Revue
Nouvelle parution
Semiotica 170 1/4.

Semiotica 170 1/4.

Publié le par Marc Escola (Source : Mohamed Bernoussi)

Semiotica 170 1/4 , Berlin/New York, Walter de Gruyter, 2008.

Semiotica,
Triple special issue
Volume 170-1/4 (2008)


Le Royaume des signes ou la recherche sémiotique au Maroc
Guest Editor : Mohamed Bernoussi

Présentation
Mohamed Bernoussi

Semiotic research in Morocco : An Inventory
Mohamed Infi

Barthes ou Eco
Mohamed Bernoussi

Sémiotique de la réception et approche sémantique des textes
El Mostapha Chadli

La dimension interprétante de l'expérience onirique dans la tradition onirocritique musulmane
Mehdi Kaddouri

Social Context, Language and Semiosis in Wole Soyinka
Abdallah Malki

Review article
Le Corps comme non-signe dans la tradition arabo-musulmane



Le dernier numéro de Semiotica offre une matière bien copieuse pour cette rentrée puisqu'il abrite dans le même volume trois numéros spéciaux , le premier intitulé Semiotic perspectives on emergence, le second consacré à la sémiotique en Chine et le troisième à la sémiotique au Maroc dont on trouvera ici le sommaire et la présentation.

L'intitulé le Royaume des signes ou la recherche sémiotique au Maroc se veut d'abord un hommage à la pensée de Barthes et à son Empire des signes ; il voudrait aussi rappeler une réalité souvent négligée par nombre de sémioticiens, à savoir qu'on ne peut étudier les signes sans s'intéresser à ceux par qui ces mêmes signes transitent, ici  les Marocains en tant qu'entité historique ou semiosis.

L'objet de  ce numéro spécial est de faire écho aux aspects et aux problèmes de la recherche sémiotique au Maroc. Il tourne autour de quatre axes : le premier constitue une introduction globale, le second concerne la sémiotique et le patrimoine, le troisième concerne les possibilités d'application de certains modèles sémiotiques et le quatrième concerne des projets de synthèse, qui ont pour ambition de s'appuyer sur ce qui a été déjà entrepris en sémiotique pour construire des modèles d'analyse plus performants d'une part, et pour installer une sorte de dialogue entre par exemple la sémiotique de l'Ecole de Paris et les sémiotiques anglo-saxonnes d'autre part .

Le premier axe a pour but d'offrir une synthèse globale de ce domaine à travers deux études, chacune à sa manière. L'article de Mohamed Infi,  qui constitue un panorama des études sémiotiques entreprises depuis les années soixante, retrace l'évolution de ce champ depuis l'émulation créée par Roland Barthes lors d'un séjour académique à l'université de Rabat ; il constitue le point de départ d'une série de travaux consacrés à la théorie du sens chez les philosophes arabes ou dans d'autres domaines attenants à la sémiotique illustrés par les travaux de Ahmed Moutawakil (1982) et Abdelfettah Kilito (1983). Une percée nette du structuralisme s'est donc faite remarquer aux dépens d'autres sémiotiques. Mais comme le montre l'article de M. Infi, ces recherches variées sur le patrimoine arabe  ou sur des littératures modernes sont restées fragmentaires, isolées ou intermittentes : absence d'associations sémiotiques, de groupes de recherches,  peu de concertation entre les chercheurs et peu de recul envers les modèles adoptés, notamment en ce qui concerne le structuralisme. Pourtant, c'est presque à la même époque que d'autres études sémiotiques plus critiques et moins dogmatiques ont vu le jour en français ou  traduits d'autres langues. La Structure absente a vu le jour en 1972 sans susciter aucune réaction en France et encore moins au Maroc. L'article de Mohamed Bernoussi tente de comprendre ce silence et part d'une surprise : comment deux sémiotiques, celles de Barthes et d'Eco, nées presque en même temps, n'ont pas eu le même sort au Maroc. Les raisons de cela, comme l'explique l'auteur, ne sont pas dues qu'à des facteurs historiques ou académiques, influence du structuralisme français et dépendance de l'université marocaine  envers l'université française d'alors, mais aussi à des facteurs épistémologiques, politiques et culturels, liées en grande partie aux Marocains, à leur sensibilité au même, aux grands récits et à leur peu d'intérêt pour l'Histoire.

Viennent ensuite des articles sur des questions très précises, car à partir des années quatre vingt,  d'autres sémiotiques d'inspiration anglo-saxonne semblent être appréciées par les chercheurs. Les causes de cet intérêt sont dues à l'essoufflement relatif des sémiotiques structurales et à un intérêt de plus en plus grand pour les notions de lecteur, de réception et d'interprétation. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'étude de A. Malki  sur l'oeuvre de Soyinka : comment se manifeste l'épistémè sémiotique dans l'oeuvre de Soynika et quel rôle joue-t-elle dans l'économie générale de cette oeuvre?
Les problèmes relatifs à la question de la sémiotique et des philosophies arabo-musulmanes trouvent écho dans l'étude de Mahdi Kaddouri quand il s'interroge comment, par exemple, relire certains textes d'Ibn Sirine sur l'interprétation des rêves à la lumière de la notion d'interprétant de Peirce. C'est l'occasion de s'interroger sur les limites de tels rapprochements. C'est l'occasion aussi de répondre implicitement à la question de l'impact de l'interdit musulman de l'image sur la réflexion sémiotique, car comme le montre le compte rendu du livre de Farid Zahi (1999), la question du statut sémiotique du corps dans la tradition arabo-musulmane est étroitement liée à celle de sa figuration. En s'attaquant à la question du statut sémiotique et herméneutique du corps dans la tradition musulmane, l'auteur entreprend de débrouiller cette question complexe.

À ces études précises, viennent s'ajouter des projets de synthèse d'une portée globale. Comment envisager par exemple une méthode qui tiendrait compte de ces deux moments clefs de la vie d'un texte, son écriture et son interprétation ? L'article de Chadli El Moustapha  constitue ici un projet ambitieux qui viendrait enfin compléter le vide laissé par la plupart des méthodes d'analyse sémiotique, qui ne pouvaient aborder qu'un seul moment dans leur étude. — Mohamed Bernoussi