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Onirisme et érotisme dans les arts

Onirisme et érotisme dans les arts

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Département de francais d´Åbo Akademi)

Onirisme et érotisme dans les arts

« Lʼérotisme, ce triomphe du rêve sur la nature, est le haut refuge de lʼesprit de poésie, parce quʼil nie lʼimpossible. »

Emmanuelle Arsan, Emmanuelle, Paris, Éric Losfeld, 1969

Cʼest dans nos songes que se manifestent le plus librement nos désirs les plus intimes. Or le rêve est souvent la source de notre inspiration et la matrice de nos aspirations. En effet, toute création répond à un désir érotique plus ou moins assumé. Déjà dans la Théogonie (116-123) d'Hésiode, Éros constitue, avec Chaos (la Béance), Nyx (la Nuit), Gaïa (la Terre) et Érèbe (lʼObscurité) lʼune des cinq divinités primordiales qui hantent les ténèbres de nos songes. Même si elle est la seule à ne pas engendrer, elle permet à Chaos et Gaïa de sʼaccoupler. Beau et immortel, Éros parvient à séduire l'intelligence et la sagesse et à se les soumettre. Pour Jean-Pierre Vernant, il « manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans lʼunité » (L'individu, la mort, l'amour. Soi-même et l'autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989). De ce fait, Éros (Amour) et Himéros (Désir) accompagnent Aphrodite depuis sa naissance (Théogonie, 201-202).

Dans les Rhapsodies, qui constituent la théologie orphique, Éros est également à l'origine de la création. Il naît de l'oeuf cosmique produit de l'union de lʼÉther et du Chaos. À la fois mâle et femelle, il possède de nombreuses têtes animales. Il engendre Nyx (la Nuit) et porte même les noms de Phanès (le Lumineux), Protogonos (le Premier-né) et Métis (la Ruse) (Alain Verjat, Éros est renversant. Sur les valeurs heuristiques de la figure mythique d'Éros, in : Éros volubile – Les métamorphoses de l'amour du Moyen Âge aux Lumières, éds. D. Jiménez – J.-C. Abramovici, Paris, Desjonquères, 2000).

Cette multiplicité de visages se retrouve justement dans Le Banquet de Platon, où Éros est présenté différemment en fonction des personnages du dialogue. Pour Phèdre, Éros est une divinité primordiale favorable aux hommes et leur inspirant de lʼaudace. Pausanias distingue deux amours. DE même quʼil y a deux Aphrodite, lʼAphrodite céleste, plus âgée, née dʼOuranos, et lʼAphrodite née du mâle et de la femelle, Zeus et Dionée, plus jeune et appelée Aphrodite triviale ou populaire, il y a aussi deux Éros, un Éros populaire, « l'amour qui règne parmi les gens du commun [qui] aiment sans choix, non moins les femmes que les jeunes gens, plutôt le corps que l'âme [et] n'aspirent qu'à la jouissance, […] peu leur importe par quels moyens », et un Éros fidèle, qui « ne recherche que les jeunes gens », qui nʼaime que le sexe masculin, « naturellement plus fort et plus intelligent ». Quant à Éryximaque, il complète la distinction des deux Éros faite par Pausanias : lʼÉros ne réside pas seulement dans l'âme mais aussi dans la beauté, « dans les corps de tous les animaux, dans les productions de la terre, en un mot, dans tous les êtres ». LʼÉros légitime et céleste est celui de la muse céleste Uranie. Quant à Polymnie, la muse de la rhétorique, il incarne lʼÉros vulgaire, que lʼon ne saurait favoriser qu'avec une grande réserve, de sorte que l'agrément qu'il procure ne puisse jamais porter au dérèglement.

Le grand mérite dʼAristophane est dʼavoir rapproché la puissance de lʼÉros au mythe de lʼandrogyne, car lʼhumanité a connu trois sexes originels : le masculin, produit par le soleil, le féminin par la terre et lʼandrogyne, composé des deux autres, par la lune). Éros est la force qui pousse les moitiés les unes vers les autres après leurs séparations par les Dieux.

Cette puissance de lʼÉros qui pousse à la Création, notamment artistique, se révèle dʼabord dans les rêves à lʼorigine des grandes utopies. Lʼart procède donc dʼun désir et déploie toute une palette de stratégies pour séduire.

Dans le cadre dʼune réflexion sur les arts littéraires et visuels, le présent ouvrage collectif propose de penser les liens et les rapports quʼentretiennent entre eux lʼonirisme qui inspire et lʼérotisme qui séduit. Comment les rêves portent-ils au(x) désir(s) de manière à ce que lʼartiste cherche toujours à se dépasser ou à transcender le réel ? Nous invitons les contributions à sʼintéresser notamment, sans restriction particulière, à lʼune ou plusieurs des pistes proposées :

  • · Lʼarticulation entre les phantasmes et les mythes
  • · Les figure(s) de lʼutopie
  • · Les désirs de création face aux tendances destructrices
  • · Les amours rêvées sʼenracinent-elles dans des désirs ineffa(ça)bles ?

Dʼautres voies restent encore à explorer. Tout projet répondant au cadre de réflexion proposé sera sérieusement examiné.

Le recueil sera publié par le soin du Département de langue et littérature françaises dʼÅbo Akademi chez un éditeur parisien. Les contributions auront une longueur de 30.000 à 45.000 signes. La direction est assurée par Andrea Hynynen et Daniel S. Larangé.

Les propositions sont à soumettre aux adresses suivantes : andrea.hynynen@abo.fi et daniel.larange@abo.fi avant le 15 novembre 2010. Un résumé sera attendu pour le 15 janvier. Lʼarticle définitif sera rendu le 15 mars. Il sera relu et commenté par la direction éditoriale. Des changements pourraient être demandés aux auteurs afin dʼharmoniser le recueil. La feuille de style sera communiquée au moment de lʼacceptation du projet. La direction se permet de refuser un article après sa lecture, si elle lʼestime insuffisant ou inapproprié au recueil. Le recueil collectif devrait être publié pour la rentrée littéraire de septembre 2011-2012. Chaque auteur recevra un exemplaire de lʼouvrage.