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Les premiers imprimés français et la littérature de Bourgogne (1470-1550)

Les premiers imprimés français et la littérature de Bourgogne (1470-1550)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Matthieu Marchal)

Colloque international

Les premiers imprimés français et la littérature de Bourgogne (1470-1550)

Dunkerque, 22 et 23 octobre 2015

 

Description du projet

Conçues dans une perspective interdisciplinaire, aux confins de la littérature, de la philologie et de l’histoire du livre, ces rencontres internationales se voudraient un espace de réflexion sur la place occupée par la littérature française de Bourgogne dans l’activité éditoriale des premiers imprimeurs (1470-1550). Elles viseront tout à la fois à appréhender le rôle joué par l’imprimerie dans le rayonnement de la vaste production littéraire élaborée sous l’impulsion des Grands Ducs de Bourgogne et à apprécier dans quelle mesure les libraires-éditeurs des grandes villes du Nord contribuèrent, au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance, à la connaissance, à la diffusion et à la transmission de la culture française. Cette problématique, à laquelle aucun colloque scientifique n’a été consacré jusqu’à ce jour, devrait permettre de la sorte de mettre en lumière l’influence décisive que les pays du Nord exercèrent sur cette véritable révolution technologique et culturelle que constitue la naissance de l’imprimerie.

 

Les propositions de communication accompagnées d’un argumentaire de cinq lignes et d’un bref curriculum vitae sont à envoyer aux organisateurs avant le 10 septembre 2014.

 

Argumentaire

Du milieu du XIVe siècle à l’aube de la Renaissance, la cour de Bourgogne représenta l’un des grands pôles culturels de l’Europe. L’âge d’or du mécénat princier contribua au renouveau des genres littéraires : roman, nouvelle, historiographie, poésie des Grands Rhétoriqueurs. Or, la fin de cette période coïncida avec le développement de l’imprimerie dans ces régions. L’invention de la typographie en caractères mobiles modifia en profondeur le marché du livre et les modalités de réception de la littérature bourguignonne en permettant la diffusion plus large de textes réservés jusqu’alors à une élite curiale. Le basculement de média, qui s’explique par la recherche de nouveaux débouchés et l’élargissement de la clientèle, aboutit au lancement de nouveaux produits, tant dans la mise en livre que dans le contenu textuel. Ainsi, les imprimeurs reproduisirent en masse, à partir de manuscrits bourguignons, des textes relativement récents dans des éditions correctes et élégantes, afin de leur assurer une plus large diffusion.

On constate ainsi que de nombreux textes produits sous forme manuscrite pour les ducs ou pour des seigneurs bibliophiles de leur entourage ont eu l’heur de passer à l’imprimé avant 1550 ; tous les genres sont ainsi concernés, que l’on songe aux textes et aux romans en prose (Perceforest, Les Trois fils de Rois), aux mises en prose chevaleresques et épiques (Baudouin de Flandre, Ciperis de Vigneveaux, Clamadès, Gérard de Nevers, l’abrégé du Girart de Roussillon, Renaut de Montauban), à l’historiographie (Chroniques d’Enguerran de Monstrelet, Chroniques de Hainaut de Jean Wauquelin), aux recueils de nouvelles (Les Cent Nouvelles nouvelles), à la poésie (les œuvres de George Chastelain, Jean Molinet ou Olivier de la Marche), ou encore aux moralisations (Le Roman de la Rose moralisé de Molinet, L’Ovide moralisé de Colard Mansion). Comment le nouveau média s’approprie-t-il cette littérature florissante ?

Nous aimerions par ailleurs mieux appréhender le rôle joué par les imprimeurs des Pays-Bas bourguignons, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, quant à la connaissance, la transmission et la diffusion de la littérature française. Il s’agirait ainsi d’envisager la manière dont les imprimeurs ont lu, compris, reçu et adapté les textes français qu’ils ont été amenés à reproduire et qui avaient été consignés jusqu’alors exclusivement sous forme manuscrite.

Nos travaux s’articuleront autour de deux axes transversaux, qui permettront d’appréhender dans ses multiples aspects le remodelage, à la frontière du Moyen Âge tardif et de la première modernité, des textes littéraires bourguignons en langue française et, plus largement, des œuvres du patrimoine français.

