].

36Présentation de Swift, Paris, Gallimard, 1939 [achevé d’imprimer le 29 mars 1939].

37Buffon. Morceaux choisis (et préfacés par A.-M. Petitjean), Paris, Gallimard, coll. « Les Grandes Pages de la science », 1939 [achevé d’imprimer le 29 mai 1939].

Traductions

38Zuckerman, Solly, La Vie sexuelle et sociale des singes[The Social Life of Monkeys and Apes], traduit de l’anglais par A. Petitjean,Paris, Gallimard, coll. « L’Avenir de la science » (no 5, collection dirigée par Jean Rostand), 1937.

39Russell, Bertrand, Histoire des idées au xixe siècle[Freedom and Organization],traduit de l’anglais par A.-M. Petitjean, Gallimard, 1938 (2e édition 1951).

40Furnas, Clifford Cook,Le Siècle à venir [The Next Hundred Years], traduit de l’anglais par A.-M. Petitjean, Paris, Gallimard, coll. « L’Avenir de la science » (no 9, collection dirigée par Jean Rostand), 1938 [achevé d’imprimer le 20 janvier 1939]).

41Rusk, Rogers D., Les Atomes, les hommes et les étoiles[Atoms, Men and Stars], traduit de l’anglais par L. Hervé et A.-M. Petitjean), Paris, Gallimard, coll. « L’Avenir de la science » (no 10, collection dirigée par Jean Rostand), 1939.

42Dulles, John Foster, Conditions de la paix [War, Peace and Change], traduit de l’anglais par A.-M. Petitjean, avant-propos de Charles Rist, Paris, Denoël, 1939.

Articles parus dans La Nouvelle Revue française (La NRF)

431935

44« Gueule de pierre, par Raymond Queneau » [Note], La NRF, no 259, avril 1935, p. 622-625.

451937

46« Disponibilité de la jeunesse française actuelle », La NRF, no 280, janvier 1937, p. 27-38.

47« L’Activité primitive du Moi, par Jean Nogué » [Note], La NRF, no 280, janvier 1937, p. 138.

48« Some Poems of Mallarmé, par Roger Fry et Charles Mauron » [Note], La NRF, janvier 1937, p. 138.

49« Hölderlin ; Le Lyrisme mythique de Hölderlin, par Pierre Bertaux » [Note], La NRF, no 281, février 1937, p. 298-300.

50« Forward from Liberalism, par Stephen Spender » [Note], La NRF, no 282, mars 1937, p. 457-459.

51« Les écrivains combattants d’Espagne à la Mutualité » [Air du mois], La NRF, no 282, mars 1937, p. 473-475.

52« Les Nouveaux Cahiers » [Air du mois], La NRF, no 283, avril 1937, p. 644-647.

53« Congrès de la jeunesse » [Air du mois], La NRF, no 284, mai 1937, p. 807-809.

54« L’Âme romantique et le rêve, par Albert Béguin » [Note], La NRF, no 285, juin 1937, p. 946-949.

55« La Nouvelle Biologie, par Jean Rostand » [Note], La NRF, no 285, juin 1937, p. 952.

56« “Actualité” de Rilke », La NRF, no 286, juillet 1937, p. 147-152.

57« Chômeurs » [Air du mois], La NRF, no 286, juillet 1937, p. 175-176.

58« Électre et Giraudoux », La NRF, no 288, septembre 1937, p. 482-490.

59« L’Honneur de servir, par Henri Massis » [Note], no 288, septembre 1937, p. 509-511.

60« Les Revues. Le Romantisme allemand aux Cahiers du Sud » [Note], La NRF, no 288, septembre 1937, p. 518-520.

61« Attractions et Palais de la découverte » [Air du mois], La NRF, no 289, octobre 1937, p. 693-696.

62« Notes sur le Mal, par Pierre Ayet » [Note], La NRF, no 290, novembre 1937, p. 849-850.

63« Visite à Düsseldorf » [Air du mois], La NRF, no 290, novembre 1937, p. 868-871.

641938

65« Chêne et chien, par Raymond Queneau » [Note], La NRF, no 292, janvier 1938, p. 124-125.

66« Les Cinq Tentations de La Fontaine, par Jean Giraudoux » [Note], La NRF, no 294, mars 1938, p. 491-493.

67« À propos de l’Exposition surréaliste » [Air du mois], La NRF, no 294, mars 1938, p. 515-516.

68« Dictature de la France », La NRF, no 295, avril 1938, p. 663-665.

69« Après l’après-guerre », La NRF, no 300, septembre 1938, p. 478-488.

