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Écopoétique et études animales littéraires (SELF XX-XXI, Paris)

Écopoétique et études animales littéraires (SELF XX-XXI, Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : marie-hélène boblet)

Table ronde organisée par la SELF XX-XXI

​avec le soutien de l’UMR THALIM et de l’Université Sorbonne Paris Cité

Écopoétique et Études animales littéraires

  • 14h : « Littérature et défense de l’environnement » 

Table ronde avec Alice Ferney et Paul Watson, animée par Pierre Schoentjes

Il existe aujourd’hui dans l’ensemble de l’Europe comme en Amérique du Nord un nombre important d’œuvres qui interrogent notre rapport à la nature. Depuis une trentaine d’années au moins la littérature française a, elle aussi, fait une place toujours grandissante aux problématiques environnementales. Si l’humanisme anthropocentré demeure l’horizon de pensée du grand public et qu’une certaine méfiance s’exprime toujours dans les milieux littéraires envers le militantisme écologiste, il est manifeste toutefois que les enjeux environnementaux s’imposent aujourd’hui avec force.

Dans ce contexte, Le règne du vivant (Actes sud, 2014) d’Alice Ferney marque un moment charnière : il s’agit en effet du premier texte littéraire qui, sur fond de célébration de la beauté naturelle, choisit de manière aussi explicite le côté de l’engagement. Ferney s’était déjà tournée vers des thématiques qui interrogeaient notre relation au vivant. Dans la guerre (Actes sud, 2003) avait ainsi pris prétexte d’un roman sur la Première Guerre mondiale pour s’attacher à un chien et montrer en chiasme la déshumanisation de l’homme et l’humanisation de l’animal à cette époque de violence extrême. S’inspirant de l’action de Paul Watson et de la Sea Shepherd Conservation Society, Le règne du vivant propose cette fois le portrait d’un activiste-pirate tout entier dévoué à la préservation des océans. Le protagoniste partage avec son célèbre modèle la conviction que pour être un lieu qui n’appartient à personne, les eaux internationales n’en sont pas pour autant un espace où tout est permis… certainement pas le massacre des grands mammifères marins et des requins.

Paul Watson avait déjà fait l’objet de documentaires et de séries télévisées anglo-saxonnes et son ouvrage Earthforce (Actes Sud, 2015 [1993]) –« manuel de l’éco-guerrier »– vient d’être traduit en français. Son action n’a plus guère besoin d’être présentée, mais sa transformation en personnage de roman lui confère une dimension supplémentaire en même temps qu’une visibilité accrue auprès du public francophone.

Faire dialoguer la romancière et l’homme dont elle s’est inspirée fournira l’occasion d’aborder une série de problématiques qui concernent à la fois des enjeux environnementaux et des questions d’écriture. Côté action, l’on pensera évidemment à l’éthique sous-jacente, à l’expérience du monde concret, à la place de la violence ou aux rapports avec les médias ; côté littérature, l’on songera à la manière dont une éthique environnementale venue des pays anglo-saxons s’acclimate en France, à la réactualisation de formes littéraires anciennes, au recours au lyrique ou au sensationnel, à la place du discours didactique. Une série d’interrogations, donc, qui s’inscrivent dans une réflexion autour de la légitimité retrouvée de l’engagement.

 

  • 15h30 : « Zoopoétique et éthologie philosophique » : entretien entre Dominique Lestel et Anne Simon

Philosophie, éthologie et études littéraires commencent depuis quelques années à croiser leurs démarches et leurs problématiques, pour renouveler les questionnements l’animalité et les bêtes. L’entretien entre Dominique Lestel et Anne Simon a pour objectif de donner un aperçu des apports épistémologiques et éthiques liés à l’inscription du poétique et du philosophique dans le champ d’une réflexion sur le vivant fondamentalement hybride.

Auteur d’une œuvre philosophique axée sur la problématique animale qui fait référence en France comme à l’étranger où il a occupé de nombreux postes de recherche ou d’enseignement, Dominique Lestel développe une « éthologie philosophique » qui explore les façons dont l’humain se constitue à travers sa vie partagée avec l’autre qu’humain (animaux, végétaux, champignons, artefacts quasi-autonomes et fantômes). Méthodologiquement, il pratique une « philosophie de terrain » qui le conduit à se compromettre avec le monde et à étudier le vivant selon des perspectives éthiques, épistémologiques, écologiques et politiques. Il s’attache à introduire en France des penseurs encore trop méconnus, comme le Norvégien Arne Naess, l’Américain Paul Shepard ou l’Australienne Val Plumwood, et étudie les porosités entre pratique philosophique et pratiques artistiques.

Maître de conférences à l’École normale supérieure, où il anime un « Laboratory for Divergent Philosophy », Dominique Lestel est notamment l’auteur de Les Origines animales de la culture (Flammarion, 2001), L’Animal singulier (Seuil, 2004), Les Amis de mes amis (Seuil, 2007), L'Animal est l'avenir de l'homme. Munitions pour ceux qui veulent (toujours) défendre les animaux (Fayard, 2010), À quoi sert l’homme (Fayard, 2015) et Eat That Book. A Carnivore Manifesto, à paraître en mars 2016 aux Columbia University Press dans une collection végétarienne.

La recherche d’Anne Simon se situe au croisement de deux axes : l’expression du sensible et du vivant ; les relations entre pensée, existences singulières et création littéraire. Elle s’emploie à formaliser une nouvelle approche des textes, la zoopoétique, qui interroge l’expression littéraire des modes d’être animaux (syntaxe, tempos, point de vue…) et les liens entre production romanesque et vitalité animale, à partir d’un ancrage interdisciplinaire qui tient compte d’investigations historiques, philosophiques, éthiques et éthologiques. 

Chercheuse CNRS rattachée à l’École des hautes études en sciences sociales (Centre de recherches sur les arts et le langage), responsable du programme Animots, elle a codirigé « Face aux bêtes », L’Esprit créateur, 2011 ; « Humain/Animal », Contemporary French and Francophone Studies, 2012 et « Zoopoétique », Revue des sciences humaines, à paraître en 2017.