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Usages thérapeutiques du littéraire (XVIe-XVIIIe siècle)

Usages thérapeutiques du littéraire (XVIe-XVIIIe siècle)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Ariane Bayle)

Les 29 et 30 mars 2007 se tiendront à l'Université de Bourgogne des journées d'études sur « les usages thérapeutiques du littéraire (XVIe-XVIIIe siècle) » qui réuniront des chercheurs européens, venus de Grande Bretagne, de Suisse et de France. Le champ d'application de nos recherches sera donc les littératures européennes des périodes renaissantes et classiques ; toutefois deux contributions concernant des oeuvres des XIXe et XXe siècles porteront un regard rétrospectif sur les conceptions anciennes de la thérapeutique. Quant à la méthode, elle sera comparatiste.
Les relations « littérature et médecine » sont souvent envisagées du point de vue de la représentation dans l'oeuvre littéraire de la figure du médecin ou de celle du malade et de sa maladie, mais plus rarement du point de vue de la corrélation entre ces deux domaines du savoir. Nous proposons d'enquêter sur un effet possible du discours littéraire, l'action thérapeutique, ainsi que sur les termes dans lesquels est pensée son efficience, pendant les périodes renaissantes et classiques. Car si, de toute évidence, la médecine, en tant qu'art mécanique, praxis, revendique son utilité, la littérature, dans les périodes anciennes, est, elle aussi, invariablement investie de cette mission qui lui donne sa légitimité dans le champ moral : être « utile » et pas seulement « agréable ».
L'idée d'une action thérapeutique des productions et des pratiques artistiques est assez communément admise par la médecine contemporaine soucieuse de prendre en compte la dimension psychique du soin. Mais la médecine qui précède la naissance de la clinique moderne considère plus encore, dans des termes fort différents, qu'il n'y a pas de rupture entre les manifestations de l'âme et celles du corps. Toutes les affections, y compris les troubles de l'esprit, sont ancrées dans le jeu des organes ; inversement, l'action curative sur l'organisme ne passe pas seulement par une bonne connaissance de la physiologie du malade mais aussi par une hygiène qui concerne l'usage de choses dites « non naturelles », dont les passions de l'âme font partie. La littérature, dans la mesure où elle affecte l'imagination du malade, devient alors l'objet d'une réflexion de la part du médecin, et éventuellement un de ses instruments. Comme le disait Emile Benvéniste, dans un article consacré à la « doctrine médicale des Indo-Européens » , la pratique médicale s'articule en trois types de soins : la médecine du couteau, la médecine des herbes et la médecine de la parole.

Plusieurs axes d'étude apparaîtront dans les neuf contributions prévues.
On s'interrogera sur les images qui servent à dire l'analogie entre littérature/médecine et à leur motivation. En effet, les métaphores nosologiques et médicales abondent dans les arts poétiques. Les fables sont tantôt condamnées comme poison ou comme agent d'une contamination, tantôt défendues comme « adoucissement » d'une morale trop indigeste. Quant à la catharsis aristotélicienne, elle fait l'objet, à la Renaissance, d'explications très contrastées qui, parfois, cherchent à la justifier par son rapport avec la physiologie. Symétriquement, les textes littéraires, tantôt sur un mode comique, tantôt sur un mode sérieux, cherchent à prendre le contrepied du topos de « la littérature qui rend malade », en montrant que celle-ci peut apaiser certains maux du temps, notamment la mélancolie, mais aussi les souffrances provoquées par des maladies infamantes comme la syphilis.
Plus généralement, ce sont les mécanismes intrinsèques à la transmission du texte qui sont interrogés dans cette analogie. La lecture, silencieuse ou oralisée, souvent prônée dans la cure de certaines pathologies, parce qu'elle nous introduit à une temporalité psychique nouvelle, est conçue comme détour, ruse, immersion tactique nous coupant des réalités du monde extérieur ; qu'en est-il alors des mécanismes propres à la lecture comparés à ceux de la représentation en action ? L'efficacité thérapeutique de la représentation littéraire est-elle conçue en fonction de certains critères formels ou génériques ?
Il semble enfin que c'est la représentation de la relation thérapeutique qui est en jeu dans la comparaison de la lecture et du soin. La séméiologie de la maladie peut être conçue comme un art de la lecture, qui engage aussi l'imagination du médecin. Quant à la relation médecin/patient, si elle sert à modéliser le pacte de lecture, comme chez Rabelais, c'est donc que certaines notions communes à l'éthique médicale et à la rhétorique, comme celle de confiance ou de chaleur, par exemple, permettent de penser l'efficacité du discours littéraire.

Programme des demi-journées :

Jeudi 29 mars
13h30 Accueil des participants

14h00 Ariane Bayle (Université de Bourgogne)
Présentation de la question

14h30 Isabelle Moreau (Université de Bourgogne)
« Du Roman à l'Antiroman : les dangers de l'immersion fictionnelle »

15 h10 Teresa Chevrolet (Université de Genève)
« Che cosa è questo purgare ? Lectures de la catharsis chez les poéticiens italiens du second XVIe siècle. »


16h10 Christine Sukic (Université de Bourgogne)
« “Enter Antonio with a book” : stoïcisme, humeurs et passions dans la tragédie de vengeance anglaise »


16h50 Jacques Poirier (Université de Bourgogne)
« Fils (1977) de Serge Doubrovsky : entre catharsis et pharmakon »

Vendredi 30 mars

9h00 Karine Descoings (Université de Bourgogne)
« La muse, tourment et médecine du poète, dans l'élégie d'exil (Antiquité et Renaissance) »


9h40 Agnieszka Steczowitz (QMUL - Université de Londres)
« Exercices spirituels : l'usage thérapeutique des lettres dans
The Anatomy of Melancholy de Robert Burton »


10h20 Radu Suciu (Université de Paris IV et Université de Genève)
« La morale du sirop : thérapies médico-morales pour la guérison
de la mélancolie »


11h20 Alexandre Wenger (Université de Genève - Institut d'Histoire
de la médecine)
« Des lettres et des maux : fiction épistolaire et lecture hygiénique
à l'époque des Lumières »


12h00 Jean-Luc Martine (Université de Bourgogne)
« Un texte qui soigne ou un texte qui tue ?
Etude d'Adieu de Balzac »