70« Rome, ou le démon de la Méditerranée » [Air du mois], La NRF, no 301, octobre 1938, p. 689-692.

71« Prière pour les copains après la mobilisation de septembre 1938 », La NRF, no 302, novembre 1938, p. 757-760.

72« Fascisme antifasciste » [Air du mois], La NRF, no 303, décembre 1938, p. 1074-1076.

731939

74« Fillettes et fascisme » [Air du mois], La NRF, no 304, janvier 1939, p. 178-179.

75« Journal d’Allemagne, par Denis de Rougemont » [Note], La NRF, no 305, février 1939, p. 342-345.

76« Assurances qui tuent » [Air du mois], La NRF, no 307, avril 1939, p. 722-725.

77« Taxis parisiens » [Air du mois], La NRF, no 308, mai 1939, p. 903-905.

78« Journal d’une “Révolution”, par Jean Guéhenno » [Note], La NRF, no 309, juin 1939, p. 1052-1055.

79« Péguy et nous », La NRF, no 310, juillet 1939, p. 5-13.

80« Les Revues. Volontés et la direction de conscience » [Note], La NRF, no 310, juillet 1939, p. 155-156.

81« La Commune, par Albert Ollivier » [Note], La NRF, no 311, août 1939, p. 322-323.

82« Chanson complète, par Paul Éluard » [Note], La NRF, no 312, septembre 1939, p. 484-486.

831940

84« Pour l’après-guerre », La NRF, no 317, février 1940, p. 162-173 [signé « Armand »].

85« Journal de guerre », La NRF, no 320, mai 1940, p. 599-605 [signé « Armand »].

86« Témoignages sur la guerre », La NRF, no 321, juin 1940, p. 723-743.

Articles parus dans d’autres périodiques

871934

88« James Joyce et l’absorption du monde par le langage », Cahiers du Sud, no 165, octobre 1934, p. 607-623.

891935

90« Joyce and Mythology, Mythology and Joyce », trad. Maria Jolas, transition, no 23, juillet 1935.

91« Analyse spectrale du singe », Minotaure, no 7, juin 1935.

92« L’Esprit et le Temps : Imagination et Réalisation », Cahiers du Sud, no 177, novembre 1935, p. 751-756.

931936

94 « Lettre de créance », Mesures, no 1, 15 janvier 1936, p. 81-90.

95[Traduction de] « De Honni-soit à Mal-y-chance », par James Joyce [revue par l’auteur], Mesures, no 1, 15 janvier 1936, p. 91-99.

96« L’Œil. Exposé des motifs », Mesures, no 4, 15 octobre 1936, p. 55-65.

971937

98 « Civil et militaire », Europe, no 170, 15 février 1937, p. 191-205.

99[Traduction et adaptation de] W. H. Auden et Chr. Isherwood, Le Chien sous la peau, Mesures, no 2, 15 mars 1937, p. 13-42.

100« Jeunesse », Les Nouveaux Cahiers, no 6, juin 1937, p. 17-19.

101« Au-delà de l’extrémisme », Les Nouveaux Cahiers, no 10, août 1937, p. 5-7.

102« Signification de Joyce », Études anglaises, septembre 1937, p. 405-417.

103« Situation de l’écrivain français actuel », Esprit, no 60, septembre 1937, p. 699-708.

104« À qui pense… un jeune ouvrier spécialisé du Nord », Les Nouveaux Cahiers, no 11, octobre 1937, p. 16-17.

105La nouvelle rubrique « La Bataille des livres » tenue par Armand Petitjean commence dans Vendredi le 8 octobre 1937.

106« La Jeunesse dans les livres », [compte rendu de] André Maurois, La Jeunesse devant notre temps, et Paul Morand, « Apprendre à se reposer », Vendredi, 15 octobre 1937.

107« L’humour international », [compte rendu de] Le Voyage imaginaire, par Leo Cassi, Les Hommes gris, par Ettori Settani, et La Route du tabac, par Erskine Caldwell, Vendredi, 22 octobre 1937.

108« Critique de la critique », [compte rendu de] Léon Daudet, La Tragique Existence de Victor Hugo, Henri Massis, Le Drame de Marcel Proust, Charles du Bos, Approximations VII, Vendredi, 29 octobre 1937.

109« Du roman-scénario au roman hallucinatoire », [compte rendu de] Joseph Peyré, Roc Gibraltar, Jean Schlumberger, Essais et dialogues, Herman Melville, Benito Cereno, Vendredi, 5 novembre 1937.

