Questions de société
Le discours de N. Sarkosy du 22/01/09 évalué selon la méthode de critique historique, par A. Destemberg

Le discours de N. Sarkosy du 22/01/09 évalué selon la méthode de critique historique, par A. Destemberg

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Sur le site de SLU ( 11 février 2009):

Un discours de Nicolas Sarkosy évalué selon la méthode de critique historique: Commentaire du discours de Nicolas Sarkozy du 22 janvier, par Antoine Destemberg, ATER en histoire médiévale à Paris I

 Le texte d'Antoine Destemberg est (mal) reproduit ci-dessous, mais Fabula vous recommande (donc) de le lire dans son format pdf d'origine


INTRODUCTION

Ce discours du président de la République fut prononcé le 22janvier 2009 au Palais de l'Élysée devant des ministres, élus,présidents d'universités, directeurs de grandes écoles et d'organismesde recherche et chefs d'entreprise. Suivant la stratégie decommunication développée par les services de l'Élysée depuis l'électionde Nicolas Sarkozy, ce discours fut, immédiatement après sonallocution, rendu disponible sur le site Internet de l'Élysée, sousforme écrite, correspondant à 7 pages et sous la forme d'une vidéo,réalisée en plan fixe adoptant un cadrage unique sur la personne de N.Sarkozy et d'une durée fidèle à celle de l'allocution. Les mentionslégales accompagnant la mise à disposition de ce texte précisent lecadre d'exploitation de ces documents appartenant à la catégorie destextes rédactionnels qui « n'ont pas de valeur officielle et n'ont pourbut que de présenter les activités de la présidence de la République etfaciliter l'accès aux contenus du site ». Le statut « d'auteur » du texte est à examiner attentivement : defaçon coutumière les discours des présidents de la Républiquefrançaise, comme nombre d'autres responsables politiques, ne sont pasl'oeuvre directe de ceux qui les prononcent. Un ou plusieurs auteurs,dont le statut peut être variable – chef de cabinet, conseiller,communicants divers –, proposent un texte ayant vocation à servir desupport au discours, mais c'est la prononciation et celui qui réalisecette performance qui engage la responsabilité morale quant aux propostenus. Aussi, convient-il de considérer que Nicolas Sarkozy est bienl'auteur de ces propos. Notons en complément, la variation régulièreentre format écrit et format oral de ce discours, qui nécessite que lesservices de communication de l'Élysée opèrent une adaptation dialogiqueentre texte écrit et paroles prononcées dans la formalisation finale dutexte proposé : en d'autres termes, le texte initial est modifié àl'issue du discours pour l'adapter partiellement à la réalité despropos tenus, et inversement les propos tenus lors du discours sontinégalement restitués dans le texte final opérant ainsi une régulationa posteriori de la parole présidentielle. Sans entrer dans les détails biographiques concernant le présidentde la République que tout le monde a en tête, il convient de préciserses rapports personnels avec le monde de l'enseignement supérieur et dela recherche, avant même son accession au pouvoir en mai 2007. Après unbaccalauréat série B préparé dans l'établissement privé CoursSaint-Louis de Monceau (Initialement inscrit au lycée Chaptal (Paris8e), il est contraint de le quitter dès la première année pourpermettre son redoublement en classe de sixième) et obtenu en 1973, N.Sarkozy poursuit des études de droit à l'université Paris X Nanterre,où il obtient après cinq ans d'études (1978), une maîtrise de droitprivé. Après avoir satisfait aux obligations militaires, il entre àl'Institut d'Études Politique de Paris (communément appelé Sciences PoParis) dont il ressort sans avoir réussi à obtenir le diplôme, maisachève ses études en février 1980 en soutenant un DEA de sciencespolitiques. Il obtient en 1981 le Certificat d'Aptitude à la Professiond'Avocat (CAPA), et intègre une carrière juridique spécialisée dans ledroit des affaires et le droit immobilier, qu'il délaisse très vite auprofit de la carrière politique : il est en effet élu maire deNeuilly-sur-Seine en 1983, après avoir été conseiller municipal depuis1977, promu par Charles Pasqua à la tête de la section RPR de Neuillydès 1976. Ces liens lâches avec le monde de l'enseignement supérieur et dela recherche se confirment dans les postes ministériels qu'il occupe :ministre du budget de 1993 à 1995 période durant laquelle nous auronsl'occasion de revenir sur son action en direction de l'ES&R, del'Intérieur de 2002 à 2004, de l'Économie, Finance et Industrie de marsà novembre 2004, puis à nouveau de l'Intérieur de 2005 à 2007. Celan'empêche toutefois pas le candidat et président Sarkozy de manifesterun intérêt pour certains aspects de l'activité de recherche etd'enseignement, notamment dans le domaine de l'histoire qui nousintéressera ici plus particulièrement : - Du point de vue de la méthode historique, lors d'un entretienavec le médiatique philosophe Michel Onfray, réalisé au siège duministère de l'Intérieur (place Beauvau) et paru dans Philosophie Magazinede mars-avril 2007, la question de la valeur justificative desexplications historiques est abordée : à M. Onfray qui dit, «expliquer, ce n'est pas excuser. Par exemple, beaucoup d'historiens onttravaillé sur l'Allemagne des années 1930, sur la montée du nazisme,sur la mise en place d'une mécanique génocidaire. Ces historiens nepeuvent pas être accusés de complaisance envers l'horreur des camps, nide justification » ; NS répond « Qu'un grand peuple démocratiqueparticipe par son vote à la folie nazie, c'est une énigme. Il y abeaucoup de nations à travers le monde qui traversent des crisessociales, monétaires, politiques, et qui n'inventent pas la solutionfinale ni ne décrètent l'extermination d'une race. Mieux vaut admettrequ'il y a là une part de mystère irréductible plutôt que de rechercherdes causes rationnelles. »(http://www.philomag.com/article,dialogue,nicolas-sarkozy-et-michel-onfrayconfidences-entre-ennemis,288.php). Affirmation qui fait douter de sa compréhensiondes enjeux des SHS (Sciences Humaines et Sociales) et de la méthodehistorique, malgré les citations de Marc Bloch dont il use à plusieursreprises (Maison-Alfort, le 02/02/2007 et Caen, le 09/03/2007) (GérardNoiriel, « Marc Bloch », dans Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France, dir. L. de Cock, F. Madeline, N. Offenstadt et S. Wahnich, Paris, Agone, 2008, p. 36-39). - L'implication de NS dans les questions historiques etmémorielles connut une inflation avec son élection à la présidence dela République, de sa prise de fonction avec l'établissement d'unejournée commémorative chaque 22 octobre consacrée à la lecture de lalettre de Guy Môquet (tombé en désuétude dès la 2e année), jusqu'à ladécision récente de créer un musée de l'histoire de France (rappelonsqu'il en existe déjà un à l'Hôtel de Soubise), en passant par lavolonté d'imposer que chaque enfant de CM2 parraine un enfant juif morten camp de concentration (abandonné dès son annonce). Sans entrer dans l'analyse des implications politiques de cesdécisions, qui ont alimenté de nombreux débats, attachons-nous àsouligner ce qu'elles révèlent de la conception de leur auteur de laméthode historique [Je me permets ici de renvoyer à un texte que j'aiécrit en octobre 2007 sur Sarkozy et Môcquet : http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/10/22/la-lettre-de-guy-moquet.htmlBG]. Pour NS, conseillé en cela par Henri Guaino et Max Gallo, larecherche historique sert à fabriquer un discours national, oùl'émotion se substitue à l'analyse. Cette tendance mythographique, quivise à isoler de tout contexte des prétendus faits historiques établis(Fanny Madeline et Yann Potin, « Fille aînée de l'Église », dansComment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France, op. cit., p. 87-90,avec les références bibliographiques p. 87.), et qui adopte uneposition essentialiste où la France existe depuis toujours et préexistemême à la formulation de son idée, se lit parfaitement dans le discoursqu'il prononce au Latran, devant le pape Benoît XVI, le 20 décembre2007 : « C'est par le baptême de Clovis que la France est devenue Filleaînée de l'Église. