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Les « Héros du retrait » dans les mémoires et les représentations de l’Europe contemporaine (IEP Strasbourg)

Les « Héros du retrait » dans les mémoires et les représentations de l’Europe contemporaine (IEP Strasbourg)

Publié le par Marc Escola (Source : Danièle HENKY)

UNIVERSITÉ DE STRASBOURG

Institut d’études politiques

UMR 7367 DynamE

En collaboration avec « Configurations littéraires », EA n°1337

 

Les « Héros du retrait » dans les mémoires et les représentations de l’Europe contemporaine

Appel à communications

Date limite de l’appel : 31 mai 2016

 

 Un colloque pluridisciplinaire sur le thème des « héros du retrait » sera organisé à l’IEP de Strasbourg au mois de janvier 2017. Cette manifestation viendra s’inscrire dans la continuité des journées d’études de 2009 (Grandes figures du passé et héros référents dans les représentations de l’Europe contemporaine, Paris, L’Harmattan, « Inter-National », 2012) et du colloque de 2012 (Mémoires et représentations de la déportation dans l’Europe contemporaine, Paris, L’Harmattan, « Inter-National », 2015) organisés par l’ancienne équipe de recherche « Frontières, acteurs et représentations de l’Europe » (FARE), aujourd’hui intégrée dans l’UMR 7367 DynamE de l’Université de Strasbourg, en collaboration avec « Configurations littéraires », EA n°1337 de l’UdS.

Les journées d’études de 2009 ont souligné la rupture introduite dans les représentations des héros référents : le traumatisme engendré par les pratiques criminelles et génocidaires du nazisme mais aussi l’affirmation des valeurs pacifistes, démocratiques et individualistes après 1945 condamnent désormais la violence guerrière des héros virils au profit de nouvelles figures incarnant entre autres la résistance civile ou l’exemplarité caritative. Le colloque de 2012 a montré, pour sa part, comment la posture de la victime s’impose désormais dans les pratiques cognitives et les revendications catégorielles qui nourrissent les mémoires et les représentations de la déportation dans les différentes aires géographiques du continent européen. A l’ouest du continent s’affirme une hypermnésie du génocide des Juifs, tandis qu’à l’est s’est instaurée une forme de concurrence mémorielle entre les victimes du génocide et celles du Goulag.

L’objectif du colloque de 2017, dans la continuité de la réflexion entamée sur les effets de la conflictualité en Europe au XXe siècle, visera donc à s’intéresser à ceux que l’écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger avait nommé les « héros du retrait » dans un article paru en 1989, posture illustrée par le général Kurt von Hammerstein. Ce chef de l’armée de terre allemande à partir de 1930 démissionna de toutes ses fonctions en janvier 1934, un an après la prise du pouvoir par les nazis, et choisit de se murer dans le silence jusqu’à sa mort en 1943 (Hans Magnus Enzensberger, Hammerstein ou l’intransigeance. Une histoire allemande, « NRF », Paris, Gallimard, 2008.) Il peut être intéressant de prêter attention à ces personnages qui, comme Kurt von Hammerstein, ont pu tenir dans l’histoire encore récente un rôle ambivalent et sinueux, frappé du sceau de l’ambiguïté. On peut penser ici à des acteurs de l’histoire comme l’amiral Dönitz, chef de la Kriegsmarine allemande qui accompagna le reflux puis l’effondrement du Reich sur le front de l’est dans les années 1943-1945, à Adolfo Suarez, premier ministre du roi d’Espagne Juan Carlos lors de la transition octroyée du franquisme à la démocratie ou encore à des dirigeants communistes comme le Hongrois Janos Kadar, Mikhaïl Gorbatchev ou Hans Modrow, réformateur gorbatchévien qui accéda en décembre 1989 trop tardivement au pouvoir en RDA pour empêcher l’effondrement du système.

Mais on peut également prêter attention à des personnages de fiction incarnant la posture des « héros du retrait ». Loin d’être un surhomme, le héros des romans des XXet XXIe siècles, en effet, a tendance à se déliter. Après deux guerres mondiales, le doute s’installe sur la capacité de l’homme à maîtriser le monde. La foi dans le progrès est battue en brèche. Enfermés dans leur condition sociale ou familiale, les personnages de romans ou de films ne sont pas armés pour lutter, ou manquent de grandeur. A travers eux, les romanciers expriment leur désenchantement et effectuent une charge satirique contre la société. Parfois, héros malgré lui, le personnage sans quête  peut réaliser des exploits héroïques à son corps défendant. (Cf. l’Homme sans qualités de Robert Musil). On rencontre aussi des personnages ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en font pas usage ou les utilisent à mauvais escient ou à contretemps, de façon décalée. Dissident, déserteur, métis, pirate, ces figures se retrouvent, au masculin et au féminin, dans les contes ou les romans, au théâtre ou au cinéma, dans la bande dessinée ou dans les jeux-video. (cf. le personnage principal des huit tomes du Journal d’un dégonflé de Jeff Kinney dont les livres, véritable succès de la littérature jeunesse, se sont vendus à 150 millions d’exemplaires à travers le monde.)

Il ne s’agit pas de céder ici à la mode d’un « déclinisme » très en vogue au demeurant dans l’air du temps, mais de prendre acte d’évolutions et de mutations qui ont accompagné progressivement l’entrée de l’Europe dans l’ère de la mondialisation libérale.

La démarche de ce colloque restera fidèle aux méthodes déjà éprouvées lors des deux précédentes manifestations, dans une perspective toujours résolument pluridisciplinaire. Cet appel s’adresse donc à toutes les disciplines aux approches complémentaires qui s’inscrivent dans le champ des sciences humaines : histoire, civilisation, sciences politiques, littérature, sociologie, philosophie, sciences économiques ou encore sciences de l’information et de la communication sont ici sollicitées.

  • Quelle place ces « héros du retrait », aux destinées moins flamboyantes que celles des conquérants bâtisseurs d’empires, occupent-ils dans l’histoire et la mémoire de nos contemporains ?
  • Comment sont-ils perçus et représentés, accueillis mais aussi instrumentalisés à l’intérieur des différentes aires géographiques et nationales du contient européen, en fonction en particulier du jeu des conflictualités dans l’histoire la plus immédiate ?
  • Peut-il y avoir autour de ces « héros du retrait »  coexistence géographique de représentations positives et négatives ?
  • Dans quelle mesure ces « héros du retrait » se retrouvent-ils associés à la prise de conscience de nos contemporains de l’inévitable perte d’influence de notre continent à l’ère de la mondialisation et comment cela se manifeste-t-il dans les représentations que peuvent en faire les arts ?
  • Quelles sont les sources mais aussi les vecteurs (littéraires, cinématographiques et audiovisuels, muséographiques, l’Internet et les réseaux sociaux) qui assurent la formation et la transmission des mémoires des « héros du retrait » et quelles sont les modalités propres à leur expression par ces médias ?

             

Comme lors des précédentes manifestations, les actes de ce colloque feront l’objet d’une publication ultérieure sous la responsabilité d’un comité scientifique.

Les propositions de communication devront être adressées pour examen avant le 31 mai 2016 à Michel Fabréguet, Professeur d’histoire contemporaine à l’IEP de Strasbourg (michelfabreguet@noos.fr) et à Danièle Henky, Maître de conférences habilitée en Langues et Littérature françaises à l’IUT de Strasbourg (daniele.henky@wanadoo.fr).