Questions de société

"La région Rhône-Alpes fait dialoguer les universitaires après quatre mois de conflits" (Educpros, 10/07/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

Larégion Rhône-Alpes fait dialoguer les universitaires après quatre moisde conflits - Emmanuel Vaillant, Educpros, 10 juillet 2009

http://www.educpros.fr/detail-article/h/56fe34d957/a/la-region-rhone-alpes-fait-dialoguer-les-universitaires-apres-quatre-mois-de-conflits.html

Après plus de quatre mois de mobilisation, le milieu universitaireest-il réconcilié ?  Le colloque, organisé le 6 juillet 2009, àl'initiative de la région Rhône Alpes sur le campus de la Doua àVilleurbanne, a été l'occasion de réunir présidents d'universités,enseignants chercheurs, étudiants, représentants syndicaux etassociatifs notamment « Sauvons l'université » et « Sauvons larecherche » –. Ces rencontres, intitulées « Enjeux sociétaux : missionsde l'université et autonomie universitaire », ont permis, sinon derenouer le dialogue, tout du moins de confronter les arguments à laveille de la trêve estivale. Morceaux choisis.

« Oui à l'hérésie à l'université… mais qui finance ? »
«Depuis 20 ans, l'université a connu des évolutions spectaculaires quiont anticipé un certain nombre de lois, dont la loi LRU, a rappelé enintroduction Michel Lussault, président du PRES de Lyon.Contractualisation, internationalisation et régionalisation sontaujourd'hui les trois principaux enjeux à relever. Or, les réponses duministère ne sont pas à la hauteur de ces enjeux. » Le débat était poséqui, dans un premier temps, a tourné sur les attentes de la société visà vis de l'enseignement supérieur et les réponses de l'université. «L'université doit être le lieu où se produisent des connaissances, del'impertinence, voire de l'hérésie par rapport à la pensée dominante, »a souligné Roger Fougères, vice-président du Conseil régional de larégion Rhône Alpes et délégué à l'enseignement supérieur et à larecherche. Et un intervenant dans le public de rebondir : « Oui àl'hérésie. Mais qui finance l'hérésie ? »

« L'université doit conjuguer les contraires »
«Développer des formations d'excellence » et « gérer la masse », «garantir la liberté des chercheurs » et « travailler en partenariatavec les entreprises », « jouer la carte de la proximité » et « assurerune présence internationale »… tour à tour, les différents intervenantsse sont livrés à une litanie des missions attendues de l'université. Adonner le tournis. En tous les cas, comme l'a résumé Olivier Christin,président de Lyon 2 : « Parce qu'elle a fait le choix de gérer toutesces questions, l'université doit conjuguer des contraires. » Parailleurs, en soulignant que les attentes des familles et des étudiantsconcernent d'abord l'insertion et la professionnalisation, Lise Dumasy,présidente de Grenoble 1 a rappelé que « le chômage ne vient pas del'inéquation des formations universitaires aux besoins de l'entreprisemais d'un état actuel du marché de l'emploi qui est en en crise. » Côtéétudiants, Baki Youssoufou, président de la Confédération étudiante, aprécisé que « si l'université est le seul lieu qui permet un ascenseursocial, c'est souvent un choix par défaut ». « Les étudiants ont besoind'informations sur l'insertion des diplômes et de soutiens, a-t-ilrappelé. Or, on ne nous donne pas les moyens d'assumer nos choix ». Unconstat partagé par Jean-Baptiste Prévost, président de l'UNEF : « Onnous parle de droit à la réussite et de choix d'orientation. Encorefaut-il en donner les moyens aux étudiants. Aussi, l'erreur de la loiLRU est de poser la question du fonctionnement du système avant cellede ses finalités »

« L'autonomie a besoin d'adhésion »
Enfinet surtout l'autonomie a été évidemment au coeur des discussions. « Jeserais surprise le jour où le mot autonomie ne fera plus peur », alancé Claire Bazy Malaurie, président du comité d'évaluation de la loiLRU. Encore fallait-il s'entendre sur ce terme à géométrie variable. «Je suis favorable à une autonomie scientifique et pédagogique, uneautonomie fondée sur la collégialité », lui a répondu IsabelleThis-Saint-Jean, présidente de « Sauvons la recherche ». « L'autonomien'est pas octroyée. Elle a besoin d'une adhésion », a poursuiviJean-Louis Fournel, président de « Sauvons l'université ». C'est là queles critiques sur l'application de la loi LRU ont fusé. Pour StéphaneTassel, secrétaire général du SNESUP, « la loi LRU est une loi desoumission financière ». De son côté, Khaled Bouabdallah, président del'université Jean Monnet à Saint-Etienne qui expérimente la loi depuisle 1er janvier 2009, a parlé de son expérience vécue : « Il y a unparadoxe à constater que l'autonomie qui suppose une liberté de choixpédagogique et financière s'accompagne dans les faits d'une tutellerenforcée, des contrôles rigoureux et un scepticisme de l'autoritécentrale sur notre capacité à être autonome. » Et le président del'université de Saint Etienne de lister les blocages vécus depuis sixmois : une « surveillance a priori de l'utilisation de nos fonds, mêmepour nos ressources propres », des « recrutements soumis à autorisation», des « modalités d'élections des collèges d'enseignants chercheurspas adaptés », un « manque d'accompagnement pour exercer noscompétences élargies » et encore « un passage qui se fait avec desmoyens humains à la baisse ».

Un climat « de défiances »
Convenantque la LRU posait des « problèmes d'application », Olivier Faron,directeur de l'ENS LSH à Lyon, a estimé que cette loi était un atoutpour les universités qui s'en emparent. « Par exemple, a-t-il souligné,c'est un plus indéniable que la politique de l'emploi soit désormaislocalisée ». De même, pour Lionel Collet, président de la CPU, « ladifférenciation des universités est une force à condition qu'il y aitcomplémentarité. » De quoi se mettre d'accord avec Jean-Louis Fournel,président de « Sauvons l'université » qui jugeait que « la concurrenceentre établissements est destructrice de coopérations. ». Mais pas dequoi rassurer Claire Bazy Malaurie, qui en conclusion de ces échangesestimait que « si les universités ont été remises depuis quelques tempsau centre du débat, on reste dans un monde de défiances qui renddifficile le dialogue ». Enfin, le président de la région Rhône-Alpes,Jean-Jack Queyranne, a clos ces rencontres en rappelant son adhésion auprincipe d'autonomie tout en précisant que « sans moyens cetteautonomie est une imposture ».

Emmanuel Vaillant

10.07.09