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premiersouverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes surle destin de la France et sur la christianisation de l'Europe. À demultiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, lessouverains français ont eu l'occasion de manifester la profondeur del'attachement qui les liait à l'Église et aux successeurs de Pierre. Cefut le cas - de la conquête par Pépin le Bref, des premiers Étatspontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus anciennereprésentation diplomatique » ( http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&cat_id=7&press_id=819 ). - Enfin, dans un entretien donné au quotidien 20 minutesle 16 avril 2007, NS présentait explicitement sa conception des étudessupérieures, définissant la légitimité des disciplines enseignées enfonction des critères suivants : « Dans les universités, chacunchoisira sa filière, mais l'État n'est pas obligé de financer lesfilières qui conduisent au chômage. L'État financera davantage deplaces dans les filières qui proposent des emplois, que dans desfilières où on a 5000 étudiants pour 250 places (…) Vous avez le droitde faire littérature ancienne, mais le contribuable n'a pas forcément àpayer vos études de littérature ancienne si au bout il y a 1000étudiants pour deux places. Les universités auront davantage d'argentpour créer des filières dans l'informatique, dans les mathématiques,dans les sciences économiques. Le plaisir de la connaissance estformidable mais l'État doit se préoccuper d'abord de la réussiteprofessionnelle des jeunes. » ( http://www.20minutes.fr/article/151848/France-Le-Pen-ne-m-interesse-pas-son-electorat-si.php ). Suivant les conceptions brièvement évoquées ici, NS a hérité –plutôt qu'engagé – d'un processus de « réforme » du monde del'ES&R, entamé sous la présidence de la République de JacquesChirac qui avait placé à la tête du ministère de tutelle l'astronauteClaudie Haigneré (juin 2002-mars 2004). L'annonce du gel du nombre despostes à l'Université et de la diminution des postes de chercheurs dansles autres organismes (- 550) à la fin de l'année 2003, avait provoquéune première émotion dans le monde de l'ES&R : le 7 janvier 2004,150 chefs d'équipes de recherche lancent un appel nommé « Sauvons larecherche ! » menaçant de démissionner de leur poste si cette politiqueétait appliquée. La multiplication des actions collectives et lesoutien rapide de l'opinion publique avaient obligé le ministre àrevenir sur ces dispositions au mois d'avril 2004, mettant en place unComité d'Initiative et de Proposition (CIP), présidé par le présidentde l'Académie des sciences (Étienne-Émile Baulieu) et son viceprésident (Édouard Brézin), et chargé de réfléchir en concertation avecles chercheurs à la politique de recherche en France. La communautéscientifique française ainsi mobilisée depuis le mois de févriers'engagea à établir des propositions de rénovation du système derecherche et d'enseignement supérieur, créant des « États généraux dela Recherche », et se traduisant par une enquête d'une grande ampleur,aboutissant à la rédaction d'un rapport ambitieux, remis officiellementà Grenoble le 29 octobre 2004 : ce rapport de 89 pages d'analyses et depropositions fut en premier lieu bien reçu par le gouvernement del'époque (François d'Aubert ayant remplacé Claudie Haigneré en juin2004), qui salua la rigueur et l'équilibre du travail fourni (Rapportdes États généraux de la recherche, novembre 2004, p. 2-4). Toutefois, les décisions gouvernementales s'écartèrent notablementdes propositions avancées et initièrent une volonté d'appliquer uneconception managériale au monde de la recherche, qui se traduisitnotamment par la création dès juillet 2004 de l'ANR (Agence Nationalepour la Recherche) : il s'agit d'une agence de financement dotée demoyens très importants, permettant au ministère un pilotage plus directdes programmes de recherche et fonctionnant sur un système d'appeld'offres pour des « marchés » scientifiques à court terme (3 ans). Dèscette époque, les milieux scientifiques s'alarment de l'impact qu'unetelle approche peu provoquer sur l'activité scientifique, et soulignentl'effet pervers d'un système d'incitation à dépenser des sommesimportantes rapidement sans pouvoir garantir la continuité desrecherches engagées ; la Cour des Comptes elle-même pointa dans sonrapport annuel le caractère partiellement inadapté de ce cadre de l'ANRpouvant conduire à des gaspillages d'argent public. En outre, ce nouvel organisme initiait une mise en concurrence parl'État d'une autre institution dont il avait pourtant lui-même lepilotage, le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). À ce contexte plus directement lié à la recherche, s'ajoute celuide l'enseignement supérieur auquel il est indissolublement lié : la loiLRU, adoptée le 10 août 2007, constitue donc un arrière-plan légal àl'organisation de l'Université qui se dessine et dont les effets selaissent aujourd'hui percevoir au sein de 20 universités qui ontaccepté de s'engager, à partir du 1er janvier 2009, dans la voie de ceque le gouvernement nomme – abusivement, nous y reviendrons – l'«autonomie ». Le discours de NS du 22 janvier 2009 intervient à l'issue d'unesérie de discours prononcés tout au long du mois de janvier selon latradition des voeux du président, ayant chacun valeur programmatiquequant à la politique qui sera conduite dans l'année à venir (15discours entre le 2 et le 22 janvier). Bien qu'intitulé « lancement dela réflexion pour une stratégie nationale de recherche et d'innovation», les propos témoignent moins du lancement d'une réflexion que de sonaboutissement, tant le discours est davantage dominé par des assertionsque des questions. Texte touffus, voire confus, dans une languefrançaise souvent approximative, il offre, sous la tutelle de notionstelles que « réforme » ou « crise », une série de propos abordantessentiellement la politique menée en matière d'ES&R et qu'iljustifie par un tableau catastrophiste de l'Université et de larecherche française attribuable selon lui au conservatisme et àl'incompétence de ses acteurs ( http://www.nouvelleuniversite.gouv.fr ). Ce discours a provoqué un large mouvement d'indignation et unprofond sentiment d'injustice de la communauté desenseignants-chercheurs qui se mobilisent actuellement par des biaisvariés pour condamner ce discours ouvertement hostile, provocateur etinsultant. Cet exercice propédeutique de la méthode du commentaire detexte en histoire en est un exemple : il vise à montrer que larhétorique présidentielle, largement partagée par celle du gouvernementtout entier – il suffit de visiter le site Internet « NouvelleUniversité » du ministère de l'Enseignement supérieur pour s'enconvaincre8 – repose sur une technique de communication devenue uneméthode de gouvernement en France : le storytellingétudié par Christian Salmon (CNRS). Cette méthode de communication, néeaux États-Unis durant les années 1980, consiste à inventer deshistoires sans se soucier de leurs fondements véridiques pour légitimerdes prises de décisions idéologiques (Christian SALMON, Storytelling.La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris,La Découverte, 2007 ; et du même auteur, « La machine à fabriquer deshistoires », Le monde diplomatique, novembre 2006. ( http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/SALMON/14124) ; une expression française, héritée de Molière, la résumeparfaitement, « quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage ».À l'origine technique de marketing, elle fut utilisée dès la présidencede Ronald Reagan, puis largement par Bill Clinton et Georges W. Bushdans leur communication politique : l'exemple le plus révélateur futnotamment l'invention des armes de destruction massive irakiennes pourjustifier la politique extérieure américaine au Moyen-Orient. Lediscours de NS sur l'ES&R use des mêmes méthodes en inventant unconstat souvent très éloigné de la réalité que l'on tentera de rétablirà l'aide de données statistiques proposées par les services duMinistère de l'ES&R et issues des enquêtes menées par l'OCDE(Organisation de Coopération et de Développement Économique), autrementdit en utilisant les même outils qui sont à disposition du gouvernementet du président de la République, dont on soulignera à l'occasion leslimites (je précise que toutes les données chiffrées utilisées sontaccessibles à tous sur Internet et donc vérifiables). Nous examinerons donc trois des principaux aspects de cette storyque raconte ici NS : nous vérifierions si l'Université et la recherchefrançaises sont effectivement si mauvaises (I), puis nous verrons si lediscours de NS « n'est pas une question d'idéologie » notamment économique (II), avant d'examiner si les enseignants-chercheurs sont avant tout mus par un esprit de conservatisme (III).