110« Rat des villes et rat des champs », [compte rendu de] Henri Pourrat, Le Secret des compagnons, Jean de Bosschère, L’Obscur à Paris, Jean Prévost, La Chasse au matin, Vendredi, 12 novembre 1937.

111« L’Esprit devant le siècle », [compte rendu de] Avertissement à l’Europe, par Thomas Mann, Vendredi, 19 novembre 1937.

112« “Embourgeoisement” du roman policier », [compte rendu de] Georges Simenon, L’Assassin, Claude Aveline, Voiture 7, place 15, Pierre Véry, Mam’zelle Bécot, Vendredi, 26 novembre 1937.

113« Swift et Stella », Cahiers du Sud, no 200, décembre 1937, p. 720-733.

114 « L’unanimisme en 1937 », [compte rendu de] Jules Romains, Mission à Rome, etc., Pour l’esprit et la liberté, Vendredi, 3 décembre 1937.

115« Le sang américain », [compte rendu de] John Dos Passos, 1919, William Faulkner, Sartoris, 10 décembre 1937.

116« Les femmes et la littérature », [compte rendu de] Madeleine Bourdouxhe, La Femme de Gilles, Marguerite Audoux, Douce Lumière, Raymonde Vincent, Campagne, Colette, Bella-Vista, Vendredi, 17 décembre 1937.

117« L’Espoir, par André Malraux », Vendredi, 12 décembre 1937 [compte rendu].

118« L’incarnation des idées », [compte rendu de] Alain, Les Saisons de l’esprit, Denis Saurat, La Fin de la peur, Vendredi, 31 décembre 1937.

1191938

120« Littérature et documentation », [compte rendu de] Samuel Pepys, Journal, Vendredi, 7 janvier 1938.

121« L’Espagne et l’espagnolisme », [compte rendu de] Élie Faure, Méditations catastrophiques, Baltasar Gracián, Le Héros, Nouvelles espagnoles, Vendredi, 14 janvier 1938.

122« L’enfance de Swift », Mesures, no 1, 15 janvier 1938, p. 65-80 ; et [traduction de l’anglais de] : I. « Le Boudoir de Madame » et II. « Récit véridique et fidèle de ce que s’est passé à Londres », p. 81-98.

123« Romantisme et authenticité », [compte rendu de] Johannes Jensen, Histoires du Himmerland, Selma Lagerlöf, La maison de Lilliecrona, Vendredi, 21 janvier 1938.

124« Visite aux Français », [compte rendu de] Paul Distelbarth, Vendredi, 28 janvier 1938.

125« Mystiques méditerranéennes », [compte rendu de] Mystiques catholiques méditerranéennes, Paul Valéry, E. Noulet, Vendredi, 4 février 1938.

126« La guerre et la paix », [compte rendu de] Joseph Jolinon, Les Coquines, Aladar Kuncz, Le Monastère noir, Vendredi, 11 février 1938.

127« L’enfance et les Anglais », [compte rendu de] Rudyard Kipling, Souvenirs, G. K. Chesterton, Le Club des métiers bizarres, Vendredi, 18 février 1938.

128« Grands Hommes », [compte rendu de] André Suarès, Trois grands vivants : Cervantès, Baudelaire, Tolstoï, Stefan Zweig, Trois poètes de leur vie : Stendhal, Casanova, Tolstoï, Vendredi, 25 février 1938.

129« Nationalisation de la France », [compte rendu de] Au-delà du nationalisme, par Tierry [sic] Maulnier, et Le Nationalisme contre les nations, par Henri Lefebvre, Vendredi, 4 mars 1938.

130« Violences brutes et civilisés », [compte rendu de] B. Traven, La Révolte des pendus, V. Pozner, Les États démunis, Victor Fink, Légion 14, Vendredi, 11 mars 1938.

131« La liberté des rêves », [compte rendu de] L’Ombre à la Barraquer, par C.-J. Odic, et Gustalin, par Marcel Aymé, Vendredi, 18 mars 1938. [25 mars 1938 : intérim.]

132« Communisme de défense nationale », [compte rendu de] De la Sainte Russie à l’URSS, par Georges Friedmann, Vendredi, 1er avril 1938.

133« La “Victoire des vaincus” », [compte rendu de] Histoire de l’armée allemande depuis la guerre, par J. Benoist-Méchin, Vendredi, 8 avril 1938.

134« Rêveries scandinaves. À propos d’un article de Detœuf (Nouveaux Cahiers no. 22) et quelques autres », Vendredi, 15 avril 1938.

