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Appels à contributions

"Les nouveaux livres-objets"

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Eléonore Hamaide)

Le Français aujourd’hui – n° 186 – juin 2014

Coordination

Florence GAIOTTI, Chantal LAPEYRE-DESMAISON & Brigitte MARIN

Appel à contribution:

Les nouvelles formes qui apparaissent dans le champ de la littérature de jeunesse métamorphosent les représentations les plus usuelles de l’acte de lire et concourent à une redéfinition – en extension – de la lecture. Le numéro 186 de la revue Le français aujourd’hui se donne pour objectif de recenser de manière très ouverte les métamorphoses que subit l’album dans la période contemporaine. Il importera dans ce contexte de ne pas se limiter à l’album papier, mais d’intégrer la dimension du numérique, pour analyser la singularité de ces créations nouvelles. L’existence même de l’album numérique invite à réfléchir au devenir du livre, à mettre en question sa définition la plus usuelle. Qu’est-ce qu’un livre tout à fait dématérialisé qui, en outre, intègre une dimension visuelle-sonore ? Peut-on encore parler véritablement de « livre » ? La recherche d’une définition plus ouverte ne s’impose-t-elle pas ? Mais, paradoxalement, alors même que se dessine pour lui un avenir virtuel, le livre n’est plus seulement un médium, il dépasse aussi ses propres limites, et attire l’attention sur sa matérialité, sa densité physique, sa position dans l’espace. Cette tension entre deux postulations contradictoires devra être interrogée dans le cadre d’une réflexion sur « le livre ». Mais cette mutation du livre vers l’objet invite aussi à mettre en question les corporéités et les gestualités qu’il suppose, selon la proposition de R. Barthes : « La lecture, ce serait le geste du corps (car bien entendu on lit avec son corps) qui, d’un même mouvement pose et pervertit son ordre : un supplément intérieur de perversion. » (Le Bruissement de la langue, p. 40). La perspective ouverte par ces lignes n’a, de fait, guère été explorée jusqu’ici. L’objectalité de l’album impose en effet d’interroger la place du corps telle qu’elle s’annonce à travers l’engouement pour les (très) grands formats, mais aussi dans les reviviscences de l’album à système, les pop-up (par exemple dans ABC3d de Marion Bataille, ou dans les étranges livres de Katsumi Komagata).

Enfin, beaucoup de critiques l’ont constaté, l’album échappe à ses frontières par le lien qu’il établit avec d’autres champs : les arts visuels, le théâtre, le cinéma, etc.  La visée de ce numéro serait ainsi de décloisonner encore les champs de la littérature de jeunesse, de la littérature tout court, et du domaine des arts (comme y invite d’ailleurs l’importance accrue de l’histoire des arts qui accorde une place non négligeable à la littérature de jeunesse en son sein). Il importera, dans ce contexte, de faire une place à l’album pour adultes (par exemple aux Beaux Livres-fiction, créés par Frédéric Clément, comme Bel Œil, confession argentique d’un gardien de phare).

L’usage de l’album à l’école relève d’un genre pluricodé qui requiert une connaissance des différentes  références en présence. Dans certains  albums récents, l’analyse du rapport texte/image et les mises en relations afférentes jouent sur l’illustration du texte par l’image, ou leur complémentarité dans la distribution des informations, voire leur contradiction. La lecture de tels albums s’adresse à un lecteur modèle particulièrement érudit, capable d’identifier les différents codes et références – explicites ou implicites – à mobiliser pour parvenir à une lecture fine. Ainsi, l’entrée massive de l’album dans les classes pose la question de sa scolarisation et de l’accompagnement de sa lecture par les enseignants. Des études récentes ont montré le rôle différenciateur de l’usage de l’album lorsqu’il correspond à des pratiques de lecture prenant peu en compte l’hétérogénéité liée aux inégalités socioculturelles.