I. « NOUS NE SOMMES PAS AUJOURD'HUI DANS LE PELOTON DE TÊTE DES PAYS INDUSTRIALISÉS POUR LA RECHERCHE ET L'INNOVATION »

A. « un système d'université faibles » inefficaces « dans la bataille de l'intelligence » Page 3, § 3 : « Je ne vois nulle part qu'un système d'universitésfaibles, pilotées par une administration centrale tatillonne soit unearme efficace dans la bataille pour l'intelligence. C'est au contraireun système infantilisant, paralysant pour la créativité etl'innovation. C'est pour cela que l'on a donné l'autonomie auxuniversités. » En passant sur le fait que NS décrive l'action de son propreministère de l'enseignement supérieur et de la recherche comme étantune « administration centrale tatillonne », soulignons qu'il justifieici une réforme, la loi LRU, par une assertion fabuleuse, entendu commerelevant de la fable, des universités françaises faibles. Ce quirésonne évidemment derrière cette assertion est le mirage du classementde Shanghai, qui renvoie la 1ère université française au 42e rang(Paris VI) et place seulement 4 institutions françaises dans les 100premières ; ce très médiatique classement établi par l'université deShanghai est toutefois sur nombre de points contestable : - sa méthode : il s'agit d'un indice calculé sur la basesuivante : Prix Nobel et médailles Fields parmi les anciens élèves(10 %), Prix Nobel et médailles Fields parmi les chercheurs (20 %),articles publiés dans Nature et Science (20 %), nombre de chercheursles plus cités dans leur discipline (20 %), articles indexés dans lesbases anglo-saxonnes (20 %), performances académiques au regard de lataille de l'institution (10 %). Outre le poids exorbitant concédé auprix Nobel, qui limite l'activité de recherche à quelques disciplinesseulement (il n'y a pas de prix Nobel pour les SHS), notons que ceclassement vise avant tout à promouvoir le recherche anglo-saxonne ouen langue anglaise : les publications sont limitées à seulement deuxrevues américaines, ayant une politique éditoriale qui ne garantit enrien la fiabilité de ce critère (il serait intéressant, pour boucler laboucle, de comptabiliser le nombre de prix Nobel attribués à l'issue detravaux publiés dans ces deux revues). Soulignons également, en ce quiconcerne le dernier critère (performance académiques), que cetteméthode de classement met abusivement sur un même plan les universitéspratiquant une sélection d'entrée parmi leurs étudiants, assurantmécaniquement des taux de réussite plus élevés puisque dispensant sesenseignements uniquement à une « élite » présélectionnée, avec desuniversités accueillant l'ensemble d'une classe d'âge au sein delaquelle ces universités se chargent par la suite d'assurer lapromotion des meilleurs, présentant donc des taux de réussite d'autant plusfaible que le cursus proposé est exigeant. L'auteur de ce classement,Nian Cai Liu, explique lui-même que ce celui-ci est uniquement réaliséavec les informations disponibles sur Internet et qu'il sont deux àl'élaborer (N. C. Liu et Y. Cheng, « Academic Ranking of WorldUniversities – Methodologies and Problems », Higher Education in Europe, 30/2 (2005)). Le prix Nobel français 2007, Albert Fert, expliqua dans le quotidien Le Mondedu 27 août 2008 « un prix, Nobel ou autre, obtenu par un professeurd'université française rapportait généralement deux fois moins de «points » à son université que le même prix en rapporte à l'universitéd'un collègue étranger, américain ou britannique par exemple, lauréatdu même prix ». La raison principale étant le fait que la plupart delaboratoires importants en France sont des laboratoires mixtesUniversité/École – CNRS, et que le CNRS n'est pas comptabilisé. L'autreraison étant également que nombre de grandes universités françaises nerecouvrent pas l'ensemble des disciplines enseignées : les universitésà dominantes de lettres, langues, SHS sont ainsi inévitablementreléguées en fin de classement, et seules émergent les universités àdominante de sciences dures (Paris VI, Paris XI). Nous reviendrons surce problème de la concentration universitaire que ces systèmesd'évaluation ont tendance à encourager. - l'idéologique de son recours : en réalité ce classement est toutsimplement ignoré en Amérique du Nord (E-U et Canada) et le chercheurcanadien Yves Gingras, spécialiste de l'évaluation bibliométriqueexplique : « Censé constituer la référence internationale en matière depalmarès des universités, le classement de Shanghai est un outil dupouvoir chinois à usage essentiellement interne, complaisamment reprispar la presse européenne, largement ignoré aux États-unis […] il sertaussi de façon stratégique les acteurs qui veulent réformer le systèmeuniversitaire et se servent de ces classements de façon opportunistepour justifier leur politique » (Marianne 2, juin 2008). Pour s'en convaincre cet article du Figarodu 19 juin 2007 : « Voilà un classement qui tombe à pic. Alors que legouvernement doit présenter en fin de semaine son projet de réforme del'université, censé rendre nos campus plus compétitifs, une nouvelleversiondu célèbre palmarès de Shanghai vient rappeler que la France nebrille pas sur la scène universitaire internationale ». Observons néanmoins les résultats de ce classement par pays :

LE CLASSEMENT DE SHANGHAI 2006 PAR PAYS 1-20 21-100 101-200 201-300 301-400 401-500 1. États-Unis 17 51 90 119 139 170 2. Royaume Uni 2 11 18 29 35 42 3. Japon 1 5 9 13 26 36 4. Allemagne 5 15 22 36 40 5. Canada 4 8 16 19 22 6. France 4 6 12 17 21

