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Genre en séries, n° 7 :

Genre en séries, n° 7 : "Les écrits de la reception. Pratiques textuelles des publics médiatiques"

Publié le par Marc Escola (Source : Thomas Pillard)

« Les écrits de la réception :

pratiques textuelles des publics médiatiques »

Appel à contribution pour le numéro 7 de la revue

Genre en séries : cinéma, télévision, médias

(http://genreenseries.weebly.com/)

 

Coordination du numéro :

- Sébastien François, docteur en sociologie, postdoctorant au Labex ICCA, rattaché aux laboratoires EXPERICE (Université Paris 13) et CERLIS (Université Paris Descartes)

- Thomas Pillard, docteur en études cinématographiques et audiovisuelles, chercheur associé à l’IRCAV (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)

 

Présentation et appel à textes :

Lettres à la célébrité, courriers des lecteurs, analyses critiques, récits dérivés et fanfictions, etc. : l’écrit n’a eu de cesse d’être un vecteur privilégié pour prolonger des expériences de réception médiatiques. Par-delà les contenus qui leur donnent naissance, les différences de contexte historique ou les dispositifs de communication mobilisés, ces textes en disent souvent long sur leurs auteur×e×s, comme sur la composition et le degré de structuration des publics auxquels ils appartiennent (Abercrombie & Longhurst 1998 ; Cefaï & Pasquier 2004). Plus encore, ils sont un des lieux où se jouent et se révèlent les enjeux de genre (gender) qui façonnent ces différents publics (Buckingham 1993 ; Maigret 1995 ; Sellier 2009), fournissant aux chercheur×e×s des ressources précieuses pour traiter des problèmes théoriques, méthodologiques et épistémologiques liés à l’étude du « genre de la réception » (Biscarrat 2015).

Ce numéro de Genre en Séries entend rassembler des travaux qui prennent pour objet ces multiples pratiques textuelles et qui mobilisent, de différentes façons, le prisme du genre pour sa capacité à éclairer tant les contenus médiatiques consommés que les discours suscités. Les écritures « ordinaires », « domestiques » ou « non-scolaires » étant déjà hautement genrées (Blanc 1993 ; Lahire 1997 ; Lyons 2013), il semble essentiel de mieux connaître le profil des rédacteurs/trices de ces textes adossés à la réception d’objets culturels eux-mêmes porteurs de représentations et de normes genrées. L’étude des conditions d’écriture et, le cas échéant, de publication s’avère tout aussi fondamentale pour préciser les usages de tels écrits à des échelles individuelles ou collectives : dans le prolongement, par exemple, de travaux sur les appropriations différenciées de la lecture (Radway 1984 ; Long 2003 ; Albenga 2011) ou sur la construction des identités – adolescentes, masculines, féminines, LGBT, etc. – à l’aide des médias de masse (Kearney 2006 ; Cann 2014 ; Hilton-Morrow & Battles 2015), il s’agit de comprendre les modes de présentation de soi, les déterminations idéologiques ou encore les perceptions des rapports de genre qui s’élaborent à travers ces pratiques rédactionnelles. À l’heure de la multiplication et de la diversification des formes amateurs d’expression et de création (Jenkins 2006 ; Flichy 2010), l’écrit conserve de surcroît une place centrale pour la prise de parole, en ligne et hors ligne, d’une grande partie des récepteurs/trices. C’est pourquoi ce numéro s’attachera aussi à mettre en regard les analyses de matériaux hétérogènes, produits à des époques et dans des contextes variés : les continuités et les ruptures entre ces « écrits de la réception » – encore très inégalement étudiés par les sciences sociales – seront ainsi susceptibles de nous renseigner sur les logiques qui travaillent le genre autant que sur les manières dont celles-ci peuvent évoluer historiquement.

Dans cette optique, nous suggérons trois axes principaux de réflexion, non exclusifs, qui pourront guider les contributeurs/trices :

