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Événements & colloques
Rousseau et l'Allemagne

Rousseau et l'Allemagne

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Tanguy L'Aminot)

Programme

Rousseau et l'Allemagne

Colloque international organisé par Reinhard Bach (Université de Greifswald) et
Tanguy L'Aminot (Université de Paris IV-Sorbonne U.M.R 8599 du C.N.R..S. )

A l'Université de Greifswald (Allemagne), du 23 au 25 avril 2009

et avec le soutien de L'Institut de Romanistique de Greifswald
et de l'U.M.R. 8599 du C.N.R.S.


Rousseau n'a pas entretenu avec l'Allemagne des relations aussi fortes que celles qu'il eut avec la Pologne, la Corse ou l'Italie. Il fut passagèrement l'hôte de Frédéric le Grand à l'Ile de Saint-Pierre, mais il avait une estime mitigée pour ce roi. L'Allemagne par contre, du XVIIIe siècle à nos jours, montre combien le philosophe de Genève l'a touchée. Sur le plan philosophique, politique, pédagogique, littéraire et social, Rousseau est là et bien là: de Fichte à Nietzsche, de Kant à Hegel, de Basedow à l'Ecole de Francfort, de Marx à Carl Schmitt, des antifascistes des années 30 aux Kommunes de l'après-68, l'influence de Rousseau se fait sentir.
 Si certains de ces auteurs ont déjà suscité un nombre important de commentaires, des secteurs entiers sont peu examinés comme la période 1933-1945 ou celle de l'après-guerre, jusqu'à la chute du Mur de Berlin en 1989. Les « Rousseau » produits par la République de Weimar, le Troisième Reich, la République Fédérale d'Allemagne (B.D.R.) ou la République Démocratique Allemande (D.D.R.) sont fort dissemblables et méritent d'être examinés dans le détail et dans leurs implications.
Ce colloque se propose donc d'examiner cette relation entretenue dans tous les domaines, de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu'à l'heure présente, avec l'auteur du Contrat social et des Confessions : comment des courants et des hommes ont été nourris de sa pensée, mais aussi, comment leurs réflexions et leurs actions ont à leur tour complété et révélé l'oeuvre du penseur genevois. Comment le rapport de la France ou de l'Europe avec l'Allemagne a aussi produit un regard différent sur Rousseau et les Lumières. Nous nous demanderons enfin si, après la chute du Mur, il convient de reformuler Rousseau en Allemagne.
La langue du colloque sera le français.


Programme

Reinhard BACH : Jean-Jacques Rousseau – réception et actualité.

La présence de Rousseau en Allemagne durant le XXe siècle est massive et contradictoire. Elle reflète par là les tensions politiques et idéologiques qui accompagnent l'histoire allemande, sans que ce fait eût été jusqu'à présent l'objet d'une analyse approfondie.
Ainsi, par exemple, la fortune chancelante de la République de Weimar influe sur certaines prises de positions de Stefan Zweig, Ernst Cassirer et Max Scheler vis-à-vis de Rousseau. Par contre, le travail de Victor Klemperer sur Le siècle de Rousseau témoigne, malgré sa profonde érudition, des aberrations que l'expérience de la persécution et du totalitarisme avaient pu produire. Et tout un scénario de lectures contradictoires de Rousseau, largement inconnu de nos jours, accompagne la confrontation des deux Allemagnes pendant un demi-siècle.
Mais en dehors des interprétations différentes, certains problèmes de recherches subsistent dont la solution pourrait contribuer à objectiver l'image de Rousseau.


LITTERATURE ET PHILOSOPHIE


Jacques DOMENECH : Stefan Zweig et Rousseau : une filiation par défaut.