Malgré les réserves formulées, le classement de Shanghai par paysfait apparaître la France au 6e rang mondial, avec 21 de ses 85universités classées dans les 500 premières universités mondiales.D'autres classements utilisant des critères différents placent laFrance dans les tout premiers rangs mondiaux : le classement de l'Écoledes Mines de Paris utilisant comme critère le lieu de formation deschefs des entreprises mondiales les plus importantes place la France en3e position (derrière les États-Unis et le Japon) ; un autre quiprend en compte la concentration géographique des performances enadoptant comme référentiel la superficie du campus d'Harvard (1èreuniversité dans la plupart de classements) montre qu'en intégranttoutes les universités, écoles, instituts de recherche et laboratoiresdu quartier latin à Paris sur une même superficie que le campusd'Harvard, la France obtiendrait le 1er rang dans un classementutilisant les mêmes critères que le classement de Shanghai. Si l'on cherche à déplacer le problème de ces classements, dont lapertinence reste contestable, en posant la question de l'attractivitédes établissements d'enseignement supérieur français dans le monde,l'enquête de l'OCDE montre que la France se place au 4e rang mondial.Les États-Unis, le Royaume-Uni (les deux favorisés par la langueanglaise) puis l'Allemagne, et la France accueillent plus de 50 % detous les étudiants étrangers. Notons que la France est le seul pays parmi les 5 premiers à avoirvu son attractivité augmenter (d'un point) entre 2000 et 2006, quandles autres ont stagné, voire pour les États-Unis ont observé une chutede près de 5 points. Notons enfin que selon le rapport du Ministèrelui-même (état du sup) l'attractivité des universités françaises surles étudiants étrangers est d'autant plus forte que les diplômesconvoités sont élevés : les universités françaises attirent doncdavantage à haut niveau de formation, essentiellement au niveau duMaster et du Doctorat. Le rayonnement du système universitaire français assure donc uneattractivité mondiale réelle et qui va totalement à l'encontre desdiscours« déclinistes ». Cette position plus qu'honorable est notammentrendue possible par unepolitique d'investissement culturel à l'étrangerqui est aussi géostratégique : or, ces derniers mois ont vu une remiseen cause financière et structurelle de nombreux instituts français àl'étranger,comme le centre Marc Bloch à Berlin ( http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article2293 ), l'Institut Français d'Études Anatoliennes d'Istanbul ( -http://www.mesopinions.com/Une-nouv... ), soulevant l'indignation de la communauté scientifique internationale. « Il y a de la lumière, c'est chauffé… on peut continuer, on peutécrire » P. 4, § 1 : « La recherche serait-elle uniquement une questionde moyens et de postes ? Comment donc expliquer qu'avec une dépense derecherche plus élevée que celle de la Grande Bretagne, plus élevée etenviron 15% de chercheurs statutaires en plus, que nos amis Anglais, laFrance soit largement derrière elle pour la part de la productionscientifique dans le monde ? Il faudra me l'expliquer ! Plus dechercheurs statutaires, moins de publications et pardon, je ne veux pasêtre désagréable, à budget comparable, un chercheur français publie de30 à 50% en moins qu'un chercheur britannique dans certains secteurs.Évidemment, si l'on ne veut pas voir cela, je vous remercie d'êtrevenu, il y a de la lumière, c'est chauffé...... On peut continuer, onpeut écrire. C'est une réalité et si la réalité est désagréable, cen'est pas désagréable parce que je le dis, c'est désagréable parcequ'elle est la réalité, c'est quand même cela qu'il faut voir. Arrêtezde considérer comme sacrilège celui qui dit une chose et voir si c'estla réalité. C'est la réalité qu'il faut contester dans ce cas là. » Ces propos, qui tendent à faire passer les chercheurs pour desparasites accrochés à leur laboratoire chauffé et éclairé, intègrentparfaitement les nouvelles préoccupations d'évaluation de l'activité derecherche par le biais de la bibliométrie, c'est-à-dire la comptabilitéde la production scientifique écrite comme critère d'évaluation. Leproblème de la bibliométrie anime le monde de la recherche, toutediscipline confondue, depuis plusieurs mois maintenant, ayant mêmeprovoqué une fronde de nombre de chercheurs américains, pourtant lesmieux classés, contre le manque de pertinence de ces pratiquesd'évaluation qui font primer le quantitatif sur le qualitatif :certains avançant que si la bibliométrie avait existé dans l'Antiquité,Platon aurait été particulièrement bien noté mais pas Socrate… NS reprend ici les chiffres d'un rapport produit par le ministèrede l'ES&R s'appuyant sur les statistiques d'un organisme privénommé Observatoire des Sciences et des Techniques, mais l'analyse quien est faite est moins celle de ce rapport que d'un article duquotidien financier Les Echos du 2 mai 2007 signé par Bernard Bellochet qui titrait : « Recherche : pas seulement un manque de moyenfinancier ». NS reprend très fidèlement les propos du journalistefinancier notamment en mettant en exergue le cas du Royaume-Uni quifait figure d'exception dans ce tableau classant les 20 pays les pluspubliant : « la Grande-Bretagne [...] caracole assez loin devant laFrance en ce qui concerne les publications », « la productivité globaledu secteur français de la recherche est faible », et ce « sont les paysoù la part du privé dans la recherche est la plus forte qui produisentle plus de résultats, y compris en recherche fondamentale ! Tout ceciest vérifiable dans les chiffres disponibles. Ce n'est pas un jugement.» La France se situe au 6e rang mondial derrière les États-Unis, le Japon, la Chine, le Royaume-Uni et l'Allemagne. En comparant avec l'investissement des pays respectifs dans leurrecherche, on constate effectivement que l'ensemble des pays publiantplus que la France connaît un investissement financier supérieur dansleur recherche, à une seule exception près, le Royaume-Uni. Mais l'onpeut souligner, des exceptions dans l'autre sens, un chercheur françaisapparaissant ainsi beaucoup plus productif qu'un chercheur suédois, unitalien plus qu'un espagnol et un néerlandais, etc. Comment expliquer cette dissonance ? Difficile, car lesindicateurs sont peu clairs : OST s'appuie sur la base Web of Science,de l'organisme américain (Philadelphie) Thomson Scientific, base dontl'Observatoire indique lui-même qu'elle tend, dans le dépouillementsystématique de 4 000 revues, à privilégier les publicationsanglo-américaines (http://www.obs-ost.fr/ : Annexe B-5, p. 453). Parailleurs, l'indicateur consiste en un rapport entre le nombred'articles publiés et l'importance scientifique supposée de cesarticles : le problème se pose de savoir comment et qui décide de laportée scientifique réelle de l'article, point sur lequell'Observatoire ne dit rien. Marc Lefranc, chargé de recherche en physique au CNRS, avaitattiré l'attention sur ce problème en mai 2007, dans un article où ilexplique qu'à défaut de pouvoir mesurer de façon satisfaisante laportée scientifique d'un article de recherche, un critère homogène estde se fier à la politique éditoriale d'une revue. Au sein d'une mêmerevue de portée mondiale, qui publie le plus ? Marc Lefranc expérimentecette approche sur la revue de physique américaine nommée Physical Review Letters,la plus prestigieuse revue de la discipline, dont il dit qu' « y sontpubliés les résultats jugés suffisamment importants pour être portés àla connaissance de l'ensemble des physiciens, toutes spécialitésconfondues. En particulier, la grande majorité des prix Nobel dePhysique récemment attribués l'ont été pour des découvertes décritespour la première fois dans cette revue » ( http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1577 ) Il obtient les résultats suivants pour la même année 2006 que l'OST :

Articles publiés dans la PRL en 2006 Pays Nb. article s publié s Productivité (articles /milliard de $ de PIB) 1. États-Unis 1790 0,14 2. Allemagne 818 0,34 3. France 578 0,32 4. Royaume-Uni 435 0,23 5. Japon 418 0,11 6. Italie 314 0,19 7. Chine 268 0,07 8. Canada 237 0,22 9. Russie 229 0,15

