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Appels à contributions
“Race and Literature, 1848-1904” (Nineteenth-Century French Studies)

“Race and Literature, 1848-1904” (Nineteenth-Century French Studies)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Daniel Desormeaux)

 Special Section: “Race and Literature, 1848-1904”

Dir. Daniel Desormeaux

Nineteenth-Century French Studies 50.3-4 (2022)

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Nineteenth-Century French Studies invites contributions, in English or in French, to a special dossier on race and literature from 1848 to 1904, directed by Daniel Desormeaux.

The very brief overview just below is followed by a longer version, in French. Interested colleagues are invited to contact the guest editor with any questions, and to send him all related submissions, at: ddd@jhu.edu

This project seeks to interrogate the relevance of the concept of race, in particular the ways in which literary texts contribute to thinking about race that can reinforce or challenge dominant discourses and that autonomously establish their own criteria for analysis. We are particularly interested in receiving proposals that seek to explore, from a transversal and comparative perspective, race’s interaction, on a global scale, with the literature of the period. Without privileging any particular approach, the editorial committee is interested in cross-disciplinary studies considerations that could respond to one of the axes listed in the longer, French “argumentaire” below (please note that the list is not exhaustive). Consistent with the journal’s practice, submissions will only be accepted after successful double-blind review.

Timeline:

- 1 March 2020: deadline for initial abstracts (max. 500 words)

- 1 September 2020: deadline for articles (max 7000 words)

- March 2021: editorial decisions (from the guest editor and the journal’s Editorial Board)

- Spring-Summer 2021: revision of accepted articles

- October 2021: final decision of articles for which revisions were invited

- Autumn-Winter 2021-22: copyediting, correction of page proofs

- Spring 2022: publication of special dossier in Nineteenth-Century French Studies 50.3–4, Spring-Summer 2022. 

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Race et littérature entre 1848-1904

Ce numéro spécial de la revue Nineteenth Century French Studies se propose de rassembler des contributions sur toute forme de rapport entre « Race et Littérature » au XIXe siècle, plus précisément au cours de la deuxième moitié (1848-1904). Des zones d’ombre sur le processus d’infiltration des controverses raciales dans la littérature par le biais de l'histoire, la religion, l'anthropologie, la philologie, l’esthétique et la science, ont encore besoin d’être élucidées. Récemment, par exemple, un ouvrage collectif portant sur l'esclavage dans la littérature – sous la direction de Sarga Moussa, Littérature et esclavage, XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Desjonquères, 2010 – nous a permis de découvrir la véritable figure de l’esclave dans la production littéraire, alors que l’on croyait que l’histoire de l’esclavage avait épuisé notre connaissance de l’esclave réel. Ainsi l’originalité d’une perspective littéraire de l’esclave se révèle-t-elle quasiment détachable, à plus forte raison indépendante de l’histoire coloniale classique. 

Soyons résolument littéraire sans empiéter sur d’autres démarches. Notre numéro se gardera d’être un ouvrage strictement centré sur l’anthropologie raciale et la plantation car la littérature a son mot à dire sur la race sans qu’elle ait besoin d’abandonner le haut du pavé à la politique, l’histoire et la science. Déjà plusieurs indices permettent de discerner que la littérature en France et dans les pays francophones s’est penchée directement, bien avant d’autres disciplines, sur les « races » au XIXe siècle, c’est-à-dire avant l’époque où se développèrent tous les ferments qui vont conduire à l’avènement des idéologies racistes et nationalistes au cœur du XXe siècle. Y a-t-il un ou plusieurs moyens de mettre en évidence, si possible, la « littérarité » du concept de race et de ses usages littéraires, même quand le recours à des considérations pluridisciplinaires s'imposera tôt ou tard à notre démarche ?

Pourquoi nous concentrer sur la deuxième moitié du XIXsiècle ? Cela va de soi. Quelque chose d'inattendu, sans précédent, avait bougé pendant cette relativement courte période: d'abord l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848, ensuite la publication du monumental ouvrage, De L'Inégalité des races, d’Arthur Gobineau (1853-1855), la fondation par Paul Broca de la Société d'Anthropologie de Paris (1859), société savante plus ou moins chargée officieusement de confirmer la plupart des élucubrations racialistes de Gobineau, sans oublier, en 1863, les retombées géopolitiques de la Proclamation de l'émancipation de Lincoln et enfin l’incomparable contre-discours d'Anténor Firmin dans son ouvrage intitulé De L'Égalité des races (1882), qui paraît au même moment où Ernest Renan décrète que les races et les langues ne sont pas égales, pour ensuite affirmer que l'existence d’une nation moderne comme la France n'a rien à voir avec la prégnance de l’idée de race. 

