Agenda
Événements & colloques
Laurent Alibert : Les modalités du merveilleux dans le roman de Jaufré (anonyme occitan fin XIIe / début XIIIe siècle) et les Narty Kaddžytæ (légendes nartes des Ossètes)

Laurent Alibert : Les modalités du merveilleux dans le roman de Jaufré (anonyme occitan fin XIIe / début XIIIe siècle) et les Narty Kaddžytæ (légendes nartes des Ossètes)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Vincent Ferré)

Laurent Alibert soutiendra une thèse de doctorat sur Les modalités du merveilleux dans le roman de Jaufré (anonyme occitan fin XIIe / début XIIIe siècle) et les Narty Kaddžytæ (légendes nartes des Ossètes)

le 10 décembre 2011, salle 020 du bâtiment C à l'Université Paul Valéry Montpellier 3.

devant un jury constitué de

Jean-Louis BACKÈS, Professeur émérite de littérature générale et comparée (Université Paris 4)

Gérard GOUIRAN, Professeur émérite d’occitan et de linguistique romane (Université Montpellier 3)

Florence GOYET, Professeure de littérature générale et comparée (Université de Grenoble 3)

Joël GRISWARD, Professeur honoraire de littérature médiévale (Université de Tours)

Philippe MARTEL, Professeur d’occitan (Université Montpellier 3)

Juan Miguel VALERO MORENO, Professeur de littérature médiévale (Universidad de Salamanca)

 

Ce travail de recherche consiste à comparer les formes du merveilleux dans deux oeuvres, génériquement, culturellement et linguistiquement tout à fait distinctes et qui pourtant ne sont pas sans liens. Jaufré est un roman arthurien écrit en occitan probablement au début du XIIIème siècle, tandis que les Narty Kaddžytæ sont le trésor du peuple ossète, légendes recueillies aux XIXème et XXème siècles auprès des conteurs (kadæggændžytæ) et publiées notamment par des savants tels que Vs. Miller et V.I. Abaev.

            G. Dumézil a montré combien les différents cycles des Nartes, bien que rapportés par la tradition orale, s’enracinaient très profondément dans le passé au-delà du peuple ossète lui-même. Des légendes de ce petit peuple, dernier locuteur d’une langue nord-est iranienne (la branche scythique), on retrouve maintes accointances avec les coutumes et croyances des Scythes, tels que ceux-ci sont décrits par Hérodote.

            La comparaison du cycle arthurien et des légendes nartes n’est pas un sujet nouveau. Joël Grisward publia dans la revue Romania en 1969 un long article qui ouvrit de nouvelles perspectives aux études arthuriennes : « Le motif de l’épée jetée au lac : La mort d’Artur et la Mort de Batraz ».

            Un autre texte majeur est celui de Scott Littleton et Linda Malcor, From Scythia to Camelot, dont le sous-titre explicite la portée polémique : « A Radical Reassessment of the Legends of the King Arthur, the Knight of the Round Table, and The Holy Grail ». Les travaux sur les origines du cycle arthurien sont fort nombreux, mais ceux de Scott Littleton - qu’on y adhère ou non -, prennent à contre-courant la tendance majoritaire, et délivrent une analyse presque exhaustive du cycle à la lumière d’une origine scythique et plus précisément sarmato-alaine. C’est un point de vue à bien des égards excessif. Mais certaines de leurs hypothèses méritent l’analyse.

            Ce travail ne concerne certes pas l’ensemble du cycle arthurien mais simplement le roman de Jaufré, que n’évoquent ni l’article de J. Grisward, ni From Scythia to Camelot. Il constitue pourtant un terrain propice à l’étude comparative notamment par la présence de deux épisodes particulièrement archaïques concernant le roi Arthur qui, à l’ouverture et à la conclusion de l’oeuvre, forment un diptyque entourant les aventures du chevalier Jaufré, lesquelles ne manquent pas, elles non plus, d’éléments archaïques.

            Une des difficultés majeures pour l’analyse du roman de Jaufré tient à ce que son écriture mêle ces éléments archaïques à une réécriture critique. Des jeux d’intertextualité ironiques mettent particulièrement en lumière la conscience artistique de l’auteur.

            On part d’une constatation simple : seul un accès linguistique direct aux textes permet une étude minutieuse et détaillée des légendes nartes. Si J. Grisward est un médiéviste de renom, et Scott Littleton un comparatiste reconnu, ni l’un ni l’autre n’ont un accès direct aux textes ossètes et leur travail se fait à partir des traductions publiées jusqu’alors.

            Pour ce qui nous concerne, l’apprentissage de la langue ossète à l’INALCO a précédé notre inscription en thèse. Plusieurs séjours d’immersion linguistique en Ossétie (Nord et Sud)  pendant les trois années du doctorat ont permis de se consacrer à l’étude des textes publiés dans la langue originale. La langue occitane nous était encore davantage accessible : après l’avoir apprise dans le cadre familial, nous avons poursuivi l’étude de l’occitan ancien et moderne à l’Université Paul Valéry Montpellier 3 (Master d’études romanes - spécialité Occitan; mémoire en partie centré sur le roman de Jaufré en 2006 ; direction Gérard Gouiran).

            L’objectif de cette recherche est triple car l’étude comparative des textes est effectuée sous divers angles : même si le fonds mythique indo-européen commun et la question des emprunts par les Celtes à la tradition scythique ou sarmato-alaine sont au coeur de ce travail, deux autres domaines méritant tout autant l’attention sont également dans le champ d’étude - la comparaison générique (avec les problèmes que posent les relations entre littératures orale et écrite, roman et conte légendaire…) et la comparaison culturelle (d’un côté des légendes ancrées dans le double héritage des Ossètes - héritage scytho-sarmato-alain et héritage caucasien - et d’un autre côté un texte puisant dans la matière celtique et réécrivant dans le cadre de la société occitane de fin’amor).

Laurent Alibert