On constate que les résultats obtenus diffèrent largement de ceuxsur lesquels s'appuient NS, plaçant la France en 3e position mondiale,devant le Royaume-Uni. La productivité française serait même en 2eposition, derrière l'Allemagne, et de plus du double de celle deschercheurs américains. Ces résultats ne prétendent pas démontrer autre chose que lamauvaise qualité des informations sur lesquelles s'appuie NS et surlesquelles il fonde son discours insultant pour les scientifiquesfrançais. L' « arbre qui cache la forêt » dans un « système atomisé » P. 3,§ 5 : « Notre organisation « à la française » donne-t-elle de meilleursrésultats ? Est-ce qu'il suffit de dire que c'est une organisation "àla française" pour considérer que l'on a clos le problème, refermé ledossier, exploré toutes les pistes ? […] Certes nos meilleurschercheurs obtiennent des récompenses prestigieuses : un prix Nobel etun prix Turing l'année dernière, deux prix Nobel cette année. Nousavons des domaines d'excellence reconnus et enviés dans le mondeentier, mathématiques, physique et aux sciences de l'ingénieur. Maisces admirables chercheurs et ces points forts - j'ose le dire -nesont-ils pas l'arbre qui cache la forêt ? » P. 3, § 4 : « Nulle partcomme en France on a autant multiplié les instituts, agences,groupements et autres organismes microscopiques qui diluent les moyens,les responsabilités, tirent chacun à hue et à dia, et gaspiller (sic)temps et argent. » Soulignons en préambule la facilité avec laquelle NSutilise les modèles nationaux comme exemple ou contre-exemple, dans despostures largement contradictoires selon qu'il est dans une posture decampagne ou de « réforme » : le 2 février 2007, dans son discours deMaison-Alfort, il citait Marc Bloch en tirant cette phrase, « latradition française, incorporé dans un long destin pédagogique, nousest chère ». L'image d'une cohorte innombrable de chercheurs inefficacesprotégés par quelques grands noms (Albert Fert notamment, souvent citépersonnellement ou pour son projet Thalès) et un « système atomisé »d'institutions microscopiques a déjà été largement ébranlé par lesanalyses précédentes. Ceci nous invite néanmoins à observer maintenantle paysage institutionnel de la recherche en France. Contrairement à l'assertion selon laquelle la coexistenced'instituts et d'organismes serait une particularité française,soulignons qu'il existe des organismes dans pratiquement tous lespays : États-Unis, Japon, Allemagne, Espagne, Italie, etc. EnAllemagne, il existe quatre types d'organismes et une agence, 7 organesofficiels ont la tutelle de la recherche et 28 organismes, 12 publicsde recherche(http://cisad.adc.education.fr/reperes/public/reperes/liens/pageall.htm#1),et le système américain connaît une multitude d'agences et d'organismesavec 10 organes officiels de tutelle ( www.france-biotech.org/LOAD.asp?ID_DOC=925). Par ailleurs, la diversité des instituts ne veut pas dire uneabsence de coordination et une dilution des moyens : c'est dans cetteoptique qu'avait été créé en 1939, et véritablement organisé en 1946,le CNRS (http://www.cnrs.fr/fr/organisme/presentation.htm). Il s'agitd'un organisme public de recherche (Établissement public à caractèrescientifique et technologique, placé sous la tutelle du Ministère del'Enseignement supérieur et de la Recherche). Il accueille plus de 32000 personnes (dont 26 000 statutaires - 11 600 chercheurs et 14 400ingénieurs, techniciens et administratifs) qui exercent leur activitédans tous les champs de la connaissance, en s'appuyant sur plus de 1200unités de recherche et de service, dont 90% sont en lien avec d'autresinstitutions comme des Universités ou écoles. 5000 chercheurs étrangerssont accueillis annuellement dans les laboratoires, 1714 chercheursétrangers sont statutaires au CNRS, 85 accords de coopération avec 60pays ont été signés, 310 programmes internationaux de coopérationscientifique, 91 laboratoires européens et internationaux associés et92 groupements de recherche européens et internationaux, 14 unitésmixtes internationales… De quel système atomisé parle NS ? Avec 16lauréats du prix Nobel et 9 de la Médaille Fields, le CNRS a une longuetradition d'excellence qui place cet organisme de recherche au 1er rangeuropéen et au 4e rang mondial (données Webometrics, OCDE, OST 2006).La force de cet organisme réside notamment dans la pluridisciplinaritéet une organisation qui facilite les transferts de connaissances d'unediscipline à l'autre. Le prix Nobel de physique 2007, Albert Fertdéclarait lors de la remise de son prix : « En cette période detransformation de notre système de recherche, j'ai envie de dire ànotre ministre Valérie Pécresse d'éviter une approche idéologique,qu'il faut absolument garder la capacité de coordination, d'élaborationd'une stratégie nationale du Cnrs dont l'Agence nationale de larecherche (ANR) n'est pas dotée ». Il a renouvelé son point de vuerécemment (29 janvier 2009) dans une lettre ouverte dont il est leco-auteur : « La France doit nombre de ses succès scientifiques auxorganismes (CNRS notamment) qui garantissent la cohérence de l'effortnational de recherche. La recherche universitaire est particulièrementperformante dans les laboratoires dits mixtes, associant en partenariatl'organisme de recherche avec une université ou une entreprise. » ( http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/01/universit-et-re.htm ) Complétons le tableau en évoquant effectivement les organismes encharge de la recherche publique. En 2005 on en comptait 7 : CNRS(plurididisciplinaire), Inserm (recherche médicale), Inra (rechercheagronomique), Cea (énergie atomique), Ifremer (recherche pourl'exploitation de la mer), Cemagref (sciences des eaux et duterritoire), Inria (recherche informatique et automatique). En tenantcompte des dernières réformes et de celle évoquée par NS de création de6 instituts pour remplacer la structure actuelle du CNRS, on obtient autotal 21 organismes intermédiaires de pilotage de la recherche. Larestructuration opérée actuellement, loin de concentrer les moyens derecherche, crée des superpositions institutionnelles qui risquentd'être bien plus « paralysant[es] pour la créativité et l'innovation »que le système précédent.

