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Métalangage et expression du sentiment linguistique « profane »

Métalangage et expression du sentiment linguistique « profane »

Publié le par Sarah Lacoste (Source : Michelle Lecolle)

Appel à contributions pour un numéro de Le discours et la langue à paraître en 2014

Métalangage et expression du sentiment linguistique « profane »

Responsable du numéro Michelle Lecolle, Université de Lorraine, CREM

 

Qu’elles soient professionnelles ou privées, les situations de communication favorisant les pratiques explicitement métalinguistiques sont nombreuses : commentaires politiques, critiques de presse, enseignement et apprentissage des langues, traduction, rédaction professionnelle ou amateure... Parallèlement, on constate la vivacité d’une activité éditoriale « grand public » centrée sur la langue et les pratiques discursives, et la présence significative sur le Web de sites dédiés au vocabulaire, à l’histoire des expressions, à la correction grammaticale, aux figures rhétoriques ; les forums qui y sont associés sont souvent fort vivants.

Ces activités métalinguistiques, en tant qu’elles sont le fait d’« amateurs » – non linguistes, mais parfois savants –, font l’objet depuis quelques années d’un intérêt accru de la part de linguistes, sociolinguistes, historiens de la langue, dans l’espace francophone (voir Achard-Bayle et Paveau (dir.) 2008, et les références citées ; Achard-Bayle et Lecolle (dir.) 2009 ; Siouffi (dir.) 2012). Qu’elles soient abordées sous l’angle des rapports entre langue et culture, entre langue et sujets parlants, comme des manifestations de purisme (Paveau et Rosier 2008), en termes d’émotion, de jeu, de manipulation ; qu’elles donnent des indications (plus ou moins directes) sur des noeuds de problèmes ou des zones de changements de la langue elle-même, ou encore qu’elles fournissent des outils d’observation de l’apprentissage des langues ; qu’elles constituent, finalement, une source de renouvellement scientifique de la discipline, les activités métalinguistiques amateures possèdent de multiples enjeux, théoriques, méthodologiques ou applicatifs.

De son côté, le métalinguistique, comme langage, comme activité, comme vocabulaire, a été étudié sous différents aspects : sémiotique et sémantique avec les travaux fondateurs de Josette Rey-Debove (1978), énonciatif chez Jacqueline Authier-Revuz (1995) et, naturellement, dans une perspective historique (Auroux (dir.) 1989, 1992, 1997). Des ouvrages collectifs (Colombat et Savelli (dir.) 2001 et tout récemment Glikman, Mansour, Weiser (dir.) 2012) se centrent sur le vocabulaire métalinguistique en tant que terminologie de la linguistique. Enfin, la question de la terminologie linguistique et grammaticale parcourt les écrits théoriques de didactique des langues (voir, entre autres, Petitjean (dir.) 1998 ; Paveau et Rosier (dir.) 2005 ; Chiss et David 2011).

Dans ce numéro du Discours et la langue, on propose de situer la réflexion à l’intersection des deux problématiques évoquées : il s’agit de se centrer sur l’emploi du métalangage dans le cadre de pratiques métalinguistiques « profanes ». Sous le terme de « métalangage » on entendra ici spécifiquement le vocabulaire spécialisé de la linguistique (dans lequel on englobe celui de la grammaire, de la rhétorique, de la stylistique).

Les études sur l’histoire de la terminologie linguistique de tradition latine (B. Colombat) soulignent que cette terminologie, en particulier les termes reçus, est loin d’être cohérente. Il en est de même si l’on envisage les termes en synchronie. Les acceptions spécialisées de vocabulaire courant, sources potentielles d’ambigüité (genre, mode, voix, aspect, mais aussi figure, pour ne citer que des noms du lexique français) côtoient une terminologie réellement spécifique (morphème, lexème, diathèse ou encore zeugme, oxymore…). Des termes sont étendus hors de leur domaine d’application traditionnel, non sans problème (grammaire de phrase/grammaire de texte, voir les travaux de B. Combettes). Cette situation, à laquelle il faut ajouter la trompeuse familiarité avec le vocabulaire de la grammaire scolaire, est sans nul doute facteur de flottements et d’incertitude dans l’apprentissage de la discipline. Dans un cadre scolaire, l’introduction, par le biais des Instructions officielles ou des manuels, des notions et de la terminologie linguistiques occasionne des difficultés spécifiques, sources potentielles de crispations ou de conflits. 

Mais cette complexité peut aussi, paradoxalement, séduire. On constate en effet que le vocabulaire « savant » de la linguistique et plus encore de la rhétorique apparaît dans des contextes à première vue inattendus – des études systématiques permettraient de préciser ces emplois et leurs contextes.