La problématique à étudier concerne la réception de l'oeuvre de Rousseau à travers les écrits de Stefan Zweig. Cela paraît extrêmement difficile, à moins de  corollaire, voire de repère, le statut de Goethe, de l'avis général l'écrivain et le penseur le plus estimé par Zweig. Or, comme Rousseau, Goethe ne bénéficie d'aucune étude, d'aucune monographie, d'aucune biographie. À l'image de ce qui est vrai pour Goethe, on comprend mieux l'absence de tout écrit significatif de Zweig sur Rousseau. Casanova, Marie-Antoinette, Fouché, Stendhal, contemporains et parfois épigones de Jean-Jacques, ont été choisis par défaut. C'est l'idée que l'on pourra retenir ici, si l'on songe qu'il en est de même pour Goethe. D'ailleurs le rapprochement que nous opérons entre Rousseau et Goethe, qui n'est certes pas inédit, se trouve chez Zweig. Les deux maîtres sont souvent associés. Mais ce n'est le plus souvent que pour une remarque pertinente, un hommage sincère et bien vu, mais qui ne prête pas à un développement conséquent. Dans le meilleurs des cas, ce n'est que pour introduire l'étude d'un de ces personnages, sans nul doute secondaires pour Zweig, mais sur lesquels il se trouve à son aise pour traiter de littérature, d'histoire et de philosophie.
L'hypothèse que Zweig demeure quelque part trop sous l'emprise de Goethe comme de Rousseau n'est pas à dédaigner. D'autre part, cette démarche construit la modernité de Zweig. Elle assure sa filiation avec les deux icônes. Mais elle ouvre également la voie puisqu'il démontre l'importance des minores dans les diverses disciplines où il s'introduit comme un exceptionnel amateur éclairé.  
Soucieux de faire oublier une écriture de soi encombrante, Zweig pose des questions pertinentes mais intéressées à travers ses études sur Montaigne et surtout Stendhal, épigone complexe de Jean-Jacques dans sa Vie d'Henri Beyle. Il en est de même pour sa participation biaisée à l'historiographie de la Révolution française. Rousseau domine son temps à lire Zweig dans sa biographie de Marie-Antoinette. Quant à son Fouché, dans les pires moments, il devient le personnage exécrable et sans scrupule qui fait des Jacobins et de Robespierre les parangons de la vertu et de la fidélité à la Révolution que Zweig, peu doué pour le révisionnisme, enterre avec Thermidor, stigmatisant son répugnant fossoyeur, Thénardier de la Révolution, l'homme sans foi ni loi qui a échappé à l'emprise que Jean-Jacques a eue sur cette époque. Il faut citer à la fois ce qu'écrit Zweig de Mirabeau et de Jaurès pour corroborer, toujours par défaut, ce lien, diffus mais incontestable, qui relie Zweig avec Rousseau et son oeuvre.


Jeong-soun KIM : Les réminiscences de J.-J. Rousseau dans les Bildungsroman de Hermann Hesse.

Hermann Hesse (1877-1962) est incontestablement l'un des plus grands écrivains de l'Allemagne du XXe siècle.  Son importance en tant qu'écrivain  est marquée surtout par les oeuvres produites  à travers les deux guerres mondiales. Ces oeuvres majeures se caractérisent par la forme du roman d'éducation ou Bildungsroman. Hesse hérite directement des stéréotypes de cette tradition littéraire allemande, notamment  des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister de J.W.Goethe.
En parlant de l'héritage de Wilhelm Meister dans le Bildungsroman chez Hermann Hesse, il est naturel de remarquer  le grand retentissement de la philosophie de l'éducation de J.-J. Rousseau. Par l'individualité et la subjectivité de son esprit, par son tempérament qui le porte vers la nature et l'enfance, par son âme révoltée contre son temps et les idéaux de ses contemporains,  Hesse semble avoir communié avec les éléments conceptuels de l'éducation de J.-J. Rousseau.
Nous étudierons les réminiscences de ce penseur dans les quatre Bildungsroman majeurs de Hesse – Siddhartha (1922), Der Steppenwolf (Le Loup des Steppes, 1927), Narciss und Goldmund (1930) et Das Glasperlenspiel ( Le Jeu des Perles de Verre (1943)). Il est indéniable que c'est dans Siddhartha que se trouvent les grandes traces de J.-J. Rousseau et de sa philosophie de l'éducation.


