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Le couple dans le théâtre du XXème siècle

Le couple dans le théâtre du XXème siècle

Publié le par Camille Esmein (Source : Florence Vinas-Thérond)

« Je t'aime, je te hais : le couple dans le théâtre du XXème siècle »

colloque international

organisé par Florence Vinas-Thérond (MCF de littérature comparée) et les membres de l'axe "Esthétique, Littérature comparée, Histoire des Idées" du Centre d'Etude du Vingtième Siècle

Les 2 et 3 Février 2006


A l'heure du PACS, où semble se développer encore le mythe de la vie à deux, la figure du couple se trouve au principe d'un certain nombre de pièces de théâtre.
Nous proposons d'analyser les rapports qu'ont pu entretenir le théâtre et la scène conjugale. Depuis la fin du XIXème siècle en effet, le théâtre s'est mis à illustrer de façon récurrente (et particulièrement aux périodes où se constituaient de nouvelles formes théâtrales) le thème de l'incommunicabilité au sein du couple, du couple en crise. L'étude de ces couples de théâtre devrait nous permettre de dégager les principales problématiques du théâtre moderne et contemporain.

Dans la scène conjugale, le langage est le lieu d'exercice d'un combat. Le rapport entretenu par chacun des partenaires est révélateur de la complexité et de l'ambivalence du désir amoureux tel qu'il s'exprime dans la relation conjugale : affirmation de l'individualité, mais aussi tentative de fusion avec l'autre. Par conséquent la scène conjugale est un cercle vicieux, une chose « agitée et inutile » a écrit Roland Barthes (Fragments d'un discours amoureux), une source de paroles qui jamais ne se tarira. C'est un jeu cruel dans lequel la parole est une arme qui sert à « châtrer » l'adversaire. C'est cette lutte dans laquelle la parole est à la fois une arme de défense et une arme d'attaque, que le théâtre n'a cessé de mettre en scène.
Si le théâtre est sans doute le genre le plus adapté pour représenter la querelle (qu'elle soit conjugale ou non), inversement la querelle conjugale est déjà théâtrale : « lorsque deux sujets se disputent selon un échange réglé de répliques, ces deux sujets sont déjà mariés » écrit Barthes.

Une première matinée pourrait être consacrée à un bilan de la question dans le théâtre de la fin du XIXème siècle : on relèvera par exemple en France, le traitement farcesque du thème (Courteline, La Peur des coups, 1894), son utilisation dans le vaudeville (Feydeau, dès le début du siècle, rompt toutefois avec le grand vaudeville à quiproquos qui fit sa gloire dans les années 90, et ose, pour la première fois, donner à voir l'enfer du couple et son sordide quotidien : Feu la mère de Madame, 1908 ; On purge bébé, 1910), le théâtre d'amour (Georges de Porto-Riche, Henry Bataille ou Henry Bernstein, Le Secret, 1913), le théâtre d'idées (Paul Hervieu, Les Tenailles, 1895).A l'étranger, tandis qu'un Ibsen (Maison de poupée) rêve encore, en 1879, d'une émancipation possible de la femme, et de l'être humain en général, et d'une sortie possible de l'enfer du couple (comme Villiers de l'Isle Adam en 1870 avec La Révolte), August Strindberg en 1887 (Père) et 1900 (La Danse de mort) ne voit aucune issue à la guerre des sexes. Dans l'univers de Strindberg, on ne part pas, on n'échappe ni à l'enfer conjugal, ni à l'enfer de la condition humaine. Mais la voie est ouverte à une nouvelle topique théâtrale : le quotidien conjugal, avec ses exaspérations, ses dégoûts, ses mesquineries ; une dramatisation du mariage, avec ses démons, la jalousie, l'hypocrisie, l'égoïsme, l'aveuglement, l'usure et la maladresse.
Nous examinerons donc les différents aspects de cette topique dans les oeuvres du vingtième siècle en privilégiant les études croisées et la méthode comparatiste qui devraient permettre de dégager un certain nombre de spécificités culturelles en matière de représentation du couple ou au contraire des constantes et des invariants. On relèvera aussi dans le théâtre contemporain les traces d'une mise en question du couple traditionnel et d'une redéfinition de la notion de conjugalité (pièces traitant du couple homosexuel par exemple, du couple mixte) en liaison avec une représentation, souvent crue et violente, des maux qui affectent la société actuelle. On se demandera aussi que deviennent, dans le théâtre contemporain, des topoï comme la scène de ménage, la scène de jalousie, le trio mari-femme-amant.
On s'attachera surtout à dégager quelles sont, au vingtième siècle, les formes théâtrales induites par ce thème ou l'accompagnant.
On accordera une importance particulière à l'étude tout d'abord de la relation duelle en tant que telle puis de ses rapports avec le tiers, que cet individu joue le rôle de régulateur du conflit, d'arbitre, de confident ou bien apparaisse comme une victime du couple, un bouc émissaire ou un faire-valoir. On notera aussi la récurrence au vingtième siècle des pièces s'organisant autour d'un quatuor, de l'affrontement de deux couples (Edward Albee, Qui a peur de Virginia Woolf ?, Ingmar Bergman, Scènes de la vie conjugale, Lars Noren, Démons), les partenaires faisant preuve d'astuce, de rapidité, de résistance nerveuse dans une joute langagière plus complexe encore, riche en alliances et stratégies. On réfléchira aussi à la position du spectateur convié à s'immiscer dans l'intimité de ces couples, voyeur de leur déchéance, et peut-être contaminé, au terme d'une sorte d'expérience émotive et perverse, par leurs jeux autodestructeurs.

