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Les spoliations de l'art par les nazis (Centre Pompidou, Paris)

Les spoliations de l'art par les nazis (Centre Pompidou, Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Bibliothèque Kandinsky Centre Pompidou)

UNIVERSITÉ D’ÉTÉ DE LA BIBLIOTHÈQUE KANDINSKY
2 au 11 juillet 2015
CENTRE POMPIDOU, PARIS



LES SOURCES AU TRAVAIL
Les spoliations d’œuvres d’art par les nazis – la scène parisienne

APPEL A CANDIDATURE

Les choses durent plus longtemps que les gens. Il arrive toujours un moment où tous, acteurs et témoins, étant morts, les seuls contemporains de l’événement sont les lieux et les choses. Chaque anniversaire de la libération d’Auschwitz le montre bien : il y a de moins en moins de rescapés et bientôt il n’y en aura plus. Dans le même temps, cependant, l’actualité est toujours plus régulièrement bousculée par l’apparition — et l’éventuelle restitution — d’œuvres d’art spoliées par les nazis dans le cadre de leur politique de persécution antisémite. Les œuvres d’art, capables d’inscrire un passé lointain dans le vif du présent, sont-elles ainsi appelées à constituer les derniers témoins, évidemment imparfaits, de cette politique sans équivalent qui, pour toujours, a changé l’Europe ?

Le crime des spoliations et la politique de restitutions qui lui a répondu ont fait l’objet, depuis une vingtaine d’années, d’importants investissements, historiographiques, institutionnels, juridiques ou même artistiques. De nombreux colloques ou propositions artistiques récentes montrent à l’envie les enjeux brûlants qui se profilent derrière cette question patrimoniale qui n’est technique qu’en apparence. Dans la nouvelle édition de son Université d’été, la Bibliothèque Kandinsky propose de procéder à un réexamen du dossier en revenant au point de départ, c’est-à-dire aux sources.

Les sources ? On n’insiste jamais assez sur la multiplicité de leur sens et de leurs usages. Elles servent à écrire et comprendre l’histoire de ce qui s’est passé. Dans le cas présent, ce sont elles également qui permettent de débrouiller le parcours tortueux des œuvres et la légitimité des éventuelles demandes de restitution. Elles peuvent enfin servir de support à des opérations intellectuelles plus complexes, celles d’artistes contemporains dont les œuvres, se référant à celles que les nazis ont ciblées du fait de leur auteur ou de leur propriétaire, disent quelque chose de la manière dont ce passé est partie prenante de notre présent.

Or une source, en elle-même, à elle seule, ne dit rien ou si peu. Ce qui fait sens, c’est la manière dont nous sommes capables de les articuler les unes aux autres, de procéder à des raccords contextuels multiples et de donner à voir la stratification des enjeux de la spoliation. L’Université d’été mettra un choix de sources à disposition des participants qui sont, pour leur part, invités à enrichir cet ensemble en apportant les sources utilisées dans leurs travaux. Il s’agira certes, par un travail collectif, de mettre en œuvre un répertoire d’opérations historiographiques, mais aussi d’exercer son sens critique et sa capacité d’inventivité. L’Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky 2015 sera donc l’occasion de mettre les sources « au travail » – de mettre au travail de jeunes chercheurs, étudiants conservateurs ou artistes sur les sources des spoliations d’œuvres d’art par les nazis sur la scène parisienne.

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L’Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky 2015 constituera une expérience unique vécue au cœur même de l’espace du musée et animée par des intervenants issus de plusieurs disciplines. Elle prendra la forme d’une succession d’ateliers de travail arrimés aux sources autour de cinq thématiques conçues à partir d’une approche typologique.

