Nouvelle
Actualités
Mort de J.-B. Pontalis

Mort de J.-B. Pontalis

Publié le par Marc Escola

On apprenait il y a quelques jours la disparition du psychanalyste, écrivain et éditeur J.-B. Pontalis dans la nuit du 14 au 15 janvier, le jour même de son 89e anniversaire.

En septembre dernier, Fabula avait signalé dans l'un de ses éditoriaux la parution simultanée de deux de ses ouvrages:

Un volume d'entretiens avec J.B. Pontalis paraît ces jours-ci aux éditions de l'Olivier sous le titre Le Laboratoire central - Entretiens, 1970-2012, en même temps qu'un essai co-signé par le psychanalyste avec E. Gómez Mango: Freud avec les écrivains (Gallimard), où les deux auteurs examinent ce que la psychanalyse, et tout particulièrement son fondateur, doivent à la littérature. Rappelons à cette occasion la parution en 2007 du volume collectif Le royaume intermédiaire. Psychanalyse, littérature, autour de J.-B. Pontalis, sous la direction de J.-M. Delacomptée et F. Gantheret (Folio Essais).

*  *  *

On lira sur le site des éditions Gallimard une page d'hommage.

J. Garcin saluait également sa mémoire en ces termes sur le site BibliObs.com:

"Les rêveurs impénitents ont la vie devant eux, surtout vers la fin. A 80 ans, J.-B. Pontalis n'a jamais éprouvé davantage de regrets. Il les appelle des «voeux non exaucés» mais ne désespère pas de les réaliser un jour. Rien ne s'oppose en effet à ce qu'il devienne médecin de campagne et accouche «une jeune femme aux joues roses», s'éclate au trapèze volant, interprète «le Misanthrope» sur la scène du Français, ou peigne comme Bonnard. Le grand avantage de la littérature sur la psychanalyse, c'est qu'il suffit de coucher ses fantasmes sur le papier pour qu'ils rejoignent, au réveil, la réalité.

Paresseux contrarié et autobiographe capricieux, J.-B. Pontalis observe son passé comme il envisage son avenir: sans jamais le gouverner, en le laissant au contraire surgir à l'improviste, au hasard des objets, des paysages, des rencontres, des lectures qui le favorisent. Ainsi place-t-il en évidence, sur les étagères de sa bibliothèque, des photographies et des cartes postales qui, mises bout à bout, dessinent le fil torsadé de sa vie.

Sartre, dont il fut le collaborateur aux «Temps modernes», continue de fumer sa gitane maïs au Flore; Sylvie Germain, dont il a publié plusieurs ouvrages dans sa collection «l'Un et l'autre», est adossée à la Bible qui inspire ses personnages; Paul Valéry, qu'il allait autrefois écouter au Collège de France et dont les énigmatiques «Cahiers» le fascinent, voisine avec un cheval de Géricault. Il convient d'ajouter son ami Claude Roy à Venise, Merleau-Ponty en short, et le portrait en petit Chinois que fit de lui, en 1929, le peintre japonais Foujita.

Et puis il y a cette émouvante photographie, prise un été à Cabourg par un inconnu. Jean-Bertrand a 9 ans, il est de profil, face à la mer grise. Pour décrire le garçon qu'il fut, tenter de traduire son jeune désespoir, Pontalis glisse du «je» au «il»:

Peut-être ne s'est-il pas consolé, ne se consolera-t-il jamais de la mort de son père. Peut-être espère-t-il sans y croire le voir apparaître, ce père très aimé qui l'a abandonné, le laissant sur le sable.»

Aussi loin qu'il se souvienne, et après la disparition de ce paternel qui raffolait des femmes, des casinos et des courses, l'auteur du «Vocabulaire de la psychanalyse» a été un enfant triste, renfermé et solitaire. Il lui a manqué de pouvoir partager ses secrets, ses douleurs, ses espoirs. Il lui a manqué d'être écouté. D'où la manière avec laquelle, élevant une science à la hauteur d'un art, il écoute aujourd'hui ceux qui lui confient des bribes de leur mémoire blessée.

La sienne se promène, tantôt mélancolique, tantôt allègre, dans ce livre d'une étincelante simplicité. Comme dans sa bibliothèque, où les mots imprimés ont besoin d'être éclairés, il a augmenté chaque chapitre d'images, de photos et de croquis. La reproduction du «Songe de Constantin», de Piero della Francesca, donne à ce puzzle intime son sens, son mouvement et son titre.

«Le Dormeur éveillé» qui garde le sommeil de l'empereur romain, c'est lui, J.-B. Pontalis, sentinelle des rêves, philosophe mélancolique, géographe de l'incertain, écrivain de l'entre-deux, toujours à errer entre la nuit et le jour, le sommeil et l'éveil, le silence et la parole, l'enfance et l'âge adulte, le rêve et la douleur, la psychanalyse et la littérature, Freud et Flaubert, les deux rives de la Seine. On se souvient de son roman intitulé «Un homme disparaît». Voici qu'il apparaît dans le clair-obscur, et c'est très beau."