 Catherine LABRO : Le problème Ernst Cassirer dans l'exégèse rousseauiste du XXème siècle. (1912-1963)

Problématiques les recherches entreprises par Ernst Cassirer sur l'oeuvre de Jean-Jacques Rousseau le sont à deux titres :
1) Elles le sont d'abord du point de vue de leur réception dans le contexte des années 30 et 60 en France. Leur première exposition à la société française de Philosophie le 27 février 1932 ne va pas sans difficulté. Mais plus surprenant encore est l'oubli dont elles semblent être victimes dans le contexte international de la critique rousseauiste des années 60 alors que l'on assiste à un changement de paradigme méthodologique et que la méthode inaugurée par Cassirer en 1932 dans son Problème Jean-Jacques Rousseau est devenu un topos de l'exégèse rousseauiste.
2) Les travaux de Cassirer sur Rousseau ne manquent pas de présenter aussi des difficultés de contenu. Du problème Jean-Jacques Rous seau à l'article « Kant et Rousseau » de 1945 en passant par La philosophie des lumières, Ernst  Cassirer révèle un nouveau Rousseau inconnu tant des historiens de la littérature français et allemands que des mouvements du Sturm und Drang et des romantiques anglais et français. Ce nouveau Rousseau moraliste, partisan d'une pure éthique de la loi, ne rencontre-t-il pas ses limites quand il s'agit de déterminer la place du sentiment rousseauiste dans l'esthétique du XVIIIème siècle ? La mise en cause par Ernst Cassirer de toute une tradition française et allemande faisant de Rousseau le père d'un nouveau sentiment de la nature est-elle véritablement justifiée ?
Notre propos en trois temps consistera, premièrement, en un exposé du contexte polémique, conceptuel et méthodologique entourant et la réception de l'oeuvre de Cassirer sur Rousseau en 1932, et son déni dans le contexte des années 60 où  paradoxalement sa méthode inaugurée dans Le problème J.J. Rousseau fait autorité.  Sera proposée, dans un deuxième temps, une présentation synthétique du nouveau Rousseau de Cassirer tel qu'il émerge du Problème J.J. Rousseau, de La Philosophie des Lumières et de l'article « Kant et Rousseau. » Et, nous procéderons enfin à un examen critique et génétique de l'objection, en apparence recevable, relative à l'impasse faite par Cassirer sur Rousseau romantique. Démonstration sera faite que non seulement  le reproche d'historicisme à l'endroit de la critique des oeuvres développée par Cassirer, si en vogue dans les années 60, n'est pas, malgré son style formel,  fondé mais encore qu'il eût pu s'il avait été dépassé être fort utile pour résoudre le nouveau dualisme introduit par la critique rousseauiste des années 60 à tendance hégéliano-marxiste entre l'introspection rousseauiste et son oeuvre politique.  Nos exégètes des années 60 ne tombent-ils pas en effet  dans un écueil analogue à celui de leurs prédécesseurs quand cessant de céder au lancinant diptyque : l'oeuvre/ la vie, ils retombent dans cet autre non moins lancinant  la vie / la praxis et se condamnent ainsi à devoir soit disculper, soit condamner la  préférence accordée par Rousseau à la fin de sa vie à l'introspection sur l'action politique ?  


Tanguy L'AMINOT : Max Stirner et Rousseau dans Eumeswil de Ernst Jünger.

En 1977, Ernst Jünger, âgé de 82 ans, fait paraître à Stuttgart, chez l'éditeur Klett-Cotta, un roman de près de 430 pages intitulé Eumeswil. Il y décrit, à travers la voix d'un narrateur du nom de Martin, alias Manuel Venator, un pays imaginaire dirigé par un dictateur, le Condor, du haut de la Casbah qui domine la cité. Le livre décrit et explore les jeux du pouvoir et le rapport que le narrateur entretient avec lui. Par sa position de steward à la Casbah et sa formation d'historien, celui-ci occupe une position de contemplateur privilégié des puissants. Il est l'homme de la réserve, celui qui peut recourir aux forêts – un thème cher à Jünger – pour échapper à la contrainte. Sa liberté se fonde théoriquement sur la philosophie de l'Unique, élaborée par Max Stirner dans Der Einzige und sein Eigentum (L'Unique et sa propriété) en 1845. Rousseau est également présent dans cet ouvrage comme dans d'autres écrits de Ernst Jünger. C'est sa rencontre dans un livre où l'individu s'accommode de la tyrannie qui fait l'objet de cette étude.