Biographies des œuvres et des collections
Le musée est l’espace institutionnel des œuvres d’art. La collection s’y déploie selon une intelligibilité qui prend la forme d’accrochages ou de catalogues : ce sont des récits d’histoire dont les œuvres seraient les mots. Le plus souvent, il manque une tonalité à ces récits, conçus suivant des considérations patrimoniales et esthétiques : ils n’atteignent pas la profondeur de l‘histoire propre des œuvres, la couche de leur identité singulière. Car les œuvres sont chargées d’un passé, celui du rapport spécifique que leurs propriétaires successifs ont pu développer avec elles et qui a pu se trouver brisé par la spoliation. Les investissements de tous ordres – économiques, politiques, esthétiques, affectifs, familiaux, etc. – dont elles ont fait l’objet nous disent aussi quelque chose des œuvres et peuvent assurément changer le regard que nous portons sur elles. Il en est de même pour les collections, ces ensembles constitués de manière méthodique ou aléatoire où chaque pièce prenait sens.
Combien de collections n’ont-elles pas été anéanties durant la Seconde Guerre mondiale, réduites au mieux à l’état de listes, et combien elles nous manquent, puisqu’elles auraient pu témoigner des intentions du collectionneur, constituer des sources pour une histoire de la réception et une histoire du goût. En reprenant les sources, l’Université d'été entend pouvoir reconstituer la biographie d’œuvres et de collections et, les donnant à voir sur le lieu même de leur conservation, faire entrer en collision un discours esthétique et un souci d’histoire.

Biographies des fonds d’archives et des sources écrites
On le voit, l’histoire des spoliations et celle, jumelle, des restitutions, est avant tout une histoire d’archive. Les sources sont ce que le passé nous a légué pour reconstituer son histoire – étant entendu que ce legs est à la fois intentionnel et aléatoire : certaines sources survivent par accident, d’autres ont été volontairement détruites. Par le fait même qu’elles existent, elles transforment le lieu qui les accueille en archives. Les plus grandes archives sont institutionnelles, d’autres sont familiales ou professionnelles. Il y a beaucoup d’archives ignorées, qui restent à découvrir. Nous explorerons dans une deuxième thématique les archives et les sources papier, écrites. On n’omettra pas le parcours parfois improbable qui a fait des archives ce qu’elles sont : pillées, déplacées, rendues, détruites ou passées au tamis, ouvertes ou fermées. Une fois encore, qui plus est, un examen plus interdisciplinaire que celui mené usuellement par les spécialistes en recherche de provenances ouvre un grand nombre de potentialités de lectures et d’usages : chaque liste d’œuvres volées dit plus que la somme des informations qu’elle rassemble.

Vie des images et des représentations
Mais les sources ne sont pas seulement écrites. Elles sont également visuelles. Images d’archives (photographies, films d’actualité, croquis) voire images de fiction – les images sont surabondantes. Elles sont présentes tout au long du processus, de l’achat de l’œuvre et de la constitution de la collection, à certaines étapes de la spoliation et surtout aux différentes étapes de la restitution. Hitler ainsi ne connaissait la collection de son futur musée de Linz que par les monumentaux albums photographiques confectionnés à dessein. Les images sont également le prétexte, le support, le déclencheur d’interventions d’artistes contemporains dont les propositions, au fur et à mesure que le temps passe, iront en se confondant avec les sources dont elles s’inspirent. Apprendre à lire les images, et derrière elles, constitue un enjeu majeur pour tous ceux que la problématique des spoliations et des restitutions intéresse – l’un des paradoxes étant que les mêmes images ont pu servir à la fois à favoriser la spoliation et à rendre possible la restitution. Nous nous intéresserons donc aux différents supports d’image et à ce qu’ils nous disent de spécifique, au-delà de leur contenu informationnel pur.

Les récits et leur construction
Des sources pour quoi faire ? Ou plus exactement : quel avenir pour les sources de toute nature interrogées dans les trois thématiques précédentes ? L’avenir des sources est la mise en récit. Chaque source a pour potentiel de rejoindre, par un biais ou un autre, un grand récit virtuel qui, sans doute, ne sera jamais écrit. On le sait, la mise en récit commence dès la production de la source : le photographe ou l’opérateur de cinéma adopte un point de vue et construit un cadrage ; une liste, un rapport, une lettre s’écrivent suivant une logique linéaire qui fait narration, les lieux à leur manière nous parlent. Mais la mise en récit se poursuit dans l’après-coup. Les exégèses des spoliations (études historiques ou de cas, souvenirs, œuvres littéraires ou artistiques) construisent bel et bien des récits, qui plus est publics, qui, interprétant les sources, finissent par s’y substituer dans l’espace public. Suivant quelles modalités ? Conclure l’Université d’été, sous l’angle des récits nous permettra de poser également quelques-uns des enjeux les plus brûlants de cette histoire. La spoliation était un phénomène éminemment politique dont la réparation est passée par une mise en récit politique ayant abouti à la mise en œuvre de dispositifs spécifiques : archive, enquête, indemnisation, restitution.