II. « L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, LA RECHERCHE ET L'INNOVATION SONT NOTRE PRIORITÉ ABSOLUE »

En ouverture de son discours, NS réaffirme la place de l'ES&Rdans le paysage politique, culturel et économique de notre pays : « Ence qui concerne notre effort de recherche et d'innovation. Je n'ai pasbesoin de vous convaincre de la dimension cruciale que cela aura dansle monde nouveau qui se dessine. » (p. 1, § 4). Saluons cette prise deconscience qui, au regard des actes, n'allait pas de soi. Tous lesindicateurs internationaux (cf. OCDE) montrent très nettement que la croissance du PIB national est intimement liée à l'investissement de ce PIB dans la R&D. A. « ce n'est pas une question d'idéologie » (p. 1, § 3) « cen'est pas une question d'idéologie, ce n'est pas une question de droiteou de gauche, c'est une question de bon sens ». Passons sur laréthorique du « bon sens » qui sert à justifier nombre d'actions de cegouvernement (cf. R. Dati et l'incarcération des enfants de moins de 12ans relevant d'un « bon sens » peu partagé par le Premier ministrelui-même…), pour s'intéresser à la question de l'idéologie. Le termeest ainsi défini par le Dictionnaire de l'Académie(9e éd.) : « Ensemble de représentations, vision du monde propre à unesociété, une époque, un mouvement intellectuel, un groupe social /Système d'idées, corps de doctrine sur lequel se fonde une actionpolitique. » Autrement dit, faire preuve d'idéologie c'est chercher àimposer un système de pensée soutenant une action politique à desacteurs sociaux jusqu'ici étrangers à ce système. Reprenons à présentle texte de NS, qui me semble se passer de commentaire (p. 1, § 4) : «La crise nous donne l'occasion […] de changer nos mentalités, parce quedans notre pays ce n'est pas une chose que l'on fait facilement etpourtant il faut le faire. » Qu'en est-il de l'idéologie et de l'ES&R ? Parmi les nombreuxbiais d'analyse restons en à une analyse « froide » des chiffres mis àdisposition par le ministère lui-même. Cette courbe de l'évolution dela part des dépenses engagées pour la recherche en pourcentage du PIBtraduit les efforts nationaux en faveur de la recherche depuis 1980. Ondistingue plusieurs phases : une nette augmentation entre 1980 et 1985(de 1,75 à 2,15%), puis une stagnation entre 1986 et 1988, avant unenouvelle augmentation entre 1989 et 1994 (atteignant son apogée avecprès de 2,4% du PIB), avant une chute de près de 20% entre 1995 et1998, très partiellement compensée entre 1998 et 2002, avant unenouvelle chute en 2002-2006 ramenant au niveau d'investissement de1984. Est-il nécessaire de comparer ces fluctuations avec le contexte politique de la France ? La plus forte augmentation alieu durant le 1er mandat de F. Mitterrand, avant une nette décruecorrespondant à la cohabitation avec le gouvernement de J. Chirac(1986-1988). Après une retour à la croissance, la seconde cohabitationavec le gouvernement d'E. Balladur (1993-1995) amorce une décrue,continue durant le début du mandat de J. Chirac, avant d'être stoppéepar le gouvernement de cohabitation de L. Jospin (1997-2002). Enfin, lesecond mandat de J. Chirac marque une nouvelle décrue, stabilisée en2005-2006 à la suite du premier mouvement de contestation deschercheurs. Ce ne sont donc pas tant du côté des chercheurs qu'il convient dechercher de l'idéologie, et nombre d'entre eux aujourd'hui engagés dansla contestation, au-delà des clivages politiques traditionnels (onobserve une mobilisation des universités peu enclines au « gauchisme »telles Lyon III, Paris IV, Paris II, IEP Aix, et des syndicats classésà droite tel Autonome Sup), pourraient se réclamer du pragmatismequ'invoquent régulièrement les membres du gouvernement. B. « il faut aller plus loin pour susciter une recherche privée dequalité » P. 4, § 3-4 : « C'est en France que la part du privé dans lefinancement de la recherche est, de loin, la plus faible de tous lespays comparables et tenez-vous bien cela s'aggrave car ces dernièresannées cela à tendance à diminuer. Nous avons poussé les incitationsfiscales au maximum avec le crédit impôt recherche à 30 %. C'étaitnécessaire, mais il faut aller plus loin pour susciter une rechercheprivée de qualité. Il nous faut sans doute orienter les instruments dontnous disposons davantage vers la création et le développement de PMEinnovantes. La recherche privée française doit encore se développermassivement. Nous n'avons pas en France cette culture qui fait que pour un chefd'entreprise américain ou allemand, la recherche est une source decréation de richesse et de croissance. Pour nous trop souvent larecherche est considérée par les entreprises françaises comme une sortede luxe parfois superflu et pour les grandes entreprises françaises quifont beaucoup de R&D, la recherche s'exerce trop en vase clos, eninterne, comme si les idées venues de l'extérieur étaient suspectes etqu'il serait, dangereux de s'y frotter. Nous devons changer cela. Les entreprises grandes et petitesdoivent puiser dans le vivier formidable de la recherche publique, enlui confiant des contrats, en nouant des partenariats, en embauchantses chercheurs. Nous avons tout mis en place pour cela et j'attends decette réflexion sur la stratégie nationale de recherche et d'innovationqu'elle serve à mobiliser les entreprises pour changer les habitudes.D'autant plus qu'il est absurde d'opposer recherche appliquée etrecherche fondamentale. Il n'y a qu'en France qu'on arrive à fairecroire que recherche privée et recherche publique s'opposent, alors quec'est dans les pays où les financements privés de la recherche sont lesplus importants que les prix Nobel sont les plus nombreux et larecherche fondamentale la plus féconde. » Le constat dressé ici par NS, qui s'adresse avant tout aux chefsd'entreprises, est sans doute le moins fautif de l'ensemble de sondiscours : la plupart des indicateurs confirment ce diagnostic qui meten avant la frilosité des entreprises françaises à investir dans larecherche. La France connaît un investissement privé moindre en R&D(Recherche et Développement) que le Japon, les États-Unis etl'Allemagne, légèrement inférieur à la moyenne de l'OCDE, maissupérieur au Royaume-Uni. Dans l'ensemble de ces pays toutefois,l'engagement privé reste supérieur à l'engagement public dans lesefforts de recherche. Ceci se traduit également dans les moyens humainsengagés dans la R&D : en France en 2006, il y avait 202 157personnes actives dans les entreprises à cet effet, et 161 709 dans lepublic. Les indicateurs (Source : état du sup 23.01) montrent en outre quel'investissement privé pour l'innovation est dans 86% des cas consacréà des partenaires privés et seulement 8% aux universités et 6 % dansles autres organismes de recherche. Or on constate que plus la demandenécessite un niveau de compétence élevé, plus l'investissement sereporte sur la recherche publique (23.03) : en d'autres termes plusl'investissement privé cherche à stimuler la recherche fondamentale,plus elle se tourne vers la recherche publique. Il y a en fin de compteune nette bipartition entre recherche fondamentale et rechercheappliquée, qui se lit dans les demandes de brevets. Avant d'en veniraux chiffres, rappelons la différence de stratégie que sous-tend uneexploitation de la recherche par le biais de publications ou debrevets : un chercheur dont les résultats aboutissent à une publicationrend donc publiques ces résultats, les livrant à l'ensemble de lacommunauté scientifique et au-delà, contribuant ainsi à un constitutiondu savoir universel ; un chercheur qui, à la suite de son travail,dépose un brevet, cherche ainsi à protéger juridiquement ses résultatset leur exploitation pour s'en assurer, à lui ou à son entreprise, lemonopole de l'exploitation industrielle et commerciale. En France, 91,7des brevets français viennent de la recherche privée et 8,3 de larecherche publique, moyenne qui est à mettre en regard de variationsselon les secteurs : par exemple en pharmacie et biotechnologie, onatteint 21,6 % pour la recherche publique, mais seulement 0,6 % pour lesecteur « Consommation des ménages-BTP ». Complétons ce tableau enpointant que parmi les 10 premiers déposants de brevets, on trouve… leCNRS (INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) d'après LesÉchos : http://www.lesechos.fr/info/innovation/4691196.htm ). Au final, les entreprises privées françaises investissent peu dansla recherche publique, se consacrant essentiellement à une rechercheappliquée à but industriel et commercial. Pourtant, NS précise « desinstruments puissants comme le Crédit Impôt Recherche ont étédéveloppés, aujourd'hui vous disposez Mesdames et Messieurs les chefsd'entreprises et vous avez d'ailleurs pris des décisions - je pense àThales notamment - du système fiscal en faveur de la recherche le plusattractif au monde, au monde. » Une des actions gouvernementales enfaveur de la recherche consiste donc à alléger les charges desentreprises dans le but de susciter leur investissement dans larecherche. Quel résultat ? La Cour des Comptes dans son rapport defévrier 2008 pointait l'échec de cette stratégie politique du créditimpôt recherche en l'état ( http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/Suite3-credit-impot-recherche.pdf) : elle soulignait que les entreprises avaient reçu 1,6 milliardd'euros d'allègement fiscal au titre de l'aide à la recherche, maisn'avaient engagé réellement que 400 millions d'euros, soit seulement1/4 de l'effort financier public… C. « aucun gouvernement n'avait réalisé un tel effort en si peu detemps, aucun » P. 2, § 2 : « Il fallait des moyens supplémentaires,grand débat en France, il n'y a aucun domaine ou (sic) l'on vous dit ona trop de moyens. On commence à discuter, vous payez d'abord on discuteensuite. Il y a plus d'abord, mieux après. » Rappelons que c'est entre juin et octobre 2004 qu'ont eu lieu lesÉtats Généraux de la Recherche, animés par les chercheurs eux-mêmes, etorganisés autour de la volonté de porter des réformes structurellespour accompagner les efforts budgétaires de l'État. Les discussionsavec les chercheurs sont donc entamées depuis 5 ans. La demande demoyens financiers est-elle pourtant illégitime ? En 2006, avec 2,12% du PIB consacrés à la R&D, la France sepositionne sous la moyenne de l'OCDE (2,25%), soit au 14e rang des paysde l'OCDE, et présente une différence de 0,5% de PIB avec lesÉtats-Unis. Surtout, elle est le seul pays parmi les 16 premiers decette liste à avoir vu les moyens financiers engagés dans la recherchediminuer entre 1995 et 2006 (Rappelons malgré cela que les classementsles plus pessimistes placent les résultats de la recherche française au 6e rang mondial). « Quant aux dépenses de recherche et développement, elles ontcommencé à remonter à 2,16 % du PIB en 2008 après avoir chuté jusqu'à2,12 % en 2007. Nous avons injecté 800 millions dans la recherche en2008 et nous continuerons à injecter des moyens. » Il estmalheureusement impossible de vérifier ces chiffres : les chiffres del'année précédentes concernant le PIB étant en général publiés en mai. Ceque l'on peut noter, c'est qu'une augmentation de 0,04% par an nepermet pas d'atteindre les 3% de PIB consacrés à la R&D en 2012 queNS avait annoncés lors de sa campagne et répétés dans la lettred'orientation à Valérie Pécresse ou encore lors de son discours àOrsay, le 28 janvier 2008. En effet, pour passer des 2,12 % en 2007 à3 % en 2012, soit une augmentation de 0,88 % en 5 ans, il faut une augmentation moyenne de 0,176 % par an soit 4,4 fois plus que cequi a été fait en 2008 (avant l'entrée dans la crise financière). Ensupposant le PIB constant sur ces 5 ans (ce que l'on ne souhaite pasbien sûr, mais plutôt un PIB croissant) cela représente en volume plusde 3,5 milliards annuels nécessaires. On est donc loin du compte, avec800 millions… p. 2, § 2-3 : « Les moyens supplémentaires, chèreValérie, on les a engagés avec le Premier ministre et on va continuer àle faire. Nos universités bénéficient depuis le budget 2008d'augmentations de leurs moyens et je l'affirme comme elles n'en ontjamais connu. La dépense par an et par étudiant a augmenté de 1000euros depuis 2007 et elle augmentera encore de 37 % sur la période2009-2011, nous plaçant enfin en 2012 au-delà de la moyenne des pays del'OCDE. On ne s'en glorifie pas, mais on était en deçà. On va passerau-delà. Aucun gouvernement n'avait jusqu'alors réalisé un tel efforten si peu de temps, aucun. » En septembre 2007, Valérie Pécresse s'était en effet flattée deproposer un budget 2008 en augmentation de 7,8% par rapport à celui de2007 : 1,8 milliard d'euros supplémentaires, pour un budget total de24,9 milliards. En fait sur ces 1,8 milliards, c'est 1,286 milliardssoit 5,8% qui constituaient une progression budgétaire, le reste étantconsacré, à des aides fiscales (notamment crédit impôt recherchedestiné aux entreprises à hauteur de 390 millions) et d'autres postesde dépenses (projet Oséo Innovation)(http://www.nouvelleuniversite.gouv.fr/IMG/pdf/presentationbudget.pdf).Sans développer la répartition des sommes selon les postes budgétaires,notons toutefois que le document de présentation du budget n'indiquepas une hausse de 1000 euros de dépense par an et par étudiants, maisde 405 euros (soit 7375 euros/an et par étudiants). Une augmentation de37% entre 2009 et 2011 représente environ 2730 euros de plus parétudiant et par an (soit 10 105 euros/an/étudiant). Le diagnostic actuel est en effet peu glorifiant. La France seplace au 16e rang des pays de l'OCDE pour les dépenses consacrées à sesétudiants, sous la moyenne de l'OCDE. Si l'annonce de NS se confirme,de 10 995 $ en 2005, ces dépenses annuelles par étudiant passeraient à13 137 $ en 2011 (1000 euros = environ 1300$), plaçant la France au 10erang entre le Royaume-Uni et l'Allemagne (à condition, bien sûr, queces pays maintiennent un investissement stable durant cette période).Il n'est pas inutile ici de rappeler à quelles conditionsdémographiques les universités françaises ont eu à faire face depuisleur réforme de 1968 : en 1971, 19,4 % d'une classe d'âge accédait àl'enseignement supérieur ; en 1985, on passe à 30% d'une classe d'âge ;en 2006, le taux a atteint 54%22, soit 1,3 million d'étudiants enUniversité et seulement 75 000 dans les grandes écoles. L'Universitéfrançaise a donc eu à faire face à une massification très importante deces effectifs étudiants, dont les effectifs étudiants ont doublé entre1980 et aujourd'hui, et ceci à moyens constants voire décroissants (C.CHARLE et J. VERGER, Histoire des universités, Paris, PUF, 1994, p. 122, pour les chiffres de 1971 et 1985 ; pour 2006, cf. état du sup). « Et ce sont 750 millions d'euros d'investissementssupplémentaires, Cher Patrick DEVEDJIAN, qui sont dégagés au titre duplan de relance en 2009 – c'est-à-dire en plus du plan campus, on remet750 millions de plus pour développer des équipements universitaires etscientifiques qui n'avaient jusqu'alors, pas pu être financés faute debudget. Dans la relance, on a pris une partie de l'enveloppe, gérée parPatrick DEVEDJIAN, et on la met dans l'enseignement supérieur et dans la recherche. » Il s'agit ici de la part consacrée à la recherche et àl'enseignement supérieur dans le plan de relance du gouvernement pourfaire face à la crise financière : rappelons qu'il s'agit 26 milliardsd'euros (soit 1,3 % du PIB) uniquement consacrés à l'investissement,dont 2,88 % à l'enseignement supérieur et à la rechercheessentiellement pour la rénovation des équipements et bâtiments.Autrement dit, c'est un investissement pour que les universités fassenttravailler des entreprises (notamment de BTP) et non pour stimuler leurpropre activité de production… Au final, l'effort du budgétaire dugouvernement n'est pas sans idéologie, et ceci d'autant plus qu'il leconditionne lui-même aux réformes : « Avec le Premier ministre nous neposons qu'une condition, que les réformes continuent. Il n'y aura pasde moyens supplémentaires sans les réformes. C'est une condition si quanon. » (p. 3, § 1)