Henning TESCHKE : Progrès barbare – Rousseau et Benjamin

Walter Benjamin préparait un livre sur Rousseau et Gide, dont aucune ligne ne fut écrite. A quoi cette oeuvre aurait ressemblé, quelles thématiques communes pourrait contenir le dossier Benjamin-Rousseau, dont la présente immédiate demeure auprès du penseur messianique-marxiste ? Il faut trouver de premières réponses à ces questions. Elles s'en tiennent aux similitudes objectives qui lient le XVIIIe et le XXe siècles dans la perspective théorique des deux penseurs : enfance et origine, histoire individuelle et générique, domination et aliénation, premier et deuxième commencement, langue et expérience.


Jörn STEIGERWALD : Rousseau und der Anbruch der Moderne – Denkfiguren der Konstanzer Schule


Juliette GRANGE : Günther Anders et la référence à Rousseau dans l'anthropologie philosophique de l'après-guerre.

Rousseau génère pour Anders un idéal de mise en cause des valeurs de la culture moderne. Cette forme de critique de la culture fut discutée (à l'intérieur de l'École de Francfort en particulier).
Par ailleurs, l'idée d'un ordre naturel du monde et de sa séparation d'avec le mal moral, les cadres mêmes de la pensée de Rousseau semblent philosophiquement et politiquement obsolètes à l'aune des problèmes de l'après-guerre (Hiroshima). On lira sous cet angle d'une critique de Rousseau l'ensemble des ouvrages de G. Anders.
Rousseau peut-il servir de base à une écologie politique, à une philosophie de l'environnement ? Rousseau peut-il être l'inspirateur de sa propre mise en cause ?



CARL SCHMITT ET ROUSSEAU


Till R. KUHNLE : D'une lecture légitimiste de Rousseau à une théologie politique (Bonald, Donoso et Schmitt)


Pierre CRETOIS : La notion de territoire chez Schmitt, Kant et Rousseau.

Je proposerais une étude de la notion de territoire à travers une diagonale : Rousseau ( surtout les extraits sur le droit de la guerre et le chapitre I, 9 du Contrat Social ), Kant (Métaphysique des moeurs, doctrine du droit), Schmitt (Le nomos de la terre). Beaucoup contestent la lecture que Carl Schmitt propose (p.151 dans la traduction française aux PUF) de l'affirmation que Rousseau propose concernant l'état de guerre qui ne peut exister que d'Etat à Etat. Pourtant, elle semble corroborée par les textes (même si Carl Schmitt ne semble pas en saisir la portée).
La guerre, selon Rousseau, ne peut résulter que des relations réelles et non personnelles. En passant par Kant, il serait donc intéressant de montrer comment l'Etat seul est à même de garantir les propriétés individuelles, et, de ce fait (a) est caractérisé par un rapport stable à son territoire, (b) interdit que l'ancrage des citoyens sur leur terrain puisse entraîner une guerre (puisque par le droit civil qui garantit les propriétés de chacun se trouve également interdit l'atteinte aux propriétés des autres), (c) donc seul l'Etat qui reste dans une relation naturelle et non civile aux autres, peut entrer en guerre à cause de la stabilité même que constitue l'occupation du sol.


Karlfriedrich HERB : Loi et décision. Carl Schmitt, lecteur de Jean-Jacques Rousseau

La confrontation de Carl Schmitt avec le contractualisme moderne est en plein dans la lignée du Léviathan. Schmitt se retrouve lui-même dans la fixation du politique sur la décision souveraine de Hobbes et en retire énormément pour sa propre compréhension. Cependant, à l'ombre de ce penseur, un dialogue tout aussi inspirant se met en place avec un autre classique de la modernité, avec Jean-Jacques Rousseau. Proximité et distance, amitié et hostilité sont la loi de cette confrontation. Schmitt voit dans le Contrat social de Rousseau l'affirmation de  « l'irréfutabilité démocratique » de la souveraineté du peuple. L'identité des dominants et des dominés prend toutefois chez chaque auteur une forme bien différente. Alors que Rousseau lie la République à la volonté générale, à la norme de la démocratie directe, Schmitt unit souveraineté et exception. Ainsi, la loi et la décision, le législatif et l'exécutif, le pouvoir et la violence apparaissent dans un tout autre ordre. La présente communication veut poursuivre cette lecture caractéristique des termes-clés du républicanisme de Rousseau.