Lieux de l’histoire - la scène parisienne
La dernière thématique est de nature plus transversale : elle s’intéressera, tout au long de l’Université d’été, aux lieux de l’histoire de la spoliation et de la restitution. Nous dresserons une géographie parisienne de ces deux politiques, étant entendu que les revisiter aboutira à deux expériences distinctes : celle d’une présence permanente quand les lieux ont été conservés à l’identique ; celle d’une présence par le vide quand ils ont été détruits à la faveur de l’évolution inexorable de la ville. Cette cartographie interroge aussi le déplacement des sources de leurs lieux de productions vers des dépôts d’archives (listes de l’ERR et dossiers de réclamation aujourd’hui à La Courneuve, œuvres passées par le Jeu de Paume aujourd’hui dans les réserves des musées, dossiers d’« aryanisation » du CGQJ aujourd’hui à Pierrefitte). Il s’agit en somme de se réapproprier la ville en lui imposant un questionnaire déterminé par lequel cette histoire particulière est susceptible – malgré tout – de rejoindre le moment présent.

Documenter un parcours
L’Université d’été est ainsi conçue comme un parcours, un itinéraire qui sera documenté quotidiennement par la production d’affiches conçues sur le modèle de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg. Le public du musée pourra suivre ainsi au jour le jour l’avancée de la réflexion et ses moments les plus importants. Les différents feuillets de cet Atlas seront rassemblés à la fin de l’Université dans un livre pliable à petit tirage.

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PROCEDURE DE CANDIDATURE

L’Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky s’adresse à un public transversal de jeunes historiens, historiens d’art, anthropologues, sociologues, étudiants conservateurs et artistes.

Les étudiants de troisième cycle (doctorants et post-doctorants) ainsi que les artistes qui souhaitent participer sont priés de soumettre une proposition de communication et une lettre de motivation accompagnée d’un CV et d’une liste de publications, tout en précisant les langues étrangères maîtrisées. Il est nécessaire pour concourir de maîtriser l’anglais et le français.

Les propositions ne doivent pas dépasser plus de 4 500 signes ou 700 mots et peuvent être rédigées en anglais ou en français. Elles doivent être soumises dans un document de format PDF et doivent comporter le nom du candidat, ses adresses (électronique et postale), l’établissement et le pays.
Les participants devront apporter un choix de sources qui servira de support à la présentation de leur travail.

Les propositions de communication sont à adresser avant le 19 avril 2015 à l’adresse électronique : bibliotheque.kandinsky@centrepompidou.fr

La ligne « sujet » du mail doit préciser le nom du candidat précédé de la mention Université d’été.

Les propositions seront examinées par le Comité de pilotage qui se chargera d’établir le programme définitif de l’Université d’été. Le Comité de pilotage retiendra 25 candidatures. Tous les candidats, qu’ils soient ou non retenus, seront contactés individuellement avant le 8 mai 2015.

Une contribution d’inscription de 100 € sera demandée aux participants qui bénéficieront de l’enseignement de l’Université d’été. Cette contribution couvrira un certain nombre de frais – transport vers les lieux visités, éventuels droits d’entrée dans des institutions, etc. Il sera par ailleurs vraisemblablement possible de bénéficier d’un hébergement à prix réduit suivant des modalités encore à déterminer.

A l’attention des candidats qui en feront la demande, le Centre Pompidou émettra toutes attestations utiles leur permettant d’obtenir toutes bourses ou aide de financement qu’ils pourraient requérir auprès de fondations, de musées ou d’institutions universitaires ou de recherche.

Sous réserve de finalisation du budget, il sera également possible de couvrir les frais d’un nombre limité de participants ne disposant pas de financement externe.

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COMITE DE PILOTAGE

Didier Schulmann, conservateur, Bibliothèque Kandinsky, Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris
Mica Gherghescu, historienne de l’art, Bibliothèque Kandinsky, Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris
Florent Brayard, historien, directeur du Centre de Recherches Historiques, responsable de l’équipe Histoire et historiographie de la Shoah, EHESS-CNRS, Paris
Arno Gisinger, artiste, maître de conférences Université Paris 8
Johanna Linsler, historienne, IHTP-CNRS


Vous pouvez adresser vos demandes de renseignements à l’adresse:

bibliotheque.kandinsky@centrepompidou.fr

Tel : +33 (0)1 44 78 46 65

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INSTITUTION PARTENAIRE

Centre de recherches historiques, Equipe « Histoire et historiographie de la Shoah », EHESS-CNRS