Agenda
Événements & colloques
Traduire la lettre: dialogue (séminaire Translations)

Traduire la lettre: dialogue (séminaire Translations)

Publié le par Frédérique Fleck

Séminaire « Translations » - équipe « Anachronies »

Séminaire transversal DSA - LILA (ENS), en collaboration avec l’Atelier de théorie littéraire de Fabula.

 

Séance 6 - Traduire la lettre : dialogue

Vendredi 18 mars 2016, 14h-16h

ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris, salle de séminaire du Centre d'Etudes anciennes

Intervenants : Jonathan Baillehache, Lily Robert-Foley

 

 

Cette séance tournera autour du projet de Lily Robert-Foley Glyphmachine, qui propose plusieurs traductions d’un texte de l’artefact « La stèle de Cascajal » de la culture préhispanique Olmèque dans le Sud du Mexique. Cet artefact consiste en 62 glyphes, dont les significations sont inconnues. Les glyphes ne font partie d’aucune langue existante. Une vérification de l’authenticité de l’artefact même reste à faire. Cette intervention posera donc la question suivante :  comment traduire une langue qui n’existe pas ? Ou plutôt comment traduire à partir d’une littéralité mise en épochè, où la traductrice n’a que la « lettre » au sens bermanien, sans sens, pour base de sa traduction ?

Dans sa construction d’une pensée de la traduction comme « visée éthique », Antoine Berman pose aussi la traduction comme dialogue, comme rapport à l’autre - mais l’autre conçu comme œuvre littéraire, dans le dépassement de son contexte d’« origine ». Une traduction d’un texte qui « n’existe pas », qui est indéchiffrable, qui n’a pas de sens par lui-même, et qui n’appartient à aucune langue, ne peut qu’être un dialogue avec l’étranger qui réside au cœur de la traductrice, ou la traduction elle-même. Mais quels sont alors les enjeux soulevés par une telle traduction ? Quelles sont les constructions, les métaphores, les politiques de l’autre conçu à partir de soi-même ?

Dans Lettre pour lettre, transcrire, traduire, translittérer, Jean Allouch décrit comment le déchiffrage des hiéroglyphes égyptiens, autrefois réputés indéchiffrables, a impliqué une forme d’écriture fondée sur la translittération, c’est-à-dire sur une forme d’écriture prenant appui sur la correspondance entre des lettres appartenant à des systèmes d’écritures étrangers l’un à l’autre. Que le déchiffrage des hiéroglyphes égyptiens ait été rendu possible par tout autre chose que leur interprétation par le sens pose la question du statut de la lettre en traduction. C’est cette question que reprend Antoine Berman dans La Traduction et la lettre ou L'Auberge du lointain, en décrivant des traductions qui portent non pas sur le sens mais sur « la lettre » du texte littéraire : ce qui d’un texte littéraire résiste à l’interprétation. Berman décrit comment ces traductions, par le recours à des homophonies, des calques, des néologismes, des translittérations et des inventions de langues chiffrent ce qu’elles ne peuvent pas interpréter. L’éthique de la traduction, selon Berman, est justement fondée sur la valeur d’hospitalité que prend la langue traduisante lorsqu’elle devient l’outil d’un chiffrage dont l’interprétation est remise à plus tard. Nous verrons donc comment la traduction de la littérature, comme celle des hiéroglyphes de jadis, invitent les traducteurs à chiffrer, c’est-à-dire à écrire de l’écrit avec de l’écrit.

 

Bibliographie :

- Allouch, Jean, Lettre pour lettre, transcrire, traduire, translittérer, Éres, 1984;  voir en particulier le chapitre six, "Lecture d'un déchiffrement", p. 126-151.

- Berman, Antoine, La traduction et la lettre ou l'Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999; voir en particulier le dernier chaptire "L'Eneide de Klossowski", p. 115-141.
 

NB : La bibliographie est restreinte à dessein pour que les participants puissent prendre connaissance de l’ensemble de ces textes, qui serviront de base commune à la discussion.