Eddy DUFOURMONT ; Hans Kelsen VS Carl Schmitt : Rousseau, l'Allemagne et la critique « anti-Lumières » de la démocratie dans le Japon du vingtième siècle, vue à partir de Yabe Teiji.

 La question de la présence de Rousseau en Allemagne et celle de l'Allemagne chez Rousseau invitent au premier abord à une réflexion comparatiste, mais il est possible de proposer un schéma tripolaire : le Japon, plus précisément le politologue Yabe Teiji (1902-1961), offrent une occasion de montrer que Rousseau et l'Allemagne ont été mobilisés à des fins spécifiques, qui ne sont pas inutiles pour comprendre le rapport entre Rousseau et l'Allemagne.
Yabe Teiji a joué un rôle important dans l'histoire politique de son pays, avant et après 1945, car dans les années 1930, époque de la montée du militarisme, il a rejoint le brain trust du Premier Ministre Konoe Fumimaro, où il contribua à la naissance de l'Association du soutien au trône impérial (Taisei yokusankai), censé remplacer les partis politiques. Après la guerre, il a participé à l'élaboration de la constitution et il a eu une grande influence dans la formation du Parti Libéral-Démocrate, parti conservateur au pouvoir depuis 1955, à l'exception d'un court intermède. C'est durant ces années que Yabe Teiji, qui a étudié en Allemagne au début des années trente, a proposé sa théorie de la politique, dont l'objectif était de poser les bases d'une “démocratie collective”(taishû teki shûminshugi), qui, comme nous le montrerons, tout en s'inspirant de Max Weber ou Ferdinant Tönnies, faisait appel à Carl Schmitt pour critiquer à la fois Rousseau, Hans Kelsen et la démocratie libérale en général. La critique par Yabe de la démocratie et de Rousseau, et la mobilisation de l'Allemagne à cette fin s'inscrit dans un discours « anti-Lumières », pour reprendre une expression de Zeev Sternhell, qui était loin de se cantonner à l'Europe.



LE NAZISME ET ROUSSEAU


Jeff RICHARDS : Hitler philosophe ? Liberté et communauté chez Rousseau et dans la pensée national-socialiste.

Cette communication prend comme point de départ les observations de Victor Klemperer qui, dans ses journaux de l'époque nazie, écrit que la propagande nazie se lit fréquemment comme des extraits des écrits de Rousseau. Est-il possible de reconstruire la présence de la pensée de Rousseau chez les nazis ? L'influence de Rousseau sur l'essor d'un « romanticisme politique » en Allemagne à partir du début du 19e siècle est incontestable. Même si Hitler ne cite jamais Rousseau dans Mein Kampf, il est par contre très souvent cité par Alfred Rosenberg dans Le mythe du vingtième siècle. Rousseau a influencé le grand juriste national-socialiste Carl Schmitt, parmi d'autres. En l'occurrence il faut reconstruire et réévaluer le contexte pour cette réception nazie de Rousseau. 
     I.                    Victor Klemperer : Rousseau, un nazi avant la lettre ?
     II.                 Rousseau et la théorie nazie de l'Etat : les « avocats de la couronne » et leurs emprunts à Rousseau
III.    Et audiatur altera pars : Lion Feuchterwanger et Ernst Cassirer.
IV.   
V.    Desinat in piscem mulier formosa superne ? Le mythe nazi et Rousseau.


Robert et Martine THIÉRY : Le J.-J. Rousseau de Jean Guéhenno, ou le cri d'une conscience pendant l'Occupation.

Dans une France déchirée entre résistances et collaboration, J.-J. Rousseau apparaît comme la catalyseur du cri de la conscience blessée de Jean Guéhenno, professeur et critique influents. Nous tenterons de dégager l'autoportrait de J. Guéhenno, un homme à la recherche d'une force d'âme qui lui donne le courage de résister face à l'horreur et à la lâcheté, à travers quelques grands traits fondamentaux de la position morale du Citoyen de Genève.