Certes, nous voudrions appréhender le facteur littéraire de la race dans les sciences nouvelles: Anténor Firmin fut l’un des premiers anthropologues à engager un débat littéraire sans précédent sur l’idée des races. Son travail constitue le point de départ d’une alternative épistémologique au racisme scientifique ainsi qu’au racisme aristocratique. Face à la montée triomphale de l’anthropologie positiviste (la craniométrie par exemple), sous l’obédience de Gobineau, l’ouvrage de Firmin n’était pas une froide réfutation des arguments fallacieux de la science, c’est l’œuvre d’un auteur qui s’efforçait de déconstruire la connivence entre littérature et sciences humaines, qui étaient perçues comme deux modèles antithétiques de représentation du monde. D’après Firmin, dès qu’il s’agit de la race humaine, la littérature, lieu même des superstitions et des approximations, n’est guère en opposition au domaine de la rationalité théorique. Au contraire, c’est la littérature qui fournirait principalement aux idéologies racialisantes ses meilleurs arguments. En d’autres termes, tous ces savoirs scientifiques que l’on avait mis à la base des préjugés quotidiens sur les races au XIXesiècle ne faisaient qu’entériner ce que la fiction enseignait depuis longtemps. Pour Firmin, les courants anthropologiques découlent en grande partie des avatars de l’imaginaire littéraire ; certaines vérités péremptoires n’étaient que des formes épistémologiques qui s’inspirent des entreprises fictives. Par exemple, Firmin soutient que l’image négative du « mulâtre » dans le roman de Victor Hugo, Bug Jargal (1826), agit plus fortement sur l’imagination du grand public que les exhaustives élucubrations des ethnologues sur la miscégénation. Il avait raison sur ce point. Pour tant de membres de la Société d’anthropologie, les frasques littéraires d’Alexandre Dumas apparaissaient plus convaincantes, voire plus séduisantes, que toute vérification rationnelle sur le croisement entre race. D’où notre souci de peser sérieusement une vieille croyance que les sciences humaines au XIXe siècle accordaient la primauté aux connaissances pratiques sur l’élaboration des préjugés et des savoirs littéraires. 

 Notre réflexion collective ne visera pas le seul aspect scientifique de la race dans la littérature. Il y a depuis les époques coloniales ou même postcoloniales les velléités hégémoniques de la langue française sur des langues indigènes. Déjà, en 1797, Moreau de Saint-Méry, grand défenseur du préjugé de couleur, se demandait quelles races d’esclaves pouvaient et ne pouvaient écrire en français sur la plantation ? Il disait que certaines races d’esclaves à Saint-Domingue (les Alladas par exemple) sont pratiquement incapables de parler français. Rappelons que Toussaint Louverture, le premier mémorialiste « noir », était de la lignée du royaume d’Allada. En 1794,  Henri Grégoire et Barère de Vieuzac pensaient que le droit d'être considéré citoyen français devait passer par le devoir de parler et de bien écrire en français. Un esclave n’a aucun droit de cité ni de parole. Et que ne dit-on pas d’un « écrivain nègre » et francophone avant la négritude ? La langue coloniale, cent ans plus tard, fut-elle devenue plus lénifiante et plus inclusive ? Renan, dans un de ses déroutants discours de circonstance sur les vertus de l’impérialisme français, décrétait qu'un musulman qui parle français ne « sera jamais un musulman dangereux ».  Qui ne le parle pas est un cas perdu. Qu’advient-il alors du colonisateur, sans le Code noir en poche, sur les terres nouvellement conquises ? Où mettre la « race littéraire » dans les conquêtes culturelles et les découvertes des territoires étrangers ? Renan dit hautement ce qu'un Chateaubriand articulait en catimini dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem (1806) avec des sectaires comme Humboldt dans le domaine des théories linguistiques : qui parle uniquement une langue étrangère (inférieure), c’est-à-dire une langue autre le français, l’allemand, l’italien ou l’anglais, appartient à une race inférieure. 

