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La réécriture de l’Histoire dans les romans de la postmodernité

La réécriture de l’Histoire dans les romans de la postmodernité

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Université Aix-Marseille)

Colloque – Université Aix-Marseille

14-15-16 novembre 2013

 

 

La réécriture de l’Histoire dans les romans de la postmodernité

 

 

Ce colloque traitera des oeuvres littéraires de l’époque dite postmoderne qui ont réécrit des événements de l’Histoire. Le sujet s’insère dans un projet plus ample qui est né en 2010 à l’initiative du GERCI de Grenoble 3.

Cette rencontre est en effet le volet conclusif d’une série de quatre colloques internationaux ayant pour sujet le postmodernisme et la postmodernité et comme objectif principal l’étude des pays de langue romane. Les trois premiers se sont déroulés à l’Université de Grenoble en 2010, à l’Université de Bordeaux en 2011 et à l’Université de Coimbra en 2012.

Ces colloques sont le fruit de la collaboration entre le groupe de recherche GIRLUFI (Ana Maria Binet), appartenant à l’EA AMERIBER, et le Centre d’Etudes sur l’Italie de l’Université de Grenoble (GERCI Martine Bovo-Romoeuf). Le Centre de Littérature Portugaise de l’Université de Coimbra (Ana Paula Arnaut) a également participé au projet de recherche de 2011. Lors de ces rencontres, les débats se sont centrés essentiellement sur la réception du modèle postmoderniste ; sur l’évaluation de la manière dont la notion d’engagement est accueillie et pratiquée par les écrivains postmodernistes ; et enfin sur l’idée de colonialisme et postcolonialisme.

En 2013, le dernier épisode de ces rencontres sera organisé par le centre de recherche CAER de l’Université Aix-Marseille et analysera la notion de réécriture de l’Histoire dans la littérature de l’époque dite postmoderne.

 

Le débat autour du roman historique

 

En Italie, le roman historique est devenu un pilier de la littérature après la publication de I promessi sposi d’Alessandro Manzoni : nous assistons alors à la diffusion d’autres exemplaires plus ou moins populaires.

Ce sous-genre a connu une grande fortune, mais il a été l’objet de fortes controverses, pour plusieurs raisons. La notion même de roman historique semble d’ailleurs une aporie. En effet l’Histoire prétend tenir un discours vrai sur le passé, alors que le roman crée un univers fictif. La définition même de roman historique est donc ambiguë et le genre est difficile à définir puisque deux disciplines n’ayant pas la même intention s’y trouvent juxtaposées.

Pour cerner l’identité du genre, la critique littéraire a souvent cherché à l’analyser et, en Italie, déjà à partir du début du XIXe siècle, des critiques se sont exprimés sur ce sujet. Dans la première moitié du siècle, Piero Borsieri en a défendu la moralité, Achille Mauri a essayé de lui donner des règles, alors que Paride Zaiotti a condamné l’association « monstrueuse » d’Histoire et de fiction. Ne se contentant pas d’être écrivain, Manzoni a endossé à maintes reprises un rôle de théoricien. Dans le respect des faits historiques, l’un des principes les plus importants pour Manzoni est la séparation du réel et de la fiction. Selon lui, pour respecter la véridicité des faits, les personnages historiques doivent être placés en arrière plan, tandis que le développement de la diégèse est confié à des héros fictifs. Les histoires littéraires de l’époque traitent aussi de ce sujet : dans Storia della letteratura italiana (1870-1871), De Sanctis analyse par exemple le différend né entre les romantiques et les classicistes autour de la légitimité du genre.

 

Comme les exemples relatifs à l’Italie le démontrent, le débat sur le roman historique est déjà important au XIXe siècle et son intérêt ne diminue pas au XXe siècle, lorsqu’il prend un nouvel élan international après la publication de l’essai de Lukacs, Le roman historique (1937). Le genre continue d’exister, même si les expérimentations avant-gardistes l’ont parfois relégué dans une position marginale. Qu’en est-il du roman historique à l’époque postmoderne ? Des critiques contemporains se sont posé la question, comme Margherita Ganeri dans son ouvrage Il romanzo storico in Italia : il dibattito critico dalle origini al postmoderno (1999).

 

La récupération postmoderne du genre

 

On peut remarquer que parler de roman historique au temps de la postmodernité acquiert une valeur ajoutée car c’est à cette époque que la critique et la création littéraires recommencent à donner de l’importance aux genres littéraires, après la vague structuraliste qui les avait relégués au second plan.

Ainsi, le roman historique devient-il l’un des sous-genres les plus pratiqués par les narrateurs contemporains et il ne serait guère utile de dresser ici un catalogue des écrivains qui ont inscrit leurs fictions dans un cadre historique. Ce qui nous intéresse est de savoir quelles sont les règles adoptées par les auteurs de la postmodernité. En Italie, c’est Il nome della rosa d’Umberto Eco qui, en 1980, relance la fortune du genre, suivi par une grande quantité d’épigones. Le corpus est donc important et présente de nombreuses facettes et problématiques.