135« Morte ou pas morte ? », [compte rendu de] Rolland de Renéville, L’Expérience poétique, Vendredi, 22 avril 1938.

136« L’échelle des romanciers », [compte rendu de] F. Kafka, Métamorphose, P. Bellu, La parole est à la défense, H. Carossa, Le Docteur Gion, Vendredi, 29 avril 1938.

137« Morbus romanticus », [compte rendu de] La Nausée, par J.-P. Sartre, Vendredi, 6 mai 1938.

138« Révélations posthumes », [compte rendu de] Les Carnets de Joseph Joubert, Vendredi, 13 mai 1938.

139« Vingt ans après », [compte rendu de] Henry de Montherlant, Les Olympiques, Vendredi, 20 mai 1938. [27 mai 1938 : intérim.]

140« Critique de la critique », [compte rendu de] A. Rousseaux, Littérature du xxe siècle, Albert Thibaudet, Réflexions sur la littérature, D. Saurat, Perspectives, Vendredi, 3 juin 1938. [10 juin 1938 : intérim.]

141« Réponse à un caporal-chef », par Robert Aron, La Flèche de Paris, 3 juin 1938.

142« Une réponse de A. Petitjean à Robert Aron », La Flèche de Paris, 10 juin 1938.

143« Dissolution du roman », [compte rendu de] M. Arland, Terre natale, M. Richard, La Femme à tout faire, Vendredi, 17 juin 1938.

144« De la souffrance à la plénitude, par Keyserling, L’Alternative, par Jankélévitch, et Qu’est-ce que la Métaphysique ?, par M. Heidegger », Vendredi, 24 juin 1938 [compte rendu].

145« Du platonisme au cynisme », [compte rendu de] Stephen Hudson, Myrte, M.-A. Comnène, Grazia, M. Aymé, Derrière chez Martin, Vendredi, 1er juillet 1938.

146« Littérature de critiques », [compte rendu de] A. Billy, Nathalie, A. Thérive, La Fin des haricots, Vendredi, 8 juillet 1938.

147« Besoin de grandeur, par C.-F. Ramuz », Vendredi, 15 juillet 1938 [compte rendu].

148« Du roman au journal », [compte rendu de] L. Delarue-Mardrus, Mes mémoires, J. Green, Journal, Vendredi, 22 juillet 1938.

149« Des fausses et des vraies saintes », [compte rendu de] J. Guirec, L’Enchantement de la nuit, M. Jouhandeau, Chroniques maritales, Vendredi, 29 juillet 1938.

150« Naissance du roman », [compte rendu de] Fielding, Tom Jones, Vendredi, 5 août 1938.

151« Rhétorique sacrée », [compte rendu de] P. Claudel, Introduction au livre de Ruth, G. Papini, Les Témoins de la Passion, Vendredi, 12 août 1938.

152« Vladimir Jankélévitch. – L’Alternative. (Alcan) », Europe, 15 août 1938, p. 573.

153« Enid Starkie. – Rimbaud en Abyssinie. (Payot) », Europe, 15 août 1938, p. 574.

154« À propos de Briand », de Suarèz [sic], Vendredi, 19 août 1938. [26 août-16 septembre 1938 : intérim.]

155« Le patriotisme en 1938 », [compte rendu de] R. Alix, Une nation vivante, Vendredi, 23 septembre 1938. [30 septembre-7 octobre 1938 : intérim.]

156« Apprendre à s’engager », [compte rendu de] L’Homme contre le partisan, par E. E. Noth, Vendredi, 14 octobre 1938.

157« Jean Lhermitte. – Les Mécanismes du cerveau. (N.R.F.) », Europe, 15 octobre 1938, p. 288.

158« Le savant devant l’homme, Encyclopédie française », [compte rendu de] La Vie mentale, Vendredi, 21 octobre 1938.

159« Poids du ciel, par Jean Giono », Vendredi, 28 octobre 1938 [compte rendu].

160« Hommes et œuvres du xxe siècle, par H. Peyre, » Vendredi, 3 novembre 1938 [compte rendu].

161« Leçon d’une mobilisation », Marianne, 9 novembre 1938.

162Vendredi se transforme à partir de ce moment en Reflets de la semaine.

163« Une voie », [compte rendu de] Situation de la poésie, par J. et R. Maritain, Reflets de la semaine, 10 novembre 1938.

164« Pascal Thémanlys. Grands d’Israël. (Rieder) ; Emil Ludwig. – Roosevelt. (Plon) », Europe, 15 novembre 1938, p. 431.