1)    Des textes entre consommation et participation culturelle 

Si l’écrit peut être un mode de relation aux objets médiatiques, certaines pratiques témoignent plus particulièrement de l’engagement des récepteurs/trices à objectiver leurs consommations culturelles, du témoignage incident (dans un journal intime, une correspondance, etc.) à la critique argumentée (dans un article de fanzine, un billet de blog, etc.), en passant par le commentaire ouvert, spontané et parfois très direct (à l’image de l’adresse à l’« idole » par courrier ou aujourd’hui via Twitter). Les publics maîtrisant l’écriture ont ainsi régulièrement cultivé des stratégies pour exprimer et développer leur rapport émotionnel ou analytique à tel ou tel objet médiatique, voire proclamer la nature de ce rapport dans la sphère publique, s’inscrivant, par là même, dans le « réseau de coopération » (Becker 1988) dont procède la culture de masse. Ce premier axe vise précisément à appréhender ces modes de communication en termes de genre, sur le modèle d’analyses situées mettant en relation la nature des prises de parole, les contenus qui les ont inspirées, leurs auteur×e×s, leur environnement socio-culturel ainsi que leur impact éventuel sur le champ social. Les échanges épistolaires (principalement entre lectrices) et la « lettre au grand écrivain » ont par exemple contribué à forger entre la fin du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle un régime de communication littéraire et un système d’évaluation des œuvres qui demeurent au cœur de nos pratiques contemporaines (Lyon-Caen 2006). De l’autre côté de l’Atlantique, le public adolescent et féminin américain a joué un rôle majeur dans l’essor d’une cinéphilie de masse ainsi que dans l’institutionnalisation du star-system, à travers l’envoi de courriers aux journaux, aux studios et aux vedettes (Anselmo-Sequeira 2015). De nos jours enfin, la grande majorité des blogs de critique de cinéma ou de séries restent tenus par des hommes, dont les logiques d’action individuelles accompagnent les mutations contemporaines du marché promotionnel des images animées (Dupuy-Salle 2014). Entre consommation et participation, comment l’écriture est-elle par conséquent mobilisée pour prendre part au fonctionnement de certains champs culturels ? À l’inverse, les industries culturelles n’ont-elles pas cherché à intégrer ces écrits profanes dans leurs propres stratégies, imposant aux amateurs des formes d’« injonction à la participation » (Andrejevic 2008) ?

2)    Écrire les politiques de l’identité

Ce deuxième axe permettra d’envisager la communication écrite comme un instrument de construction de soi ou de « fabrique de l’intime », pour reprendre cette expression liée au développement simultané, à partir du siècle des Lumières, d’une littérature conçue pour les femmes et d’une culture de l’écriture personnelle (Seth 2013). Ainsi, dans le sillage des travaux historiques menés sur les usages sociaux de certains contenus culturels tel le roman (Thiesse 2000 ; Hunter 2002), les contributions pourront traiter de la manière dont des pratiques scripturales ou rédactionnelles participent de la création d’espaces d’autonomie, d’apprentissage ou d’émancipation, en s’intéressant aussi bien aux identités féminines qu’aux identités masculines, queer, etc. Dans cette perspective, seront également bienvenues les études explorant des formes plus engagées de revendications identitaires, lorsque la réception devient un outil de politisation des rapports sociaux en offrant à une partie des récepteurs/trices la possibilité de faire entendre leur voix dans des arènes traversées par des conflits de définition et des luttes entre discours hégémoniques et contre-hégémoniques (Maigret & Macé 2005). On pourra alors se demander de quelle manière des contre-publics subalternes (Fraser 1990) tentent, à travers la médiatisation de leur parole et l’appropriation de certains objets culturels, de négocier ou de performer leurs identités (de genre, sexuelle, ethnique, générationnelle, de classe, etc.), de débattre des normes dominantes – en particulier, celles présentes dans ces contenus qui les inspirent – ou encore de redéfinir leur place dans la sphère publique. Plusieurs travaux rattachés aux fan studies ont par exemple souligné comment différentes catégories de fanfictions remettent en cause ou au contraire renforcent l’hétéronormativité des relations amoureuses dans nos sociétés (Jenkins 1992 ; Tosenberger 2008), tandis que d’autres enquêtes révèlent comment certains écrits de fans s’inscrivent dans le « fan activism », c’est-à-dire le soutien à des causes particulières telles que le combat contre les violences faites aux femmes (Jenkins & Shresthova 2012). Dès lors, les contributeurs/trices pourront discuter les potentialités démocratiques de ces foyers discursifs : lorsqu’ils sont le fait de publics marginalisés, peuvent-ils être perçus, vécus ou médiatisés comme des « écritures de la différence » (Zoberman 2008) ? Et peut-on dire que leur présence sur Internet est en train de changer la donne ?