Pascale PELLERIN : Rousseau,  inspirateur du nazisme sous l'Occupation

Rousseau a-t-il ouvert la voie au totalitarisme moderne ? C'est ce que lui ont reproché les libéraux du XIXe siècle comme Benjamin Constant. Proudhon ne cachait pas son rejet de Rousseau. Plus proche de nous, Jacob Leib Talmon, dans les Origines de la démocratie totalitaire,  accusait Rousseau d'être le principal acteur de la démocratie totalitaire. Durant l'Occupation de la France par les armées nazies, Maurras et l'Action française fustigent chez le philosophe genevois le précurseur du romantisme qu'il rattache à la religion calviniste et à la germanité. On le proclame père spirituel de Herder, de Fichte et du nationalisme allemand. De son côté, Marcel Déat, dans plusieurs écrits parus, proclame que Jean-Jacques est totalitaire et que la conception de volonté générale a inspiré le nazisme. Nous essaierons d'analyser cette rencontre entre le Rousseau allemand et le Rousseau totalitaire et de comprendre son devenir dans la période de l'Occupation.



PEDAGOGIE ET BOTANIQUE



Béatrice DURAND : Hartmut von Hentig et Rousseau.

Hartmut von Hentig (né en 1925) est l'un des papes de la pédagogie réformée allemande de l'après-guerre. D'abord professeur de latin et de grec dans le secondaire, il a ensuite été nommé professeur de sciences de l'éducation à l'université de Göttingen, puis de Bielefeld. Il est également le fondateur de la Laborschule de Bielefeld, une école expérimentale (publique) destinée à tester des projets difficiles à mettre en oeuvre dans l'institution scolaire telle qu'elle fonctionne habituellement. Il est l'auteur d'une oeuvre pédagogique, politique et autobiographique importante. C'est aussi un intellectuel engagé qui a accompagné les débats politiques et sociaux de la République Fédérale. Il a en Allemagne une aura de « conscience morale » de la société (un peu comme Habermas).
La référence à Rousseau traverse toute son oeuvre. Il est également l'auteur d'une petite monographie sur Rousseau, Rousseau und die wohlgeordnete Freiheit (Munich, Hanser, 2003), qui est, avec celle de Robert Spaemann, Rousseau – Mensch oder Bürger. Das Dilemma der Moderne (Francfort, Klett-Cotta, 2008) et la mienne (Reclam, 2007) l'une des récentes monographies d'introduction à Rousseau en allemand. Il se reconnaît une dette envers Rousseau, au même titre qu'envers Platon et l'empirisme de John Dewey. Il fait de Rousseau l'un des pères de la Reformpädagogik.
Je ferai d'abord un bref compte rendu de la monographie en essayant de mettre en évidence ses enjeux : l'idée d'un Rousseau cohérent, à défendre contre les contresens dont il serait régulièrement l'objet, fournissant à notre modernité politique et sociale plusieurs de ses thèmes et concepts fondamentaux.
Dans un second temps, je m'intéresserai plus spécifiquement à sa lecture de la pédagogie de Rousseau. Rousseau est pour lui un modèle de radicalité dans sa liberté théorique. Le refus de Rousseau de prendre en considération les conditions d'une éducation réelle sont pour Hentig une occasion de poser la question des rapports de la théorie et de la pratique pédagogique. Ensuite, si la pédagogie de Rousseau n'est pas exempte de contradictions et de points qui nous choquent, ses principes fondamentaux sont toujours d'actualité. Enfin, Rousseau permet de poser la question des implications civiques de l'éducation, thème important chez H. von Hentig, pour qui toute éducation se fait toujours dans, par et pour la polis.


Karsta RAUTENBERG : La réception de la pédagogie de Rousseau dans les manuels d'éducation des années 60 et 70 au sein des deux Allemagnes.


Takuya KOBAYASHI : Trésors allemands des recherches rousseauistes: le Petit Herbier et les travaux d'Albert Jansen.

Si l'importance du lien entre Rousseau et la botanique - discipline abordée par le philosophe durant son séjour en territoire prussien - a souvent été relevée, les études dans ce domaine restent encore embryonnaires.
Dans cet exposé, j'analyserai en premier lieu la portée du Petit Herbier du musée botanique de Berlin, qui a été détruit durant la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que celle du Rousseau als Botaniker de Jansen, qui reste la référence bien qu'il n'ait jamais été traduit ni réédité depuis sa parution en 1885.
En second lieu, j'examinerai les raisons du désintérêt  des chercheurs vis-à-vis de ces documents uniques, même en Allemagne, et comparerai l'état des recherches à celui du Japon, qui a également connu une histoire malheureuse et étonnante au siècle dernier.