Questions de société

"Le cynisme est un métier. Et le grand n'importe quoi un projet politique" (Affordance.info - septembre 2016).

Publié le par Bérenger Boulay

"Le cynisme est un métier. Et le grand n'importe quoi un projet politique"

Affordance.info - Le blog d'un maître de conférences en sciences de l'information.

Septembre 2016

 

"Je n'en ai pas cru mes yeux. Je n'ai pas trop suivi les polémiques concernant les jeux olympiques à Rio mais j'ai, peut-être comme vous, entendu parler du déficit qui allait être en partie comblé en allant taper dans la caisse des jeux paralympiques. Coubertin doit avoir le fondement légèrement douloureux mais depuis le temps, il a l'habitude. "L'important c'est de participer, et d'avoir un bon stock de vaseline" comme il se plaisait à dire.

Et là j'apprends que l'état va débloquer 30 millions d'euros dans le cadre de la sécurité, les attentats, tout ça, 30 millions qui seront versés au crédit du budget des universités afin de payer des vigiles. Déjà c'est la fête. 30 millions d'euros pour payer des vigiles qui, tout le monde le sait, ne serviront de toute façon à rien en cas d'attentat, alors même que la plupart des universités en sont depuis des années à mendier des postes d'enseignants et de personnels administratifs et techniques. Mais bon, en cas de coup dur on pourra toujours compter sur les vigiles pour venir assurer des TP d'informatique ou venir faire des emplois du temps.

Et puis j'ai découvert que ces 30 millions d'euros allaient être prélevés sur le budget du FIHFP. Le FIHFP c'est le "Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique". Oui oui. Voilà. Donc pour payer des vigiles à la fac on va taper dans la caisse qui devrait servir à financer l'insertion des handicapés à la fac.

Mais il y a mieux. Si si. Je vous jure."

La suite.

...

<Mise à jour du 6 septembre au soir> Interview dans le journal de 22h de France Culture. Réécoutable ici à partir de 3'40. Et parution Mercredi 7 Septembre dans la version papier de Libération.

<Mise à jour du 6 septembre> Le site Reflets.info reprend également cette tribune et interroge (en vain) le ministère. Le site Handicap.fr s'en fait également l'écho et rappelle que le fait de ponctionner le FIPHFP pour tout autre chose que ce à quoi il est supposé servir est hélas une vieille habitude, démarrée sous l'ère Sarkozy : 

"déjà 29 millions prélevés en 2014 et autant sur celles de son homologue du privé, l'Agefiph (article en lien ci-dessous), afin de financer les contrats aidés qui ne sont pourtant pas seulement destinés aux travailleurs handicapés. Une pratique déjà en cours sous l'ère Sarkozy puisque, en 2008, son gouvernement avait lui aussi opéré une saisie de 50 millions d'euros sur les réserves de l'Agefiph." (Handicap.fr)

Voir aussi cet article de Marianne. Enfin je vous fais grâce des nombreux témoignages de soutien pour me concentrer sur les quelques critiques (constructives) reçues.

Première d'entre elles : la question du handicap à l'université et dans la fonction publique est compliquée. Les universités font ce qu'elles peuvent, et de gros efforts sont en place notamment à destination des étudiants handicapés. Oui, oui, oui. Je n'ai jamais dit ni écrit que les universités ne faisaient pas leur part. Ni critiqué le travail d'insertion mis en place dans la plupart des établissements, travail notoirement insuffisant, mais la faute n'en incombe pas, loin s'en faut, qu'aux universités. J'ai "juste" réagi à un tour de passe passe budgétaire qui me semblait et me semble toujours profondément malhonnête ou hypocrite, ainsi qu'au "soulagement" du président de la CPU qui me semble toujours parfaitement inapproprié (doux euphémisme).

Deuxième d'entre elles : la situation compliquée en termes de sécurité exige qu'on trouve des financements pour sécuriser les campus, donc faut bien les prendre quelque part. Oui. Mais pas là. Pas dans ce fonds du FIPHFP. Le problème est d'abord celui du désengagement de l'état dans le financement des universités depuis la funeste loi LRU de 2008. Depuis cette loi, on ne compte plus à chaque rentrée les "mises sous tutelle" de différentes universités et les économies de bout de chandelle réalisées dans l'urgence absolue et sans aucune vision stratégique globale. Je suis souvent revenu sur le sujet dans des billets par ailleurs assez énervés publiés sur ce blog et que vous pourrez retrouver sans trop de peine. Que l'état paie déjà aux universités les sommes qu'il leur DOIT et une large partie du problème sera réglée. Donc à la question : "On fait comment pour trouver les financements pour sécuriser les campus ?" je réponds, ben déjà on commence par rendre les 40 millions d'euros au FIPHFP et ensuite l'état verse ce qu'il doit aux universités depuis déjà plus de 8 ans. Des sous, il y en a. Plein. Notamment du côté de l'absolue escroquerie que constitue le CIR (Crédit Impôt Recherche) depuis quelques années</Mise à jour>

<Mise à jour du 5 septembre> Cette tribune, légèrement réécrite, a été reprise sur le site de Libération. Libération qui publie aussi la réponse du Ministère, qui s'étonne de cette polémique (en mode "oh mais ça ne porte pas atteinte à l'insertion des personnes handicapées, y'a encore 400 millions d'euros dans les caisses du FIHPFP" ... donc on peut bien en piquer 10% ??) et multiplie les éléments de langage et la langue de poutre en chêne. Je vous en laisse juge. Toujours le silence radio du côté de la CPU ... Le SGEN-CFDT de son côté, publie un communiqué de presse. </Mise à jour>