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Une autre voix, un autre texte. Histoire et théorie des pratiques de traduction au cinéma et dans d’autres médias

Une autre voix, un autre texte. Histoire et théorie des pratiques de traduction au cinéma et dans d’autres médias

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Irene Weber Henking)

Appel à communications

Colloque international 

« Une autre voix, un autre texte. Histoire et théorie des pratiques de traduction au cinéma et dans d’autres médias »

Université de Lausanne, 25./26./27.04.2013

 

Direction: Prof. Alain Boillat (Section d’Histoire et esthétique du cinéma, UNIL), Prof. Irene Weber Henking (Centre de Traduction Littéraire, UNIL).

En collaboration avec Prof. Alexander Künzli (Faculté de traduction et d’interprétation, UNIGE).

Langues des communications : français et allemand.

« Une symphonie toute entière sort d’une gueule de métal et se déverse sur un public attentif et reconnaissant. Et, de cette même embouchure dissimulée quelque part dans la coulisse, des paroles qui sont censées sortir de la bouche des acteurs, qui n’en sortent pas, des paroles d’homme enrhumé, de ventriloque. […] Je ne parle même pas des truquages auxquels telles nécessités commerciales ont obligé les producteurs comme le “doublage” où l’horrible mensonge d’une bouche qui ne profère pas les syllabes qu’elle est censée prononcer met l’auditeur de bonne foi à la torture ». (Charles-Ferdinand Ramuz, « Vicissitudes », Formes et couleurs, 1945).

Le champ des études cinématographiques ayant été majoritairement régies par une perspective auteuriste ainsi que par une mise en évidence de la dimension visuelle, une place réduite a été jusqu’ici accordée aux phénomènes de traduction (sous-titrage, doublage, etc.) qui obligent le chercheur à déplacer la réflexion des questionnements habituels sur la création d’une oeuvre originale vers la circulation internationale des productions, d’une analyse de l’image menée dans une perspective esthétique centrée sur l’objet vers une approche linguistique et comparatiste favorisant la prise en compte des phénomènes d’adaptation à un nouveau public.

Les textes réalisés pour le cinéma, qui sont produits dans des conditions techniques et économiques spécifiques et permettent de renouveler notre façon d’appréhender  l’oeuvre originale, exigent des traductrices et des traducteurs des compétences à certains égards différentes de la traduction littéraire. Il s’agit là de l’un des métiers du cinéma dont on peut investiguer les techniques et le statut social, et cela également en passant par l’analyse des (rares) films qui mettent en scène des personnages pratiquant cette profession (Singing in the Rain, Femmes au bord de la crise de nerfs, Hollywoo, etc.).

Tout texte de doublage ou de sous-titrage offre une interprétation de l’oeuvre originale, et résulte d’une « technique » spécifique définie par les nécessités de la synchronisation entre le mot et l’image. L’examen du doublage s’inscrit en outre dans une réflexion sur l’oralité du cinéma parlant (et même du « muet » si l’on prend en compte les traductions qui étaient proférées live dans la salle), car le texte y est porté par une voix dont les caractéristiques, associées dans l’espace de réception à certaines connotations socioculturelles et à divers intertextes, orientent la lecture qui est faite du film.

L’histoire du cinéma – ou d’autres médias qui héritent de ses pratiques ou sont confrontés à la même coprésence du verbe et de l’image animée, comme la télévision, Internet ou les jeux vidéo – peut se lire à travers la problématique du doublage en fonction de différentes perspectives que nous espérons pouvoir croiser à l’occasion de ce colloque : l’histoire technologique (incidences sur la production et l’exploitation cinématographiques de la généralisation de la postsynchronisation, du son magnétique stéréophonique ou numérique, du cinéma en 3D…), l’historiographie des discours sur le son au cinéma, l’histoire sociale et nationale de la réception des films (la politique des exploitants, le culte cinéphilique de la « vo », l’usage d’une voix-over unique dans certains pays de l’Est, le « benshi » nippon…), l’histoire esthétique (la suppression des sous-titres dans les années 1920 à des fins artistiques, les réalisations en « versions multiples » dans les années 1930, l’intégration du sous-titrage ou du doublage à l’intérieur de versions originales, les pratiques de détournement).

Ces paramètres se prêtent également à des considérations théoriques et pratiques, notamment quant aux principes qui sous-tendent certains dispositifs spécifiques de projection (par exemple lors de festivals) ou quant aux effets respectifs de la présence d’une parole orale ou écrite simultanément aux images, selon des régimes énonciatifs variables.

Un autre versant que nous aimerions aborder relève plus spécifiquement de l’étude des choix de traduction et de la comparaison de différentes versions de films « traduits » dans différentes langues – choix qui débutent avec le titre même du film – et de leurs implications sur la lecture, l’interprétation et la réception d’une oeuvre audiovisuelle dans des cultures distinctes. Des analyses comparatives de différentes versions de films originaux et traduits devraient permettre d’appréhender les phénomènes de traduction dans le champ de l’audiovisuel sur un plan littéraire et linguistique, contribuant ainsi à la théorisation de ce champ d’études en traductologie.

Organisé simultanément à la parution du numéro 23-24 de la revue Décadrages consacré à ces questions, ce colloque international entend favoriser les échanges entre les disciplines (histoire du cinéma, sciences du langage, théorie des médias…) et envisager les productions médiatiques dans leur diversité, non seulement en termes de régions linguistiques, mais aussi de supports et de genres (pour le cinéma, on prêtera également attention aux films documentaires, au cinéma d’animation ou à l’expérimental). L’objectif est de saisir à partir de différentes approches les enjeux herméneutiques, sémiotiques et historiques des pratiques de la traduction lorsque le texte écrit ou proféré est confronté à l’image animée.

Les propositions de communications, munies d’un titre provisoire, d’un résumé d’env. 400 mots précisant les principaux objets de l’étude et la perspective adoptée ainsi qu’une brève présentation de l’auteur doivent être soumises au plus tard le 1er décembre 2012 à Alain.Boillat@unil.ch ou à Irene.WeberHenking@unil.ch.

Nous prions l’auteur d’indiquer dans quelle langue il présentera sa conférence, et s’il possède ou non des connaissances dans la seconde langue du colloque (français ou allemand).

Une publication des actes est prévue.