 

Roman, histoire et post-mémoire dans l’aire hispanique :

 

 

Dans le cadre d’une réflexion sur le renouveau des formes de réécriture de l’histoire en lien direct avec la postmodernité, l’aire hispanique offre un territoire particulièrement fertile. En effet, dans le déferlement de « romans de la mémoire » de la Guerre Civile et le succès sans précédent en Espagne des romans historiques entre la fin des années 1980 et les années 2000, on peut lire une mutation profonde de l’imaginaire romanesque contemporain, qui ambitionne désormais de toucher le réel de l’Histoire à travers la fiction. Ainsi, le motif de l’enquête en archive, de l’obsession documentaire, les régimes d’hybridation des docu-fictions, permettent aux romanciers espagnols d’explorer par des voies très diverses l’espace d’une « post-mémoire » qui est une mémoire seconde, de générations qui n’ont pas vécu directement un traumatisme historique, ou qui étaient trop jeunes pour en être les acteurs conscients, mais qui en éprouvent néanmoins les douleurs et surtout l’aliénation.

 

Nous questionnerons cet espace d’une littérature de la post-mémoire, qui est en Espagne profondément liée à la postmodernité, puisque la réécriture romanesque de l’Histoire s’y reconfigure comme une mémoire traversée de récits fragmentaires, de souvenirs tronqués ou refoulés. Par ailleurs, ces nouvelles formes de réécritures de l’Histoire nous conduiront à nous interroger sur l’émergence paradoxale dans le champ postmodernede la « fin de l’histoire », d’une scène fantasmatique où l’histoire ne finit jamais, puisqu’elle se reconduit et se perpétue au-delà même de la disparition des témoins directs et de ses acteurs principaux. Enfin, dans ces réécritures multiples de l’histoire tragique de l’Espagne au XXe siècle, le roman historique actuel ne donne-t-il à lire l’envers de l’histoire contemporaine, c’est-à-dire une critique documentée de tous les non-dits et de toutes les compromissions éthiques et politiques de la construction démocratique du post-franquisme ?

 

Roman, histoire et post-mémoire dans l’aire lusiste :

 

Au Portugal, on assiste depuis la fin des années 1960 au développement d’une tendance expérimentale influencée à la fois par la matérialité du texte et par le structuralisme et ayant gardé le goût des surréalistes pour la liberté métaphorique et imaginaire de la langue. Saramago s’impose dans les années 1980 avec des romans qui entraînent inlassablement le lecteur du réel au fantastique, du connu au surnaturel, en le confrontant à la réalité multiple et contradictoire dans une plénitude d’allégories proche du réalisme magique. Cet écrivain présente à travers son oeuvre des caractéristiques qui n’ont que rarement été interprétées à la lumière du postmodernisme, peut-être parce que le débat théorique et littéraire est encore un terrain vierge.

 

Problématiques liées au colloque

 

Déjà sur un plan philosophique, la fin de l’Histoire proclamée par le postmodernisme pose des questions : comment lire l’Histoire au moment où on prétend sortir de cette réalité et comment peut-on se situer dans un post absolu ?

Quels sont les paramètres avec lesquels on relit l’Histoire ? L’approche de la gnosis postmoderne annonce de plus la déstructuration du sujet et de l’objet de la connaissance, ce qui met en crise les paramètres de la perception du réel.

Le premier aspect que ce colloque propose d’observer concerne la référence à l’Histoire qui n’est plus une référence aux faits historiques, mais à l’écriture de l’Histoire : celle-ci devient transmission d’événements par le biais de l’écriture. Dans ce sens, l’Histoire est une fiction, une convention littéraire basée sur l’intertextualité et sur l’interposition des livres. En considérant cet aspect normatif, notre colloque accueillera des réflexions sur les différentes formes du récit historique.

Enfin, le roman historique postmoderne change-t-il vraiment par rapport à celui de la modernité ? Est-il seulement une version parodique du genre de la modernité ? Prend-il l’Histoire comme prétexte pour atteindre le public des masses ou bien offre-il des réflexions sur l’Histoire et des relectures des faits historiques ?

Notre colloque propose de faire un examen des pratiques d'écriture et de réécriture visant à corriger une vision officielle de l'Histoire et à compléter par la fiction une historicisation remise en question, mais qui par son effritement met en lumière des aspects jusqu'alors inattendus.

D’autre part, on essaiera de comprendre dans quelle mesure la réécriture de l'Histoire à l’époque postmoderne constitue un procédé qui entend non seulement briser la perception événementielle elle-même mais aussi exprimer un doute quant à l'impossibilité de restituer une vision du réel dans sa totalité.

Le cas italien ne sera pas notre seul centre d’intérêt : notre analyse tiendra compte aussi des expériences des autres langues romanes.

 

Les contributions du colloque seront en français (de préférence), mais aussi en italien, en espagnol, en portugais et en anglais.

 

Envoyer les propositions définitives de communication (abstract de 20 lignes max.) avant le 15 février 2013 à stefano.magni@univ-amu.fr

 

Stefano Magni

CAER – Université Aix-Marseille

 

Comité scientifique :

Membres du CAER : Stefano Magni, Pascal Gandoulphe, Gérard Gomez, Carmela Lettieri, Théa Picquet, Perle Abbrugiati, Claudio Milanesi, Dante Barrientos Tecùn, Agnès Delage.

Membres externes : Matteo Di Gesù (Palerme), Ugo Perolino (Pescara), Monica Jansen (Utrecht), Ana Paula Arnaut (Coimbra), Martine Bovo (Grenoble), Ana Binet (Bordeaux)