Axe 1 : Pour une géographie des imprimés bourguignons en langue française

Les textes bourguignons imprimés dans le royaume de France

À partir des années 1480, quelques-uns des grands textes de la littérature française de Bourgogne furent imprimés en milieu parisien et dans d’autres villes du royaume. C’est le cas de nouvelles œuvres tel le recueil anonyme des Cent Nouvelles nouvelles, dont l’editio princeps publiée par Vérard en 1486 fut à l’origine de nombreuses impressions parisiennes (Nicolas Desprez, la famille Trepperel, Michel Le Noir, Philippe Le Noir, Alain Lotrian) et lyonnaises (Olivier Arnoullet). Il en va de même pour les écrits des Grands Rhétoriqueurs, qui connurent une diffusion en milieu parisien : en témoignent par exemple certains textes de Chastelain, tels Les chansons georgines, Le temple Jean Boccace ou encore Les epitaphes d’Hector et Achilles, diffusés respectivement par Jean Jehannot, Pierre Vidoué et Jean Saint-Denis. Pareillement, le Roman de la Rose moralisé et L’art de rhétorique, dus tous deux à la plume de Jean Molinet, furent publiés par Vérard, Balsarin et la famille Le Noir, tout comme Le chevalier délibéré d’Olivier de la Marche fut imprimé par Michel Le Noir. Enfin, dans le domaine de l’historiographie, on peut citer les deux éditions des Chroniques de Monstrelet publiées par Vérard. Il s’agira de s’intéresser à la manière dont tous ces textes ont été récupérés, voire adaptés, en vue d’un public autre que le lectorat bourguignon.

 

Les textes bourguignons imprimés dans les villes du Nord

On aimerait mieux cerner, par ailleurs, la géographie de l’impression de la littérature bourguignonne dans sa région d’origine. Il s’agirait alors de préciser le rôle des éditeurs ou marchands-libraires locaux qui ont assuré dans les villes du Nord (Bruges, Valenciennes, Anvers, Gand) la promotion d’auteurs contemporains et la diffusion en français des textes bourguignons à la fin du XVe siècle et dans la première moitié du XVIe siècle. Il serait par exemple intéressant de se pencher sur le cas des œuvres de Jean Molinet (Le Temple de Mars, La Ressource du petit peuple et La robe de l’archiduc) et des Chansons georgines de Chastelain, qui furent diffusées grâce au Valenciennois Jean de Liège et à l’imprimeur du Flavius Josèphe. Divers écrits d’Olivier de la Marche (Le chevalier délibéré, le Débat de Cuider et de Fortune, le Parement et triomphe des dames) bénéficièrent aussi d’une diffusion régionale, que ce soit à Valenciennes, Gouda ou Schiedam. D’autres textes, comme La danse des aveugles et Le doctrinal de court de Pierre Michault, ou Le Débat de Félicité de Charles Soillot, firent aussi l’objet d’impressions en terre bourguignonne. On pourra en outre évoquer les cas du Recueil des histoires de Troyes et de L’histoire de Jason de Raoul Lefèvre, imprimés par Caxton à Bruges, et celui de L’abregiet des histoires de Troyes, diffusé par l’imprimeur du Flavius Josèphe.

 

Les textes du patrimoine français imprimés dans les villes du Nord

Il s’agira aussi de s’intéresser aux textes issus du royaume de France et qui ont été diffusés par les imprimeurs-libraires des États bourguignons, afin de mieux comprendre les choix effectués par ces derniers, de même que les liens éventuels entre telle œuvre et tel grand seigneur de l’époque. On pourra s’intéresser de la sorte aux cas du Champion des dames et de L’Estrif de Fortune et de Vertu, deux écrits de Martin le Franc dédiés à Philippe le Bon. De même, on pourra évoquer Pierre de Provence (Anvers, Jan van Waesberge, 1560), l’Ovide moralisé (Colard Mansion, 1484) ou encore Paris et Vienne, Ponthus et Sidoine, Cleriadus et Meliadice, textes dont la diffusion manuscrite est importante dans les bibliothèques de bibliophiles bourguignons. On pourra également se pencher sur les imprimés des Évangiles des Quenouilles (Colard Mansion, 1479), de La légende des saints de Jacques de Voragine (Imprimeur du Flavius Josèphe), ou du Quadrilogue invectif d’Alain Chartier (Colard Mansion). Cet axe permettra de réfléchir sur les goûts des lecteurs bourguignons et sur les stratégies commerciales et éditoriales mises en place pour les satisfaire.

