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Le présent et ses doubles : anticipation, réalité décalée et uchronie dans le roman français contemporain (1950-2010)

Le présent et ses doubles : anticipation, réalité décalée et uchronie dans le roman français contemporain (1950-2010)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Simon Bréan)

Le présent et ses doubles : anticipation, réalité décalée et uchronie dans le roman français contemporain (1950-2010) -

Date de la journée : 30 janvier 2015 à la Maison de la Recherche de Paris-Sorbonne

Journée d’études de la SELF XX-XXI (Société d’Étude de la Littérature de langue Française des xxe et xxie siècles), organisée par Simon Bréan (Paris-Sorbonne) et Irène Langlet (Limoges), avec le soutien du CELLF (Paris-Sorbonne), de l’EHIC (Limoges) et de THALIM (Paris 3 Sorbonne Nouvelle).

Selon François Hartog, au xxe siècle s’est jouée une importante évolution dans le rapport au temps. Au « futurisme » – entendu « comme la domination du point de vue du futur » (Régimes d’historicité, 2012, p. 149) – se serait substitué le régime du « présentisme », caractérisé par la valorisation de l’éphémère et de l’immédiat (ibid., p. 156-157). L’attention au présent caractérise une large part de la littérature française du second xxe siècle, volonté d’engagement, prolongement du primat réaliste, exploration des méandres du moi ou encore sensibilité à l’actuel sous toutes ses formes. Néanmoins, le souci du présent imprègne tout autant les modalités romanesques qui sembleraient s’en éloigner, et qui offrent du monde contemporain non des reflets, mais des figures dédoublées, anamorphosées, par le biais de l’anticipation, de l’uchronie et plus largement d’une réalité décalée. C’est la tension établie entre représentation de l’ailleurs et retour au présent que cette journée d’étude se propose d’examiner.

Les inquiétudes nées de la Guerre froide et de la décolonisation imprègnent les récits d’aventures spatiales (F. Carsac, S. Wul, J. Hougron) ; les crises politique, sociale, économique, modèlent les dystopies (M. Jeury, P. Pelot, P. Curval, S. Brussolo, J.-C. Rufin) ; les progrès de l’informatique et de la biologie hantent un futur où le sens de l’humain se transforme, au risque de se perdre (M. G. Dantec, C. Dufour, M. Houellebecq) ; le pessimisme climatologique pèse sur les nouvelles générations (P. Bordage, J.-M. Ligny). Entre fantasme assumé et ambition prédictive, l’inventivité lexicale et conceptuelle mettant en perspective des enjeux contemporains recomposés, le choc du futur se mue souvent en choc en retour du présent.

Le déplacement d’une temporalité vers une autre par le biais de la fiction ne s’opère pas seulement sous le signe de l’avenir : le passé, et même le présent, sont susceptibles de recevoir des infléchissements. Ce sont les présents décalés de B. Vian, J. Echenoz,  de G.-O. Châteaureynaud ou d’A. Volodine : poésie de la langue, jeux sur les genres, ou « post-exotisme », ils associent chacun à leur manière le matériau du songe et de la fantaisie à des questions intimes et collectives, touchant à la société de leur temps. C’est aussi l’uchronie, exploration d’un passé autre (C. Duits) ou des conséquences actuelles d’une divergence historique, qui fait sentir à neuf la mutabilité de l’histoire, ainsi que la fragilité du moment présent (R. C. Wagner), en jouant souvent d’une parlure destinée à inscrire dans le texte le sentiment du décalage.

Futur extrapolé, présent alternatif, passé recomposé : ces variantes temporelles gardent en leur cœur le présent intime du lecteur qu’elles déplacent en un autre contemporain, et le présent collectif de la société qu’elles métamorphosent. Elles engagent également des stratégies d’écriture spécifique, par un travail sur la langue ou les structures narratives, qui permet d’obtenir un dépaysement contrôlé, que ce soit le « langage-univers » d’un Vian (J. Bens), ou la « distanciation cognitive » (cognitive estrangement) que Darko Suvin associe à la science-fiction (Metamorphoses of Science Fiction, 1979). Ainsi, en les étudiant dans une perspective commune, on tâchera de faire ressortir les modalités et les moyens par lesquels la littérature peut créer le paradoxe d’un « présentisme » inactuel.

Les propositions (1500 signes) sont à envoyer à simon.brean@orange.fr et irene.langlet@unilim.fr avant le 15 septembre 2014, accompagnées d’une brève bio-bibliographie.