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Le français en contact avec les grandes langues véhiculaires d’Afrique Centrale : analyse sémantico-culturelle de la structure formelle du lexique

Le français en contact avec les grandes langues véhiculaires d’Afrique Centrale : analyse sémantico-culturelle de la structure formelle du lexique

Publié le par Cécilia Galindo (Source : Balga Jean Paul)

L’un des pays de l’Afrique Centrale, le Cameroun est considéré comme le microcosme du continent noir. Pour Edmond Biloa (2003 : 3), c’est une zone de confluence des civilisations qui ont marqué l’Afrique ; les grandes familles linguistiques y sont représentées de la plus belle manière : plus de 250 unités-langues identitaires et, quatre fois autant de dialectes. À cette ‘Tour de Babel’ se sont greffées deux langues européennes d’importation coloniale, l’anglais et le français, qui ont respectivement donné naissance à deux langues composites, notamment le pidgin-english et le camfranglais. Le Cameroun est donc un habit d’Arlequin linguistique. Pierre Dumont (1990 : 13-17) parle d’une terre de conflit ; le terrain conflictuel de prédilection est la langue, non parce qu’elle permet de poser et de résoudre le conflit mais parce qu’elle est, en elle-même, source de friction, voire d’écrasement. La multiplicité des langues camerounaises fournit au sociolinguiste un terrain d’investigation pratiquement vierge. Face à cette situation complexe, deux attitudes sont possibles. La première consiste à considérer l’Afrique Centrale comme un champ de bataille linguistique perpétuel sur lequel s’épuisent les partenaires exsangues qui n’ont pas d’autre issue que le recours à un deus ex machina linguistique, le français, l’anglais ou l’arabe. C’est une attitude très répandue, au nom de laquelle ont été justifiées les politiques les plus meurtrières à l’égard des langues de l’Afrique Centrale. Jean-Pierre Caprile et Ngalasso Mwatha Musanji (1983 : 11, 12) soulignent ces conflits linguistiques en ces termes :

Il nous a semblé que les situations où plusieurs sociétés, cultures, civilisations et langues entrent en contact, bien souvent en conflit, comme en Afrique Centrale, offrent des occasions particulièrement propices pour observer comment les langues et les communautés linguistiques se font et se défont.

Mais cette guerre des langues Afro-asiatiques et Niger-kordofan est loin de représenter, à nos yeux d’observateur sociolinguiste, la seule source de conflit. Il en est une autre beaucoup plus abondante et qui a donné lieu à des épanchements verbaux dont seul l’Afrique Centrale a le secret. Il s’agit, évidemment, du conflit opposant le français aux grandes langues véhiculaires de l’Afrique. Tout a été dit sur les rapports entre la langue de Voltaire et celles, ravalées au rang de dialectes sinon de patois, des peuples colonisés par la France, patrie de Malherbe, de Vaugelas, de Rivarol, de Druon.

L’Afrique Centrale sort donc meurtrie de cette guerre des langues qui a épuisé beaucoup trop d’énergies. Aujourd’hui, le front du conflit s’est déplacé insensiblement ; il oppose le ‘français de France’ au ‘français d’Afrique’.

Le ‘français de France’, expression bizarre aux relents de colonialisme, mais que beaucoup préfèrent à ‘français standard’, jugée péjorative, désigne la variété qui, partout en Afrique, jouit d’un statut officiel. Face à cette variété de langue superposée aux langues africaines, et nous sommes là devant un cas de diglossie classique, se développe une variété dialectale que l’on a coutume de dénommer ‘français d’Afrique’, même si l’on sait que cette appellation n’a pas grande signification étant donné la diversité des variétés locales, collectives et individuelles qui se développent dans la plupart des pays de l’Afrique Centrale. En traversant la méditerranée, disait Sony Labou Tansi, le français standard s’est mouillé les pieds ; il a pris de belles  couleurs locales en contact avec le fulfulde au Nord-Cameroun, le  pidgin-english à l’Ouest, au Sud-ouest, au Nord-ouest et dans le Littoral ; le sangho en RCA ; le kituba, le lingala et le swahili respectivement au Congo-Brazzaville et en RDC, l’arabe au Tchad, le haoussa au Niger, etc. Comme le disent si bien Jacky Simonin et Sylvie Wharton (2013 : 17, 18), il s’agit d’« un espace d’échange » et « des croisements féconds » dans la sous-région. Claudine Bavoux (2003 : 28) montre que l’espace francophone est construit par un standard qu’on appellera, selon le point de vue, ‘variété centrale’ ou ‘variété de référence’, qui est en fait le résultat d’un long processus d’équipement-normalisation-standardisation. Ce processus a fait de cette variété une langue aux frontières ‘durcies’ parce qu’instituées et reconnues. À côté du standard, à quelles modalités d’existence ou de coexistence les variétés non standard peuvent-elles prétendre ? Peut-on concevoir que le mode d’existence des variétés non standard est différent de celui du standard ? Quel rapport peut être établi entre les deux modèles que l’on voudrait, a priori, distinct, l’un normatif, l’autre « insécurisé » et « inconfortable » ? Comment les langues véhiculaires de grande diffusion jouent-elles leur partition dans ce rapport de force ? Face à ce processus de dialectalisation du français, quelles mutations référentielles sont observables ? La langue étant le tiroir culturel d’un peuple, quels sont les glissements identitaires mis à contribution dans les variétés du français parlé en Afrique Centrale. Comment le français se compose désormais avec les structures et les schèmes relevant des cultures de la sous-région ? Autant de questions qui peuvent être abordées via la structure formelle du ‘français d’Afrique’ : lexicologie, morphologie lexicale, morphologie flexionnelle, sémantique lexicale, statistique lexicale ; approche onomasiologique ou sémasiologique, etc.

Modalités de soumission

Les contributions pourront prendre la forme d’article (maximum 45000 signes, espaces compris). Les auteurs devront soumettre au coordinateur, avant le 30 juillet 2015, leurs propositions d’article. Les réponses leur seront données au plus tard mi-novembre 2015, après délibération du Comité scientifique. Au terme de l’évaluation, le travail sera soumis pour publication à la revue Le français en Afrique en fin mars 2016. Les références bibliographiques doivent figurer en fin d’article et être mentionnées dans le corps du texte sous la forme : Moreau (1997 : 84). L’usage des caractères italiques sera uniquement réservé aux mots  et expressions cités en tant que tels, et les guillemets aux énoncés dûment attribués à un auteur, ou à une glose d’un syntagme. Un résumé de 5 lignes en anglais, une notice bio-bibliographique de 5 lignes et 5 mots-clés sont joints à l’article en français.

Comité scientifique :

- Pr Echu George, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Biloa Edmond, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Dassi Etienne, FALSH/Université de Yaoundé I ;

- Pr Bidja’a Zachée Kody, ENS/Université de Yaoundé I ;

- Pr Nzesse Ladislas, FLSH/Université de Dschang ;

- Pr Apuge Micheal, ENS/Université de Maroua ;

- Dr Evouna Jacques, ENS/Université de Maroua ;

- Dr Balga Jean Paul, FLSH/Université de Maroua ;

- Dr Ebongue Augustin Emmanuel, FALSH/Université de Buea ;

- Dr King Ebehedi Pauline Lydienne, FLSH/Université de Maroua.

 

Coordinateur du dossier

-Jean Paul BALGA, Chef de département de français/FLSH/Université de Maroua –Cameroun (balgajean@yahoo.fr).