Comme Jean-Pierre Sarrazac l'avait constaté et analysé dans Théâtres intimes à propos du drame moderne et de ses initiateurs, le théâtre de l'enfer conjugal, met en tension le moi et le monde.
Le combat intersubjectif révèle un déchirement intérieur : le théâtre du couple est un théâtre du Moi, souvent imprégné de psychanalyse (O'Neill, Enchaînés), où grande est la place du rêve, du fantasme, et où interfèrent le réel et l'imaginaire.
Mais il est aussi un théâtre qui réfléchit sur le lien (d'opposition, d'analogie) entre le couple et la communauté, qu'elle soit familiale, politique ou sociale. Le théâtre du couple, théâtre intime voire intimiste, est souvent aussi un théâtre éminemment politique et militant. La cellule conjugale problématique et violente des pièces d'Edward Albee par exemple (Qui a peur de Virginia Woolf ?)est à l'image des turpitudes de la société américaine. Ce sont les mêmes rapports paradoxaux qui sont au fondement du lien social (l'homme déteste son prochain , mais il ne peut se passer de lui) et du lien conjugal. L'échec conjugal renvoie la plupart du temps à l'échec familial (la stérilité est un thème obsessionnel), et social (les personnages sont souvent des laissés pour compte, des ratés), voire même à l'absurdité de la vie toute entière et de notre condition qui est de souffrir et de faire souffrir. Au chaos intime répond l'incohérence du monde.

Le colloque accordera un intérêt tout particulier aux communications consacrées au théâtre contemporain, aux jeunes auteurs français ou étrangers : on citera par exemple le Catalan Sergi Belbel (Lit Nuptial), le Norvégien Jon Fosse (Quelqu'un va venir), le Suédois Lars Noren (Démons), le Français David Lescot (Mariage). Nous travaillerons en collaboration avec le Département d'Art du spectacle de notre université et proposerons aux étudiants de jouer ou de lire des extraits des pièces contemporaines dont il sera question durant le colloque.

Date limite de réception des propositions de communication : 10 juin 2005

Comité de lecture: Lambert Barthélémy, Hélène Boisson, Michel Collomb, Gérard Lieber, Philippe Marty, Annie Pibarot, Gérard Siary, Florence Thérond.

Contact : Florence Vinas-Thérond
Maître de conférences de littérature comparée
THEROND.FLORENCE@wanadoo.fr
Université Paul-Valéry, route de Mende, 34199 Montpellier cedex 5.



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