3)    Les écrits amateurs comme activité collective

Le troisième enjeu de ce numéro sera de rappeler que les réceptions sont loin d’être purement personnelles et idiosyncrasiques. Même seul×e face à sa feuille ou à son écran, l’écrivant×e sait généralement que d’autres font ou ont fait l’expérience du même objet culturel, ce qui n’est pas sans conséquence sur ses productions écrites. En écho à ce qu’a pu observer Dominique Pasquier (1999) dans les lettres adressées par de petites fans aux acteurs/trices de la série télévisée Hélène et les garçons, les propositions pourront réfléchir à la manière dont les textes témoignent de l’existence de collectifs imaginés (et parfois largement fantasmés), comme le « public », les « bons » ou les « mauvais » fans, etc. On sait également que les amateurs entrent fréquemment en interaction avec d’autres acteurs bien plus tangibles, en publiant par exemple sur des supports dont ils/elles ne sont que les usagers et dont ils/elles subissent les règles et les aléas : que faire ainsi du travail de sélection et/ou d’édition de l’« homme-réponse » du courrier des lecteurs d’un magazine (Charpentier 2003 ; Pillard 2015) ou de celui des modérateurs de forums communautaires ? Les rédacteurs/trices peuvent en outre subir la censure de certains lieux de publication ou bien, à l’inverse, être partie prenante des organisations collectives qui concourent à façonner et à diffuser leurs textes, ce qui s’observe, entre autres, du côté des fanfictions, cas d’école pour l’analyse d’une écriture collaborative majoritairement féminine (Bacon-Smith 1992 ; François 2009 ; Jamison 2013). Ce dernier axe est donc un appel aux études qui s’attachent aux interactions, coopérations et éventuellement frictions entre participant×e×s à ces « mondes » de l’écrit, notamment quand y interviennent des dynamiques genrées. Les conventions d’écriture ou les catégorisations amateurs, en particulier, pourront faire l’objet d’analyses : celles-ci s’avèrent très utiles pour comprendre comment les modes d’appréciation des produits culturels se stabilisent ou évoluent, à l’image de ce que l’on peut repérer dans les pratiques textuelles cinéphiles (Jullier et Leveratto 2010 ; Pasquier et al. 2014) ou sériephiles (Combes 2011).

*

Les contributeurs/trices sont libres d’aborder tout type d’écrit, quels qu’en soient la teneur (épistolaire, commentative, fictionnelle, etc.) ou le support (papier, numérique, etc.), que les textes en question aient eu vocation à être diffusés ou à rester dans le for privé. Ils ont également la possibilité de traiter les objets d’affection (ou de dégoût) qui suscitent l’écriture dans toute leur variété, du contenu littéraire, musical ou audiovisuel aux célébrités issues des mondes artistiques, sportifs ou politiques. Toute proposition en provenance des différentes sciences sociales (sociologie, histoire, cinéma et audiovisuel, sciences de l’information et de la communication, etc.) sera considérée dans la mesure où les enquêtes s’appuieront sur des matériaux empiriques précis, issus d’archives, de recherches ethnographiques et/ou de collectes numériques. Les articles pourront traiter des récepteurs/trices les plus impliqué-e-s, à l’image des « fans », mais aussi des plus « ordinaires », pour peu qu’ils aient pris le stylo ou le clavier pour s’exprimer. Enfin, si les études portant sur des écrits produits de la fin du XIXe au XXIe siècle seront privilégiées, les travaux plus comparatifs ou s’appuyant sur des écrits amateurs plus anciens pourront, le cas échéant, être pris en compte.

Bibliographie :

La liste complète des références citées dans cet appel est consultable sur le site de la revue :

http://genreenseries.weebly.com/bibliographie-appel-numeacutero-7.html

Modalités de soumission des propositions d’articles :

Les articles soumis ne doivent pas avoir fait l’objet de publication dans une autre revue ou actes de colloque.

Les propositions d’articles sont à envoyer avant le 31 novembre 2016 et devront comporter la présentation du terrain et du corpus, expliciter la démarche mise en œuvre ainsi que le cadre théorique d’analyse mobilisé. Elles devront contenir un titre, un résumé de 500 mots minimum (800 maximum), une bibliographie indicative ainsi qu’une courte biographie, et être soumises, en français ou en anglais aux coordinateurs du numéro :

- Sébastien François : sebastien.francois@rocketmail.com

- Thomas Pillard : thomas@pillard.nom.fr 

Chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par courriel.

Calendrier prévisionnel :

-       Date limite d’envoi des propositions d’articles : 31 novembre 2016

-       Notification d’acception ou de refus : 15 décembre 2016

-       Envoi des articles complets : 1er mars 2017

-       Retours aux auteurs : mai 2017

-       Remise de l’article final : 1er septembre 2017

-       Publication en ligne : automne 2017