Le caractère composite de l’album et sa multiréférentialité constituent autant d’éléments de complexité qui peuvent en rendre l’accès difficile au jeune lecteur. Or, selon la doxa, la complexité se mesure à l’aune de la longueur du texte, l’image apparaissant comme un pur agrément. Lire et faire lire des albums en classe nécessite de mettre au jour ce leurre, ainsi que les malentendus sociocognitifs auxquels un usage non raisonné (ou non didactisé) pourrait conduire.

Ainsi le numéro s’organisera selon trois axes :

Le livre-objet et la lecture

  • Évaluation des mutations en ce domaine.
  • Les nouvelles formes.
  • La définition du « livre » par une analyse des nouvelles formes dans le domaine de la littérature, l’album devenant ici observatoire des métamorphoses.
  • Que devient l’acte de lire, comment le définir, quand on doit regarder le livre, le secouer ou le cliquer, quand on doit le déplier, tourner autour, quand il n’y a pas de mots, quand les mots ne signifient plus exactement ?
  • Que deviennent les définitions les plus traditionnelles associées à la compréhension : « construire une représentation mentale », activités de protention/rétention, horizon d’attente ou répertoire (Iser) etc. ?
  • Quelles mutations dans la réception engendrent les formes contemporaines associées au numérique, à l’intermédialité ?

Le point de vue du lecteur

  • Quels lecteurs et quelles lectures pour ces nouvelles formes ?
  • Quelle place et quel rôle du corps et du geste ?
  • Quel public est visé ? Qui sont les prescripteurs ?  Quels sont les profils du lecteur de ces nouveaux ouvrages ?

Il conviendrait ici de ce demander ce que devient le sujet lecteur au théâtre, par exemple, de l’album ou du livre, comment ces formes nouvelles modifient la pensée du sujet lecteur aujourd’hui, comment elles gomment les frontières entre littérature de jeunesse et littérature générale, entre littérature et arts, le lecteur étant invité ici à adopter une position de spectateur esthète.

Vers de nouvelles pratiques ?

  • Où en est en particulier l’usage de l’album, car de nouveaux albums entrainent de nouveaux usages ?
  • Comment, et à quelles fins, intégrer ces nouveaux ouvrages en classe (dans toutes les classes) ?
  • Comment inventer de nouveaux dispositifs de lecture ?
  • Le livre dans ses métamorphoses n’invite-t-il pas à sortir des champs disciplinaires auxquels il est traditionnellement associé ?  Par exemple : peut-on envisager de lire l’album en EPS (en danse par exemple), mais aussi en arts visuels, en musique, selon des modalités qui restent à préciser ?

Une analyse critique des pratiques en vigueur sera ici bienvenue.

Coordination du numéro :

Florence GAIOTTI (Université d’Artois – IUFM, Laboratoire « Littératures et cultures d’enfance »)

Brigitte MARIN (Université de Paris Est Créteil –IUFM, Laboratoire CIRCEFT – EA 4384)

Chantal LAPEYRE-DESMAISON (Université d’Artois – IUFM, Laboratoire « Littératures et cultures d’enfance »)

 

Échéancier - des propositions de contribution à la remise des articles :

30 septembre 2013 : envoi des propositions de contribution ; celles-ci devront comporter un descriptif d’une page maximum, le rattachement institutionnel et scientifique du(des) auteur(s), un titre explicite et cinq mots-clés. Ces propositions devront être adressées, par courrier électronique, à fgaiotti@yahoo.com, c.lapeyre1@free.fr et brigitte-marin@wanadoo.fr

15 octobre 2013 : réponses (acceptation, demande de modification ou refus) transmises aux auteurs par les coordinatrices.

15 février 2014 : envoi de la première version des articles aux coordinatrices.

15 février à 15 avril 2014 : évaluation des articles par les relecteurs du comité de lecture, et éventuelles réécritures demandées aux auteurs.

Juin 2014 : parution du numéro.