 

Les textes bourguignons traduits en langue étrangère

On pourrait enfin mieux comprendre le processus de réception des textes bourguignons, du manuscrit à la publication imprimée, en étudiant les impressions en néerlandais ou en anglais, voire en espagnol de cette littérature en langue française. On pourra ainsi s’intéresser aux cas suivants : les traductions anglaises publiées par Caxton à Bruges et à Londres (par exemple Jacques de Cessoles, The game and play of the chess ou le roman Blanchardyn and Eglantine), la traduction d’Olivier de Castille en néerlandais (Anvers, Henrick Eckert van Homberch, 1510), les traductions de certains récits des Cent Nouvelles nouvelles en néerlandais, puis en anglais, les versions anglaises et néerlandaises des œuvres de Raoul Lefèvre. En outre, l’on pourra examiner la traduction néerlandaise des œuvres de Pierre Michault, celle de Pierre de Provence ou encore les versions espagnoles des œuvres d’Olivier de la Marche. Comment expliquer la traduction de ces textes et leur impression ? Qu’en était-il de leur réception effective par chaque type de public ?

 

Axe 2 : Du manuscrit à l’imprimé

Aspects littéraires, linguistiques et philologiques

Les imprimeurs s’approprient les textes médiévaux, les révisent, les adaptent et surtout les mettent au goût du jour pour un nouveau lectorat : ainsi la matière peut être recomposée par une combinaison d’extraits choisis ou à l’inverse par la formation d’amples cycles narratifs. Le passage du manuscrit à l’imprimé peut également répondre à des préoccupations savantes ou philologiques : pour conquérir le marché du livre, les imprimeurs, qui partent du principe que les œuvres bien transmises ont plus de chances d’être bien reçues, peuvent être amenés à produire des textes renouvelés, débarrassés des fautes et des interpolations introduites et accumulées par des générations de copistes. L’actualisation du texte s’accompagne alors fréquemment de mentions d’imprimeurs, comme « nouvellement imprimé » ou « revu et corrigé ». Dans cette perspective, les textes théoriques et le paratexte pourront faire l’objet d’études précises : on envisagera alors le rôle des préfaces, des avis aux lecteurs, des dédicaces ou des colophons. Par ailleurs, les imprimés sont souvent des témoins plus récents qui attestent une traduction intralinguale : la langue ancienne des textes manuscrits, parfois teintée de dialectalisme, est en effet transposée dans une langue plus actualisée et plus adaptée aux pratiques du public ; on portera ainsi une attention toute particulière au rajeunissement linguistique, stylistique et lexical pour les textes ayant connu une tradition double (manuscrite et imprimée). On voudrait enfin mettre en avant l’apport des imprimés dans la perspective d’une édition critique de ces textes bourguignons en langue française. Les manuscrits connus sont rarement les supports des textes qui ont servi à la réalisation des impressions : dans ce cas, les imprimés correspondent-ils à un état plus ancien de la rédaction, susceptible d’être pris en compte dans le cadre de travaux philologiques sur la littérature médiévale ?

 

Aspects matériels

Il conviendra parallèlement d’envisager les innovations matérielles des éditions imprimées. Le succès des impressions des textes bourguignons s’explique partiellement par des considérations économiques et des stratégies marchandes : elles sont un moyen pour les imprimeurs-libraires de répondre au besoin de rentabiliser un investissement de poids en apportant des innovations, des améliorations dans la présentation du texte. En effet, cette époque donne lieu, pour reprendre les propos de Frédéric Barbier, à une « innovation de produit », qui se manifeste par la mise en place d’un espace visuel soigné (on songera aux impressions de luxe de Vérard et de Mansion qui imitent en partie l’apparence des manuscrits anciens), par une nouvelle élégance typographique (choix de caractères particuliers et de la fonte), par l’apparition de procédés modernes de mise en page des textes (pages de titre, choix du format, marque de l’imprimeur) et par l’importance croissante des illustrations, qu’il s’agisse de simples bois gravés ou de miniatures peintes.

 

Organisateurs

Université du Littoral – Côte d’Opale (ULCO), Unité de recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel (H.L.L.I.) – Centre de Recherche « Modalités du fictionnel »

Département Lettres et Arts – Centre Universitaire de la Citadelle – 220, avenue de l’Université – BP 5526 – 59379 Dunkerque Cedex 1

 

Responsables

Jean Devaux, Professeur de langue et de littérature françaises à l’ULCO (Jean.Devaux@univ-littoral.fr)

Matthieu Marchal, Maître de conférences en langue et littérature françaises à l’ULCO (Matthieu.Marchal@univ-littoral.fr)

Alexandra Velissariou, Collaboratrice scientifique de l’Unité de recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel (H.L.L.I.), EA4030 et de l’équipe de recherche « Modalités du fictionnel » (alexandra.velissariou@wanadoo.fr)

 

Comité scientifique

Marie-Madeleine Castellani (Université Charles-de-Gaulle – Lille 3)

Maria Colombo Timelli (Università degli Studi di Milano)

Nadine Henrard (Université de Liège)

Anne Schoysman (Università di Siena)