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Appels à contributions
Cinétrens, n°2, «Cartographie»

Cinétrens, n°2, «Cartographie»

Publié le par Université de Lausanne (Source : Cinétrens)

Cinétrens, n°2, «Cartographie»

Date limite pour l'envoi des articles: 1er septembre 2016

 

La revue Cinétrens est née à l'École Normale Supérieure de Lyon d'une initiative étudiante. Son ambition est d’ouvrir le champ cinématographique à une approche transdisciplinaire, c’est la raison pour laquelle nos appels à contributions s’adressent tout autant à des écrivains de cinéma – théoriciens, critiques ou auteurs – qu’à des cinéphiles d’autres horizons, désireux d’éprouver leur champ de spécialisation sur le territoire du cinéma. Chaque numéro propose ainsi un objet susceptible d’intéresser le cinéma, qui le travaille de l’intérieur et participe à sa définition ou à celle des pratiques des réalisateurs et des spectateurs. Cet appel est donc ouvert à toutes formes d’écriture, analytique, critique ou de création.

Après avoir abordé dans un premier numéro la thématique du « Rituel », le prochain numéro de la revue Cinétrens portera sur la « Cartographie. »

La cartographie et le cinéma partagent le même désir de l’anamorphose du réel. L’acte de transformer et de projeter sur une surface plane un ensemble d’informations, comme un reflet, une compréhension du monde, entraîne la carte et le film, ces deux types d’images, vers une relation intime voire amoureuse. Comme le cinéma, disait Serge Daney, la carte est une promesse, une promesse de voyage. Il suggérait un parallèle entre l’amour des films et l’amour des cartes, qui l’avaient fasciné, enfant, du fait de leur découpe méticuleuse de l’espace, de sa recomposition géométrique et colorée, de leurs jeux d’échelles, et plus largement, de la négociation perpétuelle entre la vision locale de l’homme et celle, globale, de Dieu. Celui qui regarde une carte embrasse d’un coup d’œil l’ensemble d’un monde.

Entre la fondation scientifique de la carte comme représentation objective et la multiplicité des productions et des interprétations, cosmogoniques et subjectives, poétiques et esthétiques, auxquelles elle donne lieu, la carte répond à des formes variées de modélisation. Teresa Castro distingue deux définitions historiques et théoriques de la carte. D’une part, celle-ci se présente comme système de communication par signes - Pierce par exemple range la carte dans la catégorie des « signes iconiques » : toute carte n’atteste pas nécessairement de l’existence de son référent. D’autre part, la carte s’entend comme un « dispositif visuel », c’est ainsi que les géographes la comprennent. Elle est pour eux une modélisation d’un espace réel et ne peut se concevoir qu’en référence à cet espace. Cette voie renonce à considérer la carte comme un ensemble de signes à déchiffrer mais s’intéresse aux enjeux matériels et structurels qui conditionnent son existence. Christian Jacob parle dans L’Empire des cartes de la « pluralité des dispositifs » montrant à quel point la carte est « un mélange problématique, ou la transparence de l’illusion référentielle coexiste avec l’opacité d’un support qui matérialise cette image. »

Ainsi ne voudrions-nous pas opérer une comparaison entre l’image d’une carte et l’image cinématographique mais plutôt révéler leur comportement jumeau, à la fois sur le plan historique et théorique. Nous voudrions alors interroger ce que Teresa Castro appelle « l’appel cartographique » du cinéma mais également le devenir réciproque de la carte, sa dérive cinématographique. Nous déterminons trois tentations partagées par le cinéma et la cartographie :

- Un langage universel. Comme les géographes, les théoriciens du cinéma ont cherché à déterminer une grammaire des images filmiques pouvant concurrencer le langage textuel ou pictural. Dans ce moment structuraliste, le cinéma comme la carte furent considérés comme des ensembles d’informations relayés par des signes et des conventions. Les chorèmes du géographe français Roger Brunet, par exemple, tentent d’établir un alphabet du langage cartographique. Cette tentative théorique formulée par Christian Metz et Jean-Louis Baudry répond à l’utopie cinématographique d’un langage universel inaugurée par Dziga Vertov depuis La Sixième Partie du monde (1926), essai cartographique des peuples de la Russie soviétique, jusqu’au premier intertitre de L’Homme à la caméra en 1929.

- Un outil de domination. Roger Brunet précise dans l’entrée « carte » des Mots de la géographie que « l’on rappelle volontiers que la carte n’est pas le territoire, ce qui est au mieux une tautologie, et au pire une expression de la crainte de ce qu’elle pourrait révéler. Il faut dire que la carte a toujours eu une grande puissance de rêve, d’évocation, voire de domination. » En effet, la carte est un outil pour maîtriser l’espace et également le temps. Elle révèle historiquement, avec des applications différentes, la valeur performative de l’image qui acte et atteste par le simple fait de montrer. Dans quelle mesure peut-on porter au crédit du cinéma une telle puissance de mise en forme symbolique de la réalité ou d’ordonnancement des représentations du pouvoir (pensons par exemple au générique des Dieux du stade de Leni Riefenstahl, tableau cartographique de la glorieuse Allemagne nazie) ?

- Le reflet parfait de la réalité. Voilà le rêve le plus fou et le plus démesuré de ces deux dispositifs visuels dont les régimes de représentation reproduit à différentes échelles la réalité. La carte se fonde sur des opérations mathématiques de reconnaissance et de calcul, le satellite épousant avec exactitude le contour de notre planète. Depuis les procédés photochimiques jusqu’aux calculs de l’image numérique, le cinéma a toujours cherché à fonder une représentation « parfaite » de la réalité jusqu’à vouloir la réinventer complètement. De même que les utopies ont formalisé leur monde par le moyen d’une cartographie de l’imaginaire, le cinéma use de la carte pour représenter ses mondes possibles sans référence à une quelconque réalité : on remarquera que paradoxalement dans ces films, c’est l’outil cartographique même qui vient attester de la réalité de cet espace. Les différentes tentations éprouvées par ces deux types d’images, de l’hyper-réalisme aux cartes fantasmatiques, interroge constamment notre propre relation avec le monde et ses objets.

D’autres articulations entre images cartographiques et cinématographiques pourraient sûrement être formulées, il revient à nos futurs contributeurs de les éprouver sur le champ de leur propre domaine d’intérêt, de la topologie cérébrale des neurosciences aux cartes poétiques des Surréalistes, en passant par la notion de mapping dans le champ de l’imagerie informatique ou de la création artistique contemporaine.

Notes aux rédacteurs

- La date limite d'envoi des articles est fixée au 1er septembre 2016.

- La contribution proposée devra au minimum comporter 8.000 signes (espaces comprises), et ne pourra excéder 25.000 signes.

- L'usage des intertitres est fortement conseillé dans le cours de l’article, pour mieux en montrer les articulations.

- Les contributions de type analytique devront respecter les conventions typographiques usuelles de la rédaction universitaire. Les notes de bas de page devront être au format : NOM, Prénom, Titre, Lieu, Edition, pagination.

- La soumission des articles se fait par courrier électronique au format .docx à l’adresse redaction.cinetrens@gmail.com