III. « IL FAUT BIEN RECONNAÎTRE QUE DEPUIS DES DÉCENNIES, LE CONSERVATISME L'A TOUJOURS EMPORTÉ »

On pourrait ici s'engager dans une analyse historique du discourspolitique usant de la notion de « conservatisme » durant les 50dernières années : on y observerait assurément un déplacement dansl'usage de cette rhétorique, un glissement (dans la partitiontraditionnelle) de la gauche à la droite. Il conviendrait alors desouligner que comme dans la plupart des transferts notionnels, le sensdes mots change aussi… A. « Ecoutez, c'est consternant mais ce sera la première foisqu'une telle évaluation sera conduite dans nos université, la première» p. 2-3 : « Nous sommes en train de revoir entièrement le décretstatutaire qui organise les services et les promotions des enseignants chercheurs. Je sais que là, celainquiète. Il s'agit de donner aux universités autonomes les moyensd'organiser au mieux leur politique de formation et leur politiquescientifique. Si elles sont autonomes, cela devra se traduire dansl'autonomie de leur politique scientifique et de leur politique deformation sinon, pourquoi seraient-elles autonomes ? Il s'agit aussi depermettre aux meilleurs talents, en recherche, pour l'enseignement etles multiples tâches indispensables dans une université moderne d'êtreenfin reconnus et récompensés. La condition que l'on y met, c'estd'évaluer ces activités, et de les évaluer régulièrement pour chaqueenseignant chercheur. Franchement, la recherche sans évaluation, celapose un problème. D'ailleurs toute activité sans évaluation pose unproblème. C'est le Conseil National de (sic) Universités, organe indépendant des universités, qui conduira cette évaluation. Ecoutez, c'est consternant mais ce sera la première fois qu'unetelle évaluation sera conduite dans nos universités, la première. En2009. Franchement, on est un grand pays moderne, c'est la premièrefois. Inutile de dire que je soutiens totalement l'action de ValériePECRESSE. Dans leur immense majorité les enseignants chercheursapportent leurs compétences avec un dévouement admirable à nosuniversités. Ils n'ont rien à redouter de cette réforme. Elle est faitepour les encourager, pas pour les décourager. Moi, je vois dansl'évaluation, la récompense de la performance. S'il n'y a pasd'évaluation, il n'y a pas de performance. » Deux dossiers complémentaires sont évoqués ici (avec un summum demauvaise foi) : le statut des enseignants-chercheurs (et le principe demodulation des services) et les pratiques d'évaluation. Il est outrancièrement faux de dire que le monde de la recherche et des universités évolue hors de toute pratique d'évaluation :

1/ ici NS fait référence au nouvel organisme qui a été créé en2006, l'AERES (Agence d'Évaluation de la Recherche et de l'EnseignementSupérieur). Or il ne s'agit aucunement d'une création ex nihilo d'uneinstance d'évaluation, mais du remplacement (évolution) d'un organismeayant les mêmes fonctions et qui avait été créé en 1984, le ComitéNational d'Évaluation. À titre d'illustration, on peut comparerl'énonciation des missions de chacun de ces deux organismes : Présentation des missions du CNÉ d'après la Loi n°84-52 du 26 janvier 1984 Le Comité national d'évaluation est une autorité administrative indépendante. Il a pour mission d'évaluer l'ensemble des établissements publicsà caractère scientifique, culturel et professionnel : universités,écoles et grands établissements relevant de la tutelle du ministrechargé de l'enseignement supérieur. […] Le Comité national d'évaluationexamine et évalue les activités exercées par l'ensemble desétablissements, et par chacun d'entre eux, dans les domainescorrespondant aux missions du service public de l'enseignementsupérieur : la formation initiale et continue ; la recherche scientifique et technologiqueainsi que la valorisation de ses résultats ; la diffusion de la cultureet l'information scientifique et technique ; la coopérationinternationale. Dans l'exercice de cette mission, l'analyse du Comité nationald'évaluation porte sur l'ensemble des actions et des moyens mis enoeuvre par les établissements dans le cadre de leur politiquescientifique et pédagogique. Les analyses du Comité nationald'évaluation sont consignées dans des rapports publics élaborés parétablissement et par thème. Les rapports par établissement sontadressés au ministre chargé de la tutelle de ces établissements. Ilssont, en outre, adressés aux responsables de ces derniers. Les rapportspar thème sont adressés au ministre chargé de l'enseignement supérieuret aux autres ministres concernés. Les activités du Comité font l'objetd'un rapport adressé annuellement au Président de la République. Enoutre, le Comité national d'évaluation dresse tous les quatre ans unbilan de synthèse sur l'état de l'enseignement supérieur. Ce bilan estadressé au Président de la République. L'AERES dans le JO du 19 avr il 2006, Loi 2006-450 du 18 avr il 200623 «Art. L.114-3-1. - L'Agence d'évaluation de la recherche et del'enseignement supérieur est une autorité administrative indépendante. L'agence est chargée : 1. D'évaluer les établissements et organismes de recherche, lesétablissements d'enseignement supérieur et de recherche, lesétablissements et les fondations de coopération scientifique ainsi quel'Agence nationale de la recherche, en tenant compte de l'ensemble de leurs missions et de leurs activités ; 2. D'évaluer les activités de recherche conduites par les unitésde recherche des établissements et organismes mentionnés au 1 ; elleconduit ces évaluations soit directement, soit en s'appuyant sur lesétablissements et organismes selon des procédures qu'elle a validées ; 3. D'évaluer les formations et les diplômes des établissements d'enseignement supérieur ; 4. De valider les procédures d'évaluation des personnels desétablissements et organismes mentionnés au 1o et de donner son avis surles conditions dans lesquelles elles sont mises en oeuvre. Elle peut également participer, dans le cadre de programmes decoopération européens ou internationaux ou à la demande des autoritéscompétentes, à l'évaluation d'organismes étrangers ou internationaux derecherche et d'enseignement supérieur. Des documents élaborés par lesstructures privées sur l'utilisation des aides publiques à la recherchelui sont communiqués ( http://www.aeres-evaluation.fr/docs/1-loi2006-1334_03112006.pdf ). Au final, le Cné ( http://www.cne-evaluation.fr/) a produit jusqu'en novembre 2006, 240 rapports publics et disponiblessur l'ensemble des organismes de l'ES&R24. Il est donc faux de direqu'aucune évaluation des universités n'avait été conduite jusqu'ici.

2/ Comme tout organisme sous tutelle du Ministère de l'ES&R,chaque université, laboratoire, école doctorale, UMR (Unité mixte derecherche CNRS-Université) doit fournir tous les 4 ans un rapportd'activités (rapport quadriennal) comprenant l'explication de sastructure administrative, un état financier, un état des projets menésà bien, la bibliographie de ses membres, etc., tout type d'activité dulaboratoire destiné à être évaluée. Ce rapport, assorti d'un secondvolet constituant les projets envisagés sur l'exercice suivant de 4ans, constitue la base de l'évaluation opérée par le ministère quidébouche sur l'acceptation d'un « contrat quadriennal » négocié avecl'organisme de recherche et d'enseignement conditionnant lesfinancements, les postes créés, etc.


3/ Au niveau individuel : passons rapidement sur les multiplesconcours (agrégation, CNRS, etc.) que la plupart desenseignants-chercheurs ont passé pour prétendre à exercer cetteactivité, sur les soutenances devant jurys d'experts qui examinent laqualité du travail fourni (thèse de doctorat, Habilitation à Dirigerdes Recherches) et conditionnent la progression de l'enseignant.

Antoine Destemberg