Qu'en est-il finalement dans toute cette effervescence heuristique du savoir, autant démagogique que politique, des origines réelles des littératures francophones et des problématiques ethniques qui leur semblent propres ? Comment mesurer la participation des gens de lettres qui sont acculés souvent dans les marges et qui ont travaillé dans la formation ou le sabotage du concept de « mulâtre »comme outil de domination ? Comment des intellectuels et des écrivains caribéens vers le début du XXe siècle ont eu curieusement recours aux données de l’anthropologie raciale pour remettre en question les discours esthétiques dominants et la logique colonialiste de l’eurocentrisme ? Est-ce que dans son premier développement, la littérature d’expression française, s’il n’en fut jamais, apporta-t-elle une réplique satisfaisante aux sciences humaines profondément racialisantes, pour ne pas dire racistes ? 

En résumé, nous ne chercherons pas à nous interroger sur la pertinence du concept de race en dehors de l'étude de la littérature. On entend approfondir la façon dont les textes littéraires participent d'une pensée de la race qui peut renforcer ou remettre en question les discours dominants et qui, de façon autonome, établissent leurs propres critères d’analyse. Sur ce point, toutes les pistes d’intervention sont ouvertes ; nous noterons attentivement les propositions qui veulent explorer l’interaction globale de la race avec la littérature dans une perspective transversale et comparatiste. L’objectif principal veut que dans l’ensemble les contributions soient équilibrées tant par les convergences que par les divergences de pensée d’un point de vue hypothétique.  Sans privilégier à priori aucune approche en particulier, le comité éditorial retiendra des regards croisés de différentes disciplines sur le phénomène de la « race littéraire ». Les propositions, en anglais ou en français, peuvent porter sur les axes suivants, n’y sont pas limitées :

  • Le rapport entre la pratique littéraire et scientifique d'un ou plusieurs auteurs dans leur réflexion sur la race entre 1848-1904. Peut-on parler des races littéraires ?
  •  Exploration de la pensée ou l’existence éventuelle d’une race d’écrivains faisant écho au lien qui ramène le style à la notion d'homme depuis le discours de Buffon à l’Académie française. Modernité des races et/ou modernités littéraires. Le « parler nègre » des Goncourt.
  •  Le contexte culturel et géopolitique des théories racialisantes qui coïncident avec les premières enjambées des francophonies littéraires au début du XXe siècle.
  •  La race par rapport à d’autres concepts affleurant le fait littéraire comme ceux de marge, de colonialisme, d’impérialisme, de métissage, d’exotisme et même d’esclavage en fin de siècle.
  • Race et races dans la pensée romanesque, même dans une œuvre en particulier d’un auteur.
  • Histoires raciales et philologie : partir, par exemple, de la place imprudente et peu flatteuse de la philologie d’Ernest Renan dans le débat sur « le fait de race », « la race gauloise » et l’inégalité des cultures, l’usage de la langue française par des écrivains colonisés, autorisation des langues indo-germaniques et sémitiques et leur usage idéologique dans la littérature.
  • Des hypothèses de réflexion sur l’antisémitisme et le racisme colonial dans l'espace littéraire européen et francophone. Car à l’approche du centenaire de l’indépendance d’Haïti sous la IIIe République, ce n’était pas une surprise de voir resurgir de façon perceptible des raisonnements sur l’existence de la première république noire, sur l’adéquation entre race et démocratie, sur la légitimité culturelle et/ou politique de l’expansion coloniale à la fin du siècle.

Calendrier :

  • Les intéressé(e)s ont jusqu’au 1e mars 2020 pour soumettre une proposition d’article (500 mots maximum). 
  • 1e septembre 2020 : date butoir pour soumettre directement l’article en pièce jointe d'un e-mail à Daniel Desormeaux (ddd@jhu.edu).
  • Mars 2021 : premier tri du comité de rédaction de la revue NCFS.
  • Printemps-été 2021: période de révision des articles retenus.
  • Octobre 2021: ultime décision éditoriale.
  • Automne-hiver 2021-22: correction des épreuves.
  • Printemps 2022 : parution du numéro spécial Race et Littérature