165« Les Sources et le Sens du communisme russe, par N. Berdiaev ; La Culture et le peuple, M. Gorki », Reflets de la semaine, 17 novembre 1938 [compte rendu].

166« À l’ombre de Pasteur », [compte rendu de] Le Mouvement sanitaire, par le docteur Adrien Loir, Reflets de la semaine, 24 novembre 1938.

167« L’École des cadavres, par L.-F. Céline », Reflets de la semaine, 2 décembre 1938 [compte rendu].

168« Nous n’avons pas reconnu Jules Romains », La Lumière, 2 décembre 1938.

169« Mussolini et Bismarck. Ce que le fascisme n’a pas changé », L’Ordre, 6 décembre 1938.

170« Souvenirs, par Charles Péguy », Reflets de la semaine, 8 décembre 1938.

171« Les Grandes Pages de la science, par Jean Rostand », Reflets de la semaine, 15 décembre 1938.

1721939

173« Bonne année, pamphlétaires », L’Intransigeant, 1er janvier 1939.

174« À propos de L’Équinoxe de Septembre », Marianne, 4 janvier 1939.

175« La vie glacée de l’Hitlérie. Jeunesse sans dieu, par Odon de Horvath », La Lumière, 17 février 1939.

176« Pour de Nouveaux Cahiers de la Quinzaine », Aux Écoutes, 18 février 1939.

177« Nouveaux Cahiers de la Quinzaine », Cahiers du Sud, avril 1939 [avec André Ullmann].

178« Louis Bromfield. – La Mousson. (Stock) ; Virginia Woolf. – Années (Stock) », Europe, 15 avril 1939, p. 561

179« Raymond Aron. – Introduction à la philosophie de l’histoire. (N.R.F.) », Europe, 15 avril 1939, p. 568.

180« La condition de mobilisable », Europe, no 198, juin 1939, p. 156-171.

181[Traduction de] « L’Capitain’ Carpentier », par John Crowe Ransom, Mesures, no 3, 15 juillet 1939, p. 319-325.

182« Un mobilisable devant l’Allemagne », DieZukunft, juillet 1939.

183«Éléments d’une génération. Bilan des échecs et des espoirs avant l’action », Courrier de Paris et de la Province, [no 0] juillet 1939 [composé avec André Ullmann].

184« Condición del reservista », Sur, no 61, octobre 1939, p. 78-92.

185« Journal des témoins du temps de guerre », Esprit, no 86, novembre 1939, p. 75. [Témoignage de Petitjean.]

Annexe 266 : [123bis.] Jean Paulhan à Armand Petitjean

186nrf

187jeudi [28 octobre 1937]

188Qui disait « celui qui sait trop est volé par ce qu’il sait » ? (ce n’est pas Montaigne : Saint-Évremond peut-être)

189Je vois bien deux façons d’être volé en littérature : soit de céder à l’actuel (l’on ne veut renoncer à rien de ce que l’on sait : or, il suffit de peu, et qui vient du dehors, pour faire légèrement préférer ceci ou cela).

190Soit de se laisser aller à cette brillante connaissance (universitaire) qui accueille presque tout, et ne le rend qu’insensiblement déformé.

191Je me demande, à chaque page de Voies et impasses, où commencent vos retranchements, où se marque votre secret. Je suis parfois irrité et parfois gêné de vous sentir si exposé*67.

192Évidemment c’est aussi très bien.

193Votre ami Jean P.

194* jusque dans votre style qui donne ici et là l’étrange impression de s’ouvrir et de ne pas se refermer.

Annexe 3 : Publicité annonçant la parution du livre d’Armand Petitjean, Le Moderne et son prochain, dans La NRF, mai 1938 [cahier publicitaire de tête, p. 208]

195Le Moderne et son prochain

196Un volume in-16 double couronne

197Français, apprendrons-nous enfin ce que c’est que la France : que son âme adorable est faite pour des hommes libres, non point pour des froussards, ou pour des matamores ?

198Hommes d’Europe, quand donc comprendrons-nous que 1914 est derrière nous, et non pas nécessairement devant ?

199Hommes, allons-nous vivre en hommes, et sans littérature ; écrivains, accorderons-nous qu’après tout, il n’est peut-être pas honteux d’écrire en écrivains ?

200– Jeunes, et laissant les raideurs de jeunes, consentirons-nous à mûrir, en aurons-nous le cœur et la patience, en aurons-nous le temps dans ce monde de vieillards précoces ou voronofisés68 qui s’abreuvent à nos forces, nous confisquent à la maturité, et dans leur peur maniaque de mourir nous préparent, pour bientôt, un beau bain de sang ?