On attend donc de ce numéro qu’il apporte des analyses croisées sur l’appropriation du métalangage dans des énoncés métalinguistiques « profanes », et sur leurs modalités – le point de vue adopté n’étant pas, a priori du moins, celui d’une dégradation ou d’un dévoiement du métalangage dans le discours profane, mais plutôt celui d’une attention spécifique portée à la porosité de la frontière entre pratiques discursives « savantes » et « profanes ».

 

On propose, à titre indicatif, les axes suivants, qui peuvent être abordés isolément ou de manière croisée, et en envisageant leurs enjeux didactiques.

Un premier axe permettra d’étudier la terminologie de la linguistique d’un point de vue sémantique, à travers les emplois qui en sont faits dans des activités métalinguistiques amateures : quels termes sont employés, ou privilégiés ? Certains fonctionnent-ils en série ? En système ? Peut-on observer un changement du sens des termes, et ce changement est-il systématisable ?

Un deuxième axe abordera la question des contours et des limites de la terminologie linguistique, vus à travers le prisme des discours de non-spécialistes. Ici se trouvera questionnée la distinction entre métalangage savant et métalangage ordinaire, ou encore entre termes de linguistique et lexique susceptible de relever plutôt de disciplines connexes : des mots tels que contradiction, raisonnement/raisonner, voire pensée/penser par exemple peuvent-ils encore être considérés comme métalinguistiques, et peut-on avancer des critères ? La question des variations du métalangage selon les parties du discours (nom, adjectif, verbe, adverbe métalinguistiques) se pose également. Enfin, peut-on, ou doit-on, poser une distinction entre métalangage et « métadiscours » (au sens, ici, d’une terminologie portant sur la pratique discursive : langue de bois, politiquement correct, petite phrase, élément de langage…) ?

Un troisième axe abordera le fonctionnement du métalangage en discours à travers les contextes de son apparition : y a-t-il des situations qui privilégient l’emploi profane du métalangage ? Des types de discours ou des genres qui le prescrivent, ou l’évitent ? On s’intéressera ici également aux fonctions discursives de l’emploi du métalangage : prestige ? Rendement argumentatif ? Souci didactique, besoin d’explicitation ?  

Références

Achard-Bayle G. et Lecolle M. (dir.), 2009, « Sentiment linguistique. Discours spontanés sur le lexique », Recherches Linguistiques n°30.

Achard-Bayle G., Paveau M.-A. (dir.), 2008, « Linguistique populaire ? », Pratiques 139/140.

Auroux S. (dir.), 1989, Histoire des idées linguistiques, tome 1, Liège-Bruxelles, Mardaga.

Auroux S. (dir.), 1992, Histoire des idées linguistiques. t. II, Liège, Mardaga.

Auroux S. (dir.), 1997, Histoire des idées linguistiques, t. III, Liège, Mardaga.

Authier-Revuz J., 1995, Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidences du dire, tome 1 et tome 2, Paris, Larousse.

Chiss et David, 2011, « Didactique du français et étude de la langue », Le Français aujourd'hui, n°HS01, 2011/5.

Colombat B. et Savelli M. (dir.), 2001, Métalangage et terminologie linguistique, Actes du Colloque de Grenoble, mai 1998. Bruxelles, Peeters, coll. « Orbis Supplementa ».

Glikman J., Mansour L., Weiser S. (dir.), 2012, Le Vocabulaire Scientifique Et Technique En Sciences Du Langage, actes du colloque Col'Doc 2007. En ligne (cf. site Modyco) http://modyco.fr/fr/event/cat_view/1004-coldoc/1015-actes-de-colloques-en-ligne/1021-actes-coldoc-2007.html

Houdebine A.-M. (dir.), 2002, L’imaginaire linguistique, Paris, l’Harmattan.

Paveau M.-A. et Rosier L. (dir.), 2005, « Penser, classer. Les Catégories de la discipline », Le Français aujourd'hui 151, 2005/4.

Paveau M.-A. et Rosier L., 2008, La langue française, passions et polémiques. Paris, Vuibert.

Petitjean A. (dir.), 1998, « La transposition didactique en français », Pratiques 97/98.

Rey-Debove J., 1978, Le métalangage : étude linguistique du discours sur le langage. Paris, Le Robert.

Siouffi G. (dir.), à paraître en 2012, « Sentiment de la langue et diachronie », Diachroniques 2.

 

Calendrier et modalités de soumission

- remise des résumés : 1 septembre 2012

- signification aux auteurs : 1 octobre 2012

- remise des textes : 1 avril 2013

- signification aux auteurs, commentaires et relecture : 30 juin 2013

- remise des textes définitifs : 1 novembre 2013

 

Les résumés d’article (une page) sont à envoyer à michelle.lecolle@univ-lorraine.fr

 

 

Attention : l’acception du résumé ne vaut pas engagement pour l’article lui-même.

Taille des articles : entre 30 000 et 35 000 signes, espaces, notes et bibliographie comprises.

 

 

Adresse de la revue Le discours et la langue

http://lediscoursetlalangue.wordpress.com/